Michaël Foessel : Qu’est-ce qui nous a rendus méchants ?
L’attachement à une religion ou une identité nationale figée est une réaction négative a des bouleversements économiques, sociaux ou techniques. Cet attachement exprime un sentiment d’impuissance, plus que de résistance.
Nous n’avons pas à notre époque d’école de philosophie, mais nous développons l’individualisme ; nous manquons de confrontation des idées au profit de la confrontation des hommes, l’on ne prend pas le temps de construire des confrontations idéologiques.
Pas de liberté sans égalité ? L’inégalité conduirait à la concurrence, la promotion, la croissance on a tendance à remplacer l’égalité par l’équité puis l’efficacité concept abstrait. (équité qui à mon sens devrait remplacer la justice humaine et non l’égalité)
Qu’est-ce qui nous a rendus méchants ? L’éducation ? Le remède une éducation morale républicaine. La société ? Alors il faut transformer la société (JJ Rousseau). Le péché originel ? Alors il faut se convertir au Christianisme. Une déception amoureuse ? Alors il faut privilégier les passions joyeuses (Spinoza). La thérapie dépend de la réponse à la question.
Placer l’origine de la méchanceté dans la génétique de l’individu est dangereux elle fournit le prétexte d’inégalité. C’est dangereux puisque défini et définitif.
L’origine de la méchanceté se situe sans doute dans la liberté, liberté de choisir le bien ou le mal liberté de « Fuir le vice pratiquer la vertu ». C’est un raisonnement qui s’inspire de la philosophie de Platon ou d’Aristote, il inclus une sorte d’aristocratie, de choix du bien, par l’homme bon.
L’origine du mal est insondable, inexplicable elle relève de l’intime de l’homme de son caractère. L’état qui veut réduire les inégalités, ne peut pas rendre l’homme bon il y aurait confusion entre morale et politique ; c’est à l’homme de « fuir la vice et pratiquer la vertu » pour aller de l’un au multiple et du multiple à l’un.
Nous serions atteints par le mal parce que nous avons tendance à l’individualisme et la solitude serait source de méchanceté, du fait de la séparation avec les autres. (Dostoïevski).
Rousseau pense au contraire que la solitude est bénéfique, car l’homme ne se compare pas alors aux autres et son amour propre n’est pas exacerbé. Il serait seul face à lui même, à sa conscience.
En fait le méchant vit sous la pression de la comparaison sociale, il refuse sa bonté aux autres, mais il besoin des autres pour affirmer sa supériorité.
Le vrai Maître bon et sage n’a pas besoin de la soumission des autres pour être un véritable Maître. Le vrai Maître est bonté, abnégation, force de travail.
La fascination du mal atteint les êtres faibles et ignorants, nous travaillons en « en force , sagesse et beauté » ; le mal consiste à choisir son intérêt privé, plutôt que son devoir, la F M nous dit que le maçon doit faire son devoir. Mais quel est ce devoir ?
Etre plus juste, plus bon pour soi pour soigner et entretenir le bien en lui et aussi pour les autres. Une amélioration individuelle réservée au seul individu est une exacerbation de l’ego, il se retrouve dans la volonté de maçon d’accéder soit à des hiérarchies d’honneur propres a flatter son l’ego sa part de médiocrité c’est le meurtre d’Hiram, et même le désir d’accession à des hiérarchies spirituelles pour ceux qui n’ont pas en eux la ferme volonté d’y accéder non pour flatter un ego supérieur, une immodestie, forme de « pontification ». Le Maçon doit mettre ses acquis pour servir et aider les autres à accéder aux mêmes degrés c’est le devoir de transmission et la modestie de l’effacement qui doit l’animer.
Ne pas faire un abus de biens pour son seul profit, se rappelant toujours que sans les autres nous ne sommes rien. Le contraire serait se mentir à soi-même.
C’est là une des complexités de la Maçonnerie, recherche personnelle du bien et de l’amélioration de soi, construction d’un homme neuf, d’un caractère neuf ? Pour son profit et au profit de la Loge, c’est à dire des Frères qui la compose et de la Maçonnerie en Général c’est à dire de tous les maçons répartis sur la surface de la terre et de l’humanité entière. Cela suppose l’indispensable dissolution de l’ego, transformer l’ambition personnelle en ambition pour son ami, son Frère, son voisin, renoncer à la vengeance, pour pouvoir construire le temple de l’amour fraternel et universel, vaste utopie, savoir que nous n’y parviendront pas, donc êtres des éternels naïfs et contents de cette situation et espérer toujours l’avènement de la grande Lumière, de la véritable altérité, consacrant l’être supplantant l’avoir.
JFG
Michaël Foessel né le 24/10/1974 soit 41 ans à Thionville Français, agrégé de philosophie, spécialiste de Kant, élu professeur à Sciences Po remplace Alain Finkielkraut, après avoir enseigné la Philosophie à l’école Polytechnique, Il est conseiller à la revue Esprit ; dirige la Collection Ordre Philosophique aux Éditions du Seuil avec Jacques Monod, il travaille actuellement sur le sens et les risques de l’expérience démocratique.
J’avais évoqué déjà ce jeune Philosophe à propos du siècle des Lumières du numéro spécial du nouvel Obs. Je vous recommande un de ses petits ouvrages chez Plon :
« La Méchanceté Questions de Caractère. » qi se présente sous forme de dialogues ou questions réponses entre Adèle Van Reeth qui anime les chemins de la Connaissance sur France Culture et lui même.
Quelques extraits :
Sous forme de constat : « le mal a perdu de son évidence », « la méchanceté, c’est donc le mal devenu une habitude. »
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