IL EST ARRIVE !
Un SMS est tombé dans l’après-midi : « Il est arrivé », « Ah bon ! » « Quand ? », « Aujourd’hui ou hier, je ne sais pas», « Je cours le chercher. »
Il n’en restait plus que trois chez mon libraire. A croire que nous sommes encore nombreux à vouloir aller plus loin plus haut sur les chemins de la sagesse et de la spiritualité.
Profitez bien de ce week-end particulier pour les chrétiens. A chacun sa Jérusalem céleste. Le magazine livre Ultreïaest paru il donne du souffle à l’esprit et élève l’âme. Qu’il puisse être pour vous une source de joie.
Jean-François.
Édito
En prenant pour fil conducteur le thème du voyage réel et spirituel, Ultreïa ! s’affirme comme un magazine-livre de passion et de conviction destiné à tous ceux qui estiment que la spiritualité universelle mérite mieux qu’un regard distancié et froid, à tous ceux qui considèrent que la philosophie et la métaphysique ont encore beaucoup à nous dire et que l’école de la nature est une formidable source d’inspiration.
Passerelle entre les écrits savants et l’“ignorance étoilée”, Ultreïa ! se veut une pierre sur le chemin.
ULTREÏA ! Plus loin !
Le voyage et la marche guérissent s’ils ouvrent à l’Autre, s’ils sont méditatifs et ascensionnels, s’ils conduisent au grand “Dehors”, mais, comme le note Henri David Thoreau, “entreprendre de vivre une vraie vie, c’est déjà entreprendre un grand voyage”.
Parce qu’il s’inscrit dans une universelle quête de sens, le symbolisme du voyage renvoie à une aspiration essentielle de l’âme humaine, celle de “traverser les apparences” pour déchiffrer le mystère qui nous habite et nous entoure. Dès l’origine de l’humanité, la vocation spirituelle s’est en effet imposée comme une donnée intemporelle qui a façonné l’homme, et la dimension métaphysique s’est inscrite dans l’âme des peuples, dans leurs expressions sociales, artistiques ou artisanales. Mais aujourd’hui, alors que la quête de sens redevient prégnante et la question religieuse centrale, les valeurs fondatrices de l’humanité semblent devenues inopérantes et l’existence même d’un lien privilégié entre les hommes et l’au-delà est posée. Désorientées, volontiers vécues comme de simples catalogues de prescriptions et d’interdits moraux, les différentes spiritualités se retrouvent prises dans l’étau du relativisme philosophique et du littéralisme. C’est pourquoi, comme le préconisent dans un même élan Maître Eckhart et Ibn ‘Arabî, “il faut briser l’écorce pour atteindre le noyau”. Le phénomène religieux se révèle alors infiniment plus riche et plus sage en son intimité métaphysique qu’en ses seules manifestations extérieures.
À l’évidence, le retour à l’essentiel, auquel chacun aspire en son for intérieur, passe autant par une approche vécue, renouvelée et résolument universaliste de la métaphysique et du rapport au transcendant, que par une nouvelle éthique de la terre ouverte à l’immanence. Entreprendre de “déchiffrer les humbles traces laissées dans les couloirs du labyrinthe par les pieds nus de nos frères” – comme nous y a engagés l’ethnologue Jean Servier –, aller au-delà de “l’écorce” pour révéler la vitalité et la richesse, éminemment poétique, du “noyau” et convier au dépassement, c’est ce à quoi nous entendons nous attacher ici en donnant la parole aux “pèlerins de l’absolu” et aux « nobles voyageurs » qui cheminent encore de par le monde, en interrogeant les chercheurs de vérité d’hier et d’aujourd’hui, en visitant “les lieux où souffle l’esprit”, en scrutant les symboles et les signes, en méditant sur le beau et le sacré, en renouant avec notre “Mère-la-Terre”, en oubliant la futilité et la brutalité de l’époque…
L'Équipe
Emmenée par Bernard Chevilliat , Directeur de la Rédaction, et Florence Quentin, Rédactrice en chef, l’équipe qui a conçu et réalisé les 220 pages et les 23 rubriques d’ULTREÏA! compte une dizaine de personnes. Patrice Brousseaud en est le Directeur Artistique, Edwige Nicot, la Secrétaire de Rédaction, Christine Courtois, la Graphiste.
« Biologiste de formation, amoureux de la nature et de la beauté, j’ai fondé puis dirigé l’entreprise Melvita pendant plus de trente ans. Dans le même temps, fasciné de longue date par les sagesses et les savoirs traditionnels, je me suis immergé dans l’étude de la métaphysique, de la philosophie et des sciences tout en collaborant à la revue Connaissance des Religions. En créant aujourd’hui Ultreïa ! avec Nûriël, la compagne de tous mes rêves, nous conjuguons plusieurs de nos passions, dont celle du voyage et de la photographie, pour les mettre en partage.» Bernard Chevilliat
« Passionnée d’Egypte depuis l’enfance, j’ai suivi un cursus universitaire d’égyptologie, avec comme spécialité, l’étude des textes religieux. Elevée dans une famille de journalistes, j’ai épousé ce métier avec le même enthousiasme et contribué aux hors-séries du Nouvel Observateur, du Point et du Monde des religions. C’est à ce dernier titre que j’ai collaboré pendant 9 ans et assuré les fonctions de rédactrice en chef en 2012. L’égyptomanie étant inguérissable, j’ai par ailleurs écrit plusieurs essais sur la fascination qu’exerce cette civilisation sur l’Occident. Amatrice d’art et mélomane – je pratique le chant lyrique – Ultreïa ! réunit plusieurs de mes centres d’intérêt, dont la métaphysique traitée tant dans son fond que dans sa forme. » Florence Quentin
Saint Augustin
le Berbère " maître de l'Occident".
Surdoué, ambitieux et déterminé, longtemps attaché aux honneurs et aux plaisirs de la vie alors qu’il est convaincu que le Christ est “le chemin, la vérité et la voie”, Augustin abandonne une situation prestigieuse et fonde une communauté de Servi Dei, consacrée à la prière et à l’étude, après une révélation.
Devenu évêque d’Hippone et théologien de renom, il prêchera inlassablement l’universalité de l’Église de Rome et laissera une oeuvre majeure, celle du premier philosophe chrétien de l’histoire.
Extrait : « Né à Thagaste, aujourd’hui Souk Ahras en Algérie, Augustin est donc un de ces Berbères qui, au premier siècle, connurent l’apogée de leur civilisation et une intégration harmonieuse à l’Empire, ce dont il sera le dernier représentant.
À cette époque, on voit s’ériger des villes nouvelles, telle Timgad dont les ruines firent rêver le philosophe Lucien Jerphagnon quand il était enfant. Ces cités, selon le modèle romain, sont dotées d’amphithéâtres, de bains, de forum, de cardo bordés de colonnes. Dans les campagnes, de riches propriétés agricoles, dévolues à l’olivier et à la vigne. Et dans toutes les familles, pour peu qu’elles en aient les moyens, le même rêve de voir les enfants faire carrière à Milan, alors capitale de l’Empire. C’est dans une famille de propriétaires terriens – des vignerons – que naît Augustin Aurelius, le 13 novembre 354« .
Jérusalem
des hommes et des lieux
Ville cosmopolite, Jérusalem est la seule à incarner une forme d’universalité pour les trois grandes religions monothéistes.
Depuis le XIXe siècle, elle occupe une place singulière dans notre imaginaire, alors que l’Occident connaît une lente sortie de la religion. Cette cité apparaît à ses nombreux visiteurs comme un lieu où l’on vient et revient pour trouver des bornes identitaires, des références religieuses…
Extrait : « Je me promène dans Jérusalem depuis plus de vingt ans. J’y recherche des archives, des documents, ces “monuments de papiers” avec lesquels les historiens construisent et reconstruisent leurs récits, inlassablement. Ces archives sont écrites dans presque toutes les langues de la terre, en hébreu, en arabe, en grec, en ottoman, en arménien, en latin, en syriaque, en russe, en amharique, dans toutes les langues européennes… Pour les lire, les déchiffrer, les décrypter, je travaille avec des chercheurs venus des quatre coins du globe, chacun avec sa langue, sa culture, son horizon, ses idées. Alors, quand on me demande de décrire quel “esprit des lieux” flotte pour moi sur cette ville, au milieu de mille autres images possibles ( champ de bataille, sanctuaire disputé, cimetière au milieu d’un désert, parc de loisir pour pèlerins déboussolés, Bible en miniature, oeil du cyclone, capitale mondiale des monothéismes, temple de la world food et de la cuisine fusion… ), je pense irrésistiblement à la tour de Babel. »
A découvrir aussi » Une échelle à Jérusalem » par Frank Lalou
Rencontre avec Alain Corbin
"Le présent m’effraye surtout parce que trop d’oreilles sont bouchées par les préjugés."
Historien, professeur émérite à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, celui que l’on a qualifié d’“historien des sens” a livré à Aliette Armel les sources d’inspiration des ouvrages qu’il distille depuis plus de quarante ans, jusqu’à son nouveau sujet d’étude, à 83 ans : la Terre.
Extrait : » Alain CORBIN : À l’âge de six ans, j’ai effectivement commencé à m’intéresser à des bandes dessinées avec des sujets historiques. Quand j’étais au collège, je me faisais offrir pour Noël de gros livres d’histoire écrits par Octave Aubry ou Pierre Gaxotte, des romans d’Alexandre Dumas ou de Jules Verne. Par la suite, sans me poser de questions, je n’ai jamais fait que ça. J’ai l’impression que je ne sais rien faire d’autre, mais d’un autre côté, je n’ai jamais eu l’impression de
travailler. Curieusement, dans le petit village de Lonlay-l’Abbaye où j’ai été élevé, nous sommes cinq agrégés d’histoire. Pourquoi tant d’historiens dans un petit bourg de l’Orne, près d’une abbaye des bénédictins de Saint-Maur qui étudiaient, eux aussi, l’histoire ? Est-ce parce qu’“il y a des lieux où souffle l’esprit” comme le disait Barrès dans La colline inspirée ?
L'icône miroir du sacré
Anne da COSTA, Fabian da COSTA
Les icônes ne sont pas signées, et un iconographe ne se dira jamais artiste : en se mettant au service de l’oeuvre, ses mains serviront à transcrire dans la matière le reflet céleste.
(Re)découverte d’un art destiné à faire apparaître “la beauté qui sauve le monde”…
Extrait : « L’icône est une fleur mystique, créée selon les mêmes lois de proportion, « de mesure, de nombre et de poids », utilisées par le Tout-Puissant, lors de la création de l’Univers.” Matisse, maître des couleurs franches et des lignes épurées, témoigne ici de son émotion devant ces “images” – ou ikonos, en grec – qui révélèrent en lui un sentiment mystique. Il confirme ainsi les paroles de saint Jean Damascène, Père de l’Église du VIIe siècle, grand défenseur des saintes icônes : “Par l’intermédiaire de la vision sensible, notre pensée reçoit une impression spirituelle qui s’élève vers l’invisible Majesté Divine.” Cette révélation conduira le peintre jusque dans les musées de Russie, où il chercha à pénétrer le mystère des plus grands maîtres iconographes. »
Jean Servier
L’ethnologue de l'Invisible
Ethnologue à contre-courant, militaire hardi et éminent spécialiste de la culture berbère, écrivain talentueux et prolixe, ésotériste et franc-maçon, Jean Servier (1918-2000) nous a laissé une oeuvre de réflexion puissante et féconde sur les rapports entre l’Homme et l’Invisible. Retour sur un singulier itinéraire de vie.
Extrait : « Rien ne nous permet d’établir une quelconque hiérarchie entre les civilisations qui nous entourent et celles qui nous ont précédés pas plus que nous ne pouvons donner un ordre en valeur absolue à un système d’équations, une symphonie, un tableau ou une cathédrale.
La pensée humaine est égale dans toutes ses manifestations depuis l’heure de sa présence sur terre, c’est ce que nous dit la voix des sages en haillons qui, ici ou là, peuvent encore ouvrir pour nous sur le monde les déchirures de leurs manteaux. Même si notre civilisation a choisi sa voie, chacun de nous peut encore méditer et essayer de déchiffrer les humbles traces laissées dans les couloirs du labyrinthe par les pieds nus de nos frères. Peut-être retrouverons-nous dans la cendre le mot de passe de toutes les initiations qu’ils y ont inscrites. Ce mot Univers, sa réponse, Homme. Peut-être retrouverons-nous aussi le signe sacré du « Shin », la marque de l’esprit, le symbole de notre immortalité, sans lequel le reste n’est qu’une Parole perdue.”
Celui qui s’exprime ainsi, en 1964, est professeur d’ethnologie et de sociologie à la faculté Paul Valéry de Montpellier depuis quatre ans. »
Satish Kumar
ou l'écologie spirituelle en acte
Activiste pour la paix et la protection de l’environnement depuis plus de soixante ans, Satish Kumar affirme que rien n’est plus inspirant dans sa vie que la générosité et la beauté de la nature.
Il nous rappelle que prendre soin de son âme et militer pour la préservation des ressources naturelles sont les deux versants, intérieur et extérieur, de la même démarche écologique…
Extrait : « (…) Au fil des années, en lisant la Bhagavadgîtâ, il a pris conscience que ce cercle de la vie et de la mort n’a pas l’importance qu’on lui attache. Il a compris que “mourir, c’est comme changer de vêtements : votre ancien corps disparaît et vous en avez un autre ! L’esprit, lui, ne meurt pas. C’est comme les feuilles qui tombent à l’automne. Elles nourrissent l’humus. On ne porte pas le deuil des feuilles, parce qu’on sait que, l’année suivante, il y en aura de nouvelles sur les arbres.” Réconcilié avec la notion d’éternité, il n’a plus jamais eu peur de la mort. Et il a pu quitter le monastère pour accomplir la vision séculière de la religion qu’il avait découverte dans l’autobiographie de Gandhi : ne pas demeurer séparé du monde, aller vers les autres, servir par l’action tout en mettant la spiritualité au centre de sa vie quotidienne. »
La bienveillance et la douceur
par Alexandre Sattler
Depuis des années, Alexandre Sattler parcourt le monde un micro dans une main et un appareil photo dans l’autre. Son sourire, son empathie naturelle et sa gentillesse lui ouvrent les portes et les cœurs. Après le succès de son petit Éclats de Joie (2017), il récidivera cet automne avec un réconfortant Ode à la bienveillance et à la douceur, préfacé par Matthieu Ricard, dont nous trouvons ici quelques-unes des “bonnes pages”.
Parce qu’il relie les consciences et les cœurs et qu’il est toujours bénéfique de s’ouvrir à l’inconnu et de l’accueillir quelles que soient nos origines ou nos croyances, le voyage est toujours un puissant révélateur. Lors des rencontres, la bienveillance émerge spontanément du cœur des êtres libres et elle engendre un flux et un désir réciproque de bonté et de douceur.
Dans l’effusion des échanges ou des regards, les êtres peuvent partager la joie des émotions, respirer un parfum de fraternité ou éprouver la chaleur de l’amour.
En un temps où la quête de l’essentiel fait souvent défaut, la bienveillance, la sobriété et la douceur viennent opportunément nous rappeler que nous ne sommes ni dépendants ni indépendants mais bien interdépendants.
Par leur délicatesse, les images d’Alexandre Sattler montrent que la bienveillance véhicule tout naturellement le respect, la sérénité, la sagesse et la paix.