Dans notre société hyper médiatisée, le silence et le secret semblent incongrus et à moins d’être un moine, ils sont pour les profanes les preuves qui mènent au soupçon et à sa forme achevée le complot. Trompettes de la renommée … aurait dit Georges Brassens.
Pourquoi donc le Franc-Maçon s’obstine t’il à ne pas lever le voile sur ce qui lui a été transmis et confié ? Ne pas confondre bien sûr avec son appartenance dont chacun est libre de la révéler.
Une des premières épreuves de l’apprenti est le silence on lui demande de ne pas trop parler, voir de ne pas parler du tout et pourtant la Parole tient une place importante dans l’initiation Maçonnique à telle enseigne que normalement la transmission rituelique doit se faire par oral, c’est par facilité et pour faire face au plus grand nombre de postulants que les rituels se transmettent maintenant par écrit.
La Parole et sa quête, peuvent êtres assimilées à la recherche du Graal, la Parole primordiale est verbe créateur.
Dans son Perceval Roger-Jacques Thibaud évoque la prédiction par l’intermédiaire d’un muet et d’une muette annonçant la venue d’un enfant de la Veuve qui sera un valeureux chevalier.
Le silence sera donc rompu après une période initiatique d’apprentissage, lorsque les émotions mais surtout les élans instinctifs seront maitrisés, la parole s’exprimera contrôlée symboliquement par une main sur la gorge, et c’est la gorge serrée quelle sera donnée.
Wolfram Von Eschenbach affirme : « je ne sais ni lire ni écrire ». Au moyen âge, ne pas savoir lire signifiait garder le silence, car la lecture s’effectuait à voix haute sans doute en rapport avec la rareté des livres. Ne pas savoir écrire pour un écrivain signifiait son incapacité à inventer, à ajouter ou retrancher, mais seulement être capable de transmettre les mots reçus.
Robert-Jacques Thibaud dans son Perceval écrit : « (….) l’attitude silencieuse de Wolfram signifie qu’il utilise un langage symbolique pour exprimer le mystère d’un processus initiatique que chacun est invité à suivre mais que bien peu désirent s’astreindre à vivre dans toutes ses implications morales et spirituelles. En effet, outre la sincérité et la pureté de cœur, la chasteté, l’humilité et l’apprentissage permanent sont de règle pour être admis à contempler le Graal nourricier, à en être un Chevalier et peut-être le roi, si le précieux objet le décide ou, matériellement, si l’énergie du postulant concorde avec celle de la pierre »
L’on voit ici que l’attitude silencieuse et contemplative permet de lever le voile cosmique et d’apercevoir le char et son trône…. Ainsi l’on comprend le nécessaire silence, qui précède la subtile compréhension de la langue des oiseaux qui permet l’accès aux mystères.
Ainsi l’on comprend mieux l’impossibilité pour le profane de comprendre que l’initié Franc-Maçon ferme en lui la porte des secrets. Trahir le silence et le serment du secret c’est renoncer au respect de l’enseignement traditionnel, condition indispensable à toute démarche spirituelle.
Pour Wolfram comme pour Chrétien de Troyes, le silence traditionnel est l’une des premières vertus à acquérir.
De la contradiction apparente entre Silence et Parole Roger-Jacques Thibaud écrit : « Un symbole est toujours paradoxal puisqu’il associe le fonctionnement physique et matériel à la pensée spirituelle, c’est à dire qu’il ne détache jamais la théorie et de la pratique. C’est le thème même de toute œuvre porteuse d’un message spirituel, quelle que soit son époque. Cependant, il ne peut être délivré.
L’opposition entre silence et parole, contemplation et activité, existe depuis la plus haute antiquité, puisque c’est par l’écoute que l’on apprend et par la parole que l’on fait exister les choses et les êtres. C’est dans le silence le plus parfait (le silence du Cœur) que l’on entend le message divin… »
JFG
Source : Perceval de Peredur à Parzival Une source de la spiritualité occidentale. Roger-Jacques THIBAUD. Éditions Dervy.