À L’AIDE SOCRATE !
Dialoguez ! dialoguez ! Cette exhortation pourrait figurer dans un rituel maçonnique, mais aussi dans le préalable de tous les discours politiques. Dialoguer d’abord avec soi-même, pour se connaître et reconnaître avec humilité son ignorance. Dialoguer avec l’autre, les autres ceux qui sont nos proches c’est facile, mais surtout ceux qui sont lointains. Dialoguer pour profiter de leurs différences, dialoguer sans vouloir toujours convaincre l’autre de nos certitudes, lui parler de nos doutes et construire. Construire ensemble un autre monde où tous les hommes admettront enfin qu’ils sont frères. Dialoguer pour nourrir notre désir de connaissances.
Dialoguer c’est refuser de dire comme Socrate : « Écoutez-moi, je vais vous dire la Vérité du haut de mon savoir tout constitué et critiquable ». Dialoguer c’est refuser l’arrogance.
Le deuxième surveillant de la loge maçonnique est chargé de l’instruction des jeunes frères, qui sont parfois bien plus âgés que lui ! Son rôle n’est pas d’affirmer, mais de faire penser son frère par lui-même, c’est l’esprit et l’enseignement des Lumières.
Ce formateur, n’est pas un informateur, il soulève simplement un coin du voile qui recouvrait les yeux de son frère. Il provoque l’éveil le réveil, il est un passeur de la lumière comme le vitrail d’une cathédrale.
Le dialogue maçonnique n’est pas l’élaboration, ni la transmission solitaire d’un système, mais un éveil de la conscience, une possibilité d’accession à un niveau d’être qui ne peut se réaliser que dans un échange, une relation fraternelle d’homme à homme.
Ainsi Socrate et le Franc-Maçon affirment qu’ils ne savent rien, ni même lire ou écrire. Leur sagesse réside dans la conscience qu’ils ont de leur ignorance et leur désir de savoir. La maïeutique et la propédeutique d’un rite maçonnique aide les âmes des hommes à s’engendrer elles-mêmes, se purifier, s’élever, atteindre parfois leur pointe. Ce changement, se perfectionnement apparaît souvent dans le visage de l’autre, son regard sur les hommes et le monde est autre. La conversion de ce regard aboutit à une communion fraternelle ou se rencontre parfois deux sourires.
Ce sont les poètes qui expriment souvent le mieux les choses, le dialogue n’échappe pas ce constat.
Dialogue avec soi-même : « Après une nuit de dialogue avec toi-même l’oppression infinie de ton cœur s’envolera ». (Yu Dafu- Fleurs d’Osmanthe Tardives.)
Dialogue avec les autres : « Celui qui ne parle pas à un homme ne parle pas à l’homme, celui qui ne parle pas à l’homme, ne parle à personne ». (Antonio Machado.)
La Franc-Maçonnerie reste un des seuls lieux privilégiés où la parole circule, où elle circule pour le bien de la communauté humaine.
Jean-François Guerry.
Connais-toi toi-même pour les autres en vers et pour tous
Bien ambitieux de ma part, pardon à l'avance,
De distiller en vous avec insolence,
Notre rôle et la prise de conscience
De notre Devoir à partir de la sentence :
« Connais-toi toi-même pour les autres »
A quoi sert de baver, docte et onctueux,
Épaules gesticulantes, verbe pompeux !
Auréolé de la plénitude du Maître,
Expliquant à l'apprenti qui vient de naître,
Qu'il sait et que lui, peut-être s'il travaille bien,
Saura, s'il est sage et que son travail convient,
Accéder à nouveau palier de l'escalier.
A quoi sert de vanter un cordon de tissus ?
Comme fait un ami sur qui je tombe dessus
Le félicitant pour son humilité.
Il n'a pas intégré que le vrai initié
Est un relais vivifiant de la tradition
Avec pour devoir d'assurer la transmission.
A quoi sert de vanter un chemin personnel ?
Incommunicable parcours en tant que tel,
A respectable interlocuteur déférent,
Ignorant d'initié la signification,
Voire de Maçonnerie ou initiation !
Ça nous fait une belle jambe de parler !
Si, afin de comprendre notre bavardage,
II ne dispose pas de la clé du langage,
Du pouvoir de la parole pour échanger !
II est vrai, ce déférent interlocuteur
A en commun avec nous l'eau qui désaltère,
L'air qu'il respire et notre terre nourricière,
Le feu vivifiant nécessaire et moteur.
A quoi servons nous donc si nous nous contentons,
Une ou deux fois par mois ! d'une bonne veillée,
La planche bien tracée nous tenant éveillé,
Dans un consensus proche de l'égrégore !
Agapes ayant repu frères carnivores.
A quoi peut nous conduire notre engagement ?
Ces valeurs de rassembler ce qui est épars
Et porter au dehors ce qui nous rend à part.
Si nous nous contentons d'étudier sans relâche,
Ce qui à nos yeux concerne notre tâche,
Certes avec beaucoup de zèle et d'opiniâtreté,
Se connaître soi-même afin d'avancer
Sur chemin de Connaissance et de Vérité ?
A quoi sert de tracer, une bonne planche ?
Si le but unique est avant tout de plaire,
Faire descendre sur nous auréole éphémère,
Satisfecit du péché avoué en confession,
Le but de nos échanges reste vraiment l'action.
Pourquoi vivre la Maçonnerie en Loge ?
En visiteur d'un salon philosophique !
D'un club révolutionnaire sans risque !
Où souffle avec prudence une douce bise !
En restant nuancé je dirais que ça frise,
Des frénétiques de l'onanisme, l'éloge.
A quoi sert d'être créé constitué et reçu ?
Maçon du Rite Écossais Ancien Accepté,
Libre et de bonne mœurs, parfait initié ?
Cela suffit-il à faire de nous un élu ?
Si nous ne faisons pas cet effort d'animer,
Par notre travail sur nous-mêmes, et, sublimer
Nos potentialités morales, spirituelles,
Éveillées par la pratique de nos rituels ?
Qu'est-ce que l'accomplissement du Franc-Maçon ?
Un travail sur soi réalisé sincèrement
Par la connaissance et le perfectionnement !
Cette connaissance a pour incidence
Que, même s'il n'agit sur rien en apparence,
Rien concernant l'humain ne lui est étranger.
Tout ce qui parle du divin l'intéresse.
S'il n'est pas philosophe il n'aura de cesse
D'étudier la philosophie de façon active.
S'il n'est pas membre d'une œuvre caritative,
Souffrance et désolation l'invectivent.
Sans vraiment exercer de rôle politique
Pour la lutte des droits de l'homme il s'implique ;
II est tolérant et connaît l'intolérable ;
En apparence bien loin des réalités,
Des préoccupations de l'humanité,
Dans silence de la Loge, en sérénité,
II pourra régénérer combativité.
Une action vers l'extérieur de soi, orientée,
De nos proches à l'entière humanité.
La réponse au « Connais-toi toi-même pour les autres »
Serait-elle un monde des idées appelé à guider ?
Celui des hommes vrais afin de les aider
A partager les valeurs que nous faisons nôtres !
Dont, franchise et sincérité maçonnique,
Socles et forces intangibles de notre éthique.
Vouloir imposer aux autres sa propre idée !
Par force de conviction ou sincérité,
Ne peut aboutir et se transforme en échec.
Je regrette d'avoir parfois été trop sec
Par souci de partager, en toute honnêteté,
Mon travail sur le chemin de 1a Vérité.
Toute idée exprimée, avec bienveillance,
Au frère qui la reçoit en cours de séance !
Ne peut devenir sienne, en pleine conscience,
Que s'il en a perçu, le bien fondé, l'essence.
Alors comment faire pour essayer de convaincre,
Aider l'impétueux qui se doit de se vaincre ?
Pour le Franc-Maçon dont le but est partager,
Semer autour de lui, comme dans un potager,
Les fondations exigeantes de l'humanisme,
Le moyen est de cheminer avec altruisme,
Sur la route chaotique de l'exemplarité,
Sublimer nos belles valeurs dans la société.
C'est peut-être de cela dont on a peur !
II est vrai qu'au niveau de l'exemplarité
La maçonnerie, avec un tout petit m,
Booste ventes d'hebdomadaires que l'on aime,
Hors élections, lors de la pause, avant l'été.
A ce moment on lit plus souvent dans la presse,
De pseudos « frères casseroles » les prouesses,
Confortant la rumeur et le vieil anathème «
Un pseudo Ordre pourri » ça les lecteurs aiment !
Par l'exemplarité de récits d'actes vertueux,
On pourrait peut-être sortir de ce cercle vicieux,
Mais le juste le beau le bon ne font pas vendre !
C'est pourquoi des médias il ne faut point attendre.
Je rêve tout haut d'une presse sans contraintes,
Libérée sans haine sans tabou,sans goupillon,
Qui écrirait à propos de toute belle action.
C'est vraiment beau et bon il doit être Franc-Maçon !
Le vrai défi, pour un vieil adepte initié,
Est donc celui du seul contre l'adversité.
Il a presque réussi à dominer ses passions,
II lutte contre ignorance fanatisme ambition,
II connaît moultes embûches sur le chemin,
Avec pour seule arme le fait de se connaître bien.
Se connaître soi-même ne signifie pas vouloir
Prôner les actions de la Franc-Maçonnerie,
Mais par un dur combat personnel, promouvoir,
A l'intérieur de la Loge et au fond de soi,
Idéaux par le travail de chacun mûris,
Par l'appropriation de rituels bien compris,
Sans bornes imposées, la découverte du soi.
Par une connaissance aiguë de nos propres limites,
Conscient, sans parti pris, du devoir d'exposer
Des idées afin d'éveiller, non imposer,
Des prises de conscience du cherchant en émoi,
On approche sens du connais-toi toi-même pour moi.
Participer à un échange, communiquer,
Entendre l'autre jusqu'au bout, l'écouter s'expliquer,
Dire tout simplement, sans être interrompu,
Denrée rarissime dont on est jamais repu.
N'est-il pas beau de surprendre notre entourage
Par l'exemplarité de notre écoute de l'autre !
Nous pouvons déclencher le désir d'être des nôtres
En mettant en exergue notre goût du partage.
Développer avec nos moyens l'humanisme !
Travailler à une société sans intégrisme,
Tenter de donner aux hommes les moyens d'être libres !
C'est le Devoir du maçon, sa raison de vivre
Pour s'accomplir lui-même et pouvoir progresser
Sur plan matériel et domaine de la pensée.
EXTRAITS DU POÈME... de Jean-Pierre Rousseau