Publié le 29 Novembre 2024 par Jean-François Guerry

Où il est question du bouc émissaire et du bien et du mal

Où il est question du bouc émissaire et du bien et du mal.

’est l’anthropologue, historien et philosophe français René Girard qui développé la théorie du bouc émissaire le passage du un contre un au tous contre un. Théorie qui met en lumière la violence, et qui son origine dans le mimétisme. Les hommes ont besoin de mythes, de légendes et de leurs héros dieux et demi-dieux, et d’holocaustes. René Girard a mis en exergue le réalisme de sa théorie dite mimétique comme : La Voix méconnue du réel. L’origine du mal viendrait de notre propension au mimétisme ? Pour tenter d’illustrer cette théorie je vous propose la lecture d’un extrait du Jardin des Roses du poète perse Saâdi un livre qui m’été offert récemment par un ami, un frère qui l’avait acheté dans une librairie de Chiraz une édition de 1942 et qui depuis a établi sa demeure sur mon bureau à portée de main et de cœur.

Jean-François Guerry.

LE REMÈDE.

n sultan avait une maladie épouvantable, dont il ne convient pas de dire le nom. Un éminent médecin grec déclara :

Il n’y a qu’un seul remède à cette maladie : le fiel d’un individu qui aura les vertus que je vais t’énumérer.

Le sultan ordonna de rechercher ce personnage. On finit par trouver un homme qui était doué de ces qualités.

Le lendemain, le vizir annonça qu’il était permis de répandre le sang d’un sujet pour la conservation de la vie du sultan.

Le bourreau se disposait à décapiter le malheureux, lorsque celui-ci se mit à rire.

Qu’as-tu donc ? Lui demanda le sultan.

Excuse-moi ! Répondit l’homme. Je causais avec Allah.

Oui. Je venais de Le questionner sur ton cas. Autant dire que je ne voulais pas mourir en te sachant responsable de mon sort. Allah m’a appris que tu vas te damner vainement parce que nous avons la même maladie, et mon fiel, paraît-il, doit aggraver la tienne.
Est-ce la vérité ? Murmura le sultan terrifié.
On doit croire un individu qui est à son dernier instant. Je pourrais te dire encore autre chose, mais tu comprends mon impatience d’en finir avec cette désagréable cérémonie.

Il se tourna vers le bourreau.

Allons, mon brave ! Dépêchons-nous…
Arrête ! Jeta le sultan. Je veux savoir la suite. Parle, et je rendrai la liberté !
Voici, termina l’audacieux. Allah m’a confié que ton médecin grec est le seul homme au monde dont le fiel te guérirait. Mais, afin qu’il soit absolument efficace, on ne doit pas décapiter son possesseur. Il faut l’enterrer debout, jusqu’à la poitrine, puis le faire dévorer vivant par des rats affamés, que l’on chasse dès qu’ils vont atteindre le foie.
Gloire à Allah et longue vie pour toi ! S’écria le sultan. Je n’ignore pas que notre souverain Maître éclaire quelquefois ceux qui vont mourir. Gardes, allez vous emparer de mon médecin et qu’il soit fait, tout de suite, selon ce que vous avez entendu !
Je me rappellerai toujours ces vers qu’un voleur chantait, un soir, au bord du Nil : « Je te loue, ô Seigneur, de nous avoir refusé l’exacte connaissance du bien et du mal, et de l’avoir gardée pour Toi.