Les dictionnaires ne donnent pas moins de trente-sept entrées différentes pour cette source dont on peut donc dire, si vous le permettez, qu’elle a inondé le langage commun dans les expressions et les idées parmi les plus usitées. Les synonymes engendrés par la multiplication des déclinaisons vont d’origine, ascendance ou racine, à germe, commencement, cause ou ferment. Et si la notion d’origine n’était pas claire comme de l’eau de roche, nul doute que la profusion serait source de confusion, voire source d’ennuis ou plus trivial encore.
On glosera donc sur les sources d’un conflit, celles de l’inspiration d’un auteur puis celles de ces revenus ; on soupçonnera, au gré de l’humeur, la source des renseignements du journaliste (qu’il doit protéger) ou celle d’une erreur tragique ; et on traquera tout autant les sources d’une légende que celles de la vie, que sais-je encore ? Le besoin irrépressible de chercher et de trouver la source de toute chose organise notre manière de penser et même notre classification des sciences en découle : ethnologie, astrophysique, onomastique, biologie, psychologie, neurologie, histoire, mathématique fondamentale et tant d’autres sont autant de quêtes effrénées de la source via le prisme de leur discipline, graal magique qui contiendrait toutes les explications ultimes et définitives.
Mais toute métaphore a ses limites et celle-ci n’y échappe pas. Car si nous revenons à la source de la source, il faut bien constater que la plupart des images qu’elle a engendrées ignorent superbement l’origine de celle-ci. Car une source, telle que nous pouvons en trouver dans la nature, n’est jamais le commencement d’un cours d’eau. Elle n’est en fait que le premier passage visible de cette eau qui a déjà parcouru parfois de très grandes distances sous la roche, dissimulée dans les entrailles de la terre. Ce qui implique que lorsque nous avons trouvé la source, il nous reste encore un long chemin à remonter avant de trouver le commencement du commencement et qu’il existe nécessairement d’autres frontières au-delà de nos découvertes, de nos inventions, de nos illuminations.
Il faut alors admettre que ce que nous appelons vérité, voire réalité n’exprime trop souvent que la limite de notre entendement.
Théodore Neville – Dictionnaire Inutile -
A PROPOS DE LA SOURCE DE JOUVENCE…..
D’après une loi qu’on impute à Pythagore, le spectre entier des possibilités de ce monde serait contenu dans le chiffre quatre. Le cinquième élément d’Aristote, la très subtile quintessence, ne peut avoir sa place que dans l’empyrée (partie du ciel la plus élevée).
Il s’agissait pour les alchimistes, de faire descendre cet élément sur terre par des rotations répétées, et il n’importait guère qu’ils le fissent en distillant l’esprit de vin ou en projetant en imagination la divine lumière dans le sel.
La voie qui menait à cette réalisation passait par l’ultime frontière du monde d’en bas, laquelle sépare ce dernier du paradis et n’est autre que l’anneau ophidien de Saturne et le dieu grec du temps chronos, ne font qu’un, et son dépassement est celui du temps qui passe, celui de la linéarité. C’est le retour à l’âge d’or de l’éternelle jeunesse dans la divine simultanéité. L’élixir de Jouvence devait réaliser ce rêve, ‘l’Or potable’
Dont l’annonce, probablement venu de Chine et des Indes, parvint en Arabie au début du Moyen âge.
JFG
Extrait du Musée Hermétique – Alchimie et Mystique de Alexander Roob- aux Éditions TASCHEN.