Un Frère proche touché par l’amertume de sa longue expérience en Franc-Maçonnerie, m’a inspiré cette réflexion sur le « Recrutement » en Franc-Maçonnerie.
Ce terme est banni du vocabulaire Maçonnique, on lui préfère dans les Loges démarche, demande, recherche ; ce n’est malheureusement pas le cas dans les instances dirigeantes des obédiences ou les statistiques vont souvent bon train, on compte et on se compte souvent, et le nombre est l’ennemi de la qualité, peut importe les cotisations rentrent.
En effet certains Frères quand ils accèdent à de hautes fonctions, se croient en même temps investis de responsabilités quand au développement des effectifs de leur obédience. Alors que le rayonnement et la qualité des travaux suffisent à susciter les adhésions. Ce qui paraît d’abord louable accueillir des profanes cherchants de qualité sincères, et bonnes mœurs peut très vite dévier.
Le développement excessif du recrutement pose un certain nombre de questions :
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La Franc-Maçonnerie quelque soit l’obédience a t’elle pour objectif le recrutement de masse ?
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Est t’elle la seule voie pour une démarche initiatique ?
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Est t’elle un réseau professionnel indispensable ?
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Est t’elle une porte d’entrée pour une carrière politique ?
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Est t’elle synonyme de réussite sociale ?
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Est t’elle un lieu de convivialité et rien d’autre ?
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Est t’elle un club de pseudo philosophe ? etc….
Si l’on est convaincu qu’elle n’est rien de tout cela, le « recrutement » n’est pas alors facile.
En bientôt trente ans de pratique, j’ai pu observer les « politiques » de certaines obédiences et Juridictions.
On constate d’abord que les Frères dans les Loges se fréquentent et entretiennent de bonnes et sincères relations même inter obédiences. Au sommet de la pyramide il en est souvent autrement les bonnes mœurs sont souvent de façade, on compte et on se compte, la concurrence est plus réelle, c’est à celui qui sera le plus !
Le plus régulier, le plus traditionnel, le plus fidèle au Rite, le plus spiritualiste, le plus humaniste. Pour parvenir à leurs objectifs, les obédiences, encouragent les sergents recruteurs, les félicitations vont souvent aux Loges qui recrutent. Elles favorisent pour certaines la création de nouveaux Rites, comme un genre de magasin bien achalandé ou l’on trouve tout pour tout le monde, un supermarché dont on rêve en permanence d’agrandir la surface, il faut de l’offre. On doit être partout et pouvoir tout proposer aux clients ! Sauf que côté chefs de rayon cela ne suit pas toujours.
Ainsi certaines jeunes obédiences prétendent offrir sérieusement et dans la pureté, et le respect des traditions ce que d’autres ont mis parfois des décennies a construire. Leurs cadres si j’ose dire sont souvent des déçus ou des déchus issus d’obédiences concurrentes. Pour exister et perdurer elles n’ont pas d’autre choix que de recruter à marche forcée.
D’autres obédiences craignant le vieillissement se tournent vers la jeunesse, mais les jeunes sont ils intéressés alors qu’ils n’ont pas atteints l’âge du début des travaux, et la Franc-Maçonnerie fait t’elle rêver la jeunesse ?
Toutes ces pratiques quasi commerciales ne donnent pas les résultats escomptés, mais faut il obtenir des résultats en matière de chemin initiatique ?
J’ai cependant toujours la conviction qu’une Loge que ne « recrute « pas est une Loge qui meure lentement. Certes il faut renouveler les Frères, mais faut il amplifier le recrutement ? Je préfère le terme transmission et renouvellement au terme recrutement.
J’ai souvent constaté que les mauvais « recrutements », les erreurs de casting, provoquent autant de départs que d’arrivées.
Alors pas facile de se faire une « religion », pour ma part il faut conserver les fondamentaux, susciter l’intérêt par la qualité des travaux, l’exemplarité des Frères dans la vie profane, avoir des parrains possédant ‘de la bouteille’. Avoir du courage au moment des votes, si non pourquoi voter ?
Ne pas perdre de vue que le profane sera ensuite un Frère et que la Loge sera partie prenante de son cheminement initiatique c’est un investissement important, et une responsabilité collective.
Le « recrutement » en tout état de cause ne peut être une politique au service d’un Ego personnel ou d’un Ego collectif, mais au service de la Transmission de notre noble et respectable institution, c’est à ce prix quelle perdurera, l’état de la Franc-Maçonnerie outre manche et outre atlantique démontre clairement si besoin est que la quantité nuit à la qualité et qu’à terme il ne reste ni l’une ni l’autre.
JFG.