LA LIBERTÉ EN PANNE
La devise républicaine liberté, égalité, fraternité est aussi la devise maçonnique. Les free-masons, les maçons libres pouvaient bien avant les autres jouir de leur liberté, ils avaient des droits bien supérieurs aux autres ouvriers, mais ils avaient aussi des obligations de travail et des devoirs moraux envers leurs maîtres, leurs frères, les hommes en général. Ils ne pouvaient jouir de leurs droits que dans le respect de leurs devoirs.
Les droits de l’homme au siècle des lumières, ont libérés toutes les femmes et les hommes du moins en théorie. L’événement remarquable a été tracé, buriné dans le marbre, la devise républicaine nous le rappelle en couronnant les frontons de nos monuments publics.
Les francs-maçons hommes et femmes de devoir placent dans leur rituels, le devoir en haute estime, leurs serments les obligent, envers leurs frères, les hommes en général et surtout eux-mêmes c’est leur dignité, leur sens de l’honneur.
La liberté des lumières est inachevée, en panne. Dans une société d’abondance : « le donnant donnant », les échanges sociaux de bons procédés, assurent la sécurité et la liberté. Mais quand la société de l’abondance disparaît, quand les riches maigrissent, les pauvres sont déjà morts. Les inégalités augmentent, la société se divise, se fragmente, se clive. Le projet politique se dégrade et est insuffisant quand la planète vient à manquer, d’eau, d’air, quand la terre devient stérile.
Corine Pelluchon Philosophe écrit :
« Dans les théories politiques qui font reposer l’association civile et le contrat social sur le sujet conçu comme un agent moral défini par la liberté et le bien-être, la finalité politique est la conciliation des libertés et des intérêts individuels. »
C’est sans conteste un progrès est-il suffisant, n’est-il pas en panne ? Après les pères fondateurs des droits de l’homme, n’est-il pas nécessaire de revoir notre logiciel, qui semble devenu obsolète au regard de l’écart des inégalités qui s’amplifie.
Nous avons tendance à considérer ce progrès des droits de l’homme comme un acquis irréversible, et donc à oublier les devoirs qui lui sont liés.
On oublie également qu’il n’y a pas de démocratie sans liberté certes, mais aussi sans égalité. À force de jouir de tous nos droits on ne voit plus les droits de l’autre et aussi ce que nous demande la société. On est constamment dans le Je au détriment du nous qui fait reliance. Nous répétons à l’envie comme pour exorciser nos devoirs, je sais, je sais, mais j’ai le droit, c’est mon droit.
On ignore la solidarité, selon Emmanuel Levinas :
« Fonder l’état sur la liberté, et non le visage garantit au mieux la liberté et l’égalité, mais pas la fraternité. » (Explication du terme visage chez Levinas : Le visage est l’expressif d’autrui qui me renvoie à ma responsabilité totale. Levinas incarne la loi morale dans la figure d’autrui. Il renverse ainsi la morale de l’autonomie de Kant.
« Le visage s’impose à moi sans que je puisse cesser d’être responsable de sa misère. La conscience perd sa première place. »)
Il nous faut être responsable pas seulement de nous-mêmes, mais aussi d’autrui, des autres. Nous sommes les gardiens de nos frères n’en déplaise à Caïn. Notre facile bonne conscience n’exclue pas notre action, j’ai promis d’aider mes frères.
Pour que l’état fonctionne il faut que nous soyons tous concernés par autrui et les autres en général. Il est facile d’être en symétrie avec ceux de sa classe sociale, c’est une mondanité. L’asymétrie seule est la condition de l’éthique et donc de la liberté vraie pour tous. Pas de vraie liberté sans fraternité et sans amour, le combat pour la justice est inséparable de l’amour pour autrui.
Jean-François Guerry.