Entre l'absurde et le mystère
L'académicien et philosophe catholique, Jean Guitton, est décédé dimanche, le 21 mars dernier, à l'hôpital des armées du Val-de-Grâce (Paris) à l'âge de 98 ans. Né le 18 août 1901 à Saint-Étienne (Loire ), normalien, agrégé de philosophie, Jean Guitton soutient son doctorat ès lettres en 1933 avec une thèse remarquée:«Le temps et l'éternité chez Plotin et Saint-Augustin».
Professeur de lycée puis de faculté, il est fait prisonnier en Allemagne de 1940 à 1945. Après la guerre, il reprend ses cours en faculté, notamment à Dijon (1948- 1954), puis est nommé à la Sorbonne à la chaire de philosophie et d'histoire de la philosophie. Il reçoit en 1954 le Grand Prix de littérature de l'Académie française. Invité par Paul VI à participer comme auditeur au Concile Vatican II, il sera le seul laïc à y prendre la parole en 1962. Il avait été élu à l'Académie française en 1961, et il en était le doyen.
Auteur fécond, d'une oeuvre philosophique, mais aussi religieuse et littéraire, Guitton publiera plus d'une cinquantaine d'ouvrages. Peintre également fécond, il a exposé plusieurs fois ses oeuvres, dont un Chemin de Croix à l'Église Saint-Louis des Invalides. Consulté à plusieurs reprises sur Dieu et la mort par l'ancien président François Mittérand, au début des années 80, puis à la fin de sa vie, Jean Guitton avait relaté leurs conversations dans «L'absurde et le mystère » (1997 ), et dans « Mon testament philosophique » (1997). En 1988, il publie une autobiographie exceptionnelle « Un siècle, une vie ».
Dans son livre « L'absurde et le mystère », Guitton raconte la conversation qu'il a eue avec François Mittérand, dans la Creuse, en plein coeur de la France. Descendant de son hélicoptère qui venait de se poser, le Président de la république, dans un style franc et direct, interpella ainsi le philosophe français: «Guitton, vous qui êtes philosophe et avez la foi, vous avez dix minutes pour me dire le sens de la vie...Apparemment, tout est absurde, sinon tout est mystère». Le philosophe lui avait répondu:« Mais, monsieur le Président, il y faudrait plusieurs heures d'horloge ! » - «Cela ne fait rien, limitez-vous à l'essentiel. Je voudrais surtout vous interroger sur la mort. Non pas la mort elle-même que tout le monde connaît, mais sur ce qu'il y a après la mort.» Le livre répond à l'interrogation présidentielle.
Il n'y a que deux réponses possibles: ou la vie est absurde et finit avec la mort ou la vie est un mystère, et se perpétue au-delà du temps et de l'espace, par la grâce du Créateur. Les deux solutions ne peuvent exister après la vérification finale qui est la mort et à laquelle personne n'échappera. Guitton s'aligne sur le pari de Pascal. Si nous sombrons tous dans le néant après la mort, celui qui aura cru au mystère ne perdra rien. Mais si le mystère est, celui qui ne l'aura pas admis aura de grands regrets. Guitton a maintenant fait la vérification ultime. Il est entré ou bien dans le mystère ou bien est disparu à jamais dans le néant qui nous attend tous après la mort... selon certains.
La messe des funérailles de Jean Guitton a été célébrée en l'église Saint-Louis des Invalides, à Paris, le 25 mars dernier, en la fête de l'Annonciation de Marie, par le Cardinal Lustigier. Dissimulé dans une foule sereine et remplie de foi, j'ai eu le privilège d'être là. La lecture de l'Évangile des disciples d'Emmaüs, choisi par le philosophe, donna le ton à toute la messe. Selon Guitton, ce texte résume toute la vie chrétienne: chacun de nous est un pèlerin dans cette vie temporelle, parfois angoissé, parfois incertain face à ce qui vient après la vérification ultime de la mort. Le philosophe français croyait que le monde n'était pas absurde. Il attendait la rencontre définitive de son Créateur au terme de sa vie. La joie du Ressuscité lui disait que la vie ne peut être détruite dans la néantisation de l'être. L'homme est plus grand que les quelques années qui le plongent présentement dans la temporalité. L'homme n'est accompli que dans la métamorphose de la résurrection de tout l'être hors de la temporalité et de la spatialité.
Le siècle perd en lui un philosophe exceptionnel. Il faut lire ses livres.
Auteur Anonyme. Document transmis par un lecteur du Blog.
COMMENTAIRE
En provoquant cette conversation le Président cherchait t’il à faire « Oraison » au sens donné par Thérèse d’Avila c’est à dire un échange d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec Dieu dont on se sent aimé. C’est ainsi que nous atteignons un degré élevé d’union avec Dieu. Le Président malade à la veille de franchir la porte de l’éternel Orient a t’il voulu faire « Oraison » ? Cherchait t’il une méthode, une clé, un intercesseur en la personne de Jean Guitton en tous les cas, il s’interrogeait. Ressentait il un besoin de méditation ou respectant son interlocuteur cherchait t’il à connaître le moteur de sa foi.
Et nous Franc-Maçon faisons nous « Oraison », avec nous même, avec le Grand Architecte, dans le temple sacralisé. Ou s’agit t’il simplement d’Oraisons méditations, exercice spirituels renouvelés. Pour atteindre une plus grande spiritualité remplissant progressivement de plus en plus notre espace temps et dont nous sommes contents et satisfaits.
JF.