LA LOI D'AMOUR - AIMER

La Loi d’Amour. Aimer

Les chrétiens en vinrent à prendre la foi pour de la croyance, l’espérance pour des vœux pieux, et la charité pour l’aumône ou pour un sentiment d’amour.

                        Patrick Négrier – Revue l’Initiation Traditionnelle- N°1 -2024.

En qualité de Franc-maçon, revendiquant être un initié, voir un combattant pour la défense du vrai, du juste, du bien et du bon, un chevalier de l’esprit. Pouvons-nous que constater la dégradation du sentiment d’amour pour les autres dans les temps modernes. Une sorte d’entropie qui détruirait les fondements de l’amour des autres en les réduisant à l’action des ONG, au Charity business, prodigués par des pédagogues bien éloignés du Sacré de la Loi d’Amour. Cet article de Patrick Négrier paru dans la Revue l’Initiation Traditionnelle a éveillé mon désir d’approfondissement et de relecture des paroles qui auraient prononcées par Jésus le prophète le plus humble de tous incarnation de la loi d’amour jusqu’au sacrifice de sa vie.

La plupart des Francs-maçons, croient en un principe créateur sans lui donner un nom précis, mais générique celui de Grand Architecte de l’Univers. Dans leurs loges sur l’autel des serments ils disposent leurs trois grandes lumières le Volume de la loi sacrée, l’Équerre et le Compas. Dans les loges dites de Saint-Jean le Volume de la Loi Sacrée est la bible ouverte au prologue de Jean.

Les Francs-maçons se déclarent adogmatiques, mais à un certain degré de leur initiation ils se réfèrent néanmoins à une doctrine, un ensemble de faits qu’ils affirment vrais et qui dirigent leur action, la justice et la loi d’amour entremêlées sont pour eux des doctrines. Ils font pourtant l’humble constat de leur ignorance, ils font du combat contre l’ignorance un remède, une voie vers la Connaissance, mais vers seulement conscient qu’ils ne pourront pas l’atteindre, ils sont à la recherche de la Vérité, et constatent avec humilité qu’ils ne pourront jamais atteindre l’absolue Vérité, mais tendre vers.

C’est la Docte ignorance de Nicolas de Cues, issue de la sagesse antique de Pythagore, et Socrate : je sais que je ne sais rien. Cette même sagesse de Salomon constatée dans l’Ecclésiaste I prologue : Vanité des vanités, dit Qohélet, vanité des vanités, tout est vanités. Ou encore dans l’Ecclésiaste VIII maximes de sagesse et leur critique : Aucun homme n’est maître du souffle. (…) cela aussi est vanité. L’homme peut s’avancer par degrés vers la Vérité, mais il doit reconnaître aussi que la Vérité est infinie et inabordable dans sa plénitude, sa totalité, son unité, son humanité est finitude. Bien des siècles après Kant réaffirmera cela dans sa Critique de la raison pure, en disant que le noumène est inconnaissable qu’il peut simplement être penser.

L’amour peut-il être réalisé ? Mais de quel amour parle-t-on ? Notre langue vernaculaire n’est pas suffisamment précise pour définir le mot amour, le grec qui fût longtemps la langue véhiculaire des savoirs à mis en exergue la polysémie du mot amour. Patrick Négrier dans son article nous propose une lecture de la bible avec ses analogies et ses métaphores pour débusquer les sortes d’amour, les différentes façons d’aimer et l’action des pédagogues de l’amour.

Il y a différentes façons d’aimer :

• Aimer de manière intellectuelle (les pensées, les livres, les arts etc...)
• Aimer affectivement (les êtres vivants, les personnes, aimer des lieux, des époques de la vie etc…)
• Aimer sexuellement ou par intérêt (selon son plaisir, l’argent, les honneurs etc…)

Dans la bible Pierre nous dit qu’il faut aimer ses Frères dans sa première épitre 3,8 : Entre Frères (…) qui veut, en effet, aimer la vie et voir des jours heureux doit garder sa langue du mal et ses lèvres des paroles fourbes. S’éloigner du mal et faire le bien, chercher la paix et la poursuivre (…). Un Franc-maçon, doit fuir le vice et pratiquer la vertu. Pierre dit encore II- 1,7 : à la piété l’amour fraternel, à l’amour fraternel la charité.

Patrick Négrier va analyser les différentes manières d’aimer à travers les réponses à la question posée par Jésus à ses apôtres.

Épilogue de l’évangile de Jean 15 : Simon fils de Jean m’aimes-tu, plus que ceux-ci ? Il lui répondit : Oui seigneur, tu sais que je t’aime. Jésus lui dit : fais paître mes agneaux.

Il lui dit à nouveau une deuxième fois : Simon fils de Jean m’aimes-tu ? oui seigneur lui dit-il, tu sais que je t’aime, Jésus lui dit : Sois le pasteur de mes brebis. Il lui pour la troisième fois : m’aimes-tu ?  Et il lui dit seigneur tu sais tout, tu sais bien que je t’aime, Jésus lui dit : fait paître mes brebis.

Dans ce premier m’aimes-tu ? C’est l’amour serviable, charitable, une pédagogie sacrée à l’égard d’autrui, si l’on considère que les agneaux sont des hommes. Être charitable et aimant consiste à les faire paître leur donner à manger et à boire. Cependant si ces agneaux, ses hommes ne respectent pas les valeurs qu’on leur donne et qui sont les conditions de leur vraie joie, voire de leur bonheur, nous nous trouvons dans une impasse. C’est ce que dit Mathieu 7, 6 : Ne donnez pas des choses saintes (sacrées) aux chiens et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent.

Le travail est immense, est-il dérisoire ? Pour les Francs-maçons le Rite et sa pratique au moyen des rituels, doit être à la fois une maïeutique et une propédeutique propre à la transformation, à la conversion du regard. Le Franc-maçon doit avoir constamment à l’esprit que l’action est essentielle dans la transmission, c’est son Devoir : souvenons-nous que nous devons propager sur la Terre, toutes les vertus qui naissent de la Foi et de la Charité.

Le deuxième m’aimes-tu ? impose une pédagogie sacrée : Sois le berger de mes brebis. À un certain degré de son initiation, le Franc-maçon affirme avoir le bonheur d’être un Chevalier de l’esprit, épée dans une main et truelle dans l’autre main.

Le troisième m’aimes-tu tendrement ? Je dirais est du domaine de l’amour philia, fraternel. Il impose d’être bienveillant vis-à-vis de ses Frères, d’être un pédagogue non soumis à l’hubris. Cela demande la pratique de l’humilité, l’abnégation, le respect du silence et de l’écoute fraternelle de l’autre. Cela suppose l’accueil de l’autre, de ses paroles et de la parole d’amour. Comme il est dit dans le prologue de Jean, la lumière est venue, certains l’ont reçue d’autre pas. Le Frère pédagogue doit donner des encouragements à l’accueil de la parole. (Rôle des surveillants en loge avec les apprentis et les compagnons). L’on remarque que le commencement et la fin sont en correspondances prologue et épilogue de Jean.

Il y a un risque pour le pédagogue de se concentrer uniquement sur les valeurs (ou plutôt les vertus) sur leur caractère objectif, oubliant que ses élèves, n’ont ne sont pas toujours déjà élevés à la hauteur, la connaissance de ces vertus. Oubliant le caractère subjectif de ses élèves. Alors les vertus seraient en quelque sorte désincarnées, vouloir à tout prix, tout de suite imposer même la loi d’amour devient trop théorique. Cela ne tient pas compte de l’identité et du caractère subjectif même de la loi d’amour, la doctrine de l’un n’est pas encore la doctrine de l’autre. Le pédagogue abuse de son pouvoir, de sa puissance, oubliant que la meilleure pédagogie est l’exemplarité en toute humilité. Le grain est en terre, mais le blé n’est pas encore levé, le mûrissement se fait progressivement. La Franc-maçonnerie se distingue des sectes, parce qu’elle respecte l’identité, la spécificité de chacun, la doctrine d’amour ne peut par nature pas être un dogme.

Jérémie 23- de 1à 8 : Malheur aux pasteurs qui perdent et dispersent les brebis de mon pâturage. Oracle de Yahvé ! C’est pourquoi ainsi parle Yahvé, le Dieu d’Israël contre les pasteurs qui ont paître mon peuple : vous avez dispersé mes brebis vous les avez chassées et ne vous en êtes pas occupés. Eh bien ! moi je vais m’occuper de vous, de vos méfaits (…) Je rassemblerais moi-même le reste de mes brebis (…) je susciterai à David un germe juste ; un roi régnera et sera intelligent exerçant dans le pays droit et justice (…)

L’annonce est faîte de la venue du Roi Salomon. Ézéchiel 34- 4,17. Vous n’avez pas fortifié les brebis chétives, soigné celle qui était malade, pansée celle qui était blessée. Vous n’avez pas ramené celle qui d’égarait, cherché celle qui était perdue. Mais vous avez régner avec violence et dureté (…) parce que mes pasteurs se paissent eux-mêmes sans paître mon troupeau. Voici que je vais juger entre brebis et brebis (…)

Zacharie 11- 4, 17. (…) Fais paître les brebis d’abattoir celles que leurs acheteurs abattent sans être châtiés, dont les vendeurs disent me voilà riche et que les pasteurs n’épargnent point (…) Malheur au pasteur inexistant qui délaisse son troupeau ! (…)Enfin la mise en garde de Jean 10- 1, 15 : En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans l’enclos des brebis, mais en fait l’escalade par une autre voie, celui-là est un voleur et un brigand (…) C’est pour cela que le père m’aime parce que je dépose ma vie, pour la reprendre. Personne ne me l’enlève ; mais je la dépose de moi-même. L’on discerne dans ces textes le caractère universel de la doctrine de la loi d’amour.

Comment y parvenir à titre individuel, comment le pédagogue sacré peut nous y faire accéder ? Le Cantique des Cantiques de Salomon peut nous y aider. On y lit par trois fois : Ne réveillez pas l’amour, avant qu’il ne le veuille. L’Amour, l’Amitié, l’Amour des autres n’est donc pas une question de la raison, une volonté de la raison, on ne peut pas décréter l’Amour. L’Amour est une potentialité présente dans l’être humain. Un sentiment de l’ordre du pathos. L’Amour naîtra, s’éveillera, prendra son essor en fonction des événements de la vie de l’homme, de ses problèmes, de ses souffrances. Je pense ici au jugement de Salomon le Roi de Salem et de Justice et son jugement devant cette femme capable d’abandonner à une autre son propre enfant pour le sauver de la mort, quel magnifique acte d’Amour. C’est pourquoi sans doute le Cantique des Cantiques figure dans les livres sapientaux avec le Livre de Sagesse.

Cantique des Cantiques 2- 7 : Je vous en conjure filles de Jérusalem, par les gazelles, les biches des champs, n’éveillez pas, ne réveillez pas, mon amour, avant l’heure de son bon plaisir. Ceci est repris dans le Cantique des Cantiques à l’identique dans 3-5 et 7-4.

Une belle réflexion en perspective sur la loi d’Amour et son éveil, une loi qui existe en nous, qui surgit au cours des épreuves d’où l’expression j’éprouve de l’Amour. C’est par une transformation lente, que l’on se dirige vers la loi de l’Amour véritable sans demande de réciprocité, sans pourquoi, ni pour quoi. L’on peut observer que contrairement à ce que l’on dit, avec l’âge le véritable Amour désintéressé murit et éclot. Ainsi l’on voit souvent des hommes mûrs pleurer ou être émus, quand ils approchent le terme de leur vie, comme ode à la nature et aux hommes.

De même le pédagogue véritable, patient et à l’écoute éveille son élève, il est rempli de joie à voir qu’il est en train de le dépasser dans les savoirs et la Connaissance. Il sera bientôt à l’écoute de son élève, plein d’Amour. C’est pourquoi, la doctrine du plus humble de tous, lui fit faire le don le plus grand, le sacrifice de sa vie pour les autres. L’on retrouve là en dehors de toute religiosité, la philosophie éthique de Levinas qualifié de philosophe de l’altérité. Le sentiment de gratitude réciproque se confond en une unité entre le pédagogue et l’élève, entre aimant et aimé. Le Rite maçonnique et ses rituels agissent envers ses adeptes comme des guides spirituels vers la voie de la Lumière. Ils éveillent, ouvrent les yeux du corps et surtout l’œil du cœur organe de son intelligence.

                                    Dieu aime celui qui aime.

                                    Nombre – 11-26.

                                                     Jean-François Guerry.

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