LIRE OU NE PAS LIRE : Au commencement...

LIRE OU NE PAS LIRE : Au commencement…

                           « Un homme de la parole est un homme de parole. »

                                                     Jacques Derrida.

Dans les loges maçonniques qui travaillent à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers, qualifiées de spirituelles, théistes ou déistes. On trouve sur un autel disposé à l’Orient, appelé autel des serments. Un livre symbole des écritures sacrées, que les Francs-Maçons qualifie de Volume de la Loi Sacrée, une des trois grandes lumières de la Franc-maçonnerie. Dans de nombreuses loges (sans obligation) ce livre est la Bible. Dans les premiers degrés de l’initiation maçonnique la Bible est ouverte au prologue de l’évangile de Jean, ou de Saint-Jean, reconnu comme le patron des Loges dites de Saint-Jean.

Lire ou ne pas lire les premières lignes du prologue de cet évangile apocryphe et ésotérique de Saint-Jean ? Les premières lignes de ce prologue évoquent la parole, le verbe créateur. Ce prologue, un peu complexe, hermétique correspond bien aux mystères de l’initiation, mystères de la vie. Il est une source d’inspiration, de méditation, pour les Apprentis Francs-Maçons, mais aussi les Compagnons et les Maîtres. Qui sont à la recherche de la Parole originelle, la Vérité et la Lumière. Enfants de la veuve, orphelins donc de leur père.

Ce prologue est d’une telle richesse spirituelle et universelle qu’il ne saurait être le dogme d’une religion particulière, si l’on veut en faire un texte religieux, il est alors un texte fondateur de la religion universelle, qui peut être celle de tous les hommes qui revendiquent leur fraternité. Lire le prologue de l’évangile de Jean ou de Saint-Jean nécessite d’ouvrir son esprit. Cet évangile féconde toutes les interprétations de son prologue jusqu’à l’apocalypse.

Alors, à mon sens ne pas lire les premières lignes, c’est donner moins d’intensité à la sacralisation du temple, à sa métamorphose en loge. Les Sœurs et les Frères qui choisissent de ne pas lire ce prologue sont tout aussi respectables, que ceux qui choisissent de le lire, suivant le principe que le Franc-Maçon ne met aucun obstacle à sa recherche spirituelle. Preuve en est la Franc-Maçonnerie en général et le Rite Écossais Ancien et Accepté en particulier sont souvent comparés à une éponge capable d’absorber les vertus des traditions et des religions et de n’en retenir que les meilleures qui sont universelles. À partir du moment où le Volume de la Loi Sacrée est ouvert et que dessus sont posés le Compas de l’esprit et l’Équerre de la rectitude, je ne vois pas d’obstacle pour ma part, à lire un livre qui ouvert.

Les mots, les idées résonnent à partir de ce symbole, ils frappent à la porte de notre cœur, avec Force et vigueur. La Lumière devient Parole, le Verbe devient Lumière elle éclaire la totalité de la Loge de l’Occident à l’Orient, elle est reçue par les Apprentis silencieux sous la Lune, elle éclaire les Compagnons sous le soleil, elle illumine les Maîtres, jusqu’au centre de loge, la Lumière descend le long du fil à plomb. Les colonnes dans lesquelles monte la sève de l’esprit s’épanouissent comme la ramure des arbres qui tend vers le ciel.

Lors de cette lecture, les Sœurs et Frères recueillis tournent leurs regards vers la Lumière de l’Orient, la chair frémie en silence. À chaque lecture, c’est le sentiment de vivre quelque chose de plus grand que soi, on perçoit l’immensité spirituelle du texte, il y a comme un parfum d’absolu déposé dans notre âme.

Se priver de cette lecture c’est un peu se priver d’une partie du chemin, celui de la pensée qui donne de la Force à l’action que nous devrons accomplir dans la Loge, mais surtout dans le monde profane après nos travaux, sans cette action à quoi servirait notre initiation ?

Cette lecture nous rappelle la possibilité pour chaque homme de recevoir sa part de Lumière, s’il a la volonté de la demander, s’il la désire intensément. Plus encore cette lecture à l’ouverture des travaux permet le passage ensemble du « je » au « nous », ensemble nous recevons la parole, ensemble nous communions avec l’esprit. Cette lecture est une épiphanie, une manifestation de l’esprit, du principe créateur. Elle est créatrice d’harmonie, d’unité, propice à l’élévation de toutes les consciences pour les travaux avenir, les Sœurs et les Frères sont des cœurs unis en un seul.

Il y a, à chaque lecture, bien au-delà du formalisme et de la rigueur, une régénération spirituelle partagée, une espérance nouvelle que tous les hommes un jour seront Frères.

Cette lecture est un acte de partage de la Lumière, un passage de son moi à son soi. Cette lecture est un chemin, très court, un raccourci vers les autres. Comme le disait Paul Ricœur : « Le plus court chemin de soi à soi passe par les autres. » Recevoir en soi, cette lecture du prologue est aussi une ouverture vers les autres.

                                            Jean-François Guerry.       

Avec lecture de textes explicatifs. Loge de la Bienfaisance

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