Les preuves de l'existence de Dieu (1)
Il s'agit si peu de Dieu auquel pensent la plupart des hommes que si, par miracle, et contre l'avis des philosophes, Dieu ainsi défini descendait dans le champ de notre expérience, personne ne le reconnaîtrait . Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, 14e édition, p. 258.
Les anciens livres de philosophie se terminaient par une réflexion substantielle sur Dieu. Il s'agissait bien sûr, d'une réflexion où l'étude du problème de Dieu était limitée à ce qui peut être connu de Lui, à la lumière de la raison naturelle.
Il y a quelques années, un de mes amis, m'apostropha dans une réunion en me demandant de lui prouver l'existence de Dieu ipso facto. Je commençai par lui parler de la difficulté de sa question et de la longue recherche qu'il fallait faire pour arriver à une solution acceptable. Il me suivit à mon bureau où je l'invitai à lire quelques ouvrages sur le sujet puis, à venir me revoir dans quelques semaines. Je ne l'ai jamais revu. J'en ai conclu qu'il avait, ou bien trouvé une réponse par lui-même avec l'aide des ouvrages que je lui avait suggérés ou bien, qu' il avait tout simplement cesser de chercher sans résoudre la question.
La question de l'existence de Dieu n'est pas facile, et il importe, là plus qu'ailleurs, de procéder correctement. Certains se désintéressent de cette question, à cause d'un faux procédé. Leurs recherches les conduisent dans un cul-de-sac, ou tout simplement à une conclusion trop hâtive qui élimine souvent trop rapidement le problème.
«Prouvez-moi, monsieur, que Dieu existe! » Personne ne met en doute la pertinence et la clarté de la question posée. La question posée demande cependant une certaine précision, car la notion de preuve peut être prise dans plusieurs sens, et il faut bien la préciser dans le cas qui nous occupe.
Dans Le Dieu des philosophes et des savants (1), Régis Jolivet aborde immédiatement cette précision dès le début de son ouvrage. Je m'en inspire largement. Qu'est-ce que prouver, au sens le plus classique du terme ? Prouver, c'est établir par la voie de l'expérience (immédiate ou médiate) l'existence d'un fait ou d'un être. C'est ce que nous appelons la preuve expérimentale. Prouver, c'est encore, à l'aide d'un raisonnement et à partir de certaines prémisses, formuler une conclusion résultant nécessairement de ces prémisses. C'est ce que nous appelons la preuve rationnelle. Le propre de la preuve rationnelle est de former un lien nécessaire entre deux concepts: on parle alors de démonstration.
La preuve expérimentale est dite médiate ou immédiate. La preuve expérimentale médiate est celle qui touche à une chose que par une autre, qui est intermédiaire. Je demande: « Paris existe-t-il ? » Je réponds oui, car je peux témoigner des beautés de la ville Lumière par des vidéos, des films, des photos que m'a rapportés un de mes amis qui revient de la capitale française. Les photos, les films, les vidéos, sont la preuve médiate que Paris existe. J'accepte cette preuve, même si je ne suis pas allé à Paris. Je me fie à l'authenticité du travail des photographes et des cinéastes. Par contre, la preuve expérimentale immédiate est celle qui suit sans qu'il y ait d'intermédiaire direct, ou instantané. « Paris existe-t-il ? ». Je réponds oui, car je rentre de cette ville où j'ai assisté à une conférence internationale sur la pauvreté dans le monde.
Il n'y a pas, vous le comprendrez bien, de preuve de Dieu au premier sens de ce mot. Car Dieu, s'il est, n'est pas un objet ou une chose et aucune expérience de type scientifique, c'est-à-dire se ramenant à une constatation, n'est ici possible: Dieu, s'il est, ne tombe pas sous le coup de nos sens.
Si donc, il y a preuve de l'existence de Dieu, elle ne pourra être que rationnelle, c'est-à-dire qu'elle prendra la forme d'un raisonnement ou d'une démonstration et s'exprimera comme une conclusion nécessaire de ce raisonnement.
Il y a deux types de démonstration en philosophie. La première, appelée a priori, est ainsi nommée parce qu'elle se fait à partir de l'essence d'un être ou de ses propriétés essentielles. « Prouvez-moi que l'homme est libre ? » Il est possible de le faire en faisant une démonstration a priori , c'est-à-dire en partant du fait que l'homme est raisonnable. Parce que l'homme est raisonnable (son essence), il est possible de conclure que l'homme est libre.
La deuxième, appelée a posteriori, se fait à partir des effets donnés dans l'expérience. Les pas sur la neige (l'effet) démontrent, hors de tout doute, que quelqu'un est passé par là. Les effets nous renvoient à la cause. Les marées (l'effet) nous renvoient à l'attraction solaire et lunaire (la cause). Les aiguilles en marche de l'horloge (l'effet) nous renvoient au mécanisme de l'objet (la cause).
Il n'y a pas de preuve rationnelle a priori de Dieu, car cette preuve supposerait que l'on connaisse au départ l'essence même de Dieu. On a parlé dans la tradition philosophique d'argument ontologique, pour exprimer cette voie utilisée par certains philosophes. Ce serait évidemment trop long de discuter ici de la validité de cette preuve dite ontologique. Il faut consulter alors des ouvrages beaucoup plus complets qui traitent largement de cette question.
Si nous voulons dire quelque chose de sensé sur Dieu, il nous faut utiliser la seule voie qui reste, à savoir la voie de la démonstration a posteriori. La preuve de Dieu a posteriori peut se faire en partant de la réalité du monde, en remontant ensuite jusqu'à Cause première. C'est la seule façon acceptable de parler de l'existence de Dieu.
Ainsi donc, Dieu est hors de nos prises, au-delà de toute nos appréhensions expérimentales. Dieu, qui sera toujours une hypothèse, apparaîtra toujours comme exigé, même s'il n'est pas saisi d'une façon expérimentale. Dieu est une hypothèse sérieuse, une hypothèse nécessaire, sans laquelle rien ne s'explique et tout devient absurde.
La tradition philosophique nous a laissé différentes façons d'exprimer cette voie a posteriori. On parle alors de preuves morales ( par le devoir moral, par les normes immuables du vrai et du bien), et de preuves métaphysiques (par le mouvement, par l'efficience, par la contingence et la finalité des êtres). Nous ferons cette démonstration dans une réflexion subséquente.
Bonne lecture !
Auteur Anonyme texte transmis par Claudius.