HUMEUR : LE BONHEUR EST DANS LE PRÉ !
« Il faudrait construire les villes à la campagne, l’air y est plus pur. »
Alphonse Allais.
La nature est source d’inspiration paraît-il, faute de résoudre les problèmes récurrents des villes : pollution, transports, logement onéreux, sentiment ou pas d’insécurité. La pandémie de la COVID ayant permis aux télétravailleurs de retrouver le charme bucolique de la campagne, pourquoi pas y expédier tous ceux que l’on est incapable d’accueillir dans les villes, et qui je suppose rêvent tous de s’installer dans « les espaces ruraux », parce qu’après tout on n’en sait rien, on ne les a pas consultés, il n’y a pas eu de grand débat, de colloque, ni de comité Théodule pour recueillir leur consentement. Mais les « espaces ruraux » semblent êtres les nouveaux eldorados des télétravailleurs, du coworking, le lieu idéal pour les briefings, les feed back et j’oublie surement quelques moments particulièrement recherchés par les amoureux des « espaces ruraux ». Voilà, une bonne solution pour résoudre l’accueil de tous ceux qui fuient les dictatures la peur au ventre, de tous ceux qui ne mangent pas à leur faim, de tous ceux qui subissent les catastrophes des dérèglements climatiques. Ceux qui sont nés sur les trottoirs de Manille où d’ailleurs comme le disait le chanteur expert en Maximes et forestier de surcroit ! Mais franchement, je me le demande comment ne pas y avoir pensé plus tôt ! Pourtant, j’entends de temps en temps les habitants de ces « espaces ruraux) se plaindre du manque d’hôpitaux, de maternité, de médecins, se plaindre que les commerces ferment leurs portes, que l’internet n’est pas top (de quoi ils se plaignent ils ont la 3G quand même, bientôt ils vont demander des prises de courant pour leurs voitures électriques !) Enfin, je râle je parle dans le vide, je ne sais pas moi qui habité dans un « espace urbain » c’est l’endroit que quelques attardés appellent encore la ville. Comme je parle sans savoir, j’ai lu un article du « Point », c’est pas mal cela permet de faire le point. Je vous le soumets vous pourrez vous faire votre jugement.
Je vous fais une demande d’excuse pour mes propos hors sol et qui n’ont rien à voir avec le thème habituel de ce Blog, mais parfois il faut transgresser.
Jean-François Guerry.
LE POINT SOCIÉTÉ : Lettre à Périco Légasse, qui veut installer des migrants dans nos campagnes.
Tribune. L’écrivain Jean-Paul Pelras, ancien maraîcher, s’agace des belles âmes qui prétendent « revivifier les campagnes en y envoyant des immigrés »
Monsieur,
Début 2023, Emmanuel Macron entend proposer un projet de loi « relatif à l’asile, donc à l’immigration dans la république ». Et le premier d’entre nous de préciser (donc de reconnaître…) : « Notre politique aujourd’hui est absurde car elle consiste à mettre des femmes et des hommes qui arrivent, qui sont dans la plus grande misère, dans les quartiers les plus pauvres. » Avant de plaider « pour une meilleure répartition des étrangers accueillis sur le territoire, dans les espaces ruraux, qui sont en train de perdre de la population.
Si j’étais de gauche, j’applaudirais des deux mains approuvant cette généreuse initiative décidée, de surcroit, par celui qui sait bien différencier « ceux qui ne sont rien » de ceux qui le valent bien. Oui, j’applaudirais des deux mains et je m’empresserais d’accueillir dans ma chambre d’amis ou dans ma petite résidence secondaire (gauche bobo) celles et ceux à qui il faudra forcément fournir la table et le logis.
Si j’étais de droite, je trouverais bien entendu l’idée inacceptable et j’évoquerais, in petto, les risques liés à l’insécurité, à la soudaine usurpation des emplois locaux, à l’impossible intégration de ces étrangers parmi les ruraux.
Étant (tout simplement) de la campagne depuis bientôt 59 ans, je préfère analyser cette hypothèse avec le regard de ceux qui sont rompus aux subtilités champêtres. Car, en évoquant « les espaces ruraux qui sont en train de perdre de la population » le président de la république a implicitement reconnu l’abandon de ces territoires isolés où plus personne ne veut venir soigner, investir, enseigner, commercer ou tout simplement s’établir et se reposer car il n’y a pas une seule barre pour téléphoner, pas de réseau pour se connecter, plus de clinique pour accoucher, plus de spécialiste pour diagnostiquer, plus de paysans, d’artisans ou d’industriels pour embaucher et depuis que, confinement oblige, un certain gouvernement les as poussés à plier boutique, plus de bistrots pour se désaltérer, plus de resto pour se sustenter. La liste est longue des causes et des conséquences ayant précipité la déprise champêtre. Et lorsque je vous entends, monsieur Périco Légasse, décréter ces jours-ci, depuis un studio d’enregistrement parisien : « C’est une formidable idée, on peut allouer un lopin de terre et en faire des paysans. C’est l’avenir de notre ruralité. » Je me demande ce que vous entendez par « lopin de terre » et j’en viens à me poser quelques questions sur votre capacité à pouvoir évoquer, comme vous le faites régulièrement, le métier d’agriculteur.
Cette propension à vouloir s’occuper des affaires des autres, à savoir forcément ce qui est bien pour eux et à vouloir « faire des paysans » à tout bout de champ commence à devenir pénible. Que savez-vous, monsieur, du quotidien d’un agriculteur ? Ce quotidien que vous idéalisez, cet espace que vous « estimez », sans savoir ce qu’il en coûte de tenir l’outil, non pas pendant quelques secondes devant les caméras, mais durant toute une vie. Que savez-vous de ces prêts qu’il faut rembourser, même quand les mercuriales s’effondrent, même quand le sort s’acharne sur ces récoltes qui n’arrivent jamais. Que savez-vous, messieurs Légasse et Macron du vertige qui envahit au moment de déposer le bilan, que savez-vous de la détresse qui gagne quand la grêle, le gel, la sécheresse ou la pluie détruisent en quelques instants ? Que savez-vous de cette concurrence déloyale qui contraint le paysan français, accablé par les normes environnementales, à abdiquer, car il ne parvient plus à garder sa place sur le marché ?
Et vous venez proposer à ces pauvres gens, comme au moyen Âge au temps des seigneurs et des hobereaux, un lopin de terre ou des « espaces ruraux » afin de les occuper, afin de les éloigner de ces centres urbains et de ces banlieues où vous ne savez plus comment juguler la misère et calmer l’impétrant.
C’est manquer de respect à la fois à ceux qui pourraient arriver et à ceux qui pourraient les accueillir. Car le monde rural, et a fortiori son agriculture, n’est plus en capacité de fournir ni l’emploi ni les structures appropriées à ceux qui ont dus fuir leur pays.
Non, monsieur Légasse, nos campagnes ne doivent pas devenir ce tapis où l’on va dissimuler la misère du monde car elle sera devenue moins visible qu’à Paris.
Jean-Paul Pelras
Jean-Paul Pelras est écrivain, ancien syndicaliste agricole et journaliste. Rédacteur en chef du journal L’Agri des Pyrénées-Orientales et de l’Aude, il est l’auteur d’une vingtaine d’essais, de nouvelles et de romans, lauréat du prix Méditerranée Rousillon pour Un meurtre pour mémoire et du prix Alfred Sauvy pour le vieux Garçon, son dernier ouvrage, le journaliste et le paysan, est paru aux éditions Talaia en novembre 2018.