LA QUESTION DE L’UN ET DE L’AUTRE
C’est la question de la croyance, du complot, du bouc émissaire, de cette facilité de se débarrasser sur l’autre de ses propres turpitudes, de refuser sa responsabilité dans le mal, de refuser sa part d’ombre.
Suivant ses propres convictions l’autre prendra une forme différente, il sera soi nous-mêmes ou le destin, ou Dieu omnipotent tout puissant, créateur du seul bien pour certains et pour d’autres du bien et du mal.
René Girard a dit que le bouc émissaire, cet exécutoire permet de transformer « le tous contre tous, en tous contre un. »
L’anthropologue parfois contesté Michel Maffesoli en étudiant les mouvements de foule, conclut qu’ils sont parfois incontrôlables, et qu’ils ont la faculté de se regrouper sans concertation pour désigner un bouc émissaire. Nous aurions donc une faculté innée de nous débarrasser de nous purifier en rejetant nos fautes sur l’autre.
Par un glissement, sous l’effet de la déesse raison sans doute, il reporte cette responsabilité sur les dogmatismes religieux. Il croît donc l’homme et sa pensée sous l’influence de l’esprit des lumières et sa force agissante incapable de faire le mal, position proche de celle de Jean-Jacques Rousseau, tout serait de la faute de la société et du Dieu des religions monothéistes. C’est un point de vue.
Le bouc émissaire personnel de Michel Maffesioli, semble être ce qu’il appelle : « le fantasme de l’un. » Dans le sens de la recherche de l’unité, dans sa logique il accuse le monothéisme qui prône la recherche de la perfection de l’unité, de réduire l’homme au lieu de l’améliorer.
Il est séduit par le polythéisme et son panthéon des dieux bons et mauvais.
Par une deuxième glissement il justifie le phénomène du bouc émissaire de la critique de l’autre et de son sacrifice, par le refus du mal et la recherche de la perfection (je dis recherche de la perfection et non perfectionnement), ce refus de l’impur, de l’ombre, c’est un refus de l’autre, au profit d’un égotisme exacerbé.
Pour lui encore quand le sacré ambiant devient une institution, il se fanatise à travers la religion. Je dirais soit le sacré ne doit pas et n’est pas l’exclusive de la religion, il est partout, c’est une tension naturelle de l’homme, mais il a aussi sa place dans la religion.
Il pose la question de ce que nous sommes, des humains issus de l’humus. Soit nous sommes constitués de bien et de mal, et c’est la maîtrise de cette opposition des contraires, qui nous rend acceptables dans la société et vis à vis de nous-mêmes.
Michel Maffesioli évoque la pluralité des traditions, c’est factuel, ce qu’il qualifie : « d’harmonie conflictuelle », n’est pas à mon sens un empêchement au surplomb d’une tradition primordiale, d’une religion naturelle, comme le pensais René Guénon. Cette tradition première naturelle qui relie toutes les traditions, dont est issu le concept de Grand Architecte de l’Univers, qui est d’ailleurs sans nom et à tous les noms que chacun veut bien lui donner.
Concept dans lequel la franc-maçonnerie de tradition trouve une unité, une lumière agissante, des valeurs communes qui nourrissent le parcours initiatique de ses membres. Initiation qui permet d’aller à la rencontre de son véritable soi et de l’autre, permettant la réunion de ce qui est épars.
Chacun conservant sa liberté de penser, se référant aux légendes hébraïques aux multiples noms de Dieu, dont El Schadaï comparable au verbe créateur du prologue de Jean où Dieu est simplement la Lumière, concept acceptable par tous.
L’ouverture vers la tradition chrétienne de l’amour Agapae, permet de passer du Je au Nous. Cette par la pratique de cette doctrine universelle de l’amour, qui a été jusqu’au sacrifice du bouc émissaire le plus humble de tous, le prophète Jésus, qui a tracé la voie de l’unité dans l’amour fraternel, véritable chant d’espérance, loin d’une pseudo dictature de cette unité, mais plutôt dans le désir de la réaliser en soi, pour atteindre une forme d’harmonie de l’esprit.
Jean-François Guerry.