DE LA FRATERNITÉ À LA SOLIDARITÉ – PART-II-
« La liberté et l’égalité sont conçues comme un cadre que la fraternité vient remplir. » Bergson.
Les religions du livre, et plus particulièrement le judaïsme et le christianisme ont fait de la fraternité ‘leur propriété’. Il suffit de relire la genèse sous le prisme du symbolisme, l’épisode relatant le meurtre d’Abel par son frère Caïn et cette interrogation célèbre de Caïn : « Suis-je le gardien de mon frère ? » Cette interrogation sert encore de nos jours de thème de travail dans les Loges maçonniques et dans le monde profane. Le nouveau testament avec la loi d’amour du plus humble de tous : « Aimez-vous les autres, comme je vous ai aimé ! ». Ainsi que le 5ème commandement : « Tu ne tueras point ! », fondent la fraternité humaine universelle. Cette fraternité a été et demeure un marqueur des religions jusqu’au siècle des lumières. Elle est donc une idée, un principe, ce n’est qu’au moment des révolutions de 1789 et 1848 qu’elle deviendra aussi un concept, puis un concept juridique quand elle fût associée à la liberté et l’égalité.
La fraternité a -t’elle perdue de sa force de sa puissance en passant d’une idée, d’une valeur, d’une vertu à un simple concept juridique ? Personnellement je pense que oui, elle a perdue son caractère universel. C’est un peu comme la spiritualité qui a perdu sa pureté son universalisme quand elle a été caractérisée de religieuse ou laïque, elle a été réduite, fractionnée, elle n’est plus une unique.
La fraternité associée à la loi d’amour, à la vertu de charité a perdue de sa potentialité quand elle est associée à la liberté et à l’égalité et surtout mise en troisième position ! Comment être libre, comment être l’égal de mon Frère si je ne pratique pas la fraternité ? Je ne vous rappelle pas la première lettre de Paul aux Corinthiens 13,1-3 sur la vertu de charité.
Les révolutions de 1789 et 1848 ont essayés de faire de la fraternité une question de droit, ce qui semble logique la fraternité étant inscrite au fronton de nos édifices publics. Mais comment inscrire dans une loi sociale, ce qui par nature est présent dans le cœur des hommes. Dans notre société minée par l’individualisme, il faudrait écrire partout fraternité, et pas seulement sur nos édifices publics, comme Paul Eluard l’a fait avec son poème la liberté.
Laurence Marion conseillère d’état a écrit : « Cette transcription normative a toujours été insatisfaisante, en particulier parce qu’elle conduit presqu’inévitablement à altérer l’universalité de la notion. »
À mon sens la normalisation de la fraternité amenuise sa lumière, coupe son élan son essor. On ne peut pas, on ne doit pas enfermer la fraternité dans des bornes, des normes, des lois. La fraternité qui vient du cœur de chacun, doit se traduire par des gestes, qui soient infinis et universels, parce-que la fraternité est une pratique d’humanité.
Le pape François, ne s’y est pas trompé en voulant faire vivre la fraternité, non pas en qualité de représentant unique des catholiques, mais en prenant le mot catholique dans son étymologie issue du grec ancien Khatholikós qui signifie général universel. Le pape François donc a qualifié de fraternelle l’église catholique avec son encyclique Fratelli Tutti, une profession de foi en faveur de la fraternité universelle. Il a voulu en faire un marqueur de son épiscopat en tant que représentant des fidèles catholiques prônant la paix, le dialogue interreligieux et social, mettant en exergue la vertu de charité. Faire en quelque sorte l’union fraternelle de tous les hommes autour de cette vertu. On est loin de la faiblesse d’un concept et d’un droit, on est bien au-dessus, bien plus loin…La fraternité devenant alors le ciment de l’union entre tous les hommes chère aux Francs-maçons, qui ont dans une main l’épée de justice et dans l’autre la truelle pour construire le temple spirituel où règne l’amour fraternel.
Le législateur comprenant l’importance de la fraternité a voulu la faire entrer dans la loi, même d’en faire une valeur juridique suprême constitutionnelle en 2018. En reliant la fraternité au droit d’aider autrui en toutes circonstances, je vous laisse à votre réflexion sur l’application de ce principe surtout en matière d’accueil des étrangers.
C’est ainsi, que par glissement la fraternité s’est transformée en solidarité et son caractère plus sélectif, plus profane. Dans une société devenant de plus en plus individualiste, matérialiste, comment faire que « que je sois toujours le gardien de mon frère ? ». Comment le reconnaître comme tel ? Comment respecter sa dignité ? Comment faire en sorte de passer du « Je » individuel au « Nous » collectif et universel, la Franc-Maçonnerie, modestement, humblement est peut-être une voie ?
Jean-François Guerry.
À SUIVRE : De la Fraternité à Solidarité – Part- III-
LIRE : EXERCICES SPIRITUELS ANTIQUES ET FRANC-MAÇONNERIE. Auteur Jean-François GUERRY.
Une recension sur le livre de La Grande Loge Suisse Alpina.
Jean-François Guerry – Académie Maçonnique Provence-Éditions Ubik, Coll. l’intégrale, 2021, 154 pages, 15 €
Présentation de l’éditeur :
Les hommes cherchent à découvrir leur être intérieur. Ils recherchent la connaissance par un retour à l’essence de leur soi. Construire leur temple intérieur pour participer à la construction du monde qui les entoure, trouver leur juste place. Comment y parvenir ? La philosophie antique était theoria et praxis, elle était alors de vivre. La Franc-maçonnerie est aussi un art parfois qualifié de royal, un art qui impose de Savoir, Comprendre et Agir. L’observation de la pratique maçonnique démontre que les travaux maçonniques sont de véritables Exercices spirituels. On peut vivre sans la philosophie, comme l’on peut vivre sans la Franc-maçonnerie, mais moins bien.
Biographie de l’auteur :
Sur le plan profane : né en 1947 à Vanves, Jean-François Guerry suivra ses études à Paris puis en Bretagne pour s’orienter vers des études supérieures en Agriculture. Technicien de l’alimentation animale puis commercial dans l’industrie pharmaceutique, il créera ensuite une société immobilière spécialisée dans les transactions pharmaceutiques, société qu’il dirigera jusqu’à sa retraite
Sur le plan maçonnique : initié au Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA) en 1987 au sein de la GLNF, il occupera tous les Offices y compris celui de Vénérable Maître participant activement à la fondation de plusieurs Respectables Loges. Grand Officier de la Grande Loge Provinciale de Bretagne pendant plusieurs années, il en a été Assistant Grand Maître Provincial et président de la S.A Immobilière de Bretagne GLNF.
Initié en 1996 au 4e degré du Suprême Conseil pour la France, il a, en 2008, intégré la Grande Loge de France ainsi que le Suprême Conseil de France. 30e degré, il est actuellement Président d’un Souverain Chapitre du 18e degré.
Il crée en 2015 le blog « La Franc-maçonnerie au cœur, Un blog d’information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures » qu’il anime quotidiennement http://www.lafrancmaconnerieaucoeur.com/
[NDLR : nous avions annoncé ici-même https://bit.ly/3mU5Fbk la conférence donnée par Jean-François Guerry sur les « Exercices spirituels antiques et Franc-Maçonnerie » le samedi 25 septembre 2021 au Château Saint Antoine dans le cadre des VIes Rencontres de l’Académie Maçonnique Provence. Un ouvrage préfacé par Charles-Bernard Jameux, ancien Grand Chancelier de la Grande Loge de France dont l’exorde nous propose une façon de philosopher et de maçonner. Car, en philosophie comme en Maçonnerie, nous y trouvons plaisir et joie de penser par soi-même. Et le Maçon a aussi, comme le philosophe, le devoir de s’interroger sur tout, à commencer sur lui-même…
Puis l’auteur nous conduit à travers la philosophie antique et ses exercices spirituels, comme une source de la méthode maçonnique. Il convoque Pythagore, Socrate, Platon, Aristote, architecte de la Sagesse, Cicéron, citoyen romain, Marc Aurèle et Plotin. À noter, l’annexe comprend l’esquisse d’une fresque historique et chronologique ainsi que le descriptif du célèbre tableau de Raphaël L’École d’Athènes]
Groupe de Recherche Alpina
sous les auspices de la Grande Loge Suisse Alpina fondé en 1985 « Rechercher, partager et publier avec curiosité, ouverture et qualité »
Lu pour vous : Les recensions du GRA
Exercices spirituels antiques et franc-maçonnerie |
Jean-François Guerry, préface de Charles-Bernard Jamieux Académie maçonnique -Provence Ubik-editions.com, 2021, 253 pages, en vente sur Comptoirdu livre.fm ISBN 97-2-91-965645-5, prix 15 € |
Nul doute que la franc-maçonnerie, continentale, particulièrement, dispose d’un contenu se référant à la philosophie de l’Antiquité.
Mais en quoi celle-ci, diverse dans ses approches, est-elle présente au sein de celle-là ? Comment le Frère ou la Sœur peuvent-ils, en approfondissant ce riche legs, l’intégrer dans sa démarche initiatique ? Et ceci dans le sens d’une quête sans celle renouvelée d’une Sagesse non pas théorique, mais d'une praxis se répercutant dans la vie de tous les jours ? En évitant de tomber dans une rhétorique oiseuse ou la recherche exclusive d’un discours bien fait, stérile, dérive dans laquelle est tombée la philosophie moderne, et que relève Pierre Hadot, largement cité dans l’ouvrage.
Raison vraisemblable pour laquelle l’auteur a choisi de se
référer au terme « exercices spirituels » dans le titre de son
ouvrage, et l’auteur d’affirmer « Faire des exercices spirituels, c’est donc d’abord s’éveiller, éveiller son être intérieur ». Et de citer Wittgenstein : « La philosophie n’est pas une doctrine, mais une activité » (p. 35). Elle doit cependant, comme l’affirme Montaigne, être d’abord sage avec elle- même, c’est-à-dire exercée avec modération. Y-a-t-il un parallèle avec le dit de Pascal : « Qui veut faire l’ange fait la bête » ? Peut-être...
Examinons le contenu de l’ouvrage de plus près. Chez les Présocratiques, l’auteur s’attache à mettre en parallèle, certains vers dorés attribués à Pythagore avec l’approche maçonnique. Il en fait de même avec les corpus socratiques et platoniciens. Pour ces premiers, l’auteur cite Pierre Hadot : « Socrate n’a pas de système à enseigner ; sa philosophie est tout entière, exercice spirituel, nouveau mode de vie, réflexion active, conscience vivante (p. 92) ». Un parallèle évident avec l’engagement maçonnique. Pour ce qui est d’Aristote, Guerry relève un trait qui est commun, la lutte contre l’ignorance.
Mais, sans surprise, une partie importante de l’ouvrage est consacrée à trois philosophes romains, Cicéron, dont il relève la pensée en mouvement, voire l’éclectisme, un rapprochement supplémentaire avec la franc-maçonnerie, Sénèque, un philosophe de la liberté, à laquelle aspire tout membre de l’ordre, ainsi que, bien entendu, Marc-Aurèle et son adhérence au stoïcisme. Pour ce dernier, l’auteur affirme : « Pratiquer les exercices spirituels stoïciens, c’est préparer son âme pour en faire un temple à la vertu (p. 165). ». Mais quels sont-ils ? Le premier est de se concentrer sur ce qui dépend de nous, de ce nous pouvons améliorer, modifier. Un autre a trait à la perfection personnelle, qui ne doit pas aboutir à un gonflement de son ego (on retrouve la modération du philosophe dans l’exercice de la Sagesse) : « Garde avant tout l’exercice de ta famille, de tes parents, vis comme un homme de bonnes mœurs ». Si l’auteur suit la pensée de Pierre Hadot concernant son analyse de la philosophie de l’empereur, il n’hésite cependant pas à la mettre en parallèle avec la critique que lui a adressée Pierre Vesperini dans « Droiture et mélancolie : Sur les écrits de Marc Aurèle » (éditions Verdier, 2016) en voyant dans ces exercices, non des spirituels, mais des existentiels. Le débat est donc loin d’être, pour ce dernier, clos. Et l’auteur de conclure sur un dit de Henry David Thoreau : « Être philosophe, c’est résoudre quelques-uns des problèmes de la vie, non seulement en théorie, mais aussi en pratique ».
L’ouvrage est réservé à mon sens à des membres de l’Ordre qui ont déjà une bonne connaissance du contenu de la franc-maçonnerie. Il se lira, comme l’action du philosophe, avec modération, et en prenant le temps de s’imprégner de son contenu... et d’y revenir plusieurs fois.
MJ
Contact : academie.maconnique.
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