De la conversion
Le crédit qu’accordent la plupart de nos contemporains au flot d’informations pour le moins contradictoires dont nous abreuvent quotidiennement les médias a engendré peu à peu une société humaine émotionnellement et intellectuellement labile et instable. Parmi les informations qui nous sont proposées, il est devenu impossible de distinguer celles qui pourraient être réellement importantes de celles qui ne présentent qu’un intérêt très local. C’est ainsi que s’est créée une société dans laquelle toutes les informations ont une importance égale, guerre en Tchétchénie et match de football, épidémie de choléra en Inde et bouchons sur les routes des vacances. Nous vivons l’ère de la communication, et paradoxalement, nous n’avons jamais été aussi mal informés car nous sommes incapables de trier et de prendre le recul nécessaire.
Nous constatons que cette instabilité profonde que nous connaissons profite au fanatisme et au prosélytisme religieux et politiques.
Dans cette tourmente, le seul point fixe reste la spiritualité et sa référence, la Tradition. Etant indépendante des époques et donc des diverses formes religieuses, elle traverse le temps comme le fil d’Ariane de l’humanité. La Tradition nous stabilise parce que tout homme vit dans la forme traditionnelle qui lui correspond. Elle est notre sang parce qu’elle appartient à notre terroir.
Certains la reconnaissent dans tout ce qui nous entoure et se sentent attirés irrésistiblement par elle, d’autres lui préfèrent l’errance, de préférence exotique.
Ces deux attitudes correspondent aux deux sens que revêt le mot "conversion". Le sens originel correspond au grec metanoia, qui exprime littéralement "un changement de nous", c'est-à-dire une "métamorphose intellectuelle". Cette modification profonde de l’être est confirmée par l’étymologie latine du mot (cum-vertere) qui implique un double mouvement de "rassemblement", c'est-à-dire une sorte de concentration de toute la puissance de l’être, et de "retournement" inhérent à tout changement de plan d’existence. Ce double mouvement de concentration et retournement est nécessaire à toute démarche spirituelle puisque c’est lui qui permet à l’homme de détourner son mental des choses sensibles pour s’investir dans l’Absolu. Il s’agit là d’une opération exclusivement et purement intérieure sans rien de commun avec un changement extérieur, relevant simplement du domaine "moral". C’est ainsi que certaines religions traduisent le terme metanoia par "repentir".
Mais, comme tant de mots et de concepts, celui de "conversion" a été profané pour ne plus désigner que le passage extérieur d’une forme traditionnelle à une autre. Et ceci n’a rien de spirituel. Bien qu’il puisse y avoir quelquefois des conversions spontanées, il s’agit le plus souvent du résultat du prosélytisme religieux. Et on peut dire que dans ce cas, le "convertisseur" et le "converti" font preuve de la même incompréhension du sens profond de leurs traditions.
Cependant, le terme de "conversion" est parfois utilisé par erreur pour désigner ceux qui, ne trouvant pas dans leur forme traditionnelle la possibilité d’une démarche initiatique, sont amenés à adhérer à une autre forme traditionnelle que celle à laquelle ils étaient rattachés par leur origine. Dans ce cas, il n’y a pas de comparaison de valeur entre deux formes traditionnelles puisqu’il n’est pas question de "préférence" individuelle. Il est évident que celui qui agit ainsi doit avoir conscience de l’unité fondamentale et essentielle de toutes les traditions. Si de tels cas se présentent, c’est bien souvent en raison des conditions de l’époque actuelle dans laquelle certaines traditions sont devenues incomplètes "par le haut", c'est-à-dire quant à leur côté ésotérique.
Certains hommes parvenus à un haut degré de spiritualité adoptent parfois, pour des raisons qui échappent forcément au profane, plusieurs formes exotériques différentes. Ceci n’a rien de surprenant dès lors que l’exotérisme n’est que le voile qui recouvre l’ésotérisme et que ce voile est susceptible de prendre un nombre indéfini de formes.
Rappelons-nous, lorsque nous voyons parfois des touristes orientaux ou autres prier dans nos églises, que la Tradition est une et que sa forme exotérique n’a qu’un intérêt contingent.
Ne pas recevoir toute les idées comme vraies. Revenir aux sources de ces idées, vérifier ses sources dirait le journaliste honnête. Pour le Franc-Maçon revenir à sa juvénilité comme le disait Henri Corbin spécialiste de la spiritualité orientale « Perse ».
Je ne suis pas totalement convaincu par la notion de terroir mise en rapport avec la notion de Tradition par notre auteur, je relierais plutôt le terroir aux us et coutumes. Qui devront êtres examinées sans êtres rejetées sans êtres forcément adoptées, la notion du bon sauvage de Rousseau a démontré maintes fois ses limites, des explorateurs en ont fait les frais.
Je renforce par ailleurs la conclusion de notre auteur ayant constaté en particulier lors d’un voyage en Inde la facilité et le naturel avec lequel se mélangent les religions, ainsi que l’accueil fait aux visiteurs dans les lieux de culte, ces espaces provoquent l’éveil de la spiritualité.
Je ne puis m’empêcher de faire un parallèle avec nos visiteurs en Loge appartenant à un autre Rite Maçonnique. Ils sont par leur aspect externe différents, mais ils participent de la même démarche initiatique, suivant la formule connue : « Ils sont les branches d’un même arbre. » Cet arbre dont les racines plongent dans la même matéria prima à la recherche de l’unique sève, énergie qui se répandra jusqu’à l’extrémité des plus petits rameaux. Cette sève véhicule une tradition primordiale unique retrouvée.
La Franc-Maçonnerie ouvre la voie vers la recherche de « la Connaissance Suprême » elle est au-delà, des religions, des philosophies. Elle mène par la pratique de ses rituels et la persévérance du travail de l’adepte, à l’espérance de l’élever vers les hautes sphères de la spiritualité, maintenant aujourd’hui. C’est en ce sens une véritable conversion de l’homme.
JF.
MES MEILLEURS VOEUX POUR CEUX QUI SOUFFRENT