LE PHÉNIX DE LA RENAISSANCE
« Tu pourras dégénérer en formes inférieures, qui sont bestiales. Tu pourras par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures qui sont divines ».
Pic de la Mirandole – De la dignité de l’homme.
La re-naissance italienne qui s’étend du milieu du XIVème siècle (Trecento) et le milieu du XVIème siècle (Cinquecento) fait donc du XIVème siècle (Quattrocento) la période maîtresse l’apogée. Dans le domaine des arts c’est l’époque de Michel-Ange, Sandro Botticelli, Raphaël. Sur le plan philosophique c’est un regain pour l’Antiquité classique, un intérêt et un essor pour l’humanisme. On place avec Pétrarque l’homme au centre de l’univers, sans délaisser la pensée chrétienne, une grande lumière commence à paraître annonciatrice du siècle des lumières.
Parmi les Antiques Plotin retrouve une place particulière, avec Aristote de grands mécènes comme Laurent de Médicis dit le Magnifique sont élevés dans cette tradition antique. Après Alexandrie, Athènes, Rome c’est Florence qui connaît un bouillonnement intellectuel. Les mathématiques, la divine proportion du nombre d’Or, le pythagorisme, accompagne les mouvements de l’âme, le visible se doit de traduire l’invisible. Le célèbre dessin de Léonard de Vinci inspiré de l’architecte romain Vitruve symbolise l’homme comme le cœur de tout, au milieu de l’Univers un parfait triangle équilatéral.
Le 24 février 1463 au château de la Mirandola dans ce qui est aujourd’hui l’Émilie-Romagne entre Mantoue et la Vénétie au nord-est de Modène et au nord-ouest de la Bologne dans cette petite ville qui compte aujourd’hui 20 000 habitants environ ; naquit Giovanni Pico. Dans une famille noble ou la chevalerie était une évidence. Il est donc naturel que le jeune Pico devînt un chevalier de l’esprit, il vient au monde vingt années après son frère, protégé par sa mère son goût se porta sur les arts plus que les armes. Très tôt il se révéla détenteur d’une intelligence hors normes. C’est ainsi qu’il fût qualifié de Phénix de la Renaissance.
Mon propos est à travers quelques modestes articles de déceler ce qui dans la vie et dans les pensées de Pic de la Mirandole le rapproche de la Franc-maçonnerie spéculative qui devrait se développer plus de deux siècles après sa mort. J’observe le regain d’intérêt pour Pic comme en témoigne deux importantes obédiences maçonniques françaises la GLDF et la GLNF qui ont organisé pour la première fois à ma connaissance un colloque sous le nom : Des Entretiens de Pic de la Mirandole, en 2021.
Le 05 mai 2018 j’écrivais quelques lignes dans le blog sur Pic de la Mirandole, trop brèves et peu documentées, c’est pourquoi je reviens sur la vie de cet humaniste hors du commun et qui pourtant ne vécut que 31 ans ! Je reprends donc la plume, convaincu aujourd’hui que sa manière de penser et ses pensées mêmes sont une des sources de la Franc-maçonnerie spéculative.
La Franc-maçonnerie est une initiation qui provoque la transformation, la métamorphose de l’être. Pic se comparait lui-même à un Caméléon. Être soi-même et devenir autre en même temps.
Pic possédait une puissance, une force intellectuelle lui permettant de re-naître sans fin, il se construisait sans cesse persuadé de ses capacités de perfectionnement sans limites. En mettant l’homme au centre, dans la chambre du milieu. Pic a participé avec d’autres comme Marsile Ficin à la renaissance de la philosophie antique en l’associant avec les traditions hébraïque et chrétienne, ainsi que la magie (il faut comprendre l’alchimie chez lui) et les gnoses. Rares sont les hommes aussi affamés de connaissances spirituelles. Ce qui ne fût pas sans poser de problèmes dans une société sortant du moyen-âge et fortement dominée par la scolastique et la tradition chrétienne.
La liste de quelques-uns des influenceurs de Pic démontre l’ouverture de son esprit est ses connaissances encyclopédiques : Marsile Ficin le plotinien traducteur des Ennéades, Aristote, Nicolas de Cues théologien, cardinal, mathématicien annonciateur de la révolution copernicienne, Augustin d’Hippone qui fit la jonction entre la philosophie grecque et la tradition chrétienne, Avicenne philosophe, médecin, Averroès lui aussi philosophe et médecin, citons encore Raymonde de Lulle le catalan philosophe à la croisée des trois cultures chrétienne, islamique et juive, enfin je soulignerais sa proximité avec Giordano Bruno. Pic ce philosophe de la Concordia de la concorde avait tout pour séduire les fondateurs de la Franc-maçonnerie spéculative en quête, de liberté, a-dogmatiques, épris de tolérance sans faiblesse. La formule Savoir, Connaître et Agir convient bien à Pic. Il appliquait avant l’heure l’injonction que l’on trouve dans les rituels maçonniques : « recevoir toutes les opinions et ne jamais les accepter les faire siennes sans les avoir passées au crible de la raison. »
Celui qui ne rejetait aucune pensée d’emblée, faisait dans son époque « bande à part ». Rappelons-nous qu’il mourut à l’âge de 31 ans et probablement empoisonné.
Pic avait la volonté de sortir d’une société figée, emprisonnée dans ses idées et ses préjugés. Il savait que l’homme avait en lui toutes les ressources pour y parvenir. Il aspire à être un homme nouveau, créateur, constructeur de lui-même, grâce à ses facultés intellectuelles, humaines. Pic est un fervent croyant du libre arbitre qui donne à l’homme sa dignité.
C’est sans doute Marsile Ficin qui l’initia à l’œuvre de Platon et au corpus hermeticum. Pic est toujours en quête, sur le chemin qu’il privilégie au but, il cherche les voies de la connaissance et de la vérité.
Pic ira jusqu’à dire : « je sais beaucoup de choses que d’autres ignorent. » Il fût admiré par Érasme et Thomas More, son érudition ne fût cependant pas reconnue par Rabelais et Voltaire sans doute jaloux ils voyaient en lui « un simple dévoreur de livres. » Pic interpréta les antiques pour essayer de les réconcilier avec le christianisme, l’hermétisme et même la Kabbale, il verra cependant toujours la religion la fin ultime à laquelle la philosophie ne fait que préparer.
« Quant à toi, dispose-toi à la philosophie (…) de façon à te rappeler qu’il n’y a pas de philosophie qui nous détourne de la Vérité et des Mystères : la philosophie cherche la Vérité, la théologie la trouve, la religion la possède. »
Il restait encore un grand pas à faire avant l’avènement des lumières.
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Ce qui rapproche Pic de la Franc-maçonnerie c’est sa propension à puiser dans des traditions séparées considérées jusqu’alors comme inconciliables, sans doute le meilleur que chacune contient.
Un Franc-maçon dirait unir les contraires qui ne sont souvent qu’apparences. Pic cherchait sans doute une unité à travers la connaissance des textes vétéro et néotestamentaires, l’ésotérisme de la Kabbale, l’alchimie, Confucius, les philosophes arabes, la littérature indienne, il cherchait cette fameuse Concordia.
On imagine que dans son siècle il mettait sa vie en danger. Il voulait absolument faire renaître des doctrines enfouies dans un esprit a-dogmatique de concorde et de tolérance. Il fût donc le Phénix capable de lire les textes anciens avec les yeux d’un homme du présent.
Jean-François Guerry.
À SUIVRE…
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Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux. Ceux qui sont vraiment dangereux ce sont les hommes ordinaires les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter.- Primo Levi.