DONNER SON ASSENTIMENT…
Un acte banalisé souvent confondu avec le fait de consentir de guerre lasse, par lassitude. Donner son assentiment ce n’est pas cela c’est la réalisation d’un acte, une action murement réfléchie, un jugement personnel maîtrisé qui n’est pas soumis à l’excès d’un sentiment ou d’une passion. L’assentiment est une discipline qui trouve sa plénitude après un exercice de l’esprit, un travail de l’esprit, un Exercice Spirituel tel qu’il était pratiqué par les stoïciens et repris par les francs-maçons qui cherchent la vérité. Le symbolisme, l’étude des symboles est une voie pour donner son assentiment.
Je m’explique il y a d’abord un contact physique, corporel avec les choses, les objets, les images, c’est un contact animal, une impression qui naît de notre contact avec l’objet, l’image, le symbole mis sous nos yeux dans sa forme extérieure, cette image les Grecs l’appelait phantasia. Elle apparaît à notre âme directrice, à une partie de notre âme. Cette image de l’objet remplace peu à peu l’objet, le franc-maçon ne verra bientôt plus la règle mais ce qui parle à son âme la rectitude, il ne verra dans le compas que l’ouverture de l’esprit. Peu à peu l’image de l’objet produit sur nous une modification de l’âme. Nous énonçons dans notre discours cette modification produite, c’est la naissance de notre discours intérieur auquel nous donnons en conscience notre assentiment ou non.
L’image, l’apparence du départ était un outil passif, inerte. Le discours intérieur provoqué, produit par l’objet devient actif grâce à notre âme. Il naît donc une production intérieure une vie intérieure. Le double aspect passif et actif est le processus d’assentiment.
Ainsi nous sommes émus devant une image, un symbole, l’aspect extérieur d’une chose qui se présente à notre âme, et cela sans notre volonté, c’est spontané, la beauté d’un paysage, la perfection de cercle, la rectitude de la règle. Notre assentiment lui viendra de notre volonté, il se fera librement. Il est constant d’observer que nous sommes émus par les symboles universels comme l’étoile flamboyante par exemple, mais il est nécessaire de donner notre assentiment.
Ainsi l’insensé ne verra que le symbole et le sage cherchera l’idée sous le symbole. Il lui faudra requérir l’Exercice de son esprit. Ainsi nous passons par ce processus de l’image apparente phantasia au jugement hypolépsis qui est le discours intérieur, pour donner ou non notre assentiment sunkatathésis ou non. Sans peut-être le savoir nous avons réalisé un véritable Exercice Spirituel, en faisant ce que l’on appelle l’étude d’un symbole, nous avons exercé notre propre jugement sur le symbole. C’est ce qui est important, car si nous ne pouvons rien sur certaines choses qui ne dépendent pas de nous (Épictète), nous pouvons toujours exercer notre jugement, c’est ce qui nous permet de ne pas souffrir face à des choses sur lesquelles nous ne pouvons rien.
Cette discipline de l’assentiment, est une méthode, un exercice pour la construction de son temple intérieur, de son être intérieur, de notre citadelle intérieure pour être capable de résister face aux choses devant lesquelles nous sommes démunis, c’est une préparation de notre être. Cela nous mène à la conversion de notre regard sur les choses, l’on parvient ainsi avec notre jugement à une plénitude, l’on passe du particulier à l’universel.
Ce processus rend obligatoire la reconnaissance de la partition de notre âme en deux. La partie inférieure qui reçoit les choses, qui est émue mais qui ne construit pas un jugement. Pour elle les choses sont, elles ne sont ni bonnes, ni mauvaises elles sont. La partie supérieure de l’âme ( ce que les maçons appellent sans doute les hautes sphères de la spiritualité) est bien la recherche d’un bon jugement, un jugement moral, conforme au bien moral d’où la pratique de la justice.
Finalement ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les choses, mais leur jugement sur les choses…
D’où l’impérieuse nécessité pour sortir de la souffrance de construire son jugement, son discours intérieur, son temple intérieur, dans le secret de son cœur. De rechercher le bien moral, pour atteindre la plénitude de la joie, pour que la joie soit dans les cœurs.
Cet exercice de l’assentiment est demandé au maçon libre et de bonnes mœurs tout au long de son cheminement initiatique, réformer son jugement, convertir son regard dès sa présence dans la chaîne d’union, il pardonnera à ses ennemis d’hier, quand il aura atteint le Nec plus ultra de son initiation, il lui sera demandé de choisir entre les deux poursuivants, entre le noir et le blanc, entre le bien moral et le mal moral.
L’initiation consiste donc à toujours faire appel à la partie haute de son âme, pour donner son assentiment. Écouter sa conscience, son ange gardien, son Daïmon, son génie celui qui parle dans l’Archiloge (la boulomie) du maçon, la loge où l’on construit. C’est la recherche de Plotin : « Quelqu’un qui soit en moi, plus moi-même que moi. »
Monter progressivement vers cette hauteur d’âme, c’est le processus d’assentiment qui rend l’homme plus juste plus humain.
Jean-François Guerry.