Un blog d'information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures.
En hommage à OV. L de Milosz Chevaliers errants qui rêvent leurs vies et vivent leurs rêves Vagabonds solitaires de l'âme chemineaux anonymes de l'esprit Ils traversent le temps et l'espace sans repos ni trève Pour venir allumer des soleils noirs au coeur de la nuit Ayant l'âge du sable de la mer et du vent du désert Empruntant les vêtements du siècle où nous sommes Le pain des forts et
L’année 2020 va fermer ses volets, enfermer ses ombres et ses lumières dans notre mémoire. Comme toujours nous en conserverons les meilleurs et les pires moments.
C’est l’ordre naturel des choses, la vie est faite d’ombres et de lumières, sans ombres il n’y a pas de lumières.
Nous refusons souvent les ombres, nos parts d’ombres, par manque de courage. À force de nous protéger des ombres avec notre principe de précaution, nous n’osons plus le courage. Nous voulons combattre sans risque, nous avons des victoires sans gloires. Est-ce l’ordre naturel des choses ?
Je voudrais en cette fin d’année, rendre un hommage particulier aux héros du quotidien, à tous ceux qui soignent nos corps et nos âmes, avec courage et souvent sans prendre précaution d’eux-mêmes.
Pendant qu’en les observant nous nous plaignons que nos oreillers ne sont pas assez douillets, alors qu’eux se lèvent tous les matins pour soulager nos souffrances. Une pensée aussi pour tous ceux qui comme chaque année dorment dans nos rues, ou sont parqués dans des camps en plein hiver. Est-ce l’ordre naturel des choses ?
Et nous, nous refusons le réel, l’imprévu, quand il arrive nous perdons confiance en toutes choses, plus grave en tout le monde. Notre vie ne devient alors qu’une succession de crises d’angoisse. Nous sommes comme des machines en panne en attente de la pièce à remplacer. Est-ce cela la force, la sagesse et la beauté humaine ?
Habitués à ne vivre que de frigidaires et de mots croisés…. Comme le disait Saint-Exupéry, nous oublions notre recherche de la Lumière, surtout quand elle s’affaiblie.
L’ordre naturel des choses, c’est la mémoire du passé qui nous guide dans le labyrinthe de l’avenir, c’est la confiance en nous-mêmes, la confiance dans les autres, dans l’autre, dans l’homme. Le frère Rudyard Kipling nous le rappelle avec son magnifique poème « Si… » - « Tu seras un homme mon fils.. ». C’est un hymne à l’espérance, une injonction à marcher avec modestie dans les pas du plus humble de tous, celui qui a dit aimer vous les uns les autres. Celui qui a vécu toute sa vie, jusqu’à sa mort dans l’espérance de la révélation d’un monde nouveau, un monde où l’amour et la joie sont dans les cœurs. C’est tout ce que vous souhaite, ce que je nous souhaite pour cette année 2021, que la lumière soit sur notre chemin.
Bien Fraternellement.
Jean-François Guerry.
Le Phénix et le Pélican
L'utopie est-elle nécessaire à la recherche de
l'amélioration matérielle et spirituelle ?
Rêve d'idéaliste, rêve humaniste !
Utopie illusoire, virtualité triste !
Le Tout vrai moteur dans la quête de l'inconnu
Machine de l'espoir confronté à l'imprévu.
Cherche au fond de ton cœur ce qui t'aide à marcher
Émergence de l'idée sans avis préconçu
Tel Perceval qui passe de profane à élu.
Jean-Pierre Rousseau.
Avec l'aimable autorisation de l'auteur.
forget me not...
soleil levant
Initiation à l’amour
L’oiseau de vérité s’est envolé au vent
Mais l’image de mon étoile émarge en moi
Comme un rien de conscience blotti dans ma nuit
Entre Orient et Occident luit l’étoile polaire
Je m’en retourne vers le centre du labyrinthe
Pour mourir et revivre au tombeau de mon cœur
Je vais portant dans mes bras un coffre secret
Vaisseau pour partir au-dessus des abîmes du temps
J’ai traversé le miroir dont une face tue
Et l’autre fait renaître dans une plus haute lumière
J’ai trouvé sous l’aile d’un phénix né de ses cendres
Jacques Viallebesset. Amour et poésie, quand ils sont conçus. Comme fins et moyens du vivre,. Donnent plénitude de sens au « vivre pour vivre ». Edgar Morin.
Plus nous avançons dans la réflexion, plus notre opinion peut varier, c’est notre faculté à combattre nos préjugés, il s’agit pas de nager toujours dans le sens du courant, pas plus que de nager à contre sens, ce qui serait aussi dommageable, nous devons essayer de n’être ni « bisounours » ni « réac », ce qui ne veut pas non plus dire que nous devons être dans la mode du en même temps, de la déification de la tolérance, cette tolérance qui rend supportable la vie en société et qui se situe entre la justice et l’amour avec sa compagne l’équité, les trois formant un triangle dont l’amour est pour moi le sommet, et si cela forme un cercle les deux cercles sont la justice et l’équité et l’amour est au centre. Je dois toujours me défier de l’équité qui est un ajustement de la justice à ma nature humaine, mais aussi au corps social, comme de la tolérance qui peut devenir une sorte de mépris, voir d’indifférence. Cela ne signifie pas par excès qu’il faille tolérer l’intolérance, se serait la porte ouverte à la haine. Si l’on admet que personne ne détient la vérité, car elle n’est pas une certitude on ne peut qu’être tolérant et à l’écoute de l’autre, c’est la reconnaissance du droit des autres, de l’autre. Peut-on pour autant infliger aux autres nos devoirs ? Peut-on aussi adopter toutes les opinions des autres, par principe, s’habiller des apparences, être d’accord avec toutes les opinions, c’est finalement n’en n’avoir aucune, c’est la pratique continuelle du en même temps, qui paralyse l’action, empêche toute vision. Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Tolérer c’est aussi reconnaître les droits des autres, c’est prendre conscience de l’universel, les droits de l’homme sont alors sans limites, pourvu que l’homme vise la beauté du bon et du juste, même s’il est sûr de ne jamais l’atteindre ce qui compte c’est le chemin. À propos de la tolérance Vladimir Jankélévitch a écrit :
« La conscience du fondement métaphysique de la tolérance est d’abord conscience de la vérité de l’autre, conscience de la vérité de tous les autres, conscience - que l’autre quel qu’il soit – et même si son message est très balbutiant (je ne sais ni lire ni écrire…), même s’il est maintenant mon ennemi – représente une humble parole de cette vérité. (…) Cette conscience de la vérité de l’autre quel nom pourrait lui convenir sinon celui de modestie. »
Qui suis-je donc pour juger si les autres font leur devoir ? Il ne s’agit pas encore une fois de tolérer, tous les vices, les caprices, les mensonges, de l’autre, des autres, mais d’écouter son message personnel, qui est la liberté de l’autre, son droit individuel, alors que les devoirs sont de l’ordre du collectif, certes essentiel à la vie sociale.
C’est l’observation des droits naturels de l’homme qui fait naître en nous volonté de faire notre devoir. Les droits sont à la naissance des devoirs et non l’inverse, les devoirs sont les bornes, soumises à la loi de chaque groupe, de chaque pays, les droits sont universels. Les droits sont des principes, les devoirs sont du domaine du contrat. Les droits sont naturels, universels, les devoirs la conséquence sur le plan social des droits, les devoirs expriment une volonté générale, instituée par la loi.
Les écueils des devoirs :
Les devoirs peuvent devenir des étocs, ces têtes de roche que connaissent bien les marins. Ils surgissent sous l’influence du vent des marées. Suivant les époques surtout quand l’insécurité règne, quand le bras de l’état tremble, qu’il est incapable de protéger les citoyens. Les étocs apparaissent, ils sont moralisateurs, arbitraires, liberticides, ou de simples platitudes auxquelles tous nous souscrivons si nous sommes de bonne foi :
« Ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous fasse. » (morale religieuse, puis laïque et reprise par les Francs-Maçons, qui semble si évidente)
« Etre un bon fils, un bon père, un bon ami, un bon époux. »
(Cela sent le travail, famille, patrie !)
« C’est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail, et d’ordre social. »
Il n’y a rien d’obscène dans ces déclarations, rien non plus qui soit enthousiasmant.
En 1948 exit de la Déclaration Universelle le mot de Devoir. L’on ne parle que de droits sociaux, économiques et culturels. L’on voit cependant une allusion du devoir envers la Communauté nationale.
Le 30 juillet 2010 Nicolas Sarkozy au milieu de son mandat prononce le discours de Grenoble pour l’investiture du nouveau préfet Eric Le Douaron, suite aux violences dans les quartiers de cette ville et à l’attaque de policiers. Les devoirs font leur réapparition en même temps que les droits. Les observateurs de la vie politique font remarquer qu’à l’aube de chaque élection présidentielle la sécurité redeviens le thème préféré des candidats. Il faut parler de sécurité et des devoirs.
Les slogans ressortent : les droits ne vont pas sans les devoirs ; vous nous parlez des droits mais vous oubliez les devoirs etc….
Extraits du discours de Grenoble le 30 juillet 2010, c’est-à-dire il y a bientôt 11 ans et deux présidents plus tard…
« Les forces de l'ordre ont été prises à partie par des assaillants qui se sont permis de leur tirer dessus à balles réelles avec l'intention de tuer.
C'est inacceptable.
L'homme qui est tombé sous le tir d'un policier venait de commettre un braquage. Non content d'avoir commis un braquage, il a ouvert le feu avec une arme automatique, une arme de guerre, contre les policiers. Ceux-ci ont riposté en état de légitime défense. En tant que chef de l'État, je veux dire que les policiers n'ont fait que leur devoir.
Si on ne veut pas d'ennui avec la police, on ne tire pas à l'arme de guerre sur la police dans un pays qui est un Etat de droit comme la France.
C'est donc une guerre que nous avons décidé d'engager contre les trafiquants et les délinquants.
…aucune cité, aucune rue, aucune cage d'escalier, aucune barre d'immeubles ne doit échapper dans ce département et dans cette ville à l'ordre républicain. C'est votre devoir.
Simplement face à certaines situations, il est de mon devoir de trouver la meilleure personne à la meilleure place.
Mais réfléchissez, si j'étais venu ici pour vous dire: on a tiré à balle réelle sur des policiers, j'organise un colloque, qui m'aurait pris au sérieux.
Je laisserai ceux qui le veulent crier à l'atteinte aux libertés individuelles. Moi je pense que la liberté individuelle est gravement atteinte lorsque que les voyous font régner la terreur devant des immeubles d'habitation.
De même nous allons réévaluer les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française. Je prends mes responsabilités. La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique. La nationalité française se mérite et il faut pouvoir s'en montrer digne.
La question de la responsabilité des parents est clairement posée. Je souhaite que la responsabilité des parents soit mise en cause lorsque des mineurs commettent des infractions. Les parents manifestement négligents pourront voir leur responsabilité engagée sur le plan pénal.
Est-ce que cette famille peut continuer à aller au bureau de la Caisse d'Allocations Familiales pour percevoir les allocations, comme s'il ne s'était rien passé?
Parallèlement, je souhaite que nous engagions une importante réforme pour améliorer la lutte contre l'immigration irrégulière. Chaque année, une dizaine de milliers de migrants en situation irrégulière, dont des Roms, repartent volontairement avec une aide de l'Etat. Et l'année suivante, après avoir quitté le territoire avec une aide de l'Etat, ils reviennent en toute illégalité pour demander une autre aide de l'Etat pour repartir. Cela s'appelle « un abus du droit à la libre circulation ».
Je vous laisse libre de faire un état des lieux 11 ans après ces déclarations.
Personne d’honnête n’a jamais dit que les citoyens n’avaient pas de devoirs envers la société, ces devoirs sont en reflets avec les droits accordés de longue lutte par nos anciens, ne pas respecter les devoirs qui y sont liés c’est bafouer les droits. Mais nous ne pouvons inverser la hiérarchie droits devoirs en devoirs droits ce serait anti démocratique à mon sens, et même dangereux imaginons que nous subissions une dictature !
J’aborderais maintenant les devoirs du citoyen français, européen, du monde, y-a-t-il des devoirs universels ? Qu’en est-il des devoirs en général.
Les devoirs du citoyen est un thème récurrent de l’éducation civique, qui a peu de succès et surtout tient peu de place dans l’éducation nationale, je ne suis pas enseignant, mais je pense que nous pourrions associer cette prise de conscience des devoirs avec les libertés et la liberté en général au lieu d’opposer liberté et devoir, ce serait certainement plus attractif.
Les devoirs des citoyens par rapport à la loi, peuvent être qualifiés de juridique. Nul n’étant censé ignorer la loi, s’il l’enfreint il n’accomplit pas son devoir de respect des lois qui régissent et permettent la vie en société, pour autant que les lois résultent de la représentation nationale ce qui est le cas dans nos démocraties occidentales fussent t’elles imparfaites elles ne sont pas des dictatures, donc nous devons nous soumettre aux lois de notre pays. Les francs-maçons s’engagent par serment à ce respect et au respect de l’autorité de l’état et de sa représentation, ce respect est une dignité, la dignité du citoyen. Le franc-maçon fait allégeance à son corps maçonnique et à ses représentants pourvu qu’ils en soient dignes et ne fassent rien qui soit contraire aux lois de notre pays, et à la morale universelle.
Ainsi les devoirs juridiques se rejoignent avec les obligations morales. Ce n’est malheureusement pas présenté ainsi dans les cours d’éducation civique !
Le libellé même de la déclaration de 1789 contient cette affirmation, il est question des Droits de l’Homme et du Citoyen. C’est-à-dire de droits moraux naturels, universels et de droits du Citoyen par rapport à la société civile dans laquelle l’on vit. Le respect d’autrui ne peut pas être que juridique, il doit devenir naturel, ce qui veut dire qu’il doit être travaillé, entretenu, devenir une douce habitude, une vertu.
Cela n’est possible qu’au-delà de la simple tolérance ou du respect qui vont au vous, il faut que ces devoirs moraux aillent au toi. Le respect qui va au vous, incarne une avancée vers l’autre, mais il n’est qu’une étape, vers la fraternité et le mystère de l’amour, il est promesse de l’amour, mais pas amour. Le respect est l’admiration de la chose, de l’acte, de l’individu vénérable respectable, on s’agenouille avec respect devant la chose pour l’admirer comme un mystère, voir l’incarnation ce n’est pas encore l’aimer. Les sœurs et les frères ont parmi elles et eux des vénérables et des respectables sœurs et frères, qu’ils admirent et respectent, elles, ils, incarnent une hiérarchie spirituelle, elles, ils sont des portes ouvertes vers l’amour fraternel.
L’irrespect grandissant de notre société, empêche l’élévation de la conscience, ce que Léon Brunschvicg appelle : la conversion du respecté au respectable,dans son ouvrage Le progrès de la conscience dans la philosophie occidentale.
C’est plus qu’au respect du devoir qu’il faut parvenir, il faut parvenir à l’amour du Devoir, c’est un des secrets du maître maçon, cette propédeutique est proposée dans les rituels maçonniques aux francs-maçons zélés et fidèles. Ils s’engagent à aimer la justice et donc faire leurs devoirs. On ne peut aspirer aux droits sans en être digne, c’est-à-dire sans accomplir ses devoirs. Le devoir est inflexible, il s’impose à nous, dans la cité, comme dans la solitude du désert, il est impératif.
Alors l’instruction civique qui recommande de payer ses impôts, de servir la nation du mieux que l’on peut est bien le minimum de nos devoirs. Dans cette instruction civique l’on trouve des devoirs de nature morale, dont on se demande qui pourrait y être opposé comme :
« Etre loyal envers la communauté internationale, participer à la vie politique, voter, faire preuve de civilité et de solidarité, ne pas discriminer, porter assistance aux personnes en danger, ce qui est obligation (et ce qui est considéré aujourd’hui comme un acte d’héroïsme !),défendre l’environnement, cultiver sa pensée et son esprit critique etc.. »
L’ensemble de ces devoirs recommandés par l’instruction civique semble bien faible aux regards des droits qui sont octroyés aux citoyens !
En contrepartie de ces droits de devoirs de l’homme et du citoyen, l’état s’engage :
« A protéger, promouvoir les droits de l’homme, à faire prendre conscience aux citoyens des droits humains et les protéger, de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger toute personne de violence, de menace, représailles, discriminations, de pression arbitraire »
Je ne vous parlerais pas des devoirs du citoyen européen car il n’existe aucun texte précis concernant ces devoirs, ils sont en clair identique aux devoirs des citoyens français. L’Europe semble moins exigeante sur ce problème, que sur celui des normes marchandes.
Revenons à la Révolution française, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, aurait pu s’appeler Déclaration des Droits et Devoirs de l’Homme et du Citoyen, sous l’impulsion de l’Abbé Grégoire, Abbé révolutionnaire qui voulait introduire les Devoirs dans cette déclaration. La bataille fut rude et sa proposition rejetée par 570 voix contre 533 après 62 heures de débats.
Il me paraît intéressant de vous rapporter l’excellent travail réalisé par la Loge Kleio de la GLA MF sur les Abbés Révolutionnaires en général et surtout l’Abbé Grégoire à l’origine de l’article I- de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
« LES ABBES REVOLUTIONNAIRES »
« Au commencement était les États Généraux que Louis XVI convoque pour lever des impôts.
Ces États Généraux prévoyait une représentation par tiers :
La noblesse,
Le clergé,
Le tiers état.
On aurait pu s’attendre, lorsque la Révolution s’instaure, que le Clergé prenne une part importante dans les nouvelles institutions.
Il n’en sera rien, seuls quelques ecclésiastiques marqueront la Révolution de leur empreinte :
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d’Autun,
Henri Grégoire, abbé d’Embermenil et de Vaucourt,
Emmanuel-Joseph Sieyès, chancelier de la Cathédrale de Chartres
Et dans une moindre mesure les abbés Fauchet et Lamourette.
Ayant déjà consacré un morceau d’architecture à Talleyrand-Périgord, je me consacrerai aujourd’hui aux deux abbés révolutionnaires, Grégoire et Sieyès.
Leurs origines :
Henri Grégoire est né le 4 décembre 1750 à Vého, près de Lunéville.
Il naît français, puisque sa paroisse fait partie de la province des Trois-Évêchés, et non du Duché de Lorraine.
Son père, Sébastien Grégoire, est un tailleur d'habits respecté, ayant eu un temps un office d’échevin, et sa mère Marguerite Thiébaut, est une femme unanimement décrite comme d'une grande piété et ayant un souci constant des choses de la religion en cette époque marquée par la ruralisation du bas clergé qui reste alors un moyen d’ascension sociale.
Henri Grégoire commence ses études avec le curé de son village qui remarque ses dispositions intellectuelles dès l'âge de cinq ans. Lorsque celui-ci n'a plus rien à lui apprendre, il rejoint l'abbé Cherrier dans le village voisin d’Emberménil, paroisse dont dépend Vého. Il a alors huit ans.
Il étudie, en compagnie de fils de hauts fonctionnaires au service du Duc de Lorraine Stanislas Leszczynski, beau-père de Louis XV, sur des livres de Racine, de Virgile, mais aussi à partir de la Grammaire générale de Port-Royal.
Grégoire est ensuite orienté par l'abbé Cherrier pour suivre des études au collège jésuite de Nancy de 1763 à 1768. Il s'y lie avec un de ses professeurs, M. de Solignac, ancien secrétaire de Stanislas Leszczynski, qui semble avoir eu une influence intellectuelle importante sur son élève, lui faisant découvrir les idées des Lumières et lui ouvrant les portes des milieux intellectuels lorrains.
Je rappelle, à toutes fins utiles, que lorsque Voltaire se doit de quitter la France pour censure, il se ressource à de nombreuses reprises auprès de Stanislas Leszczynski à Commercy et Lunéville.
Henri Grégoire conserve un excellent souvenir de ses études chez les Jésuites, même s'il a des reproches à leur faire : « J'étudiais chez les Jésuites de Nancy où je ne recueillis que de bons exemples et d'utiles instructions. […] Je conserverai jusqu'au tombeau un respectueux attachement envers mes professeurs, quoique je n'aime pas l'esprit de la défunte société dont la renaissance présagerait peut-être à l'Europe de nouveaux malheurs ».
Après le collège des Jésuites, il est orienté vers l’Université de Pont à Mousson. Lorsque la Compagnie de Jésus est bannie de France en 1763, l'enseignement est réorganisé par le diocèse et Grégoire rejoint la toute neuve Université de Nancy où il a comme professeur Antoine-Adrien Lamourette, futur évêque constitutionnel de Lyon.
De 1769 à 1771 il y étudie la philosophie et la théologie, pour faire suite aux humanités et à la rhétorique qu'il avait étudiées auparavant. Parallèlement, il suit des cours au séminaire de Metz tenu par les Lazaristes.
Alors qu'il passe une année comme régent de collège hors du séminaire, Grégoire commence à se lancer dans le monde. Il consacre notamment une grande partie de son temps à la poésie. Son premier succès public est le prix de l’Académie de Nancy, décerné en 1773 pour son Éloge de la poésie (il a alors 23 ans).
Voyageant constamment entre Nancy et Metz, il doit à l'automne de 1774, rentrer au séminaire de Metz, comme il est prescrit, pour la préparation à son ordination sacerdotale : il est finalement ordonné prêtre le 1er avril 1775.
Durant ses années de formation, Henri Grégoire est passé par une phase de doute sur sa foi et sa vocation religieuse. S'il rend hommage au milieu profondément croyant de son enfance, il ne cache pas dans ses Mémoires avoir goûté aux philosophes des Lumières et être revenu à la foi après d'intenses réflexions :
« Après avoir été dévoré de doutes par la lecture des ouvrages prétendus philosophiques, j'ai ramené tout à l'examen et je suis catholique non parce que mes pères le furent, mais parce que la raison aidée de la grâce divine m'a conduit à la révélation. »
Emmanuel-Joseph Sieyès, quant à lui, naît à Fréjus, en Provence, le 3 mai 1748, dans une famille nombreuse et modeste que l'on présente parfois, à tort, comme noble. Il veut être militaire. Mais comme il est chétif, ses parents, qui ne sont pas particulièrement dévots, le poussent vers la prêtrise. Ils y voient aussi une carrière tranquille et des revenus assurés
Il fait ses études d'abord chez les Jésuites de sa ville natale puis à Draguignan dans un établissement de la Congrégation de la doctrine chrétienne.
Le petit séminaire de Saint-Sulpice, à Paris, l'accueille en 1765 puis celui de Saint-Firmin en 1770.
Sieyès est ordonné prêtre en 1772.
Deux ans plus tard, il obtient une licence de théologie et arrête là ses études.
Nommé en Bretagne en 1775 auprès de l'évêque de Tréguier, Monseigneur de Lubersac, Sieyès n'y réside que de façon intermittente, tout comme son supérieur, car c'est à Paris que se font les carrières ecclésiastiques.
La sienne (chanoine en 1778, chapelain d'une tante du Roi), lui apporte, sans être brillante, une sécurité matérielle suffisante pour lui permettre, en 1781, de céder à un frère cadet le bénéfice d'un second canonicat.
Durant ces années, Sieyès représente le clergé aux États de Bretagne, ce qui lui donne une première expérience du fonctionnement d'une assemblée. Il prétendra en être revenu indigné de la façon dont était traité le Tiers-État.
En 1780, il suit à Chartres son évêque, devenu un ami, qui le nomme grand vicaire puis vicaire général et, à nouveau, chanoine.
Sieyès poursuit parallèlement son éducation politique et juridique, d'abord en tant que commissaire à la chambre souveraine du clergé de France, poste qu'il obtient en 1786, puis comme membre de l'assemblée provinciale de l'Orléanais en 1787 où il croise Lavoisier.
Durant les six derniers mois de l'année 1788, il écrit trois brochures dont la dernière, publiée d'abord anonymement au début de l'année 1789, va faire date.
Sieyès un écrivain adepte de la forme courte dont l’habileté rhétorique marqua profondément l’imagination de ses contemporains.
Qu'est-ce que le Tiers-État ? est un immense succès.
Les rééditions s'enchaînent, 30 000 exemplaires sont vendus, un million de personnes les lisent.
Rappelons les trois premières lignes de son texte le plus fameux :
Qu’est-ce que le Tiers État ?
Tout ;
Qu’a-t-il été jusqu’à présent ?
Rien ;
Que demande-t-il ?
À y devenir quelque chose.
Le fond du texte, extrêmement radical, dénie aux ordres privilégiés leur place dans la Nation, met la noblesse hors la loi et appelle les représentants du Tiers-État à se constituer en Assemblée Nationale ; sa forme est brillante, ponctuée de formules chocs et provocatrices qui font mouche et restent en mémoire.
« Il y a donc un homme en France » écrit Mirabeau à Sieyès.
Le désormais célèbre chanoine entre rapidement en rapport avec les hommes qui vont animer les premières années de la Révolution : Mirabeau, Talleyrand, Grégoire, Lafayette, Duport, les frères Lameth, Condorcet...
Il fréquente également les salons et s'affilie à divers clubs, parmi lesquels la Société des Amis de la Constitution, dite Club Breton, qui deviendra le Club des Jacobins, dont il est l'un des premiers membres.
Leurs professions de foi :
En ce qui concerne l’abbé Grégoire, sans rien négliger de ce qui pouvait développer chez ses paroissiens l'amour et la pratique de la religion catholique, il s'appliqua à éclairer leur intelligence par l'instruction et à améliorer leur condition temporelle ; il forma dans son presbytère une bibliothèque morale et agronomique qu'il mit à leur disposition, et par divers voyages en France et en Allemagne (1784, 1786, 1789), il s'efforça d'acquérir les connaissances nécessaires pour les bien conseiller et diriger.
La sympathie pour les opprimés, qui devait dévouer une si grande part de sa vie à la cause des Noirs, lui inspira d'abord le projet de défendre celle des Juifs, alors assez nombreux en Lorraine, où on leur faisait payer, pour le droit de vivre, des taxes très lourdes au profit de l'État et des seigneurs.
Dans cette vue, il rédigea un écrit qui fut couronné par l'académie de Metz, en 1788, et imprimé l'année suivante intitulé : Essai sur la régénération civile, morale et politique des Juifs.
Dans cet essai, l’Abbé Grégoire indique :
« Tant que les hommes seront altérés de sang, ou plutôt, tant que la plupart des gouvernements n’auront pas de morale, que la politique sera l’art de fourber, que les peuples, méconnaissant leurs vrais intérêts, attacheront une sotte importance au métier de spadassin, et se laisseront conduire aveuglément à la boucherie avec une résignation moutonnière, presque toujours pour servir de piédestal à la vanité, presque jamais pour venger les droits de l’humanité, et faire un pas vers le bonheur et la vertu, la nation la plus florissante sera celle qui aura plus de facilité pour égorger les autres.
Le concept-clé est ici celui de régénération, cette régénération dont parle sans cesse Grégoire, souvent identifiée à celle qui se trouve à la base du concept d’intégration « jacobine ».
Cette régénération ne s’applique pas seulement aux juifs ; tous les groupes ont besoin d’être régénérés d’une manière ou d’une autre pour s’intégrer à la nation française « blanche, masculine et catholique » : les paysans par une éducation qui finirait par éradiquer les patois, les Noirs par un intermariage qui les « blanchirait ».
Les femmes ne pouvant pas être régénérées en devenant des hommes, elles restent des citoyens de seconde zone.
En ce qui concerne l’Abbé Sieyès, sa profession de foi est à rechercher dans son ouvrage consacré au Tiers État, et plus particulièrement dans la seconde partie de son pamphlet, où il dénonce ce qui a été tenté par les gouvernements récents.
Il attaque les notables qui en 1787 ont défendu leurs intérêts, leurs privilèges contre la nation.
Mais la grande « audace », pour reprendre le terme de Jean-Denis Bredin, de Sieyès est davantage contenue dans les deux derniers chapitres de son ouvrage, même s'ils ne l'ont pas rendu célèbre :
« Ce qu'on aurait dû faire » : « Si nous manquons de constitution, il faut en faire une : la nation seule en a le droit. Les états généraux, fussent-ils assemblés, ils sont incompétents à rien décider sur la constitution. Ce droit n'appartient qu'à la nation seule. »
« Ce qui reste à faire ? » : se dissocier du clergé et de la noblesse : « Le tiers-état seul, dira-t-on, ne peut pas former les États généraux. Eh bien tant mieux ! Il composera une assemblée nationale. »
Pour Sieyès le vote par tête n'est même plus suffisant : il faut aller plus loin et délibérer seul.
Évidemment à la cour et au Parlement de Paris, ce pamphlet et le ton employé font scandale.
On menace de faire brûler cette brochure sur la place de Grève. Mais l'ouvrage, au-delà des polémiques du moment, marque une césure entre les instruments de l'Ancien Régime et les concepts politiques modernes, rappelle encore Jean-Denis Bredin : l'abolition des ordres, l'unité nationale, la souveraineté de la nation, la limitation de cette souveraineté par la seule liberté individuelle, distinction du pouvoir constituant et des pouvoirs constitués, la théorie de la représentation.
Mais cet ouvrage, si intolérant vis-à-vis de la noblesse, demeure pourtant si tolérant, on l'a dit, avec le clergé et aphone à l'égard du roi qui, précisons-le, à ce moment-là n'est pas remis en cause, sa fonction en tout cas.
Beaucoup ont vu dans cette brochure une œuvre politique majeure, à commencer par Benjamin Constant ou Carré de Malberg.
Alors pourquoi ce long et lourd silence des historiens de la Révolution sur ce personnage ?
Pourtant, en y regardant de plus près on pourrait voir dans ce Qu'est-ce que le tiers-état ? un appel à la lutte des classes à travers son rejet des privilégiés et sa farouche volonté de voir triompher le tiers-état. Comparaison osée ? Gageons alors qu'elle fasse débat et qu'elle redonne à Sieyès une place bien méritée dans l'histoire de France et de la Révolution française.
Leurs entrées en politique :
La popularité qu’Henri Grégoire avait acquise en Lorraine le fit élire par le clergé du bailliage de Nancy député aux États Généraux.
Il y contribua puissamment à décider le bas clergé à se joindre au tiers état et ainsi à déterminer la réunion des trois ordres.
À l’Assemblée Constituante, l'abbé Grégoire réclame l'abolition totale des privilèges, propose le premier la motion formelle d'abolir le droit d’aînesse (suivie dans cette motion par Mirabeau et Talleyrand-Périgord, victime de ce droit), et combat le cens du marc d’argent, exigeant l'instauration du suffrage universel masculin.
Nommé l’un des secrétaires de l'Assemblée, il fut l'un des premiers membres du clergé à rejoindre le Tiers-État de Sieyès, et se joignit constamment à la partie la plus démocratique de ce corps.
Il présida la session qui dura 62 heures pendant que le peuple prenait la Bastille en 1789, et tint à cette occasion un discours véhément contre les ennemis de la Nation.
Il proposa que la Déclaration des Droits de l’Homme soit accompagnée de celle des Devoirs.
L’abbé Grégoire est l’auteur de l’Article Premier de la Déclaration des Droits de L’Homme et du Citoyen.
"Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune."
Après avoir tenté en vain de se faire élire par le clergé, Sieyès est finalement désigné par le Tiers-État de Paris comme son vingtième et dernier député, contre la lettre du règlement de l'assemblée élective et malgré les contestations qui s'ensuivent.
Le nouvel élu rejoint les États-Généraux à Versailles le 19 mai et, dès le 27, propose une motion invitant les représentants du Clergé à se joindre à ceux du Tiers.
Cette bataille pour constituer une Assemblée Nationale en obligeant les deux groupes privilégiés à siéger avec le Tiers-État sous peine d'être exclus de la représentation est une première mais fondamentale étape de la Révolution.
Sieyès y joue le premier rôle et en occupe en permanence l'avant-garde.
Les principes qui sont finalement posés sont ceux que l'on trouve décrits dans ses opuscules.
Sieyès, devenu l'un des personnages les plus importants de l'assemblée, siège au Comité de Constitution.
Son influence s'exerce vigoureusement sur la rédaction de la déclaration des droits, même si les projets qu'il présente ne sont pas acceptés en l'état. Le droit au travail, le droit aux secours et celui de réformer à tout moment la Constitution sont ainsi abandonnés.
On prête à Sieyès la paternité de l’article 3 de la Déclaration :
« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. »
Je rappelle que l’on prête la paternité de l’article 6 de la Déclaration à Talleyrand-Périgord.
Ainsi, sur les 7 articles fondamentaux de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, trois sont issus de l’esprit de nos abbés révolutionnaires.
Leurs attaches maçonniques :
Emmanuel-Joseph Sieyès aurait fréquenté diverses loges :"Les Amis devenus Frères" à l'Orient de Fréjus avant la Révolution, puis à Paris la Loge "des Neuf Sœurs" (dite loge des Philosophes) et la Loge de la rue du Coq-Héron.
On prête à l’Abbé Grégoire d’avoir été initié à la Loge des Neuf Sœurs.
Leurs dilemmes religieux :
L’Abbé Grégoire vota l'abolition des vœux monastiques, mais en demandant la conservation des établissements religieux qui avaient rendu des services à la science et à l'agriculture. Après le décret sur la constitution civile du clergé, il fut le premier qui prêta le serment civique exigé par cette constitution (2 janvier 1791).
Il avait publié un écrit sur la légitimité du serment civique exigé des fonctionnaires ecclésiastiques (1790) et d'autres brochures, et il entraîna par son exemple, plus encore que par ses écrits et ses discours, plusieurs membres de son ordre.
Cependant, tout en restant constamment l'ardent défenseur de la constitution civile du clergé, il ne cessa jamais de réprouver les violences exercées contre les prêtres réfractaires ; il osa même demander à la Convention et il obtint la délivrance de ceux qui étaient entassés sur les pontons de Rochefort.
Temple Maçonnique de Rochefort
Le 7 novembre 1793, l'évêque constitutionnel de Paris, Gobel, ses vicaires et d'autres ecclésiastiques vinrent devant la Convention renoncer à leurs fonctions de ministres du culte catholique et proclamer le triomphe de la raison.
Grégoire, pressé de les imiter, répondit :
« S'agit-il du revenu attaché aux fonctions d'évêque ? Je vous l'abandonne sans regret.
S'agit-il de religion ? Cet article est hors de votre domaine, et vous n'avez pas le droit de l'attaquer [...] Catholique par conviction et par sentiment, prêtre par choix, j'ai été désigné par le peuple pour être évêque ; mais ce n'est ni de lui ni de vous que je tiens ma mission.
J'ai consenti à porter le fardeau de l'épiscopat dans un temps où il était entouré d'épines.
On m'a tourmenté pour l'accepter ; on me tourmente aujourd'hui pour me forcer à une abjuration qu'on ne m'arrachera pas.
Agissant d'après les principes sacrés qui me sont chers et que je vous défie de me ravir, j'ai tâché de faire du bien dans mon diocèse ; je reste évêque pour en faire encore.
J'invoque la liberté des cultes. »
Afin de ne permettre aucun doute sur son attachement à la foi catholique et à son caractère ecclésiastique, il se faisait un devoir de toujours siéger à la Convention en vêtements de couleur violette, c.-à-d. épiscopale.
Le 24 décembre 1794, il réclama hautement la liberté des cultes.
Du 21 février au 29 septembre 1795, la Convention adopta une série de décrets reconnaissant la liberté des cultes tant de fois invoquée et réclamée par Grégoire : ils réglaient l'exercice et la police extérieure de cette liberté, de manière à assurer pleinement à tous les Français le droit individuel de s'assembler pour la célébration de leur culte, tout en édictant les mesures nécessaires pour empêcher que cette célébration ne fournit les moyens de reconstituer une puissance rivale de l'État ou qu'elle ne portât atteinte soit à la sûreté de la République, soit à la liberté de ceux qui estimeraient devoir s'en abstenir.
Dès lors, Grégoire s'occupa activement avec quelques prêtres constitutionnels de rassembler les débris de l'Église gallicane.
Ils convoquèrent pour le jour de l’Assomption 1797 un concile national auquel assistèrent trente-deux évêques et soixante-huit prêtres ; ils protestèrent tous de leur attachement au dogme catholique ; mais leurs tentatives pour concerter une action commune avec les prêtres réfractaires échouèrent contre la résistance de ceux-ci.
Un autre concile national fut tenu en 1804 ; Grégoire en fit l'ouverture et, dans un discours qui a été imprimé (1801), il renouvela son invariable profession de foi politique et religieuse.
Les résultats des efforts du clergé constitutionnel furent bientôt anéantis par le pacte que Bonaparte conclut avec Pie VII, mais ils furent plus sérieux et plus importants qu'on ne le croit généralement.
Le dépôt des archives de cette Église avait été confié à Grégoire ; son testament contient des dispositions prescrivant soigneusement les mesures nécessaires à leur conservation.
Consulté personnellement par le premier consul sur son projet de concordat, il le combattit vivement.
Mais le 12 octobre 1801, il fut mis en demeure, conformément aux exigences du pape, de se démettre de son évêché ; il le fit sans résistance, en vue de la paix, se contentant, pour toute protestation, de déclarer qu'il regardait et regarderait toujours son élection comme légitime, et il continua à exercer son ministère de prêtre.
L’Abbé Grégoire, en qualité de sénateur, vota, par conviction, contre le divorce de Napoléon.
Grégoire s'était constamment acquitté de tous les devoirs que la religion catholique prescrit aux fidèles et aux prêtres.
Pendant sa dernière maladie, il se confessa à l'abbé Evrard, et exprima à son confesseur le désir que les derniers sacrements lui fussent administrés par le curé de sa paroisse d’Abbaye-aux-Bois.
Ce curé vint, accompagné de son vicaire, et demanda la rétractation formelle du serment prêté à la constitution civile du clergé. Grégoire la refusa péremptoirement. L'archevêque de Paris lui écrivit pour l'exhorter à se soumettre ; mais il n'obtint qu'une réponse dans laquelle Grégoire professait hautement les sentiments qui lui avaient inspiré les actes dont on réclamait le reniement.
L'abbé Baradère lui donna de sa main la communion en viatique, puis alla solliciter l'abbé Guillon, professeur d'éloquence sacrée à la faculté de théologie, d'administrer les derniers sacrements. Guillon le fit, sans consulter ni l'archevêque ni le curé de la paroisse, quoique lui-même eût été autrefois un ardent adversaire de la constitution civile.
Le lendemain de la mort de Grégoire, son corps fut porté en l'église de l'Abbaye-aux-Bois. »
Le clergé de la paroisse s'était retiré pour obéir aux ordres de l'archevêque.
L'abbé Grieu, assisté de deux autres prêtres, célébra la messe ; l’église était tendue de noir ; les insignes épiscopaux du défunt exposés sur le catafalque.
Des jeunes gens des écoles dételèrent les chevaux du corbillard et le transportèrent jusqu'au cimetière Montparnasse, suivis de plus de vingt mille personnes, qui avaient voulu s'associer à cet hommage funèbre.
Les cendres de l’Abbé Henri Grégoire ont été transférées au Panthéon le mardi 12 décembre 1989 en présence du Chef de l’État français François Mitterrand et du nonce apostolique en France.
En ce qui concerne Emmanuel-Joseph Sieyès, qui n’a pas prêté serment à la Constitution, voici son témoignage :
« Mes vœux, dit-il, appelaient depuis longtemps le triomphe de la raison sur la superstition et le fanatisme.
Ce jour est arrivé ; je m'en réjouis comme d'un des plus grands bienfaits de la République française.
Quoique j'aie déposé, depuis un grand nombre d'années, tout caractère ecclésiastique et qu'à cet égard ma profession de foi soit ancienne et bien connue, qu'il me soit permis de profiter de la nouvelle occasion qui se présente pour déclarer encore, et cent fois s'il le faut, que je ne reconnais d'autre culte que celui de la liberté et de l'égalité, d'autre religion que l'amour de l'humanité et de la patrie. »
Il annonça ensuite qu'il faisait abandon de dix mille livres de rentes viagères que la loi lui avait conservées comme indemnité d'anciens bénéfices. »
Après la seconde restauration, Sieyès s'exile de lui-même à Bruxelles, où il fonde, Cambacérès et Ramel, ancien ministre des finances du Directoire, une caisse de secours pour les exilés sans ressources.
A l'exception de Jacques-Louis David, qui peint son portrait en 1817, le vieux révolutionnaire fréquente cependant peu ses pairs, nombreux dans la ville
En 1818, les deux fournées de grâces accordées à des régicides ne l'incluent pas.
Il lui faut attendre la Monarchie de Juillet pour rentrer enfin en France.
En 1832, son siège à l'Institut lui est rendu.
Sieyès meurt le 20 juin 1836. Sa mort passe à peu près inaperçue du grand public.
Ses obsèques, civiles, ont lieu deux jours plus tard et il est inhumé dans la 30ème division du cimetière du Père-Lachaise
Leurs héritages
Le 5 septembre 1831, la république haïtienne marquait par un deuil national la mort d’un blanc qui n’avait jamais quitté l’Europe. Parlant de ce même blanc, quinze ans plus tôt, Napoléon aurait déclaré : « S’il allait en Haïti, il serait leur Dieu ».
Aimé CESAIRE, pilier de la négritude, l’Abbé Grégoire ainsi : « un géant dont aucune toise ne peut mesurer la grandeur. »
Qu’avait donc fait Henri Grégoire pour mériter de telles faveurs de la part des Haïtiens ?
Dès la nuit du 15 août 1789, Grégoire avait demandé la plénitude des droits civils pour les Noirs et les Mulâtres affranchis ; le 24 juillet 1793, il demanda et obtint la suppression de la prime accordée aux négriers pour la traite.
Élu membre de la commission coloniale, il réclama, sans se laisser intimider par les menaces, l'entière abolition de l’esclavage ; elle fut décrétée le 4 février 1794.
Avec les bienfaits de la liberté, il rêvait pour les Noirs les bienfaits de la religion, et il entreprit d'être à la fois leur apôtre et leur défenseur.
Il est déçu par l’échec de la Révolution en France, et tente d’exporter son principe de régénération.
Haïti est depuis 1806 divisé entre une république métisse au sud, dirigée par Pétion, et une monarchie noire au nord, gouvernée par Henry Christophe.
Les deux parties solliciteront la « bénédiction » de Grégoire ; refusant de cautionner la monarchie, ce dernier devient, par ses lettres publiques et privées, une sorte de conseiller moral des Haïtiens de la République du sud, puis de toute l’île après la réunification
La restauration de l'esclavage, devenue officielle avec la loi du 20 mai 1802 ne l'empêcha pas de continuer à militer pour son abolition, comme en témoignent les nombreux ouvrages qu'il consacra à ce sujet.
Ainsi, en 1808, l’abbé Grégoire publie l’un de ses textes les plus importants, De la littérature des nègres, manifeste contre le rétablissement de l’esclavage et de la traite négrière, mais aussi gage de la fidélité aux combats abolitionnistes menés au sein des Sociétés des Amis des Noirs.
Le fondement philosophique de la position de Grégoire est l’unité du genre humain, qui lui permet de concilier la proclamation révolutionnaire des droits de l’homme et le message évangélique.
Puis l'appel qu'il lança au congrès de Vienne (1815) : De la traite et de l’esclavage des Noirs.
À l'approche de la mesure, il édita une apologie de Las Casas abordant indirectement le problème : blanchir l'évêque du Chiapas de l'accusation d'avoir défendu les droits des Indiens en plaidant la mise en esclavage des Noirs.
Sous la restauration, cette notice fera débat chez ses coreligionnaires antiesclavagistes.
Pour conclure, reprenons les propres termes de l’Abbé Grégoire :
« J’ai traversé 25 ans de Révolution. J’ai vu autour de moi les circonstances changer mille fois et je suis resté le même ».
A la question que l’on posa à Emmanuel-Joseph Sieyès de savoir ce qu’il avait fait pendant la Terreur, il répondit : « J’ai vécu. »
L’héritage de Sieyès est immense.
Sieyès est le père de la Révolution, que ce soit par ces écrits initiateurs ou par son discours sur la différence entre le gouvernement démocratique et le gouvernement représentatif.
Selon Sieyès, les citoyens doivent renoncer à participer à l'élaboration des lois et nommer des représentants éclairés à leur place, dont le mandat n'est pas impératif. Cette conception de la souveraineté est toujours celle qui prévaut aujourd'hui.
Les peuples européens modernes ressemblent bien peu aux peuples anciens. Il ne s'agit parmi nous que de commerce, d'agriculture, de fabriques, etc. Le désir des richesses semble ne faire de tous les États de l'Europe que de vastes ateliers : on y songe bien plus à la consommation et à la production qu'au bonheur. Aussi les systèmes politiques aujourd'hui sont exclusivement fondés sur le travail ; les facultés productives de l'homme sont tout ; à peine sait-on mettre à profit les facultés morales, qui pourraient cependant devenir la source la plus féconde des plus véritables jouissances. Nous sommes donc forcés de ne voir, dans la plus grande partie des hommes, que des machines de travail. Cependant vous ne pouvez pas refuser la qualité de citoyen, et les droits du civisme, à cette multitude sans instruction qu'un travail forcé absorbe en entier. Puisqu'ils doivent obéir à la loi tout comme vous, ils doivent aussi, tout comme vous, concourir à la faire. Ce concours doit être égal.
Il peut s'exercer de deux manières.
Les citoyens peuvent donner leur confiance à quelques-uns d'entre eux. Sans aliéner leurs droits, ils en commentent l'exercice. C'est pour l'utilité commune qu'ils se nomment des représentations bien plus capables qu'eux-mêmes de connaitre l'intérêt général, et d'interpréter à cet égard leur propre volonté.
L'autre manière d'exercer son droit à la formation de la loi est de concourir soi-même immédiatement à la faire. Ce concours immédiat est ce qui caractérise la véritable démocratie. Le concours médiat désigne le gouvernement représentatif. La différence entre ces deux systèmes politiques est énorme.
Le choix entre ces deux méthodes de faire la loi n'est pas douteux parmi nous.
D'abord, la très-grande pluralité de nos concitoyens n'a ni assez d'instruction, ni assez de loisir pour vouloir s'occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ; leur avis est donc de se nommer des représentants ; et puisque c'est l'avis du grand nombre, les hommes éclairés doivent s'y soumettre comme les autres. Quand une société est formée, on sait que l'avis de la pluralité fait loi pour tous.
Ce raisonnement, qui est bon pour les plus petites municipalités, devient irrésistible quand on songe qu'il s'agit ici des lois qui doivent gouverner 26 millions d'hommes ; car je soutiens toujours que la France n'est point, ne peut pas être une démocratie ; elle ne doit pas devenir un État fédéral, composé d'une multitude de républiques, unies par un lien politique quelconque. La France est et doit être un seul tout, soumis dans toutes ses parties à une législation et à une administration commune. Puisqu'il est évident que 5 à 6 millions de citoyens actifs, répartis sur vingt-cinq mille lieues carrées, ne peuvent point s'assembler, il est certain qu'ils ne peuvent aspirer qu'à une législature par représentation. Donc les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes immédiatement la loi : donc ils n'ont pas de volonté particulière à imposer. Toute influence, tout pouvoir leur appartiennent sur la personne de leurs mandataires ; mais c'est tout. S'ils dictaient des volontés, ce ne serait plus cet état représentatif ; ce serait un état démocratique.
On a souvent observé dans cette Assemblée que les bailliages n'avaient pas le droit de donner des mandats impératifs ; c'est moins encore. Relativement à la loi, les Assemblées commettantes n'ont que le droit de commettre. Hors de là, il ne peut y avoir entre les députés et les députants directs que des mémoires, des conseils, des instructions. Un député, avons-nous dit, est nommé par un bailliage, au nom de la totalité des bailliages ; un député l'est de la nation entière ; tous les citoyens sont ses commettants ; or, puisque que dans une Assemblée bailliagère, vous ne voudriez pas que celui qui vient d'être élu se chargeât du vœu du petit nombre contre le vœu de la majorité, vous ne devez pas vouloir, à plus forte raison, qu'un député de tous les citoyens du royaume écoute le vœu des seuls habitants d'un bailliage ou d'une municipalité, contre la volonté de la nation entière. Ainsi, il n'y a pas, il ne peut y avoir pour un député de mandat impératif, ou même de vœu positif, que le vœu national ; il ne se doit aux conseils de ses commettants directs qu'autant que ses conseils seront conformes au vœu national. Ce vœu, où peut-il être, où peut-on le reconnaître, si ce n'est dans l'Assemblée nationale elle-même ? Ce n'est pas en compulsant les cahiers particuliers, s'il y en a, qu'il découvrira le vœu de ses commettants. [...]
Quand on se réunit, c'est pour délibérer, c'est pour connaître les avis les uns des autres, pour profiter des lumières réciproques, pour confronter les volontés particulières, pour les modifier, pour les concilier, enfin pour obtenir un résultat commun à la pluralité. [...] Il est donc incontestable que les députés sont à l'Assemblée nationale, non pas pour y annoncer le vœu déjà formé de leurs commettants directs, mais pour y délibérer et y voter librement d'après leur avis actuel, éclairé de toutes les lumières que l'Assemblée peut fournir à chacun.
Faisant partie des cinq membres du Directoire qui gouvernent tant bien que mal la France, Sieyès se rend compte que la République est à terme condamnée.
L'opinion est lasse des palabres du « gouvernement des avocats ».
Fin politique, l'ex-abbé est persuadé que seul un général à poigne et auréolé de gloire peut en imposer aux parlementaires et sauver le régime issu de la Révolution. « Je cherche un sabre », dit-il à qui veut l'entendre.
Il s'adresse à Napoléon Bonaparte, de retour d'Égypte, et instaure avec lui le Consulat.
Sieyès, qui a lancé la Révolution, a ainsi le privilège de la clore également, dix ans plus tard, en hissant Bonaparte au sommet de l'État.
Le serment du jeu de Paume
Le serment du jeu de Paume :
Le serment du jeu de Paume est un des faits marquants de nos abbés révolutionnaires.
Emmanuel-Joseph Sieyès, pour le Tiers-État, est à l’origine de la proposition de fusion des ordres. C’est lui, qui propose aux deux autres ordres de rejoindre le Tiers-État pour former l’Assemblée Nationale.
Henri Grégoire est un des meneurs du serment du Jeu de Paume puisqu’il incite le Clergé à rejoindre le Tiers-État, comme Mirabeau et Lafayette le font pour la Noblesse.
David l'a mis particulièrement en vue dans sa célèbre esquisse du Serment du jeu de paume puisqu’Henri Grégoire est au premier rang. Cet épisode fondateur marqua une étape décisive, et il fut largement répercuté par l'image. Au sein de cette vaste iconographie, aucune œuvre n'eut la force du projet de David.
Les premières gravures représentant Le Serment du Jeu de paume n’apparaissent qu’en 1790, date qui voit Jacques-Louis David convaincre la Société des Amis de la Constitution, dite Club des Jacobins, de lancer une souscription nationale pour financer la réalisation d'un tableau sur cet événement fondateur de la Révolution française.
Le peintre expose un dessin à la plume et encre brune de son futur tableau dans son atelier du Louvre en 1791 mais ne peut poursuivre, faute d'argent car la souscription ne recueille que 10 % de la somme attendue.
La Constituante décide alors de financer son œuvre aux frais du « Trésor Public », somme complétée par la vente de gravures tirées du tableau.
David installe son atelier dans l’ancienne église conventuelle des Feuillants de la rue Saint Honoré afin de pouvoir faire poser les députés siégeant à la toute proche salle du Manège, mais en 1793, pris par ses travaux de député, il n’a achevé que l’esquisse de la partie inférieure de son gigantesque tableau, qui comprend seulement quatre portraits peints de députés : Michel Gérard, Antoine Barnave, Mirabeau et Dubois-Crancé.
Or en 1793, la vie politique française ne correspond plus du tout au contexte du tableau. Mirabeau, un des héros de l’année 1789, est devenu l’ennemi de la Révolution.
Sa correspondance secrète avec le roi a été découverte. Aux yeux de l'opinion publique, il est devenu un traître.
Un grand nombre des députés de l’Assemblée nationale constituante sont identifiés aux factions ennemies du Comité de Salut Public.
Le tableau du Carnavalet reproduit sans doute cette œuvre dont il a les mêmes dimensions.
On y voit l'astronome Bailly (futur maire de Paris), président car doyen de l'Assemblée, debout sur une table, lisant le texte du serment.
Au premier plan, on reconnaît certains protagonistes de cette Révolution commençante, comme Mirabeau, Grégoire ou Barnave.
La pose et le bras tendu des députés évoquent le tableau des Horaces, mais il y a ici plus qu'une référence antique. Les acteurs, dont aucun ne nous tourne le dos, semblent jouer leur rôle comme sur une scène de théâtre. Mais il s'agit, ici, du théâtre de l'Histoire.
Le 20 juin, comme le 4 août, sont des dates tout aussi importantes dans l’Histoire révolutionnaire que le 14 juillet.
Je reprends ici un texte de Jean-Laurent TRUBET sur le « serment maçonnique du Jeu de Paume »
Lithographie originale du Serment du Jeu de Paume exposée au Musée de la Franc-Maçonnerie du G.O.F.
« Nous sommes en 1789... Louis XVI, devant l'ampleur de la crise (d'alors) a convoqué les États Généraux qui s'ouvrent le 5 mai 1789.
Le vote s'effectue alors par ordre :
Noblesse (270 députés),
Clergé (291 députés),
Tiers-État (578 députés),
Chaque ordre disposant d'une voix.
Le Tiers-État est donc toujours mis en minorité au vote par ordre alors qu'il a le plus grand nombre de députés.
Le 10 juin 1789, à l'initiative de Sieyès, le Tiers-État invite les députés des deux autres ordres à les rejoindre.
Certains d'entre eux, des nobles libéraux et des clercs proches du peuple (et souvent francs-maçons...), s'unissent au Tiers.
C'est en clair la suppression des ordres face au roi, auxquels se substitue une représentation nationale en une seule assemblée.
Le groupe ainsi constitué se proclame Assemblée nationale, sur la motion de Sieyès.
Mais Louis XVI résiste et fait fermer la salle des Menus Plaisirs où se réunit l'Assemblée Nationale présidée par Bailly. Devant les portes closes, les députés vont se réunir dans la salle du Jeu de Paume.
L'Abbé Augustin Barruel dans son "Mémoires pour servir à l'histoire du Jacobinisme" publiée à Hamboug en 1798, y verra la preuve du complot maçonnique donc le but est de détruire le trône et l'autel.
Alors que le Grand Orient de France de 1789 rassemble l'armorial de France : Du Grand Maître Philippe d'Orléans (cousin du Roi et futur Philippe-Egalite), les ducs de Noailles, la Trémouille, Rochambaud jusqu'au Marquis de Le Fayette, beaucoup de nobles sont francs-maçons.
Certains d'entre eux sont des "américains", qui ont participés à la guerre d'Indépendance américaine (aux côtés des frères Washington et Benjamin Franklin...) et sont gagnés par les idées nouvelles.
Ils souhaitent l'avènement d'une monarchie parlementaire à l'anglaise (comme le frère Montesquieu initié en 1730 à la loge londonienne Horn).
Mais reprenons le cours des événements :
A l'initiative du frère Joseph Guillotin, les députés vont se réunir à la salle du Jeu de Paume et les débats se poursuivent sous la direction du frère Jean-Sylvain Bailly (futur 1er maire de Paris). Les nobles libéraux sont là, comme le frère La Fayette, ainsi que de nombreux clercs, comme le frère et néanmoins abbé Emmanuel-Joseph Sieyès ou le frère Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun, qui joueront tous deux un rôle essentiel dans les événements à venir.
Le roi somme les députés de quitter la salle. Ironie du sort, c'est le frère Henri-Évrard, marquis de Dreux-Brézé, grand maître des Cérémonies du Royaume, qui se présente le 20 juin 1789 à la salle du Jeu de Paume pour intimer aux députés l'ordre de déguerpir.
C'est à ce moment-là que le frère Honoré Gabriel Riqueti, marquis de Mirabeau lui adresse sa réplique cinglante :
« Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous ne quitterons nos places que par la force des baïonnettes ! ».
Le Moniteur, journal officiel d'alors, en donne une autre version dans son édition du 25 juin 1789.
Le frère Mirabeau aurait dit : « Oui, Monsieur, nous avons entendu les intentions qu'on a suggérées au Roi ; et vous qui ne sauriez être son organe auprès des États généraux, vous qui n'avez ici ni place ni voix, ni droit de parler, vous n'êtes pas fait pour nous rappeler son discours. Cependant, pour éviter toute équivoque et tout délai, je vous déclare que si l'on vous a chargé de nous faire sortir d'ici, vous devez demander des ordres pour employer la force ; car nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes », ce qui correspond mieux au langage châtié du frère marquis.
Devant la détermination des députés, le frère Dreux-Grézé quitte la salle et va en référer au Roi...
Les députés présents, signent alors le Serment du Jeu de Paume (rédigé par Jean-Baptiste-Pierre Bevière) où ils jurent de ne pas se séparer sans avoir donner une Constitution au royaume de France.
Le premier député à le voter est le frère Sieyès.
Voici le texte du Serment :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'appelée à fixer la constitution du royaume, opérer la régénération de l'ordre public et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu'elle continue ses délibérations dans quelque lieu qu'elle soit forcée de s'établir, et qu'enfin, partout où ses membres sont réunis, là est l'Assemblée nationale ;
Arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront, à l'instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun d'eux en particulier confirmeront, par leur signature, cette résolution inébranlable. Lecture faite de l'arrêté, M. le Président a demandé pour lui et pour ses secrétaires à prêter le serment les premiers, ce qu'ils ont fait à l'instant ; ensuite l'assemblée a prêté le même serment entre les mains de son Président. Et aussitôt l'appel des Bailliages, Sénéchaussées, Provinces et Villes a été fait suivant l'ordre alphabétique, et chacun des membres * présents [en marge] en répondant à l'appel, s'est approché du Bureau et a signé. [en marge] * M. le Président ayant rendu compte à l'assemblée que le Bureau de vérification avait été unanimement d'avis de l'admission provisoire de douze députés de S. Domingue, l'assemblée nationale a décidé que les dits députés seraient admis provisoirement, ce dont ils ont témoigné leur vive reconnaissance ; en conséquence ils ont prêté le serment, et ont été admis à signer le procès-verbal l'arrêté. Après les signatures données par les Députés, quelques-uns de MM. les Députés, dont les titres ne sont pas [....] jugés, MM. les Suppléants se sont présentés, et ont demandé qu'il leur fût permis d'adhérer à l'arrêté pris par l'assemblée, et à apposer leur signature, ce qui leur ayant été accordé par l'assemblée, ils ont signé. M. le Président a averti au nom de l'assemblée le comité concernant les subsistances de l'assemblée chez demain chez l'ancien des membres qui le composent. L'assemblée a arrêté que le procès-verbal de ce jour sera imprimé par l'imprimeur de l'assemblée nationale. La séance a été continuée à Lundi vingt-deux de ce mois en la salle et à l'heure ordinaires ; M. le Président et ses Secrétaires ont signé. »
Ironie du sort encore.... Tous les députés présents signent ce serment... sauf un : le frère Joseph Martin-Dauch, député de
Castelnaudary au motif qu'il ne peut jurer d'exécuter des délibérations qui ne sont pas sanctionnées par le roi.
Comme nous le voyons, les francs-maçons se trouvent dans tous les camps et l'on est loin du complot maçonnique invoqué par l'abbé Barruel...
Les loges maçonniques ne se réuniront d'ailleurs plus sous la Terreur et de nombreux frères (à commencer par Philippe-Egalité ou Bailly) passeront leur tête à la lucarne de l'invention du frère Guillotin.
En écoutant le rapport du frère de Dreux-Brézé, le roi cède en employant une formule dont il a le secret : « Eh bien, dit-il, s'ils ne veulent pas s'en aller, qu'ils restent ! ».
Le 27 juin, Louis XVI ordonne aux privilégiés des deux autres ordres de se joindre au Tiers, en une chambre unique, l'Assemblée Nationale... Le 14 juillet le peuple prendra la Bastille mais la Révolution a bel et bien déjà commencé ce 20 juin 1789. »
Source Loge Kleio GLAMF.
Faire son devoir est une exigence pour un franc-maçon, c’est souvent nager à contre-courant. On notera cette déclaration de l’Abbé Grégoire :
« En général, l’homme est plus porté à user de ses droits qu’à remplir ses devoirs. Dans le premier cas il suffit de céder au courant, et dans le second il faut péniblement nager contre. L’homme n’est vertueux qu’avec effort »
L’évêque de Chartres Jean-Baptiste, Joseph de Lubersac député, qui participa activement en faveur de l’abolition des privilèges s’exprima aussi en faveur des devoirs :
« L’expression flatteuse des droits doit être adroitement ménagée ; on devrait la faire accompagner de celle des devoirs qui lui servirait de correctif. »
Ainsi débute une réflexion nécessaire entre Droits et Devoirs.
Après avoir consacré l’essentiel de la première partie de ce « devoir » un peu scolaire aux Droits de l’Homme, franc-maçon je suis au pied du mur pour essayer modestement de répondre à une question n’avons-nous pas trop de Droits et pas assez de Devoirs, ou plutôt ne sommes-nous pas toujours à réclamer plus de Droits et à ignorer le Devoir, nos devoirs.
Pouvons-nous mettre en miroir systématiquement les droits et les devoirs ? Cette affirmation est nourrie par le sentiment actuel d’insécurité, l’impunité de certains actes d’incivilités qui amplifie cette insécurité. La tolérance apparente pour les petits délits, incline de plus en plus de manière parfois démagogique à ne pas respecter les droits et surtout les devoirs. Nous considérons aussi la justice trop laxiste avec certains et trop sévère avec d’autres, oubliant que justice n’est pas justesse et que la justice sans éthique est désincarnée. Autant de questions que tous les hommes en général sont en « droit » de se poser et les francs-maçons en particulier qui se posent en défenseurs de la justice et de la vertu, adeptes de la tolérance sans faiblesse, sans laxisme, de la tempérance dans les biens de ce monde. Ils travaillent en loge en force, sagesse et beauté, la joie au cœur et portent ces messages dans le monde, leur volonté changer l’homme pour changer la société.
Le devoir est un don, il peut se concevoir par rapport à une dette dans un raisonnement marchand, mais l’on peut concevoir de faire un don sans rien attendre en retour, c’est le cas du don anonyme pratiqué par les francs-maçons, « tu donneras selon tes moyens sans ostentation, de manière à ne pas enorgueillir celui qui donne et humilier celui qui reçois. »
Ainsi à contrario les GAFAM donnent avec ostentation dans des fondations qu’ils ont créées et qui renforcent leur image donc leurs profits c’est le système des pays qui imposent peu ou pas les sociétés et qui favorise les fondations. (C’est aussi un travers de certains francs-maçons du nouveau monde, être franc-maçon aux États-Unis est un titre honorifique, qui permet de se constituer un réseau professionnel, on achète souvent ses grades initiatiques.)
C’est une forme d’humiliation des contribuables anonymes qui au final donnent beaucoup plus à la société en fonction de leurs moyens. L’alibi des « petits » contribuables qui se justifie par l’adage trop d’impôts tue l’impôt, sert en fait à justifier l’optimisation fiscale des grandes sociétés et leur permet d’échapper à l’impôt par ruse. C’est exactement ce que dénonce la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1795 dans son Art 7- « Celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous : il se rend indigne de leur bienveillance et de leur estime. »
Cela pourrait inciter à la réflexion notre ministre des finances publiques, quand il offre la possibilité de négociation de leurs turpitudes aux gros fraudeurs, possibilité qu’il ne propose pas la plupart du temps aux petits contribuables, ne pouvant se défendre avec une armée de fiscalistes finalement rétribués par les impôts impayés par leurs clients.
Les francs-maçons spéculatifs, les francs-maçons acceptés, ceux qui ont succédés aux opératifs c’est-à-dire aux compagnons bâtisseurs des Cathédrales, les passeurs de lumière ont des textes fondateurs de leur fraternité, des statuts, des old charges, des anciens devoirs, pour la plupart inspirés des cathéchismes religieux, eux-mêmes inspirés des commandements reçus par Moïse dans le désert, ces commandements moraux, sont sans doute les premiers devoirs qui s’imposèrent naturellement à l’homme en général, en quelque sorte une morale universelle.
L’on m’objectera que le droit est individuel et que le devoir est toujours défini par rapport à un critère, à une norme, à une loi, donc la production d’un groupe, d’un pays plus loin encore d’un pouvoir. Il n’y aurait pas de devoirs sans dogme, est-il impossible de concevoir des devoirs qui soient consubstantiels à l’homme ayant réalisé son unité, certes il fera partie d’un sous-groupe humain, qui croit dans le perfectionnement de l’homme et de l’humanité.
Le manuscrit Orckard Halliwell nommé Régius daté de 1390, son origine est bien sûr bien antérieure à cette date, ainsi que les injonctions faites aux hommes du métier, c’est dans le fond de la librairie Halliwell qu’il fût découvert, il est aujourd’hui à la British Library. C’est probablement un clerc qui compila les préceptes en un poème de 794 vers octosyllabiques pour en faciliter la diffusion, ces vers sont écrits en langue médiévale du sud-ouest de l’Angleterre. Son contenu est à la fois historique, on y trouve les évocations concernant les 4 couronnés, la Tour de Babel, les 7 arts libéraux dont la géométrie d’Euclide, et un ensemble de Rites liés au travail.
C’est sans conteste René Dez qui effectua le meilleur travail sur ce manuscrit, travail publié sous le titre évocateur de : « Régius : Manuscrit 1390 ; première lueur de l’aube au pied des cathédrales, la chartre la plus ancienne des francs-mestiers de bâtisseurs. (Librairie du Compagnonnage-Paris 1987)
Les devoirs décrits dans le Régius sont un chant d’espérance qui perdure dans le temps, le symbolisme de la construction qui relie les compagnons et les francs-maçons en particulier, relie aussi tous les hommes croyants en leur perfectionnement individuel et le perfectionnement de l’humanité.
Quelques, des catéchismes anciens des compagnons bâtisseurs.
D’abord le manuscrit Orckard Halliwell dit Régius pour extraits :
Article 1.
Le premier article de cette géométrie;-
Le maître maçon doit être digne de confiance
A la fois constant, loyal et vrai,
Il ne l'aura alors jamais à regretter;
Tu dois payer tes compagnons selon le cours,
Des victuailles, tu le sais bien;
Et paie les justement, et de bonne foi,
Ce qu'ils peuvent mériter;
Et évites soit par amour soit par crainte,
D'aucune des parties d'accepter des avantages;
Du seigneur ni du compagnon, qui que ce soit,
D'eux tu ne prends aucune sorte de paiement;
Et en juge tiens-toi intègre,
Et alors aux deux tu rendras leur bon droit;
Et véritablement fais ceci où que tu ailles,
Ton honneur, ton profit, sera le meilleur.
Article 3.
Le troisième article est en vérité,
Que le maître ne prenne aucun Apprenti,
Sauf s'il peut lui assurer de le loger
sept ans chez lui, comme je vous dis,
Pour apprendre son métier, qui soit profitable ;
En moins de temps il ne sera pas apte
Au profit du seigneur, ni le sien
Comme vous pouvez le comprendre par bonne raison.
Article 6.
Le sixième article vous ne devez pas manquer
Que le maître ne doit pas porter préjudice au seigneur,
En prenant au seigneur pour son Apprenti,
Autant que reçoivent ses compagnons, en tout,
Car dans ce métier ils se sont perfectionnés,
Ce que lui n'est pas, vous devez le comprendre.
Ainsi il serait contraire à bonne raison,
De prendre pour lui égal salaire à celui des compagnons.
Ce même article dans ce cas,
Ordonne que son Apprenti gagne moins
Que ses compagnons, qui sont parfaits.
Sur divers points, sachez en revanche,
Que le maître peut instruire son Apprenti tel,
Que son salaire puisse augmenter rapidement,
Et avant que son apprentissage soit terminé,
Son salaire pourrait s'améliorer de beaucoup.
Article 7.
Le septième article que maintenant voici,
Vous dira pleinement à tous ensemble,
Qu'aucun maître ni par faveur ni par crainte,
Ne doit vêtir ni nourrir aucun voleur.
Des voleurs il n'en hébergera jamais aucun,
Ni celui qui a tué un homme,
Ni celui qui a mauvaise réputation,
De crainte que cela fasse honte au métier.
Article 10.
Le dixième article sert à savoir,
Parmi tous dans le métier, grands ou modestes,
Qu'aucun maître ne doit supplanter un autre,
Mais être ensemble comme des frères,
Dans ce singulier métier, tous quels qu'ils soient,
Qui travaillent sous un maître maçon.
Ni doit il supplanter aucun homme,
Qui s'est chargé d'un travail,
La peine pour cela est tellement forte,
Qu'elle ne pèse pas moins de dix livres,
A moins qu'il soit prouvé coupable,
Celui qui avait d'abord pris le travail en main;
Car nul homme en maçonnerie
Ne doit supplanter un autre impunément,
Sauf s'il a construit de telle façon,
Que cela réduit l'ouvrage à néant;
Alors un maçon peut solliciter ce travail,
Pour le sauver au profit des seigneurs
Dans un tel cas, si cela arrivait,
Aucun maçon ne s'y opposera.
En vérité celui qui a commencé les fondations,
S'il est un maçon habile et solide,
A fermement dans l'esprit,
De mener l'Œuvre à entière bonne fin.
Article 15.
Le quinzième article est le dernier,
Car pour le maître il est un ami ;
Pour lui enseigner qu'envers aucun homme, Il ne doit adopter un comportement faux,
Ni suivre ses compagnons dans leur erreur,
Quelque bien qu'il puisse y gagner ;
Ni souffrir qu'ils fassent de faux serments,
Par souci de leurs âmes,
Sous peine d'attirer sur le métier la honte,
Et sur lui-même un blâme sévère.
Divers statuts.
Dans cette assemblée des points furent adoptés en plus,
Par de grands seigneurs et maîtres aussi.
Le premier point veut que celui qui voudrait connaître ce métier
et l'embrasser, Doit bien aimer Dieu et la sainte église toujours,
Et son maître aussi avec qui il est,
Où qu'il aille par champs ou par bois,
Et aimes aussi tes compagnons,
Car c'est ce que ton métier veut que tu fasses.
Second point.
Le second point,
Que le maçon travaille le jour ouvrables,
Aussi consciencieusement qu'il le pourra,
Afin de mériter son salaire pour le jour de repos,
Car celui qui a vraiment fait son travail,
Méritera bien d'avoir sa récompense.
Troisième point.
Le troisième point doit être sévère,
Avec l'apprentis, sachez le bien,
Le conseil de son maître il doit garder et cacher,
Et de ses compagnons de bon gré ; Des secrets de la chambre il ne parlera à nul homme,
Ni de la loge quoi qu'ils y fassent ;
Quoi que tu entendes ou les vois faire, Ne le dis à personne où que tu ailles ;
Les propos dans la salle, et même au bosquet,
Gardes les bien pour ton grand honneur,
Sans quoi cela tournera pour toi au blâme,
Et apportera au métier grande honte.
Quatrième point.
Le quatrième point nous enseigne aussi, Que nul homme à son métier sera infidèle ;
Aucune erreur il n'entretiendra
Contre le métier, mais y renoncera ;
Ni aucun préjudice il causera
A son maître, ni à son compagnon ;
Et bien que l’Apprenti soit tenu au respect,
Il est toutefois soumis à la même loi.
Cinquième point.
Le cinquième point est sans nul doute,
Que lorsque le maçon prendra sa paie
Du maître, qui lui est attribué,
Humblement acceptée elle doit être ;
Cependant il est juste que le maître,
L'avertisse dans les formes avant midi,
S'il n'a plus l'intention de l'employer,
Comme il le faisait auparavant ;
Contre cet ordre il ne peut se débattre,
S'il réfléchit bien c'est dans son intérêt
Sixième point.
Le sixième point doit être bien connu,
De tous grands et modestes,
Car un tel cas pourrait arriver;
Qu'entre quelques maçons, sinon tous,
Par envie ou haine mortelle,
S'éclate une grande dispute.
Alors le maçon doit, s'il le peut,
Convoquer les deux parties un jour fixé;
Mais ce jour-là ils ne feront pas la paix,
Avant que la journée de travail soit bien finie,
Un jour de congé vous devez bien pouvoir trouver,
Assez de loisir pour placer la réconciliation,
De peur qu'en la plaçant un jour ouvré La dispute ne les empêche de travailler;
Faites en sorte qu'ils en finissent.
De manière à ce qu'ils demeurent bien dans la loi de Dieu.
Septième point.
Le septième point pourrait bien dire,
Comment bien longue vie Dieu nous donne,
Ainsi il le reconnaît bien clairement, Tu ne coucheras pas avec la femme de ton maître,
Ni de ton compagnon, en aucune manière,
Sous peine d'encourir le mépris du métier;
Ni avec la concubine de ton compagnon,
Pas plus que tu ne voudrais qu'il couche avec la tienne.
La peine pour cela qu'on le sache bien,
Est qu'il reste Apprenti sept années pleines,
Celui qui manque à une de ces prescriptions
Alors il doit être châtié;
Car un grand souci pourrait naître,
D'un aussi odieux péché mortel.
Huitième point.
Le huitième point est, assurément,
Si tu as reçu quelque charge,
A ton maître reste fidèlement soumis,
Car ce point jamais tu ne le regretteras ; Un fidèle médiateur tu dois être,
Entre ton maître et tes compagnons libres ;
Fais loyalement tout ce que tu peux,
Envers les deux parties, et cela est bonne justice.
Neuvième point.
Le neuvième point s'adresse à celui,
Qui est l'intendant de notre salle,
Si vous vous trouvez en chambre ensemble,
Servez-vous l'un l'autre avec calme gaieté;
Gentils compagnons, vous devez le savoir,
Vous devez être intendant chacun à votre tour,
Semaine après semaine sans aucun doute,
Tous doivent être intendant à leur tour,
Pour servir les uns et les autres aimablement,
Comme s'ils étaient sœur et frère;
Nul ne se permettra aux frais d'un autre
De se libérer pour son avantage,
Mais chaque homme aura la même liberté
Dans cette charge, comme il se doit;
Veille à bien payer tout homme toujours,
A qui tu as acheté des victuailles,
Afin qu'on ne te fasse aucune réclamation,
Ni à tes compagnons à aucun titre,
A tout homme ou femme, qui que ce soit,
Paies les bien et honnêtement, nous le voulons;
A ton compagnon tu en rendras compte exacte,
De ce bon paiement que tu as fait,
De peur de le mettre dans l'embarras,
Et de l'exposer à un grand blâme.
Toutefois bon comptes il doit tenir
De tous les biens qu'il aura acquis,
Des dépenses que tu auras fait sur le bien de tes compagnons,
Du lieu, des circonstances et de l'usage;
De tels comptes tu dois rendre,
Lorsque tes compagnons te les demandent.
Dixième point.
Le dixième point montre la bien bonne vie,
Comment vivre sans souci ni dispute;
Si le maçon mène une vie mauvaise,
Et dans son travail il est malhonnête,
Et se cherche une mauvaise excuse
Il pourra diffamer ses compagnons injustement,
Par de telles calomnies infâmes
Attirer le blâme sur le métier.
S'il déshonore ainsi le métier,
Vous ne devez alors lui faire aucune faveur,
Ni le maintenir dans sa mauvaise vie,
De peur que cela ne tourne en tracas et conflit;
Mais ne lui laissez aucun sursis,
Jusqu'à ce que vous l'ayez contraint,
A comparaître où bon vous semble,
Où vous voudrez, de gré ou de force,
A la prochaine assemblée vous le convoquerez,
A comparaître devant tous ses compagnons,
Et s'il refuse de paraître devant eux, Il lui faudrait renoncer au métier;
Il sera alors puni selon la loi
Qui fut établie dans les temps anciens.
Onzième point.
Le onzième point est de bonne discrétion,
Comme vous pouvez le comprendre par bonne raison;
Un maçon qui connaît bien son métier,
Qui voit son compagnon tailler une pierre,
Et qu'il est sur le point d'abîmer cette pierre,
Reprends-la aussitôt si tu le peux,
Et montre-lui comment la corriger,
Pour que l’œuvre du seigneur ne soit pas abîmé,
Et montre-lui avec douceur comment la corriger,
Avec de bonnes paroles, que Dieu te prête;
Pour l'amour de celui que siège là-haut,
Avec de douces paroles nourris son amitié.
Douzième point.
Le douzième point est d'une grande autorité,
Là où l'assemblée se teindra,
Il y aura des maîtres et des compagnons aussi,
Et d'autres grands seigneurs en grand nombre;
Il y aura le shérif de cette contrée,
Et aussi le maire de cette cité,
Il y aura des chevaliers et des écuyers,
Et aussi des échevins, comme vous le verrez;
Toutes les ordonnances qu'ils prendrons là,
Ils s'accorderont pour les faire respecter,
Contre tout homme, quel qu'il soit, Qui appartient au métier beau et libre.
S'il fait quelque querelle contre eux,
Il sera arrêté et tenu sous garde.
Treizième point.
Le treizième point requiert toute notre volonté, Il jurera de ne jamais voler,
Ni d'aider celui dans cette mauvaise profession,
Pour aucune part de son butin,
Et tu dois le savoir ou alors pécher,
Ni pour son bien, ni pour sa famille.
Quatorzième point.
Le quatorzième point est excellente loi
Pour celui qui sera sous la crainte;
Un bon et vrai serment il doit prêter là,
A son maître et ses compagnons qui sont là;
Il doit être constant et fidèle aussi
A toutes ces ordonnances, où qu'il aille, Et a son seigneur lige le roi, De lui être fidèle par-dessus tout.
Et tous ces points ci-dessus
A eux tu dois être assermenté,
Et tous prêteront le même serment
Des maçons, de gré ou de force.
A tous ces points ci-dessus,
Ainsi que l'a établie une excellente tradition.
Et ils enquêteront sur chaque homme
S'il les met en pratique de son mieux,
Si un homme est reconnu coupable
Sur l'un de ces points en particulier;
Qu'on le recherche, quel qu'il soit,
Et qu'il soit amené devant l'assemblée.
Quinzième point.
Le quinzième point est excellente tradition,
Pour ceux qui auront là prêté serment,
Cette ordonnance qui fut arrêtée par l'assemblée
De grands seigneurs et maîtres dont on a parlé;
Pour ceux qui soient désobéissants, je sais,
A la présente constitution,
De ces articles qui y furent édictés,
Par de grands seigneurs et maçons ensemble,
Et si leurs fautes sont mises au jour
Devant cette assemblée, tantôt,
Et s'ils ne veulent pas s'en corriger,
Alors ils doivent abandonner le métier;
Et jurer de ne plus jamais l'exercer.
Sauf s'ils acceptent de s'amender,
Ils n'auront plus jamais part au métier;
Et s'ils refusaient de faire ainsi,
Le shérif se saisira d'eux sans délai,
Et les mettra dans un profond cachot,
A cause de leur transgression,
Il confisquera leurs biens et leur bétail
Au profit du roi, en totalité,
Et les y laissera aussi longtemps,
Qu'il plaira à notre lige le roi.
L'art des quatre couronnés.
Prions maintenant Dieu tout-puissant, Et sa mère Marie radieuse, Afin que nous puissions garder ces articles,
Et les points tous ensembles,
Comme le firent ces quatre saints martyres,
Qui dans ce métier furent tenus en grand honneur,
Ils étaient aussi bons maçons qu'on puisse trouver sur la terre,
Sculpteurs et imagiers ils étaient aussi,
Car c'étaient des ouvriers d'élite,
L'empereur les tenait en grande estime;
Il désira qu'ils fassent une statue
Qu'on vénérera en son honneur;
En son temps il possédait de tels monuments,
Pour détourner le peuple de la loi du Christ.
Mais eux demeuraient ferme dans la loi du Christ,
Et dans leur métier sans compromis;
Ils aimaient bien Dieu et tout son enseignement,
Et s'étaient voués à son service pour toujours.
En ce temps-là ils furent des hommes de vérité,
Et vécurent droitement dans la loi de Dieu;
Ils n'entendaient pas de fabriquer des idoles,
Quelque bénéfices qu'ils puissent en retirer,
Ni prendre cette idole pour leur Dieu,
Ils refusèrent de le faire, malgré sa colère;
Car ils ne voulaient pas renier leur vraie foi,
Et croire à sa fausse loi,
L'empereur les fit arrêter sans délai,
Et les mit dans un profond cachot;
Plus cruellement il les y punissait,
Plus ils se réjouissaient dans la grâce de Dieu,
Alors quand il vit qu'il ne pouvait plus rien,
Il les laissait alors aller à la mort;
Celui qui voudra, trouvera dans le livre
De la légende des saints,
Les noms des quatre couronnés.
Leur fête est bien connue, Le huitième jour après la Toussaint.
Écoutez ce que j'ai lu,
Que beaucoup d'années après, à grand effroi Le déluge de Noé eut déferlé, La tour de Babel fut commencée,
Le plus gros ouvrage de chaux et de pierre,
Que jamais homme ait pu voir;
Si long et si large on l'entreprit,
Que sa hauteur jeta sept miles d'ombre, Le Roi Nabuchodonosor le fit construire
Aussi puissant pour la défense des hommes,
Que si un tel déluge surviendrait,
Il ne pourrait submerger l'ouvrage;
Parce qu'ils avaient un orgueil si fier, avec grande vantardise
Tout ce travail fut ainsi perdu;
Un ange les frappa en diversifiant leurs langues,
Si bien qu'ils ne se comprenaient plus jamais
l'un l'autre.
Bien des années plus tard, le bon clerc Euclide
Enseigna le métier de géométrie partout autour,
Et il fit en ce temps-là aussi,
Divers métiers en grand nombre.
Par la haute grâce du Christ au ciel, Il fondales sept sciences ;
Grammaireest la première, je le sais, Dialectiquela seconde, je m'en félicite, Rhétoriquela troisième sans conteste, Musiquela quatrième, je vous le dis, Astronomieest la cinquième, par ma barbe, Arithmétiquela sixième, sans aucun doute, Géométriela septième, clôt la liste, Car elle est humble et courtoise,
En vérité, la grammaire est la racine, Chacun l'apprend par le livre; Mais l'art dépasse ce niveau, Comme le fruit de l'arbre vaut plus que la racine; La Rhétorique mesure un langage soigné, Et la Musique est un chant suave; L'Astronomie dénombre, mon cher frère, L'Arithmétique montre qu'une chose est égale à une autre, La Géométrie est la septième science, Qui distingue le vrai du faux, je sais Que ce sont les sept sciences, Celui qui s'en sert bien peut gagner le ciel.
Maintenant mes chers enfants, ayez bon esprit
Pour laisser de côté orgueil et convoitise,
Et appliquez-vous à bien juger,
Et à bien vous conduire, où que vous allez.
Maintenant je vous prie d'être bien attentifs,
Car ceci vous devez-savoir,
Mais vous devez en savoir bien plus encore,
Que ce que vous trouvez écrit ici.
Si l'intelligence te fait défaut pour cela,
Prie Dieu de te l'envoyer ;
Car le Christ lui-même nous l'enseigne
Que la sainte église est la maison de Dieu,
Elle n'est faite pour rien d'autre
Que pour y prier, comme nous le dit l'Écriture,
Là le peuple doit se rassembler,
Pour prier et pour pleurer leurs péchés.
Veille à ne pas arriver à l'église en retard,
Pour avoir tenu des propos paillards à la porte;
Alors quand tu es en route vers l'église,
Aie bien en tête à tout instant
De vénérer ton seigneur Dieu jour et nuit,
De tout ton esprit et de toute ta force.
En arrivant à la porte de l'église
Tu prendras un peu de cette eau bénite,
Car chaque goutte que tu toucheras,
Effacera un péché véniel, sois-en sûr.
Mais d'abord tu dois ôter ton capuchon,
Pour l'amour de celui qui est mort sur la croix.
Quand tu entreras dans l'église,
Élève ton cœur vers le Christ, aussitôt ;
Lève alors les yeux vers la crois,
Et agenouille toi bien à deux genoux,
Puis prie-le alors de t'aider à œuvrer,
Selon la loi de la sainte église,
A garder les dix commandements,
Que Dieu donna à tous les hommes ;
Et prie-le d'une voix douce
De te garder des sept péchés,
Afin que tu puisses ici, dans cette vie,
Te garder loin des soucis et des querelles ;
Et que de plus il t'accorde la grâce,
Pour trouver une place dans la béatitude du ciel.
Dans la sainte église abandonne les paroles frivoles
De langage lascive et plaisanteries obscènes,
Et mets de côté toute vanité,
Et dis ton pater noster et ton ave;
Veille aussi à ne pas faire de bruit,
Mais sois toujours dans tes prières;
Si tu ne veux pas prier toi-même,
Ne gêne aucun autre en aucune manière.
En ce lieu ne te tiens ni assis ni debout,
Mais agenouille toi bien sur le sol,
Et quand je lirai l'Évangile,
Lève-tôt bien droit sans t'appuyer au mur,
Et signe-toi si tu sais le faire,
Quand on étonne le gloria tibi;
Et quand l'évangile est fini,
A nouveau tu peux t'agenouiller,
Sur tes deux genoux tu tomberas,
Pour l'amour de celui qui nous a tous rachetés;
Et quand tu entends sonner la cloche
Qui annonce le saint sacrement,
Vous devez vous agenouiller tous jeunes et vieux,
Et lever vos deux mains au ciel,
Pour dire alors dans cette attitude,
A voix basse et sans faire de bruit; "Seigneur Jésus sois le bienvenu, En forme de pain comme je te vois, Désormais Jésus par ton saint nom, Protège-moi du péché et de la honte; Accorde-moi l'absolution et la communion, Avant que je m'en aille d'ici, Et sincère repentir de mes péchés, Afin, Seigneur, que je ne meure jamais dans cet état; Et toi qui est né d'une vierge, Ne souffre pas que je sois jamais perdu; Mais quand je m'en irai de ce monde, Accorde-moi la béatitude sans fin; Amen ! Amen ! Ainsi soit-il ! A présent douce dame priez pour moi."
Voici ce que tu dois dire, ou une chose semblable,
Quand tu t'agenouille devant le sacrement.
Si tu cherches ton bien, n'épargne rien
Pour vénérer celui qui a tout crée ;
Car c'est pour un homme un jour de joie,
Qui une fois ce jour-là a pu le voir ;
C'est une chose si précieuse, en vérité,
Que nul ne peut en dire le prix ;
Mais cette vision fait tant de bien,
Comme Saint Augustin le dit très justement,
Ce jour où tu vois le corps de Dieu,
Tu posséderas ces choses en toute sécurité : -
A manger et à boire à suffisance,
Rien ce jour-là ne te manquera ;
Les jurons et vaines paroles,
Dieu te les pardonnera aussi ;
La mort subite ce même jour
Tu n'as nullement à la craindre ;
Et aussi ce jour-là, je te le promets,
Tu ne perdras pas la vue ;
Et chaque pas que tu fais alors,
Pour voir cette sainte vision,
Sera compté en ta faveur,
Quand tu en auras grand besoin ;
Ce messager qu'est l'ange Gabriel,
Les conservera exactement.
Après cela je peux passer maintenant,
A parler à d'autres bienfaits de la messe ;
Viens donc à l'église, si tu peux, Et entends la messe chaque jour ;
Si tu ne peux pas venir à l'église,
Où que tu travailles,
Quand tu entends sonner la messe,
Prie Dieu dans le silence de ton cœur,
De te donner part à ce service,
Que l'on célèbre dans l'église,
Je vous enseignerai de plus,
Et à vos compagnons, apprenez ceci,
Quand tu te présenteras devant un seigneur,
Dans un manoir, un bosquet, ou à table,
Capuchon ou bonnet tu dois ôter,
Avant d'être près de lui ;
Deux ou trois fois, sans nul doute,
Devant ce seigneur tu dois t’incliner ; Tu fléchiras le genou droit,
Tu auras ainsi l'honneur sauf.
Ne remets pas ton bonnet ou capuchon,
Jusqu'à ce que tu en auras la permission.
Tout le temps que tu parleras avec lui,
Tiens le menton haut avec franchise et amabilité ;
Ainsi, comme le livre te l'enseigne,
Regardes-le en face avec amabilité.
Tes pieds et mains tiens les tranquilles,
Sans te gratter ni trébucher, sois habile ;
Évite aussi de cracher et de te moucher,
Attends pour cela d'être seul,
Et si tu veux être sage et discret,
Tu as grand besoin de bien te contrôler.
Lorsque tu entres dans la salle,
Parmi les gens bien nés, bons et courtois,
Ne présume pas trop de grandeur pour rien,
Ni de ta naissance, ni de ton savoir,
Ne t'assied pas et ne t'appuie pas,
C'est le signe d'une éducation bonne et propre.
Ne te laisse donc pas aller dans ta conduite,
En vérité la bonne éducation sauvera ta situation.
Père et mère, quels qu'ils soient,
Digne est l'enfant qui agit dignement,
En salle, en chambre, où que tu ailles ;
Les bonnes manières font l'homme.
Fait attention au rang de ton prochain,
Pour leur rendre la révérence qui convient ;
Évite de les saluer tous à la fois,
Sauf si tu les connais.
Quand tu es assis à table,
Mange avec grâce et bienséance ;
Veille d'abord que tes mains soient propres,
Et que ton couteau soit tranchant et bien aiguisé,
Et ne coupe ton pain pour la viande,
Qu'autant que tu en mangeras,
Si tu es assis à côté d'un homme de rang supérieur, Au tient.
Laisse le se servir d'abord de la viande,
Avant d'y toucher toi-même.
Ne pique pas le meilleur morceau,
Même s'il te fait grande envie ;
Garde tes mains nettes et propres,
Pour ne pas souiller ta serviette ;
Ne t'en sers pas pour te moucher,
Et ne te cure pas les dents à table ;
Ne plonge pas trop tes lèvres dans la coupe,
Même si tu as grande envie de boire,
Cela te ferait larmoyer.
Ce qui serait alors discourtois.
Veille à ne pas avoir la bouche pleine,
Quand tu te mets à boire ou à parler.
Si tu vois un homme qui boit,
Tout en écoutant tes propos,
Interromps aussitôt ton histoire,
Qu'il boive du vin ou de la bière,
Veille aussi à n'offenser aucun homme,
Si bien parti que tu le voies ;
Et ne médis de personne,
Si tu veux sauver ton honneur ;
Car de tels mots pourraient t'échapper,
Qui te mettraient dans une situation gênante.
Retiens ta main dans ton poing,
Pour ne pas avoir à dire "si j'avais su",
Dans un salon parmi de belles dames,
Tiens ta langue et sois tout yeux ;
Ne ris pas aux grands éclats,
Ne chahute pas comme un ribaud.
Ne badine qu'avec tes pairs,
Et ne répète pas tous ce que tu entends ;
Ne proclame pas tes propres actions ;
Par plaisanterie ou par intérêt ;
Par de beaux discours tu peux réaliser tes désirs,
Mais tu peux par là aussi te perdre.
Quand tu rencontres un homme de valeur,
Tu ne dois pas garder bonnet et capuchon ;
A l'église, au marché, ou au portail,
Salue le selon son rang.
Si tu marches avec un homme d'un rang
Supérieur au tien,
Reste en retrait de lui d'une épaule,
Car cela est bonne éducation sans défaut ;
Lorsqu'il parle, tiens-toi tranquille,
Quand il a fini, dis ce que tu veux,
Dans tes paroles sois discret,
Et à ce que tu dis fais bien attention ;
Mais n'interrompe pas son histoire,
Qu'il en soit au vin ou à la bière.
Que le Christ alors par sa grâce céleste,
Vous donne et l'esprit et le temps,
Pour bien comprendre et lire ce livre,
Afin d'obtenir le ciel en récompense.
Amen ! Amen ! Ainsi soit-il !
Disons nous tous par charité.
Le texte est bien entendu à l’usage d’un groupe déterminé et présente la forte influence religieuse de l’époque, mais la plupart des préceptes peuvent convenir à celui qui veut être un homme honnête et de bonnes mœurs.
Le sang qui coule dans les veines des bâtisseurs est le même, preuve que l’on peut faire « reliance » entre les Maîtres tailleurs de pierre d’outre-manche et ceux de l’empire, qui se réunirent en avril 1459 sous la présidence de l’architecte Jost Dotzinger, maître d’œuvre de la cathédrale de Strasbourg, dans la ville de Ratisbonne, ville allemande de Bavière baignée par le Danube, prémisse d’une internationale oeuvrière, ces hommes voulaient unifier les statuts de leurs loges.
Ainsi sous les auspices de quatre loges majeures celles de Strasbourg, Cologne, Vienne, et Berne avec une voix prépondérante pour celle de Strasbourg élevée au rang de loge Suprême. Ils ont écrit, et signés, les Statuts de Ratisbonne : une fédération, une alliance, une obédience, une entente maçonnique, avant l’heure de l’Europe et la consécration de Strasbourg comme ville européenne. Ces statuts de Ratisbonne deviendront en 1563 les Statuts de la Saint-Michel.
Les cathédrales qui impressionnent toujours, non pas seulement les croyants en une religion, furent construites pour accueillir l’ensemble du peuple de chaque cité. Les devoirs des maîtres du métier, maçons, charpentiers, vitriers, orfèvres….. La forêt des symboles qu’elles contiennent, vit toujours dans le cœur des hommes. La cathédrale interpelle l’ensemble de l’humanité, lieu spirituel sans frontière, lieu d’élévation spirituelle, prouesse architecturale lieu des savoirs et de la connaissance, incarnation des hommes de devoir.
1 janv. 2016 —Avril1459, l'architecte Jost Dotzinger, Maître de l'œuvre de la cathédrale de Strasbourg, les Maîtres tailleurs de pierre venus de toutes les .
Celui qui veut entrer dans notre confraternité doit promettre d'observer tous les points et articles qui sont mentionnés dans ce règlement.
Si un travailleur ayant entamé un ouvrage honnêtement conçu venait à mourir, il faut que n’importe quel autre maître expert en la matière puisse continuer l’oeuvre pour la mener à bonne fin.
S'il se présente sur un tel chantier un compagnon compétent qui désire de l’avancement après avoir suffisamment servi dans cette branche, on peut l’accepter.
Si un maître vient à mourir, sans avoir achevé l’œuvre entreprise, et qu'un autre maître s'y attelle, celui-ci doit la mener à bonne fin sans l'abandonner à un troisième, et cela afin ceux qui ont commandé le travail en question ne se trouvent pas engagés dans des frais exagérés qui porteraient préjudice à la mémoire du défunt.
Si un nouveau chantier se formait alors qu'il n'en existait pas auparavant, ou si un maître mourait et qu'un autre le remplaçât, qui ne fit pas partie de cette fraternité, il faut que le maître qui détient les documents et les statuts de la confraternité en vigueur dans cette région convoque un maître remplaçant pour cette confraternité et lui fasse jurer et promettre de maintenir tout en règle, selon le droit des travailleurs de pierre et des maçons ; quiconque s’opposerait à cette loi ne recevrait aucun soutien ni de compagnon ni de maître et aucun compagnon de cette confraternité n'entrerait dans son chantier.
Celui qui est sous la dépendance d'un seigneur, qu'il soit maître ou compagnon, ne doit être accepté dans la confraternité qu'avec l’assentiment de son seigneur.
Si un chantier a été mis en train par exemple à Strasbourg, Cologne, Vienneet Passau, ou autres lieux du même ressort, personne venant de l’extérieur ne doit en tirer profit
Le maître qui reprend un chantier en cours doit conserver le salaire jusqu’alors en usage.
Le salaire convenu doit revenir intégralement aux compagnons de la première heure.
Le maitre doit en toutes circonstances se comporter avec correction envers les compagnons, selon le droit et la coutume des tailleurs de pierre et maçons, conformément aux usages de la région.
Si un maitre a entrepris un chantier et que d'autres maîtres viennent à passer, ceux-ci ne doivent en aucune manière prendre position avant que le premier se soit désisté de l'entreprise. Naturellement, ces derniers doivent être compétents.
Les maîtres en question doivent conduire leurs travaux de telle manière que les bâtiments construits par eux soient impeccables et réalisés durant le laps de temps déterminé par les usages de leur région.
S'il convient à quelque maître d'entreprendre un autre travail concurremment au sien et qu'il ne puisse le mener à bonne fin et qu'un autre maître s'y adonne, celui-ci doit le pousser à achèvement afin que l’œuvre ne reste pas inachevée. Mais si ce dernier n'a pas la compétence voulue pour aboutir comme il convient, il doit être repris et puni afin qu'on sache à quoi s'en tenir sur son compte.
Le ou les maîtres qui entreprennent de pareils travaux ne doivent prendre à louage que ceux qui sont compétente en la matière.
Si un maître vient entreprendre un travail pour lequel il n'est pas compétent, aucun compagnon ne doit l’assister.
Deux maîtres ne doivent pas entreprendre le même travail, à moins que l'on ne puisse terminer le travail dans l’espace de l'année.
Chaque maître qui réside dans son chantier ne doit pas avoir plus de deux aides. Et s'il a un ou plusieurs chantiers extérieurs, il ne peut dépasser dans chacun d'eux plus de deux aides afin qu'il n'ait pas plus de cinq aides pour l'ensemble de ses chantiers. Mais s'il perd un chantier, il doit employer les aides de celui-ci dans son autre chantier jusqu'à ce que la période d’engagement de ses aides soit révolue et il ne doit pas engager d'autres aides jusqu'à ce que le travail soit achevé.
Si un aide vient à faire défaut à un maître, le maître peut en engager un autre pour un trimestre jusqu'à ce que le temps de travail de l'autre soit échu.
Quand un aide sert un maître conformément aux statuts de la confraternité et que le maître lui a promis de lui confier certains travaux et que l'aide désire en faire encore davantage, il peut s'entendre à bon droit avec le maître afin de le servir plus longtemps.
À tout entrepreneur qui dirige un chantier et à qui est dévolu le pouvoir juridique sur cette confraternité pour régler tout différend qui pourrait survenir entre les constructeurs, obéissance est due par tous les maîtres, compagnons et aides.
Au cas où une plainte parvient au maître, il ne doit pas prononcer seul une sentence, mais s'adjoindre deux autres maîtres parmi les plus proches et les compagnons qui appartiennent à ce chantier. Ensemble, ils éclairciront la question qui ensuite devra être portée devant toute la confraternité.
Je veux bien concéder que le devoir, les devoirs sont reliés à un groupe, ce sont ces devoirs qui rendent la vie possible en société, contrairement aux droits qui seraient individuels, mais l’individu ne vit pas seul ! Il a même besoin de la vie en société, la pandémie actuelle le démontre.
Le devoir oblige le groupe à la solidarité et la fraternité qui peut prendre un caractère universel. La fraternité et la solidarité d’un groupe s’amplifie plus le groupe est restreint, attention cela sent la secte, l’archipel suivant le terme à la mode chez les sociologues. Je n’aurais des devoirs que par rapport à mon groupe et plus mon groupe serait restreint plus je serais un homme de devoir ? Dans ce raisonnement le devoir est guidé par l’intérêt du groupe, le don disparaît, l’effort aussi.
Cette tendance au devoir restreint, facile est palpable dans notre société, le mondialisme exclu le devoir. On observe la désaffection des citoyens pour les grandes villes trop demanderesses si j’ose dire de devoirs qui assaillent notre vie quotidienne, les citadins fuient vers les villes moyennes et les petites villes et se plaignent des infrastructures déficientes, ils veulent les mêmes droits, les mêmes accès à toutes les technologies. Ils ne s’assignent pas de limites à leurs droits individuels et refusent leurs devoirs collectifs, c’est le règne de l’individualisme.
Le groupe, le réseau est devenu le refuge du devoir, le devoir donne de la force au groupe, mais le devoir ne peut survivre que dans des petits groupes et les groupes s’opposent. Les anciens devoirs old charges ou les statuts de Ratisbonne donnaient une dimension au devoir autour d’un projet commun, ils transcendaient le groupe.
En pensant aux constructeurs de Cathédrales, je ne peux pas m’empêcher de penser aux fondateurs de l’Europe.
Bien sûr le traité de Rome fut essentiellement un traité entre des marchands, mais l’on ne peut pas se plaindre de faire du commerce, de se parler avec ceux que nous combattions jadis.
Les principes du traité, peuvent être considérés comme des devoirs des uns envers les autres.
Dans le préambule du traité dont voici quelques extraits, l’on discernera l’esprit qui a conduit à sa ratification :
« …. Déterminés à établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens. »
Les francs-maçons auraient écrit simplement faire de l’Europe un centre d’union entre les hommes.
« …. Éliminer les barrières qui divisent l’Europe. »
Les francs-maçons auraient écrit mes frères, formons la chaîne.
« … l’équilibre dans les échanges et la loyauté dans la concurrence. »
Mes frères, mes sœurs soyons les amis des pauvres et des riches pourvu qu’ils soient vertueux.
« ….les sauvegardes de la paix et de la liberté. »
Mes frères, mes sœurs recherchons l’harmonie de l’un, qui est la liberté.
On soulignera aussi la volonté de la dernière disposition (f) de l’Art-3 Première Partie des Principes.
«.. l’établissement d’un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché commun.. »
Si cette volonté avait été suivie d’effet, nous n’aurions pas de différences sociales et fiscales dans l’union, et n’aurions pas à débattre continuellement des droits des travailleurs d’un pays à l’autre, ni de l’égalité fiscale et de la taxation des GAFAM cela serait aujourd’hui naturel, pour mémoire le traité de Rome à été signé le 25 mars 1957, il y a donc 63 ans.
Il est facile d’être chagrin, plus que dans l’espérance, chacun peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, à défaut du carton plein. Le traité de Rome est d’abord un contrat commercial entre nations. L’établissement de règles de bonne conduite, de devoirs à respecter, de principes qui devaient être intangibles. Ce fût à l’époque un progrès extraordinaire, il assurait la stabilité commerciale et surtout la paix entre les peuples, repoussait la guerre hors de l’Europe. Les fondateurs ont voulu que les peuples ne construisent plus de frontières, de murs, mais des ponts des tunnels pour se rencontrer, la libre circulation dont nous mesurons aujourd’hui l’importance est un progrès considérable, nos jeunes en mesure l’effet avec le programme Erasmus, c’est sans doute le meilleur rempart contre les intégrismes, chacun s’améliore au contact des autres et de leurs différences.
Pourtant l’Europe est fragilisée, le Brexit en témoigne dans ce divorce avec nos amis anglais, il n’y a qu’un perdant l’esprit Européen et pas de gagnant. Nous avons ignoré les principes, les devoirs fondamentaux sous-jacents dans les traités, il est facile de dire maintenant qu’il aurait fallu, un peu moins d’épicerie ou de comptes d’apothicaires (avec mes excuses pour nos frères pharmaciens) mais un peu plus de devoirs de justesse, de solidarité, de fraternité, pour que le cœur de l’Europe batte un peu plus fort en chacun de nous. Comme le disait si bien Saint-Exupéry, je vous propose un long extrait de sa dernière lettre celle du 30 juillet 1944, il périt en mer dans son avion abattu le 31 juillet 1944 :
Je viens de faire quelques vols sur P. 38. C’est une belle machine. J’aurais été heureux de disposer de ce cadeau-là pour mes vingt ans. Je constate avec mélancolie qu’aujourd’hui, à quarante-trois ans, après quelques six mille cinq cents heures de vol sous tous les ciels du monde, je ne puis plus trouver grand plaisir à ce jeu-là. Ce n’est plus qu’un instrument de déplacement — ici de guerre. Si je me soumets à la vitesse et à l’altitude à mon âge patriarcal pour ce métier, c’est bien plus pour ne rien refuser des emmerdements de ma génération que dans l’espoir de retrouver les satisfactions d’autrefois.
Ceci est peut-être mélancolique, mais peut-être bien ne l’est-ce pas. C’est sans doute quand j’avais vingt ans que je me trompais. En octobre 1940, de retour d’Afrique du Nord où le groupe 2-33 avait émigré, ma voiture étant remisée exsangue dans quelque garage poussiéreux, j’ai découvert la carriole et le cheval. Par elle l’herbe des chemins. Les moutons et les oliviers. Ces oliviers avaient un autre rôle que celui de battre la mesure derrière les vitres à 130 kilomètres à l’heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai qui est de lentement fabriquer des olives. Les moutons n’avaient pas pour fin exclusive de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants. Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l’herbe aussi avait un sens puisqu’ils la broutaient.
Et je me suis senti revivre dans ce seul coin du monde où la poussière soit parfumée (je suis injuste, elle l’est en Grèce aussi comme en Provence). Et il m’a semblé que, toute ma vie, j’avais été un imbécile…
Tout cela pour vous expliquer que cette existence grégaire au coeur d’une base américaine, ces repas expédiés debout en dix minutes, ce va-et-vient entre les monoplaces de 2600 chevaux dans une bâtisse abstraite où nous sommes entassés à trois par chambre, ce terrible désert humain, en un mot, n’a rien qui me caresse le coeur. Ça aussi, comme les missions sans profit ou espoir de retour de juin 1940, c’est une maladie à passer. Je suis « malade » pour un temps inconnu. Mais je ne me reconnais pas le droit de ne pas subir cette maladie. Voilà tout. Aujourd’hui, je suis profondément triste. Je suis triste pour ma génération qui est vide de toute substance humaine. Qui n’ayant connu que les bars, les mathématiques et les Bugatti comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd’hui plongé dans une action strictement grégaire qui n’a plus aucune couleur.
On ne sait pas le remarquer. Prenez le phénomène militaire d’il y a cent ans. Considérez combien il intégrait d’efforts pour qu’il fut répondu à la vie spirituelle, poétique ou simplement humaine de l’homme. Aujourd’hui nous sommes plus desséchés que des briques, nous sourions de ces niaiseries. Les costumes, les drapeaux, les chants, la musique, les victoires (il n’est pas de victoire aujourd’hui, il n’est que des phénomènes de digestion lente ou rapide) tout lyrisme sonne ridicule et les hommes refusent d’être réveillés à une vie spirituelle quelconque. Ils font honnêtement une sorte de travail à la chaîne. Comme dit la jeunesse américaine, « nous acceptons honnêtement ce job ingrat » et la propagande, dans le monde entier, se bat les flancs avec désespoir.
De la tragédie grecque, l’humanité, dans sa décadence, est tombée jusqu’au théâtre de M. Louis Verneuil (on ne peut guère aller plus loin). Siècle de publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux, ni messes pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif.
Ah ! Général, il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles, faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. On ne peut vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Rien qu’à entendre un chant villageois du 15ème siècle, on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (pardonnez-moi). Deux milliards d’hommes n’entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots.
Tous les craquements des trente dernières années n’ont que deux sources : les impasses du système économique du XIXème siècle et le désespoir spirituel. Pourquoi Mermoz a-t-il suivi son grand dadais de colonel sinon par soif ? Pourquoi la Russie ? Pourquoi l’Espagne ? Les hommes ont fait l’essai des valeurs cartésiennes : hors des sciences de la nature, cela ne leur a guère réussi. Il n’y a qu’un problème, un seul : redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. Ca déborde le problème de la vie religieuse qui n’en est qu’une forme (bien que peut-être la vie de l’esprit conduise à l’autre nécessairement). Et la vie de l’esprit commence là où un être est conçu au-dessus des matériaux qui le composent. L’amour de la maison — cet amour inconnaissable aux États-Unis — est déjà de la vie de l’esprit.
Et la fête villageoise, et le culte des morts (je cite cela car il s’est tué depuis mon arrivée ici deux ou trois parachutistes, mais on les a escamotés : ils avaient fini de servir). Cela c’est de l’époque, non de l’Amérique : l’homme n’a plus de sens.
Il faut absolument parler aux hommes.
C’est dernière phrase de Saint-Exupéry, il faut absolument parler aux hommes, résonne en moi comme un devoir. On ne se parle pas assez des bonnes et simples choses. Tous les hommes et les femmes de bonne volonté qui sont enfermés dans la bureaucratie européenne, ces hommes et ses femmes, qui croient en leurs devoirs, qui sont des européens convaincus ne nous parle pas assez de l’Europe, de leur Europe celle des hommes et des femmes, pas celle des marchands, des normes. Pas de cette Europe des petits marquis de la bureaucratie, qui ont fourni à nos frères et sœurs anglais le faux alibi du Brexit. Il faut que ses femmes et ses hommes viennent nous voir, écrivent, publient sur leur enthousiasme, sur leurs rencontres avec les autres, avec l’autre.
Parce que nous n’avons pas mieux à proposer, personne ne veut du retour de l’obscurantisme, de l’intégrisme, de la guerre, du mur de Berlin et des autres murs. Oui ses femmes et ses hommes ont des devoirs vis à vis de nos enfants, la haine de l’autre de ses différences ne fait pas germer le blé le long des fleuves qui ne connaissent pas les frontières.
Notre XXIème siècle semble avoir oublié le moteur du devoir. Ce n’est pas faire offense que de constater que chacun pense plus souvent à son plaisir, rêve de Week-end, de vacances, de voyage, que de désir de construire, d’être. L’avoir a pris la place de l’être. La célébrité, le paraître, se sont installés à la place de la raison, de la solidarité et de la fraternité, la vie est un concours permanent.
Il semble que les seuls qui ont encore conscience du devoir, de leurs devoirs, ce sont qui l’ont appris dans des groupes préexistants, traditionnels, ceux qui ont reçus le devoir comme un don, ils ont la clé du devoir, symboliquement cette clé vivante en ivoire qui ouvre les portes, permet de franchir les balustrades, d’accéder au tabernacle ou brûle la flamme éternelle. Ce sont les croisés d’un autre temps. Aujourd’hui les devoirs, sont des tâches ménagères, les héros sont ceux qui trient leurs poubelles, ou recyclent leurs téléphones.
Ces héros du quotidien sont vantés quand ils tendent la main à un enfant qui se noie, ils font la une des médias pour ces gestes ordinaires ! On a les héros que l’on mérite.
Chacun s’octroie le droit de traire la vache élevée par le groupe et refuse de la soigner. Les services publics sont des droits, et personne ne veut les entretenir, les camions des multinationales roulent sur nos routes et ces mêmes multinationales refusent de payer leurs impôts, les politiques béatement se gargarisent de l’attractivité de la France.
Il y a aujourd’hui peu de groupe qui pensent que le labyrinthe de l’avenir a besoin des connaissances du passé, les racines sont arrachées, jetées, brulées.
Le seul devoir semble être de devoir s’enrichir de biens matériels, on ne pèse plus l’âme, on pèse les comptes en banques.
Le temps d'une soirée en direct du Stade Pierre-Mauroy de la Métropole Européenne de Lille, avec l'Orchestre National de Lille, le Chœur Régional des Hauts-d...