MOURIR DANS LA DIGNITÉ
Depuis que nous sommes nés ou presque nous avons conscience que nous sommes mortels, c’est une certitude. Le doute subsiste simplement si j’ose dire sur le moment et les circonstances. Notre qualité d’homme nous fait formuler le souhait de mourir dignement, là surgit la limite de notre libre arbitre, en dehors de la volonté de mettre fin soi-même à nos jours sur terre. « L’homme est semblable à un souffle, ses jours sont comme l’ombre qui passe. » (1)
Avec les Lumières, l’homme libéré a été remis au centre. Il a appris à penser par lui-même, il a gagné son autonomie, celle de sa vie, s’il n’a pas résolu les mystères qui succèdent à la mort. Il ambitionne de vouloir décider les conditions de son passage de la vie à trépas.
L’homme en fait ne craint pas la mort, mais ces circonstances. Le philosophe apprend à vivre et apprend à mourir c’est la voie de la sagesse. L’initié en général, le Franc-maçon en particulier s’initie, s’exerce à la mort, l’homme juste et bon attend la mort avec calme.
Dans le journal Le Monde, Marion Dupont signe un article sous le titre ambitieux de Réussir sa mort. Faut-il pour la réussir la préparer, se préparer à mourir. C’est une illusion d’en préparer les circonstances qui par nature sont inconnues, on ne coche pas le calendrier.
L’article de Marion Dupont commence par une citation de Suétone dans la Vie des Douze Césars, il rapporte les propos d’Auguste : « Presque toujours quand on lui annonçait que telle personne était morte promptement et sans souffrance il demandait aux dieux pour lui et les siens une semblable euthanasie. »
En quelque sorte comme la plupart d’entre-nous il souhaitait ce que l’on appelle une belle et bonne mort sans souffrance. Ce type de mort sans douleur pour soi-même et difficile pour ses proches, qui ressentent une forme de manque, d’injustice, j’avais tant de choses encore à lui dire, tant de choses, non faites, la plus important d’entre elle, dire et redire que je l’aime.
Comment réussir sa mort, ou plutôt s’accoutumer à l’idée de la mort. Les Francs-maçons ont appris des philosophes de l’antiquité, que ce qui est dommageable ce n’est pas la mort elle-même qui est naturelle, dans l’ordre des choses, mais c’est l’idée de la mort. Épicure pensait que l’on ne devait pas craindre la mort, ce qui nous devons craindre c’est l’idée de la mort. Avec un raisonnement simple avant la mort elle n’existe pas, après nous ne sommes plus, donc nous ne pouvons la craindre. Ce que nous craignons en effet c’est bien la souffrance, liée à la mort, puisque nous pouvons la voir agir sur nos proches, sur les autres. C’est pour éviter une telle souffrance que notre société a mis en place les soins palliatifs, pour éviter le plus possible la souffrance physique.
Pour le moral, les hommes justes, ne craignent pas la mort comme Socrate, Sénèque, Cicéron, Hiram ou Jésus, ce sont leurs proches qui ont soufferts moralement de les voir mourir.
L’initiation maçonnique est une suite de cycles de morts symboliques et de régénérations, les morts ne sont que des passages, vers d’autres vies.
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Celui qui refuse la mort est-il dans une sorte de vanité, se prenant pour un dieu, persuadé qu’il est indispensable, qu’il a encore et encore à faire et à dire. Ce refus de la mort, est un refus de l’égalité, de la fraternité devant et dans la mort. Cette crainte sans doute de la pesée de l’âme avant le franchissement du fleuve. L’homme qui a renié ses serments, au seuil de la mort, cherche à expier ses fautes. Est-ce pour cela que l’on place sur sa langue une pièce destinée à Charon fils de l’obscurité et de la nuit ? La magnificence des obsèques donne t’elle plus valeur à la vie du défunt ? A-t-on imaginé le purgatoire pour adoucir la mort et laisser espérer la béatitude du ciel. L’art funéraire rachèterait-t-il les mauvais comportements de la vie ?
L’atrocité et les douleurs de l’agonie sont-elles nécessaires au rachat de l’âme ? Difficile à croire, même pour un chrétien dont le plus humble de tous est venu porter un message d’amour et non de haine aux hommes, ce don d’amour qui a été jusqu’au sacrifice de sa vie, dans la douleur.
L’agonie est-elle une nécessité ? Pour revenir à l’euthanasie Marion Dupont cite Anne Carol : « À partir du moment où le médecin n’a plus à laisser la place au prêtre pour gérer les angoisses de l’agonie et où il accepte de rester au chevet du patient, le face à face qui s’instaure est extrêmement inconfortable. (…) le mensonge est la voie la plus facile…la bonne mort devient de plus en plus liée à l’inconscience des sens. » Dès lors, le refus de l’agonie oblige de fait le recours à l’opium, et le refus de l’acharnement thérapeutique.
Le mystère, les mystères liés à la mort sont individuels, par contre les circonstances de la mort, les souffrances liées au passage sont collectives, la souffrance des corps est commune. Si des expériences de morts symboliques peuvent nous faire prendre conscience de la possibilité d’autre chose, plus que rien ou pas chacun étant libre de croire ou de ne pas croire.
Il n’y a pas d’obligation à l’agonie à mon sens, si ce n’est pour comprendre les limites de la matérialité de notre corps, il nous faut autant que possible conserver l’union, l’harmonie du corps et de l’esprit. Pas sûr que le nécessaire ascétisme de l’esprit, doive inclure le port du cilice.
Personnellement je pense qu’il faut avoir au minimum exprimé ses souhaits face à l’agonie, dans la forme de son choix, en parler avec ses proches, ou écrire ses volontés, c’est déjà alléger la souffrance de ses proches et aider les thérapeutes. Comme le rappelle Marion Dupont le mot agonie provient du grec ancien qui signifie âgon c’est-à-dire assemblée réunie pour les jeux, par extension le mot signifiera lutte, combat, tant physique que moral.
Je retiens le mot agonie dans sa signification originelle d’assemblée, qui démontre que sans les autres nous ne pouvons rien, que nous avons la responsabilité aussi des autres, de faire en sorte que suivant leur volonté, jusqu’à leur dernier souffle la joie puisse être dans leur cœur et dans nos cœurs.
Jean-François Guerry.
À LIRE : Marion Dupont « Réussir sa mort » Le Monde Rubrique Idées Page 26-27 du Samedi 29 octobre 2022.
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