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la Franc Maçonnerie au Coeur

la Franc Maçonnerie au Coeur

Un blog d'information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures.

Publié le par Loge Kleio
PORTRAIT : Jean-Jacques Régis Cambacérés
Un portrait proposé par La Loge Kleio, pour aller plus loin voir l'Anthologie Maçonnique de Raphaël AURILLAC 
Jean-François Guerry

Cambacérès : Maître d’œuvre de l’harmonie juridique

O E B

Septembre 6015

 

 

Je vous propose ici le portrait de Jean-Jacques-Régis Cambacérès, personnage éminemment important dans l’histoire de son époque et pourtant tellement méconnu, voire calomnié par ses détracteurs politiques, carrément inconnu même de certains puisque, lorsqu’en 1999 furent enfin publiés ses « Mémoires inédits », le Salon du Livre de Cabourg invita Jean-Jacques-Régis de Cambacérès à venir signer son dernier livre.

 

L’énumération de ses titres, tant civils que maçonniques, a de quoi donner le tournis.

 

Jugez-en :

 

Jurisconsulte, Conseiller à la cour des aides du Languedoc, Procureur-syndic du district de Montpellier, Président du tribunal criminel de l’Hérault, Député à la Convention, Président de cette assemblée puis du Conseil des Cinq-Cents, Président du Comité de législation puis du Comité de Salut Public, Ministre de la Justice, Second Consul, Archichancelier de l’Empire, assurant l’intérim lors des absences de Napoléon, Président du Conseil des Ministres, du Conseil d’Etat, du Sénat, du Conseil privé, du Conseil du Sceau des titres, membre de l’Institut dans la classe des Sciences morales et politiques, titulaire des plus hautes distinctions européennes et prince français, duc de Parme. Et aussi sociétaire de l’Académie Française, administrateur d’une vingtaine d’associations, sociétés, clubs dont la Société maternelle de l’Impératrice Marie-Louise. Voilà pour ses fonctions publiques.

 

A côté de cela, prieur de la confrérie des Pénitents Blancs de Montpellier, Grand Maître adjoint du Grand Orient de France, Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté, Grand Maître du Rite Ecossais Philosophique, Grand Maître des directoires écossais du Rite Ecossais Rectifié, Grand Maître du rite primitif de Narbonne, et Grand Maître du rite d’Heredom de Kilwinning.

 

La carrière publique de Jean-Régis Cambacérès débute en 1792, à l’âge de 35 ans pour s’achever en 1815 à l’âge de 58 ans.

 

Il ne connaîtra qu’une traversée du désert de 1797 à 1799.

 

La tradition historique n’a pourtant, jusqu’il y a peu, retenu de lui que ces caricatures et pamphlets parus en 1814, à la fin de l’Empire, l’alourdissant d’une morgue fastueuse et d’une homosexualité ridiculisée.

 

Ses frères eux-mêmes l’ont longtemps mal connu.

 

Le Grand Orateur du Grand Orient, à l’occasion d’une tenue funèbre commémorant le centenaire de son décès, n’hésitait pas à proclamer :

 

« Modéré par caractère, il eut le malheur d’être travaillé par une ambition d’autant moins pardonnable qu’elle s’accordait mal avec son défaut de courage et son goût pour les jouissances qui énervent l’âme et la privent de tout ressort ; sa soif du pouvoir et des richesses fit violence à ses inclinations naturellement douces. La peur, autant que ses vues ambitieuses, dictait presque toujours sa conviction. »

 

Dans le cadre de la collaboration qui me fut donnée à l’Anthologie, j’avais choisi Cambacérès car la période révolutionnaire m’a toujours fasciné.

 

Les travaux de recherche que j’ai effectué pour trouver le texte repris dans l’Anthologie me firent découvrir la centralité et la pérennité de Cambacérès dans la période révolutionnaire.

 

Notre homme naît à Montpellier le 18 octobre 1753, dixième enfant de Jean-Antoine et de Rose Vassal, dans une famille qui avait dû abjurer le protestantisme au siècle précédent.

 

A 19 ans, il s’installe comme avocat à Montpellier, mais ne plaide pas beaucoup. Il se consacre donc à l’étude des lois.

 

L’ascendance familiale explique sans doute que, dès avant l’âge de 20 ans, il est initié.

 

En 1772, on le trouve inscrit sur les tableaux de la loge anglaise Saint-Jean du Secret et de l’Harmonie à Montpellier, où il côtoie financiers, magistrats et entrepreneurs.

 

Son entrée rapide dans l’ordre ne s’explique pas seulement par ses antécédents familiaux.

 

En effet, en 1772, il est en opposition à la réforme judiciaire du Chancelier Maupéou et refuse d’intégrer la nouvelle magistrature proposée par le gouvernement. Il s’est agrégé à un groupe de magistrats réfractaires dont beaucoup sont maçons.

 

Par ailleurs, lui-même avait le désir d’échanger des opinions, de confronter des convictions, d’apprendre et de trouver des repères dans une société qui évolue.

 

Par ses contacts avec le médecin et chimiste Chaptal, il pouvait appréhender un monde scientifique qui remettait en cause tant de croyances.

 

Il reprend la charge de son père de Conseiller à la cour des aides du Languedoc.

 

Il voyage également beaucoup par tout le royaume, à Paris, Marseille, Bordeaux, où il fréquente de nombreuses connaissances tant familiales que maçonniques, nouant par sa participation aux activités maçonniques des relations avec un cercle étendu d’avocats et de financiers.

 

A Paris, il visite la loge des Neuf Sœurs et fait la connaissance de Condorcet. Il fréquente aussi la loge des Amis Réunis.

 

On discute beaucoup en ces milieux de la dernière affaire judiciaire, celle des trois roués pour laquelle le président du parlement de Bordeaux, soutenu par les membres des Neuf Sœurs, écrit un mémoire retentissant critiquant la législation criminelle et demandant la révision du procès. Cambacérès prend le parti des rénovateurs à la suite de Condorcet qui apprécie grandement ses compétences juridiques.

 

Mais bientôt survient 1789 et la suppression des privilèges et donc celle du statut des magistrats de la cour des comptes, aides et finances de Montpellier.

 

Dès l’année suivante, Monsieur de Cambacérès abandonne définitivement sa particule.

 

Jamais il ne la reprendra, même pas lorsque les plus grands honneurs seront les siens.

 

Jean Cambacérès est élu président du tribunal criminel de l’Hérault siégeant à Montpellier ; il est installé dans ses fonctions le 1 janvier 1792.

 

S’il ne se prononce pas publiquement sur l’abolition de la peine de mort, il l’évitera toujours lorsque cela sera en son pouvoir et ne la fera appliquer – mais alors sans hésitation – que si l’ordre public est troublé.

 

Cette présidence du tribunal criminel le marquera très profondément.

 

Le pouvoir de vie ou de mort qu’il détient l’oblige à une perpétuelle remise en cause.

 

Il écrira :

 

« Quand on juge les hommes, il ne faut jamais les séparer des événements »

 

Et aussi

 

« L’âme d’un fameux coupable ne diffère souvent de celle d’un grand homme que par l’objet vers lequel la fatalité l’a déterminé ».

 

Le spectre de Voltaire le hantera pendant toute cette année, aiguillonnant sa quête de vérité.

 

Bientôt élu député à la Convention, il arrive le 18 août 1792 à Paris.

 

Jean-Jacques-Régis Cambacérès doit se rendre à l’évidence : la passion partisane déborde même les convictions spirituelles.

 

Il devient cependant Président du Comité de Législation, et le jugement de Louis XVI occupe bientôt tous les esprits. Cambacérès essaiera plusieurs fois d’infléchir la procédure en faveur de l’accusé, en vain.

 

Appelé à voter, il se prononcera pour la mort avec sursis, fondant son propos sur l’absence d’intérêt politique :

 

« La mort de Louis ne nous présenterait aucun de ces avantages ; la prolongation de son existence peut au contraire nous servir. Il y aurait de l’imprudence à se dessaisir d’un otage qui doit contenir les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur.

 

A la confirmation du vote, il redira que le sien est contre la mort.

 

Par la suite, il votera pour le sursis puis, lorsque les jeux seront faits, il reprendra la parole à la tribune.

 

Tout étant consommé, il y proclamera la nécessité d’apporter des secours humains et spirituels au condamné.

 

Après thermidor, à partir de l’automne 1794, Cambacérès est au gouvernement de la France ; il se fait investir de la présidence du comité de Salut Public.

 

Ses qualités, comme ses qualifications, en font un incontournable de la direction du pays.

 

En charge de la politique extérieure de la France, il présente ainsi le traité de paix signé avec la Toscane :

 

« S’il existait en Europe, proclame-t-il, un droit des nations, des principes reconnus d’indépendance, de liberté de commerce et de navigation, s’il existait un plan contre l’ambition des puissances usurpatrices et une garantie pour la sûreté des états faibles, alors les conditions de la paix seraient facilement dictées et acceptées ; alors, nous n’aurions pas de guerre à soutenir. »

 

Dans ce même esprit d’éduquer l’opinion, il pousse la Convention à mettre sur pied un ensemble d’écoles spécialisées, que sont l’Ecole Normale, l’Ecole des Langues Orientales, l’Ecole Polytechnique, les Ecoles de Santé et les Ecoles Centrales, futurs lycées napoléoniens.

 

Avec son ami et frère d’Aigrefeuille, il assiste le 22 juin 1799 à la cérémonie marquant l’union entre le Grand Orient et la Grande Loge de France.

 

A cette tenue solennelle assistaient 29 officiers des deux obédiences, 3 officiers honoraires, 29 vénérables ou leurs représentants et 28 frères visiteurs.

 

Le mois suivant, à l’initiative de Sieyès, il devient ministre de la Justice.

 

Le 12 décembre 1799, Cambacérès devient deuxième consul de la République, second personnage de l’Etat après Bonaparte.

 

Sous le consulat, Bonaparte fera aboutir le projet de Code Civil, si cher à Cambacérès.

 

Le Code Civil de 1804 est le résultat d’une volonté de codification exprimée dès avant même 1789, par de grands personnages comme Louis XI, Dumoulin, Loisel, Colbert, Maupéou.

 

La codification est un moyen d’assurer la sécurité dans la vie juridique par une connaissance claire et rapide des règles applicables ; elle peut aussi être un moyen d’assurer l’unité du droit. Plus encore, en France, la codification avait pour objet de créer l’union nationale entre un Nord coutumier et un Sud de droit romain.

 

Mais pour autant il y a, en fait, deux conceptions de la codification :

 

  • La première est une simple mise à jour,
  • La seconde est beaucoup plus ambitieuse et volontariste en utilisant la codification pour refondre le droit, créer un nouveau droit et en faire un levier pour faire évoluer la société.

 

C’est bien cette seconde voie que les révolutionnaires veulent emprunter.

 

Cambacérès en sera le guide.

 

 

 

En juillet 1793, la Convention charge Cambacérès et le comité de Législation de préparer, dans le délai d'un mois, un projet de Code Civil.

 

Le 9 août, Cambacérès, avec une légitime fierté, donne lecture de son projet.

 

Son Code Civil (695 articles) est conçu selon deux grandes divisions : les personnes et les biens.

 

Après un examen partiel, la Convention abandonne la discussion.

 

Le 9 thermidor (27 juillet 1794), c'est la chute de Robespierre et la fin de la Terreur.

 

Dès le 24 thermidor, il prononce à la Convention un grand discours sur la direction à donner désormais à la Révolution, dans lequel il s'efforce de faire prévaloir le principe: "Ni réactionnaires, ni terroristes".

 

Peu après les événements de thermidor, il présente à la Convention le 23 fructidor an II (9 septembre 1794), son deuxième projet de Code Civil, bref et succinct (287 articles), selon une division ternaire : les personnes, les biens, les obligations.

 

Après la discussion d'une dizaine d'articles, le projet est renvoyé devant une Commission, où il s'enlise, deuxième échec.

 

Un troisième projet sera demandé au Comité de Législation, que préside Cambacérès, mais il sera, une nouvelle fois, rejeté.

 

Après Marengo, Bonaparte dit à Cambacérès : "Vous avez fait plusieurs codes ; Ne pensez-vous pas qu'il serait utile de les refondre et de présenter au Corps Législatif un projet qui fût à la hauteur des idées du siècle et digne du gouvernement ?".

 

A la suite de cette conversation, Cambacérès communique au Premier Consul les trois projets qu'il avait présentés aux assemblées en août 1793, en l'an II (1794) et en l'an IV (1796).

 

Bonaparte, après les avoir lus, complimente Cambacérès : "Il y a là un esprit d'analyse dont j'ai été satisfait"

 

Et, au sujet de leur refonte, il lui dit : "Indiquez-moi des hommes qui soient en état de faire ce travail et rédigez un arrêté".

 

C'est dans ces conditions qu'une commission préparatoire est nommée par arrêté des Consuls du 24 thermidor an VIII (12 août 1800).

 

Elle comprenait quatre membres : Tronchet, Bigot de Préameneu, Portalis et Maleville.

 

Les travaux de cette commission seront présentés au Conseil d’Etat.

 

Entre le 17 juillet 1801 et le 21 mars 1804, il y eut 109 séances : 57 présidées par Bonaparte, 52 présidées par Cambacérès.

 

Bien entendu, Cambacérès organise tous ces travaux. En l'absence du Premier Consul, il préside, remarquablement, les séances du Conseil d'Etat.

 

Bonaparte disait : "Cambacérès fait l'avocat général : il parle tantôt pour, tantôt contre" (Thibaudeau, Mémoires sur le Consulat, p. 415)

 

Et c'est encore lui, Cambacérès, qui propose, lors de la séance du conseil d'Etat du 19 ventôse an XII, de réunir les trente six lois en "un seul corps de lois", sous le titre de "Code Civil des Français", ce que fit la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804).

 

Le Code Civil comprenait un titre préliminaire concernant la publication, les effets et l'application des lois en général et trois livres consacrés aux personnes, aux biens et aux différentes manières dont on acquiert la propriété. Il n'y avait qu'une seule numérotation, pour l'ensemble des articles, soit 2281 articles.

 

D'autre part, sur la proposition de Maleville, appuyée par Cambacérès, la loi du 30 ventôse an XII, en son article 7, abrogeait en bloc l'Ancien Droit : "A compter du jour où ces lois sont exécutoires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales et locales, les statuts, les règlements cessent d'avoir force de loi générale ou particulière dans les matières qui sont l'objet desdites lois composant le présent Code".

 

Ainsi, l'œuvre d'unification législative, qui allait s'appliquer à tous les Français, était accomplie.

 

De la combinaison de ses deux textes, l’abolition de tous les textes précédents et l’approbation d’un nouvel ensemble structuré, la 2nde voie de la codification est atteinte.

 

« Créer un nouveau droit et en faire un levier pour faire évoluer la société »

 

Par ce code, Cambacérès a construit l’ordre sur le chaos, suivant la devise du nouveau rite écossais ancien et accepté, « Ordo ab chao », adoptée à peine trois ans auparavant à Charleston.

 

Ce Code Civil des Français qui devait, en 1807, prendre la dénomination de "Code Napoléon", était d'une grande unité, clair et précis.

 

Il maintenait les réformes essentielles de la Révolution (notamment le caractère absolu du droit de propriété et l'égalité dans les successions) et faisait un choix judicieux entre les solutions de l'Ancien Droit.

 

Cette conception était féconde.

 

Il suffit de rappeler, à cet égard, la remarquable construction jurisprudentielle élaborée à la fin du XIXème siècle et au début du XXèmesiècle pour la protection des victimes d'accidents provoqués par les machines et, en particulier, par les automobiles, sur la base d'une disposition de l'article 1384, al. 1er  du Code Napoléon :

 

"On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait... des choses que l'on a sous sa garde".

 

En vérité, il représentait "une œuvre de transaction, de sagesse et d'équilibre".

 

Sa rédaction était particulièrement soignée.

 

On sait que Stendhal, dans une lettre à Balzac en date du 30 octobre 1840, observait :

 

"En composant la "Chartreuse", pour prendre le ton, je lisais chaque matin deux ou trois pages du Code Civil..."

 

Le Code Civil était une œuvre de praticiens.

 

Selon François PAPILLARD : "Ce fut un travail d'équipe gigantesque et la volonté d'aboutir fut, chez Cambacérès, exceptionnelle ; Il consacra le meilleur de son temps et de ses forces à cette œuvre immense qui fut sienne ; Il y apporta, corps et âme, toute son érudition, doublée d'une rare expérience du droit, des affaires et de la politique"

 

Dès les premières séances du conseil d'Etat, Cambacérès avait demandé que l'on écartât l'exposé de principes abstraits :

 

"Tout ce qui est doctrine appartient à l'enseignement du droit et aux livres des jurisconsultes".

 

Par ailleurs, comme Portalis, il voulait laisser à la jurisprudence son rôle traditionnel, qui est d'appliquer les règles de droit en fonction des nécessités mouvantes de la pratique et de la vie.

 

Napoléon était très fier de son Code Civil. Il dira à Sainte-Hélène :

 

"Ma vraie gloire, ce n'est pas d'avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires.

 

Ce que rien n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon Code Civil".

 

Au cours du XIXème siècle, le Code Civil de 1804 eut un très grand rayonnement et une influence profonde en Europe.

 

En Belgique et au Luxembourg, il est encore, en grande partie, en vigueur.

 

Le Code du Royaume des Deux-Siciles de 1819 s'en inspira, mais également le Code néerlandais de 1837, le Code Neuchâtelois de 1855, le Code roumain de 1864, le Code italien de 1865 ou encore les codes portugais (1867) et espagnol (1889).

 

L'État de Louisiane utilisa le Code Napoléon comme source de base de son propre code, le Digeste de la loi civile de 1808, de même que le Code civil haïtien  de 1826 et le Code Civil du Bas-Canada de 1866.

 

 

 

Au XIXème siècle, tous les pays d'Amérique latine s'inspirèrent du Code Napoléon dans leurs codifications civiles, en particulier à travers l'œuvre d'Andrés Bello, auteur du Code civil du Chili (1855).

 

Le Code civil fut également utilisé dans les Grand-Duchés de Bade et de Berg ainsi qu'en Rhénanie, occupée par la France de  1800 à 1814, puis rattachée à la Prusse, jusqu'en 1900.

 

Ainsi le Code Civil avait aussi des influences sur le BGB (Code civil allemand).

 

Le grand-duché de Varsovie, créé par Napoléon pour redonner un État aux Polonais en 1807, conserva le Code civil jusqu'en 1946. La ville libre de Cracovie appliqua le Code civil jusqu’en 1946.

 

Le Code civil fut enfin introduit par la France dans la plupart des pays qui ont composé son empire colonial. Cela a contribué à lui donner un rayonnement dans toutes les parties du monde.

 

Ainsi, l’Afrique du Nord, l'Afrique noire française et certains pays d'Asie ont adopté le Code civil et l'utilisent encore.

 

Le Sénégal a réformé récemment le Code civil et le nouveau texte reprend pour la plus grande part le code français.

 

En 1803, Cambacérès poussera à la création du corps des auditeurs au Conseil d’Etat, officiellement chargés d’aider les ministres et directeurs auprès desquels ils seront placés, utilisant ce temps comme un apprentissage de la fonction publique.

 

Très profondément imprégné de culture maçonnique, qui met en avant la formation par la transmission de l’expérience du maître, il veut ainsi éduquer et préparer de jeunes hommes à la haute administration et au gouvernement.

 

Remarquons d’ailleurs que ces auditeurs, lorsqu’ils seront admis à assister aux réunions du Conseil devront, comme les apprentis en  loge, garder le silence.

 

En 1804, lorsque l’Empire se dessine et que l’on discute de la création des dignités princières, le second consul dira : « je pars ».

 

Il fait preuve d’une froide fermeté, ne craignant pas, comme cinq ans auparavant, de rentrer dans la vie civile et d’y reprendre ses activitésau service des milieux d’affaires.

 

Bonaparte, craignant de perdre celui qui fut le maître d’œuvre de l’édifice de l’Etat, lui fera miroiter le rôle de conseiller sincère qu’ilpourra continuer à jouer près de lui, et le fait qu’il pourra encore servir son pays.

 

 

Bonaparte le nomme Archichancelier de l’Empire et lui adresse la lettre suivante :

 

"Citoyen consul, votre titre va changer ; Vos fonctions et ma confiance restent les mêmes. Dans la haute dignité d'archichancelier de l'Empire dont vous allez être revêtu, vous manifesterez, comme vous l'avez fait dans celle de consul, la sagesse de vos conseils et les talents distingués qui vous ont acquis une part aussi importante dans tout ce que je puis avoir fait de bien. Je n'ai donc à désirer de vous que la continuation des mêmes sentiments pour l'Etat et pour moi".

 

Lorsqu’il est en campagne à l’étranger, Napoléon laisse le soin à Cambacérès de gouverner la France.

 

Après le divorce de Joséphine, et sur le choix d'une nouvelle épouse pour Napoléon, Cambacérès se prononce pour une princesse russe.

 

Son argumentation, rapportée par Pasquier, est remarquablement perspicace:

 

"Je suis moralement certain qu'avant deux ans nous aurons la guerre avec celui des deux souverains dont l'Empereur n'aura pas épousé la fille. Or, la guerre avec l'Autriche ne me cause aucune inquiétude et je tremble d'une guerre avec la Russie ; Les conséquences en sont incalculables...".

 

Effectivement, après le mariage de Napoléon avec l'archiduchesse Marie-Louise, les 1er et 2 avril 1810, c'est la campagne de Russie de 1812, qui se termine par une désastreuse retraite. Dans les neiges et le froid de l'hiver russe, les grognards disaient avec tristesse : "Il ne fallait pas qu'il quittât sa vieille : elle lui portait bonheur et à nous aussi...".

 

En juin 1814, il fait savoir aux diverses obédiences maçonniques qu’il démissionne de toutes ses charges et dignités « pour des raisons de santé et de voyage » et souhaite ne plus être qu’un simple frère.

 

Le 1er juillet, une députation du Grand Orient essaiera, mais en vain, de le faire revenir sur sa décision.

 

Le 1er mars 1815, un coup de tonnerre : Napoléon débarque à Golfe-Juan et l'Aigle vole de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre Dame.

 

Cambacérès ne désire pas revenir aux affaires.

 

Le 8 mars, il déclare à Carnot: "Je tiens à être oublié ; Que Napoléon me laisse à l'écart. J'ai promis au Roi de ne pas bouger".

 

Qu'à cela ne tienne : l'Empereur le nomme à nouveau archichancelier de l'Empire et le charge provisoirement du portefeuille de la Justice.

 

La seconde Restauration se montre sévère pour Cambacérès :

 

Il perd ses dotations, doit s'exiler comme régicide (la mesure s'appliquait également à ceux qui, comme lui, avait voté conditionnellement la mort de Louis XVI) et il est exclu de l'Académie française.

 

Il se rend à Bruxelles, où il descend à l'hôtel Wellington, avec Lavollée et deux valets de chambre, puis à Amsterdam.

 

En 1818, il est autorisé à rentrer en France.

 

Le 28 mai 1818, le roi Louis XVIII lui confirme son titre de duc et, le 24 juin, sa dignité de grand-croix de la Légion d’Honneur.

 

Le Roi, ainsi, fait amende honorable et l’invite à rentrer en France.

 

Decazes, futur Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France n’y est pas étranger.

 

Pourtant Cambacérès ne regagnera Paris que le 4 décembre.

 

C’est là que, le 8 mars 1824, il passera à l’Orient Eternel.

 

Pour conclure, il me semble que Cambacérès mérite bien mieux que la place qu’il lui est faite dans nos mémoires.

 

Il a été le trait d’union entre les grands esprits du Siècle des Lumières et la réforme institutionnelle que permit la période révolutionnaire.

 

Le Code Civil dont il est la cheville ouvrière est un des piliers de l’esprit des Lumières au même titre que la Déclaration des Droits de l’Homme et des Devoirs du Citoyen.

 

Il a été le fédérateur de la maçonnerie française et européenne.

 

 

 

Enfin, pour finir, je vous renvoie à l’Anthologie maçonnique pour y découvrir ou y relire son discours prononcé à la Convention le 23 fructidor an II, pour présenter son 2ème projet de Code Civil dans lequel vous pourrez vous rendre compte de la clairvoyance et de profondeur d’esprit de cet homme dont le travail législatif est toujours d’actualité plus de deux siècles après l’avoir mis en œuvre.

 

J’ai dit.

PORTRAIT : Jean-Jacques Régis Cambacérés
PORTRAIT : Jean-Jacques Régis Cambacérés
Bernard Rio a plus d'une cordes à son arc, voyageur infatigable, marcheur vers la Lumière il vous entraine sur les chemins de Bretagne à travers les vitraux.
Ne pas manquer la vidéo.
Jean-François Guerry.
PORTRAIT : Jean-Jacques Régis Cambacérés

Après le confinement vous reprendrez surement la route sur les routes et les chemins peut-être en Bretagne, il vous faudra un guide pourquoi pas un itinéraire vers la Lumière et la connaissance des vitraux, c’est ce que vous propose Bernard Rio.

Jean-François Guerry.

 

La Bretagne conserve un exceptionnel maillage d’églises et de chapelles. Ce patrimoine culturel et cultuel fait la part belle aux saints topiques lesquels sont honorés et associés à des rites spécifiques. Saints bretons et pardons figurent ainsi en bonne place dans les vitraux de la Bretagne historique. Ce serait néanmoins une erreur de réduire l’art du vitrail aux seules représentations de la foi chrétienne et de la religion populaire. Les sanctuaires renferment des trésors qui relèvent à la fois de l’art et de l’histoire.

Depuis le XIIIe siècle jusqu’à nos jours, les vitraux illustrent les heures de gloire et les drames de la société. Cet art qui joue avec les lumières et les couleurs reflètent un temps à la fois profane et sacré. Il met en scène à la fois le faste des princes et les merveilles accomplies par les saints magiciens, la quête du Graal et le mystère des Templiers, la Passion du Christ et les passions humaines, la liesse des mariages et la croyance dans l’au-delà. Ils célèbrent les faits d’armes accomplis pendant les guerres, celles de Cent Ans, de Sept Ans et de la Ligue, celles de 1870, de 1914-1918 et de 1939-1945, ou plus tôt encore lors des invasions vikings et des luttes incessantes des Bretons contre les Francs. Ils commémorent les massacres de la Révolution, les naufrages et les épidémies. Ils célèbrent les moissons, les pêches miraculeuses et les expéditions lointaines.

C’est toute l’histoire de la Bretagne qui est ainsi conservée dans les verrières qui se révèlent être des fenêtres lumineuses sur le passé et des invitations à la légende. L’Ankou à Plémet, le roi Arthur à Tréhorenteuc et la fée Mélusine à Fougères côtoient la duchessse Anne à Dinan, Jacques Cartier à Saint-Malo, les connétables Olivier de Clisson à Josselin et Bertrand Du Guesclin aux Iffs. Saint Ronan affronte la sorcière Keben à Locronan, le spectre de saint Aubin chasse les envahisseurs normands à Guérande tandis que des druides coupent le gui sous le regard des vestales à Penvenan… Bernard Rio nous ouvre les yeux sur un trésor inédit et un spectacle hors du commun. Il entraîne le lecteur à une immersion dans deux mille ans d’histoire bretonne.

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Publié le par Rémy LE TALLEC
LE  GRAND DOSSIER DE L'HUMANISME-PART - III- suite et fin
Pour présenter le plus brièvement cette dernière partie de ce grand dossier sur l'humanisme, je vous propose une suite de mots, qui ne peuvent à mon sens que susciter son réveil et l'inscrire dans le présent et en faire non pas une histoire passée, mais un projet d'avenir. 
Universel, Fraternité, solidarité, protection des êtres vivants, écologie apolitique, amour du prochain et du lointain, faire l'humanité.

 

Jean-François Guerry.

5 - Désillusions et impasses

 

L’élargissement infini des recherches dans tous les domaines des sciences humaines, en psychologie, en sociologie, en histoire, en économie,  en philosophie, en anthropologie, etc…, leur hyperspécialisation, dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, depuis les ressorts les plus secrets de l’inconscient humain jusqu’aux crimes contre l’humanité, depuis la bonne parole civilisatrice jusqu’à la servitude volontaire aux lois de la technoscience, vont dévoiler une face cachée de l’être humain, assez éloignée de l’être émancipé, de l’être humain libéré par les Lumières.

 

Un nouveau portrait de l’être humain se dévoile : il apparait soudain fragile, vulnérable, incapable de maîtriser ses pulsions, capable d’asservir son autre lui-même au bout du monde, capable de crimes de masse contre l’humanité, capable de se faire jouet de son histoire et victime consentante de ses propres techniques.

 

Le développement exponentiel des techniques d’information et de communication a largement contribué à mettre au jour ces désillusions et ces impasses, qui constituent une part de l’histoire de l’humanisme. Une part qu’il convient de  regarder en face et surmonter pour tenter d’éviter un futur piège inédit que notre arrogance nous tendra inévitablement.

Johann Heinrich Füssli (1741-1825) Le Cauchemar 1781

Freud et l’homme en proie à ses pulsions 

 

« Assailli par un inconscient chaotique qu’il ne pourra jamais connaître pleinement, l’homme freudien est-il encore maître de lui-même ? Une telle conception semble incompatible avec la vision humaniste d’un être raisonnable, capable d’autodétermination et de progrès ».

 

Le XIXème siècle touche à sa fin. Plusieurs théories ont déjà mis à mal la « conception humaniste du libre arbitre : le matérialisme historique de Marx et d’Engels, la philosophie morale de Nietzsche ou l’évolution des espèces de Darwin posent des limites à la liberté de l’homme ». Parmi les vexations infligées par la science à l’amour-propre de l’humanité, Freud lui-même remonte au moment où Copernic établit que « notre Terre n’est pas le centre de l’univers, mais une parcelle infime d’un système du monde à peine représentable dans son immensité »…. La deuxième, selon lui, c’est lorsque Darwin « renvoya l’homme à sa descendance du monde animal et du caractère ineffaçable de sa nature bestiale ».

« Mais la troisième vexation, et la plus cuisante, la mégalomanie humaine doit la subir de la part de la recherche psychologique d’aujourd’hui, qui veut prouver au Moi qu‘il n’est même pas maître dans sa propre maison, mais qu’il en est réduit à des informations parcimonieuses sur ce qui se joue inconsciemment dans sa vie psychique ».

 

S’il n’invente pas la notion d’inconscient, Freud transforme le qualificatif en « un substantif qui désigne un continent inexploré de chaque être humain » qui influence en permanence la conscience des hommes. Et « le caractère universel de cette aliénation met le doigt sur une contradiction entre l’humanisme et la théorie freudienne, qui affirme que les comportements de l’homme sont déterminés par des forces obscures et irrépressibles… »

Cependant, « en s’aventurant dans le monde souterrain de nos pulsions secrètes et de nos désirs refoulés, en levant le voile sur nos fantômes et nos démons intérieurs, en explorant ce mystérieux théâtre d’ombres qu’il appela l’inconscient », en proposant de « ramener l’inconscient à la surface pour mieux le contrôler, l’affaiblir et enfin être soi-même », on ne peut nier qu’il apporte à l’être humain des instruments utiles sinon nécessaires à la connaissance de ses ressorts intérieurs, et donc à la possibilité de son autonomie et de sa libération.

Grand explorateur de l’âme, désillusionneur de l’imaginaire humain, dynamiteur des certitudes de la conscience, après des décennies de passion et de haine entre ses héritiers présomptifs et leurs successeurs, Freud semble bien avoir toute sa place dans ce dossier.

Le mirage de l’humanisme colonial 

 

Entre le XIXème et le XXème siècle, alors que les Lumières s’étaient inventés une mission civilisatrice (voir « l’héritage des Lumières » ci-dessus) auprès des peuples colonisés, certains penseurs et acteurs de la colonisation prônaient le « respect des colonisés et de leurs cultures » : les contradictions de cette forme d’humanisme éclataient au grand jour.

Au sein de cet « humanisme colonial » paternaliste, certaines voix enseignent « que les Noirs sont de grands enfants et qu’ils n’ont jamais formé de nations », tandis qu’à l’inverse, d’autres condamnent la condition faite aux populations « indigènes » et la pratique de l’esclavage, en rappelant « que ce sont des hommes et qu’à l’époque précoloniale, ils fondèrent de empires ». Et revendiquent une politique « d’association » entre colons et indigènes.

En 1931, l’Exposition coloniale internationales de Paris donne une belle illustration de ces contradictions. Pendant qu’elle étale en public des reconstitutions d’habitats et d’objets traditionnels avec les figurants issus des colonies, comme dans un cirque, le maréchal Lyautey parle d’une « haute mission de fraternité humaine »de la colonisation et de respect de la culture des colonisés.

Après la seconde guerre mondiale cet « humanisme colonial » déclinera peu à peu  avec la prise de parole d’Aimé Césaire, écrivain martiniquais, chantre de la « négritude » devenu homme politique, dont la voix fera désormais autorité. Son « Discours sur le colonialisme » de 1955 fera date dans l’histoire contemporaine : « C’est là le grand reproche que j’adresse au pseudo-humanisme : d’avoir rapetissé les droits de l’homme, d’en avoir une conception étroite et parcellaire et partiale, et tout compte fait sordidement raciste ».

Aimé Césaire réclamait simplement un « humanisme vrai ».

 

L’humanisme face aux crimes du XXème  siècle 

 

Pour certains, « les idéaux humanistes sont sortis victorieux de la seconde guerre mondiale. Et les critiques des Lumières qui se sont développées au fil du 20ème siècle ne remettent pas en cause leur validité, même si elles en soulignent les contradictions ou en dénoncent les illusions ».

Selon l’historien Enzo Traverso, la prise de conscience de l’inhumanité criminelle incommensurable de la Shoah dans l’après-guerre n’a pas remis en cause les idées d’humanité universelle. Une culture antifasciste issue de la Résistance devient largement prédominante, et l’humanisme demeure le trait fédérateur de sensibilités intellectuelles et politiques très diverses, voire opposées. Et il en sera de même des critiques des Lumières qui se forgeront peu à peu : après avoir été le monopole de la pensée réactionnaire ou catholique, la critique du rationalisme viendra aussi du côté de la « gauche », lui reprochant l’instrumentalisation de son objectif émancipateur.

Certes, colonialisme et racisme se sont déployés aussi au nom des Lumières, mais,  selon Enzo Traverso, rappelant que les Lumières sont loin d’être monolithiques, « aussi bien une apologie aveugle qu’un rejet radical des Lumières » paraissent  stériles.

Cette révolution de la pensée a du moins « permis de reconnaître les femmes, les Noirs et les homosexuels comme des sujets politiques », et la critique de l’humanisme fournit aussi des arguments pour reconnaître et surmonter les contradictions d’un projet émancipateur  et universaliste unique.

Julian TREVELYAN (1910-1988) Hypnosis (1935)

L’effacement de l’homme 

 

« Héritiers d’une philosophie soupçonneuse et désillusionnée par les crimes du 20ème siècle, certains penseurs ont oeuvré à déboulonner la statue de l’homme en maître de lui-même et de son histoire ».

 

A la suite de Nietzsche, l’avènement du structuralisme dans les années 1960 impose  une critique radicale de l’humanisme, soumettant l’humain au filtre du soupçon. Les trois grands penseurs du soupçon que furent Nietzsche, Marx et Freud, les « perceurs de masques » selon le mot de Ricoeur, déconstruisent les grandes problématiques classiques qui servent de socle à une vérité humaine, une conscience délivrée de toute illusion.

La raison de l’homme, que les Lumières avaient exposée comme valeur suprême de référence, comme substitut à la domination/superstition de la religion est furieusement mise en doute.

La barbarie nazie a montré les limites de la raison humaine aliénée par l’histoire et l’illusion des Lumières sur un progrès continu dans l’émancipation de l’homme. En contrepoint de la raison triomphante, on interroge rudement l’ethnocentrisme européen, les oubliés de l’histoire, la folie (Foucault), et tout ce qui conditionne et emprisonne l’être humain, tout ce qui restait d’ombres caché derrière la lumière du savoir et de la connaissance.

Le langage et plus précisément la littérature n’échappent pas à cette critique virulente et fondamentale du moment, où l’auteur est carrément dénié de toute créativité, et son œuvre de toute réalité. Et cette philosophie du soupçon tyrannisera longtemps, et marque encore de son empreinte, toute expression de la pensée.

 

(A l’opposé de cette critique fondamentale : restaurer la littérature et son auteur, était l’un des objectifs de la création du festival Etonnants Voyageurs par Michel Le Bris, dont nous avons parlé l’autre jour)

Mighty Mouse véhicule robot du Sanda National Laboratory (Washington DC)

L’humanisme face à la technoscience 

 

« Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les auteurs qui dénoncent les dangers et les vices de la civilisation technique mettent à mal les idées de progrès et d’autonomie de l’homme. Signent-ils pour autant l’arrêt de mort de l’humanisme ? »

 

On l’a vu, la confiance en la raison de l’homme, capable de maîtriser la nature et de conduire le monde vers un horizon de progrès, a déjà pris du plomb dans l’aile au cours de l’histoire, et de gros plombs après-guerre… Les progrès exponentiels des sciences et des techniques vont-ils donc contribuer à améliorer sinon rétablir cette confiance ?

 

Le mythe du progrès continu d’un être humain réellement autonome et responsable,  face à ces inventions et ces techniques censées faciliter la vie, apporter du confort, du bonheur, de la convivialité, va être battu en brèche par quelques plumes incisives, et plutôt rafraîchissantes. Jacques Ellul et Ivan Illich entre autres rarissimes voix, montrent l’illusion de ces avancées et rappellent l’homme à un peu d’humilité, en lui montrant son réel état de servitude devant des techniques dont il s’avère finalement incapable de contrôler la démesure et les effets destructeurs, dans les domaine de la santé, de l’école, des transports, des technologies en général. Où l’homme devient l’esclave de l’outil qu’il a lui-même créé pour se libérer de contraintes matérielles.

 

Loin de s’inscrire en antihumanistes, ces auteurs attirent l’attention sur  « l’accélération permanente des innovations technologiques, la prise d’autonomie de la technique par rapport à tout contrôle humain, la destruction des structures sociales et des valeurs symboliques ». Forts de ce constat, ils en appellent à un nouvel humanisme réellement libérateur par rapport à soi-même : il est illusoire, disent-ils, de vouloir fonder une éthique de vie sur des dispositions naturelles, elle ne peut venir que d’une victoire sur soi-même, ses passions, ses désirs les moins conscients. Introspection, prise de distance, prise de conscience, changement ou conversion : une vraie liberté est la liberté à l’égard de soi-même.

 

 

6 - Le renouveau de l’humanisme

 

Au-delà des critiques, des remises en cause, toujours bénéfiques pour un progrès de l’expérience et de la science humaine, et toujours enrichissantes pour un progrès de l’être humain, l’idéal humaniste prend de nouveaux visages et questionne chacun dans son propre quotidien avec des interrogations de plus en plus incisives  auxquelles nul ne peut plus se défiler.

 

Les sciences répondent à des questions scientifiques, mais pas aux questions que nous nous posons, sur nos valeurs, l’amour, la justice, la liberté, la façon de vivre ensemble. Face à l’anonymat dans lequel l’être humain est plongé par les irrésistibles avancées technologiques, malgré les contradictions entre le discours anesthésiant des tenants de la Silicon Valley, et des réalités qui se rapprochent plus des dystopies d’Orwell (« 1984 ») et Huxley (« Le meilleur des mondes »), qu’une société réellement respectueuse de l’individu, de nouvelles pistes s’ouvrent à un humanisme renouvelé.

 

Rendre le développement plus humain, assurer l’avenir de la Terre, mettre en pratique une éthique du « care », reconsidérer la condition animale et penser le transhumanisme : la cohérence de ces multiples chantiers ouverts montre bien la profondeur des enjeux et la nécessité d’un renouveau de l’humanisme.

Dernier volet du dossier :

Rendre le développement plus humain 

 

« Le bien-être n’est-il qu’une affaire de revenus ? Le PIB est-il la clé du développement d’un pays ? Hors de l’orthodoxie comptable, peut-on imaginer une approche qui tienne compte de ce que chacun est capable de faire pour améliorer sa qualité de vie ? »

Peut-on être économiste et humaniste ? Les doctrines économiques ont généralement mis le marché au cœur de leur pensée au détriment de l’humain. Cependant, deux voix s’élèvent aujourd’hui pour proposer un regard global plus proche de la réalité vécue.

 

Amartya Sen, économiste et philosophe indien, prix Nobel en 1998, développe le principe d’une économie du bien-être et du développement humain, où l’on s’attacherait à assurer aux individus, non plus simplement l’égalité des moyens (les biens sociaux premiers), mais l’égalité des possibilités effectives d’accès aux droits d’agir et de s’accomplir. Et il développe le concept de « capabilité » concrète des citoyens, c’est à dire leur capacité réelle à « convertir leurs biens premiers en capabilités de base, telles que se déplacer, mener une vie saine et de prendre part à la vie de la collectivité ».

La philosophe Martha Nussbaum, qui collabore souvent avec Amartya Sen s’est chargée de préciser ce concept de « capabilité », qu’elle définit « comme des libertés ou des possibilités créées par une combinaison de capacités personnelles et d’un environnement politique, social et économique ». Et elle identifie ainsi dix « capabilités » fondamentales, par lesquelles se déclinent les différentes dimensions d’une existence libre et épanouie. Deux listes à actualiser sans cesse par chacun, selon les nécessités d’un projet de vie autonome et digne.

 

Assurer l’avenir de la Terre

 

« En énonçant, dès 1979, le principe Responsabilité, le philosophe allemand Hans Jonas affirmait que l’humain avait désormais la tâche impérative de préserver sa propre vie sur terre, mais surtout celle des générations à venir. Un devoir aujourd’hui devenu une composante essentielle de l’humanisme moderne ».

 

Lors de sa traduction en France, le livre de Hans Jonas (Editions du Cerf, 1990) est passé inaperçu, mais il est devenu au fil des ans l’ouvrage de référence éthique, d’une philosophie de l’écologie, et plus prosaïquement si j’ose dire, il a attiré l’attention sur un principe de vie un peu délaissé, c’est-à-dire la responsabilité. L’exercice de la raison semblerait logiquement entraîner la responsabilité individuelle, mais chaque matin nous démontre la faiblesse de ce lien de responsabilité de l’homme envers la nature et le vivant.

 

L’humanisme suppose de reconnaître que notre humanité présuppose notre inscription dans la nature. Et se reconnaître responsable de notre humanité, c’est prendre conscience des risques qu’elle puisse être modifiée, ravagée, par l’accélération de nos progrès technologiques. C’est l’accumulation des actions de chacun qui rend ce monde habitable ou infernal. Bien des menaces qui pèsent sur notre avenir sont le résultat de la mise en synergie d’une multitude d’actions individuelles minuscules dont chacune prise isolément a des conséquences indécelables (réchauffement climatique par exemple).

 

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’homme est devenu maître et possesseur de la nature en même temps que son plus grand destructeur. Les moyens techniques qu’il a inventés pour son propre intérêt lui donnent aujourd’hui la puissance infinie de détruire la planète entière. Et cette puissance prométhéenne amène Jonas à considérer que la responsabilité des hommes vis à vis des générations futures est engagée. Ainsi se dégage l’idée d’’une responsabilité qui n’est plus tournée vers le passé ou le futur immédiat, mais vers un futur lointain, responsabilité qui engage la collectivité toute entière et non seulement l’individu.

 

« Pour la première fois, l’homme se voit tenu pour responsable de l’humanité, et non pas seulement en tant que valeur abstraite qu’Idéal à préserver ou à respecter, mais bien entant qu’« idée ontologique ». Il y aurait dans l’être même un devoir de préserver l’humanité, dans son existence et dans sa dignité ».

Le « care », un humanisme au féminin ? 

 

« Peut-on bâtir une morale, des règles de travail, voire une société toute entière sur le seul principe de la sollicitude envers autrui ? Conçue au départ comme une disposition féminine, la morale du care est devenue un enjeu éthique universel qui a fait sa place dans l’humanisme moderne ».

 

Le mot « care » a, en langue anglo-saxonne des sens que le français « soin » ne suffit pas à traduire. Il exprime l’idée de « montrer de l’intérêt à quelque chose ou quelqu’un, de sorte que le care couvre aussi tout le champ du souci, de la sollicitude, de la bienveillance envers autrui ». Il a été mis au jour à la fin du 20èmesiècle par la  psychologue américaine Carol Gilligan pour désigner un ensemble d’activités d’aide et de soin dans un système économique formel ou informel.

 

Au-delà de la pratique traditionnelle du soin, la         dimension morale du « care » englobe un ensemble de valeurs de bienveillance, de sollicitude, de prévenance, de responsabilité, de compassion, de souci des besoins d’autrui, aussi bien en mode domestique que dans les institutions éducatives, sociales ou médico-sociales... Institutions qui s’occupent des enfants, des personnes âgées, des personnes en situation de maladie, de handicap, physique ou mental, et tout ce qui tourne autour de la vulnérabilité de l’être humain.

 

La pandémie actuelle montre en dimension réelle l’immense champ d’action d’une éthique du « care », formelle ou informelle, et son intérêt, autant pour les acteurs que les bénéficiaires, avec leurs interactions ordinaires et vivifiantes. Il n’est qu’à voir les trésors d’intelligence, de sollicitude et d’attention mis en œuvre par les salariés les moins considérés, les aidants anonymes, et par les bonnes volontés – les bénévoles – qui se mobilisent autour d’initiatives concrètes très localisées. On pourrait peut-être y ajouter le mot de « considération ».

 

L’éthique du « care », éthique de la sollicitude, n’est pas une exclusivité féminine, car elle concerne chacun  dans la mesure où chacun est ou peut devenir un « aidant ». Finalement, le « care », c’est « tout ce que nous faisons en vue de maintenir, de continuer et de réparer notre monde, et il existe de nombreuses façons de se soucier d’autrui et que tout le monde est amené à le faire à un moment ou un autre ».

 

Des réflexions sont en cours aujourd’hui pour « concevoir une application généralisée de l’éthique du « care », qui en France prend parfois le nom de « bienveillance », et se décline par professions, éducation bienveillante, management bienveillant, alors qu’il s’agirait plutôt d’une bientraitance »

 

L’humanité à l’épreuve de l’antispécisme 

 

« La prise de conscience de la condition animale mobilise militants et philosophes. Au-delà même des comportements alimentaires, c’est à une profonde remise en question de la sujétion de l’animal à l’homme qu’invite désormais le mouvement antispéciste ».

 

L’émotion provoquée par la cruauté de certains aspects de l’exploitation animale dans les abattoirs et dans les élevages industriels, en même temps que les progrès de la recherche en éthologie, en psychologie cognitive et en neurosciences, ont contribué à modifier le regard traditionnellement porté sur les espèces vivantes. Selon certains philosophes, ces découvertes et cette prise de conscience dévalueraient même sérieusement l’humanisme anthropocène.

 

Il est vrai que, « toujours tributaire de l’antique dualisme homme-animal, l’humanisme, classique comme moderne, maintient une distinction arbitraire entre le genre humain et les autres formes de vie ». Et l’humanisme … « contredirait même ses propres principes éthiques en acceptant que l’animal soit dénature et transformé en fonction des besoins humains par la domestication et l’élevage ».

 

Mais l’antispécisme contient en lui-même ses propres contradictions. « Il ne s’agit plus de s’intéresser à l’animalité des humains mais à l’humanité des animaux » s’insurgent certains. Le Code civil a déjà redéfini en 2015 l’animal comme un « être vivant doué de sensibilité », mais les militants de la cause animale réclament « une liberté pleine et une considération  pour les individus non humains ».

 

Ce qui laisse très circonspect l’auteur de l’article, qui conclut ainsi : « L’antispécisme paraît ainsi camper sur un paradoxe, qui fait de l’être humain le législateur moral de la biosphère, tout en niant sa position éminente et sa spécificité. C’est un réel problème qui fait de l’antispécisme à la fois un humanisme et un antihumanisme. Si la place de l’animal dans notre société et notre rapport au vivant méritent bel et bien d’être réinterrogés, les solutions prônées par l’antispécisme laissent songeur quant à la possibilité de poursuite d’un destin commun entre l’homme et l’animal, constitutif de l’histoire de l’humanité ».

 

Le transhumanisme rend-il l’homme obsolète ?

 

« En dehors d’effets d’annonce assez peu crédibles, le mouvement transhumaniste maîtrise-t-il son projet ? Pousser les capacités de l’être humain au-delà de tout ce qui est aujourd’hui concevable mène-t-il à le dénaturer ? Ou bien est-ce le prolongement de sa liberté de faire de lui-même ce qu’il veut ? ».

 

Autant de questions de fond qui nécessitent un examen approfondi et des références éthiques incontestables. Enivré de connaissances et de pouvoirs toujours grandissants sur l’univers qu’il connaît, l’être humain a toujours eu la tentation de l’ubris, avec en première intention, celle de se libérer des liens du temps et de l’espace qui constituent ses limites, et d’augmenter à l’infini ses capacités physiques

et mentales. Avec un désir d’immortalité en filigrane ou en point de mire.

La convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, des techniques de l’information et des sciences cognitives (les « NBIC ») a donné naissance à cette idéologie transhumaniste, qui affirme la nécessité du passage le plus rapide possible au stade suivant de l’évolution biologique, dans lequel des machines conscientes nous remplaceront.

 

On conçoit aisément les immenses attentes de progrès dans les domaines de  recherche scientifique et médicale par exemple, pour éradiquer maladies et virus, pandémies et dégénérescences, pour raccommoder le vivant, ses membres, ses organes, réparer ses atteintes mentales, ou changer les pièces malades … et autres utopies technologiques aujourd’hui impensables. Les multinationales de l’intelligence artificielle et les génies de l’algorithme nous prédisent régulièrement des avancées merveilleuses qui feront le bonheur de l’humanité, et présentent tout aussi régulièrement un cas particulier élevé aussitôt en modèle pour demain. « Les interrogations profondes et les propositions raisonnées voisinent avec les spéculations les plus fantaisistes, les affirmations sans nuance et le marketing racoleur ».

Ce qui est utopie aujourd’hui sera sans doute le quotidien d’après-demain, cependant se pose toujours la même question de l’écart entre l’objectif déclaré de l’invention  technologique et le détournement d’application qui suivra inévitablement. A l’échelle d’une vie humaine, on peut en faire l’expérience. Peut-être faudra-t-il alors, ou peut-être faut-il dès maintenant, se soucier d’éthique ?

 

Se posera aussi la question d’un « nouvel humanisme » à inventer.

 

Conclusion

 

On le voit à la lecture de cette dernière partie, dans les multiples facettes qu’elle en expose, « le Renouveau de l’humanisme » n’est pas une idée abstraite pour matamores de comptoir, dîners mondains ou bouffonneries de prime time, mais c’est bien un projet de vie crucial que chaque être humain d’aujourd’hui doit prendre en main.

Dans ses actes, ses choix quotidiens, au ras des rocs de la réalité la plus pragmatique, chaque être humain engage sa responsabilité dans ce renouveau de l’humanisme. La fraternité humaine est à ce prix.

 

Ce dossier nous montre en tout cas que « l’histoire de l’Humanisme » est née dès que l’homme a commencé à se poser des questions sur le commencement du monde et sur l’énigme de l’être humain. « Nos ancêtres n’étaient pas plus sots que nous », comme aimait à le dire Lucien Jerphagnon...

 

Et, concernant l’ensemble de ce superbe panorama de l’histoire de l’humanisme, au-delà de l’histoire, j’aurais tendance à croire que c’est une éthique de la responsabilité qui se dessine en filigrane. Le fil rouge des conceptions historiques successives de l’être humain dans le monde, chacune forcément enrichie des expériences précédentes, semble confirmer cette recherche permanente, qui nous conduit « ici et maintenant ».

 

Selon la conception traditionnelle de la responsabilité, on considère que l’on n’est responsable que de ce que l’on fait intentionnellement, et des seuls effets connus et prévisibles de nos actions. C’est le fondement de la responsabilité pénale, qui correspond à une définition morale de la responsabilité individuelle, et c’est aussi le sens de l’autonomie personnelle de l’être humain exprimée par les Lumières. Mais dans un monde aussi complexe que le nôtre, où s’entremêlent de multiples facteurs et de multiples acteurs, s’il n’est pas toujours facile d’avoir une vision claire des conséquences de chacun de nos actes, nous pouvons du moins en avoir la volonté. Et peut-être sommes-nous aussi responsables de certains actes que l’on ne pose pas…

 

Comment concilier un individualisme-roi et une interdépendance renforcée avec les autres ? Il nous faut dans doute penser de nouveaux rapports au monde sur le registre « interdépendance et solidarité ». Nous pouvons par exemple avoir à l’égard du monde vivant une obligation de souci, de sollicitude, de prise de conscience, de vigilance, de considération. Envisager toutes ces formes de rapport au monde qui permettent d’enrichir la notion traditionnelle de la responsabilité, de trouver un moyen de concilier la responsabilité individuelle, la préservation de la liberté et l’exigence où nous sommes d’assumer la complexité du monde.

Bref, beaucoup de questions pour entretenir l’intranquillité de l’âme !

 

Rémy LE TALLEC.

 

 

                             CI- DESSOUS LA PRÉSENTATION DE LA REVUE 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE  GRAND DOSSIER DE L'HUMANISME-PART - III- suite et fin
LE  GRAND DOSSIER DE L'HUMANISME-PART - III- suite et fin
LE  GRAND DOSSIER DE L'HUMANISME-PART - III- suite et fin
LE  GRAND DOSSIER DE L'HUMANISME-PART - III- suite et fin
LE  GRAND DOSSIER DE L'HUMANISME-PART - III- suite et fin

 

 

La revue « Sciences Humaines »

 

La revue mensuelle « Sciences Humaines » a été créée en novembre 1990 par quelques passionnés de sciences humaines réunis par Jean-François Dortier. Le n°1 était en grande partie consacré à un grand dossier sur le philosophe tout terrain Edgar Morin (16 pages sur les 51 que comptait ce premier numéro), signe d’une attention particulière à la complexité du monde de la connaissance, avec interview, étude sur le maître-livre d’Edgar Morin, La Méthode – la sociologie au présent. « Le défi de la complexité, expliquait-il alors, … nous fait renoncer à jamais au mythe de l’élucidation totale de l’univers, mais il nous encourage à poursuivre l’aventure de la connaissance qui est dialogue avec l’univers ».

 

Et l’Editorial de ce numéro 1 situait bien l’action : « Nous voulons diffuser et promouvoir les sciences de l’homme et de la société. Nous voulons que Sciences Humaines soit la revue de vulgarisation exigeante que vous aurez plaisir à lire ».

Et se terminait ainsi :

« Sciences Humaines est résolument pluridisciplinaire. Nous voulons créer, au-delà des goûts et formations de chacun, un lieu de confrontations et de synthèse. Votre revue traitera dans les prochains numéros de questions importantes : la psychologie de l’enfant, l’émergence des minorités dans le monde, l’individualisme, le système éducatif, la guerre, le sens de l’histoire, etc… Elle est ouverte à toutes les formes d’analyses, à toutes les écoles de pensées. Nous faisons notre possible pour que Sciences Humaines soit une revue de référence, utile et lisible dont vous souhaitez disposer ».

 

Cette revue a parfaitement réalisé, et réalise toujours à la perfection, ses engagements et les défis de pluridisciplinarité, de curiosité et de vulgarisation exigeante. On sentait une véritable passion chez les artisans de cette revue. Et lorsqu’on lançait un appel téléphonique à la revue à la recherche d’un renseignement quelconque, on atteignait directement l’un des rédacteurs. Ce côté artisanal, dû certainement à un berceau associatif, qui explique aussi la passion originelle.

 

Toujours proche des préoccupations humaines de ses lecteurs, au fil des mois, au fil des ans, « Sciences Humaines » s’est professionnalisée, sans jargon, sans perdre son âme, à l’écoute des émotions des hommes et du souffle du monde. Et, malgré son expansion, la revue est restée fidèle à son objectif de vulgarisation exigeante ; et la diversité de ses thèmes d’intervention, la qualité des rédacteurs et la richesse de ses contenus ont certainement contribué à sa pérennité. Pour en avoir une idée, il suffit d’ouvrir la revue chez le marchand de journaux, et de consulter les dernières pages avec la liste des numéros disponibles. Impossible de ne pas y trouver lecture à son esprit…

 

La revue vient de célébrer 30 ans : une réussite magnifique, et un plaisir renouvelé pour le lecteur avide de connaissance.

 

A la revue mensuelle, sont venus s’ajouter ensuite Les Grands Dossiers

  • Les Grands Dossiers à thème (trimestriel)
  • Les Hors-Série à thème

Et une collection de livres qui forment une masse documentaire en sciences humaines incomparable.

 

Rémy LE TALLEC.

En ces temps de reconfinement, et de désert culturel, on peut se poser la question des rapports de l'artiste avec son oeuvre.

Créer pour qui, créer pour quoi?

Pourquoi certains créent et d'autres non, pourquoi d'ailleurs l'artiste crée t il

pour lui pour les autres pour les deux mon capitaine?

que préfere t il le sculpteur, son oeuvre ou sa statue? les deux mon capitaine?

je me pose et je vous pose la question avec cette causerie que je vous offre!

sachez que lorsque j'ai mis en ligne cette petite causerie qui ne dure que 26 minutes ( il faut les créer quand même), je l'ai mis sur youtube, dont l'IA, l'intelligence artificielle, vous donne le césame ou vous voue aux gémonies, en vous poussant sous les fourches caudines du refus de mise en ligne

Avec cette vidéo sulfureuse, j'ai donc eu mon compte bloqué pour vidéo pornographique!

j'ai du monnayer, sans changer un iota, et ils ont accepté quand même!!!

voici le mythe de Pygmalion et Galatée, âmes sensibles et chastes s'abstenir!!

bon amusement

Hervé Deroeux 

 

Pygmalion et galatée

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Publié le par Rémy LE TALLEC
LE GRAND DOSSIER DE L'HUMANISME - PART -II-
La deuxième partie du Grand Dossier de l'Humanisme, du Temps des Lumières, jusqu'à Darwin...

3 -Débats au Temps des Lumières

 

Antoine Lilti, auteur du livre décisif « L’héritage des Lumières. Ambivalence de la modernité »(EHESS/Gallimard/Seuil, 2019) est l’auteur particulièrement habilité pour introduire ce 3ème volet du dossier, sous l’évident titre :  

Adolph Menzel La Tablée du Roi Frédéric II à Sanssouci (1850) avec Voltaire

L’héritage des Lumières ,

 

dans lequel il s’attache à éclairer la complexité de ce bouillonnement intellectuel, idéologique et éthique qui qualifiera définitivement le 18ème siècle et en fera une vache sacrée dans l’inconscient collectif. Il invite à considérer la grande diversité de pensée chez les auteurs du temps de Lumières - ce qu’il appelle les lumières modérées et les lumières radicales – et à prendre en compte les tensions et les désaccords qui opposaient les philosophes, et les contradictions qui traversent le siècle.

En effet, la vision commune devenue autorité de référence fait des Lumières « un bloc homogène, le socle doctrinal de la modernité occidentale. Elles désignent alors le culte de la raison et du progrès ; le rejet des croyances religieuses, l’attachement aux libertés et aux droits humains ».

Or, l’héritage des Lumières implique de sortir de ce « chantage aux Lumières » selon l’expression de Michel Foucault, qui « oblige à prendre position pour ou contre une image caricaturale sur laquelle chacun projette ses fantasmes ». Depuis deux siècles en effet, toute entreprise intellectuelle se doit, avant toute chose, de préciser sa position à l’égard des Lumières, cet événement fondateur à la fois connu et fantasmé.

 

Les Lumières ne désignent pas un ensemble cohérent de propositions théoriques… « Il faut plutôt y voir l’ensemble des débats qui ont accompagné l’effort des écrivains européens pour penser la transformation sous leurs yeux des sociétés traditionnelles : diminution de l’emprise des églises sur les croyances, développement des villes et du commerce, qui dévaluent les privilèges de la noblesse, mondialisation des échanges, apparition de l’idée de nation, avec une histoire »…

Les Lumières n’ont pas élaboré le programme de ces transformations, elles ont été

« l’effort intellectuel pour comprendre ces transformations  et les orienter,… et à rendre sensibles les problèmes nouveaux que suscitaient ces transformations sociales et culturelles ».

Imprimerie à Paris 1751 Encycl de Diderot et d'Alembert

Diffusion du savoir, émancipation de l’individu des préjugés et des superstitions, réquisition de la raison, liberté d’imprimer et instruction publique vont susciter débats et polémiques. Alors que Diderot et les encyclopédistes veulent faire œuvre de vulgarisation des savoirs, d’autres s’interrogent sur l’opportunité d’éclairer le « vulgaire », par exemple. L’expansion européenne – avec un foisonnement épistolaire sans frontières - va faire advenir également l’idée d’universalisme, et l’Europe va s’imposer une mission « civilisatrice » de propagation de l’esprit philosophique des Lumières, colonisation douce qui suscitera aussi force débats.

 

« Les écrivains des Lumières n’étaient pas des prophètes dogmatiques de la raison, du matérialisme et du progrès. Ils ont cherché à articuler une démarche militante, celle du combat inlassable contre le fanatisme et l’injustice, et une visée distanciée, travaillée par le doute et l’inquiétude »…. Les Lumières ne nous fournissent pas des réponses, elles ont formulé les questions auxquelles nous cherchons aujourd’hui encore à répondre ».

Olympe de Gouges Déclaration des Droits de la Femme

La moitié oubliée des hommes  

 

 En 1791, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne par Olympe de Gouges dénonce la fausse universalité de l’horizon humaniste des Lumières.

Dans la situation des femmes qu’il infériorise, l’humanisme des Lumières est le masque de la domination masculine. « S’inventer comme actrice de soi-même, prendre la parole, exister et refuser l’essentialisation maternelle et domestique du rôle assigné à la femme en société… » : Olympe de Gouges met ainsi en évidence les manques et les zones d’ombre de l’esprit des Lumières, et revendique l’ambition d’une véritable universalité. Combat courageux, que l’échafaud fera taire.

Et l’on s’apercevra que deux siècles seront encore nécessaires pour, dans les lois au moins, mettre fin à cette injustice.

L'Apothéose de Saint-Thomas d'Aquin

Aux sources des droits humains  

 

« L’idée d’un droit naturel placé au-dessus de tous les autres passe pour une idée révolutionnaire, mais elle n’est pas si neuve que cela en 1789, et ses racines théologiques sont anciennes ».

Quelle est l’origine des principes qui ont engendré la déclaration de ces droits de l’homme ? Les racines anciennes des droits de l’homme ainsi proclamés sont-elles « une application des idéaux popularisés au siècle des Lumières par un John Locke ou un Voltaire, ou bien sont-elles à chercher du côté des doctrines religieuses et des théories du droit naturel ? ». En guise de réponse, on va élaborer un sacré laïc protégeant de facto la liberté des individus sans les priver de cadres moraux. Et, parmi les valeurs républicaines, la laïcité comme valeur absolue de la République fera désormais consensus pour une gestion pacifique dans l’espace public des différentes confessions et convictions.

 

Jean-Jacques ROUSSEAU à Ermenonville

Deux versions de la perfectibilité de l’homme  

 

Le progrès humain est presque une idée presque neuve au moment de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. D’Alembert parle d’une « perfectibilité indéfinie » de l’espèce humaine. « Parmi les philosophes, nombreux sont ceux qui placent tous leurs espoirs dans les arts et les sciences, mais d’autres s’inquiètent déjà de leurs mauvais usage. C’est le cas de Jean-Jacues Rousseau, pour qui la raison ne fait pas la sagesse ».

Rousseau va développer l’idée que l’être humain n’est pas totalement déterminé par la nature, et qu’il est donc susceptible de perfectibilité, grâce aux vertus des Lumières et grâce à ses facultés de raison, d’inventivité et de volonté. L’être humain est capable de se modifier et de modifier le monde grâce au progrès des savoirs et des techniques, au risque d’être dévoyés. C’est pour cela qu’il s’intéressera  activement au domaine de l’éducation.

Allégorie de la paix et de la justice Corrado Giaquinto

Kant et la paix universelle 

 

Philosophe incontournable des Lumières, pour l’éclairage qu’il en donne («  Qu’est-ce que les Lumières ? », et figure emblématique de l’histoire de la philosophie en général,

Emmanuel Kant est convoqué ici pour son projet de « Paix perpétuelle ». Aux yeux des Lumières, c’est la raison qui confère à l’esprit sa liberté, parce que l’esprit n’est soumis à aucune puissance étrangère et extérieure à lui et qu’il n’obéit ainsi qu’à lui-même. Tel est le sens de ce maître-mot du XVIIIème siècle : la loi. Et c’est sur la loi et la morale que peut s’instituer une paix perpétuelle entre les Etats. Au travers de trois niveaux d’ordre constitutionnel : constitution de chaque nation, loi internationale liant les différents Etats et constitution d’un ordre mondial « dans lequel les hommes seraient considérés comme citoyens d’une cité humaine universelle ». Pour cela, Kant utilise largement l’expression « Alliance de paix » qui « engage davantage qu’un contrat : elle allie, elle apparie des libertés, elle noue une existence à une autre existence »…

Magnifique utopie en 1795 ! Deux siècles plus tard, au XXèmesiècle, l’Onu, la Charte des Nations Unies pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les institutions européennes donneront enfin chair à des avancées qui contribuent largement au maintien d’une paix fragile et à la liberté des citoyens d’un monde possible, d’un monde virtuellement présent. 

L'Esclavage

Abolir l’esclavage, un consensus moral 

 

« La critique de l’esclavage est aussi ancienne que sa pratique, mais l’idée d’y mettre fin ne s’imposera qu’au XIX ème siècle. Elle émane aussi bien d’activistes croyants que de philosophes militant pour les droits humains ».

 

Dans le monde occidental, dans la philosophie classique, l’esclavage existait de toute Antiquité, comme relevant d’une hiérarchie dans l’ordre naturel des humains. Cependant, dès la Renaissance, quelques humanistes et religieux ont commencé à mettre en doute la légitimité de cette pratique. Questions morales, économiques, politiques et sociales alimenteront longtemps des débats passionnés.

Et il faudra attendre le milieu du XVIIIème siècle pour voir émerger l’antiesclavagisme, grâce à l’effacement du clivage géographique entre l’Europe et le monde d’outre-mer, à la montée des philosophies sociales et humanistes déniant toute valeur morale à l’esclavage, et à la reconnaissance de la liberté naturelle de l’homme. La convergence des morales profanes des Lumières et chrétiennes (catholiques et protestantes) feront consensus, mais les traditions et les trafics tarderont à se plier dans les faits aux lois d’abolition

 

4 - Face au siècle du progrès

Sans- abri à Londres

L’utilitarisme : une morale sans scrupules ?  

 

« La doctrine de Jeremy Bentham se voulait laïque, humaine, mais surtout rationnelle, au point de, si nécessaire, sacrifier certains au bonheur de tous. Est-elle compatible avec les valeurs de l’humanisme ? ».

 

Selon l’utilitarisme de Bentham, on doit juger la moralité des actions au regard de leurs conséquences sur le bonheur de l’ensemble des individus : « le plus grand bonheur du plus grand nombre ». Voilà qui laisse peu de place au bonheur personnel auquel tout être humain peut légitimement aspirer. Et pourtant, « bien-être individuel et diminution des souffrances » sont au centre des réflexions des penseurs utilitaristes.

Et, après avoir longtemps été à la pointe des luttes sociales, l’utilitarisme n’a plus le même impact pour les générations futures. Finalement, l’épanouissement de l’homme, qui est un thème fondamental de la pensée humaniste, reste largement absent de la philosophie utilitariste.

Mais, « utilitarisme et humanisme ont chacun un rôle à tenir, certainement ensemble », pour le bien commun.

Statue de Karl Marx Chongquing (Sichuan, Chine)

Karl Marx et les droits humains  

 

« Pourquoi Karl Marx, porteur d’un projet qui se voulait humaniste et émancipateur, s’est-il autant méfié des droits de l’homme ? Conscient des mésusages possibles de la liberté individuelle, il en oublia les indispensables libertés publiques ? »

 

Malgré les méandres de sa pensée, le refus des droits humains est resté une de ses obsessions, et devenu l’objet d’une captation d’héritage par des régimes de terreur permanente de funeste mémoire.

 

Pourtant, Marx se revendique d’un « humanisme radical », qu’il nomme « humanisme achevé » ou « humanisme réel ». Il le définit par le fait que « l’homme est pour l’homme l’être suprême » et par « l’impératif catégorique de renverser tous les rapports où l’homme est un être humilié, asservi, abandonné, méprisable ».

Pourtant, la société qu’il appelle de ses vœux doit être « une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ».

Pourtant, selon son interprétation, les termes de la Déclaration des droits de l’homme ne portent pas en eux l’émancipation humaine, mais représentent une aliénation sociale. Tout tourne autour de l’idée d’aliénation. Les humains construisent leur histoire, mais sans savoir laquelle ils font ; ils ont une « conscience fausse »  d’eux-mêmes et de la société. Selon lui, ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, « c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience ».

Et il tient à séparer les droits humains qu’il considère comme des obstacles aux forces sociales, et les droits citoyens résultant d’une auto-organisation de la société qui rend inutiles les garanties juridiques des libertés.

« Mais, en récusant les droits humains au lieu de les réarticuler avec les droits citoyens, et en laissant dans l’obscurité le statut juridique des libertés publiques et individuelles, Marx laissait la porte ouverte à une traduction autoritaire, voire totalitaire de ses analyses … et à l’écrasement des individualités rétives ».

Friedrich NIETZSCHE (1844-1900)

Nietzsche et les illusions de la morale 

 

« Friedrich Nietzsche est l’auteur d’une critique radicale de l’humanisme. Selon lui, la morale est l’ultime ruse des faibles pour domestiquer les puissants ».

 

Pour Nietzsche, la morale du christianisme « étouffe la volonté, la passion, le désir, est en fait une morale d’esprits faibles qui craignent d’affronter la vie en ce qu’elle a de brutal et de créateur ». La morale est pour lui le refuge des faibles, des esclaves te de la masse des gens ordinaires… A sa détestation de la religion, Nietzsche ajoute celle des philosophes, qui, sous le voile d’apparences de sagesse et de réflexion, de défricheurs de concepts et d’idées abstraites, cachent leurs propres convictions. De quoi l’existence de l’homme tire-t-elle son sens ? De sa volonté de puissance créatrice affirmative.

En fait, il ne semble rechercher ni l’harmonie ni l’égalité, et entend valoriser le combat, la lutte, dont doivent sortir un vainqueur et un vaincu. La morale de Nietzsche se situe « au-delà du bien et du mal ».

Au total, la pensée protéiforme et passionnée de Nietszche influencera la réflexion philosophique occidentale de tout le XXème et du début du XXIème siècle au moins…

Charles DARWIN (1809-1882)

 Darwin a-t-il déchu l’espèce humaine ? 

 

Selon certains, Charles Darwin aurait porté un coup fatal à l’humanisme en affirmant que « l’homme descend du singe » … En fait, sa théorie de l’évolution ne prévoyait pas qu’une espèce puisse être supérieure à une autre, mais seulement différente ».

 

La question de la place de l’homme est au centre de vifs débats de la communauté scientifique. Darwin croit au perfectionnement du genre humain, y compris au plan biologique. Mais il est surtout attentif au développement du sens moral pour préserver la sociabilité de l’être humain, avec l’instinct naturel de la compassion dont on doit entourer les plus faibles et les plus démunis et « la sympathie qui tend à devenir universelle ».

Caricature Darwin

Darwin pose donc le respect de la personne au centre de la civilité et avant les gains hypothétiques de toute intervention de type eugénique. Il place même son espoir dans les progrès de l’empathie, en direction de formes de vie toujours plus différentes. Ce qui invalide le faux procès d’antihumanisme dont sa pensée est parfois l’objet.

 

Rémy LE TALLEC

 

 

 

À suivre : PART - III- : Désillusions et impasses, le Renouveau de l'Humanisme.

 

Conclusion et article sur la revue Sciences Humaines.

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Publié le par JF GUERRY
Bonsoir  ! A LA DEMANDE DE PLUSIEURS LECTEURS 

 

Le texte sur Le Grand Dossier de l'Humanisme à été modifié il apparait maintenant en noir, plus lisible !

Bonne soirée !

Jean-François Guerry

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Publié le par Rémy Le TALLEC
Première de couverture Sciences Humaines, La Grande Histoire de l'Humanisme

Première de couverture Sciences Humaines, La Grande Histoire de l'Humanisme

L’évocation du mot humanisme, fait penser immédiatement à l’homme créature raisonnable par rapport à la bête féroce, être humain, être vertueux, né de la terre, soldat de l’universel. Né de Dieu homme de péché, vieil homme ou pas. Homme de troupe animal social, homme honnête et de bonnes mœurs, perfectible.

La polysémie du mot conduit au désir de connaissance, aux questions existentielles qui traversent tous les temps. D’où je viens, qui suis-je et où je vais.

La revue Sciences Humaines a consacré un de ses Grands Dossiers à la Grande Histoire de l’Humanisme. En interrogeant l’histoire, le passé, l’on se dirige plus sereinement dans le labyrinthe de l’avenir.

L’homme est au centre de l’humanisme, la Franc-Maçonnerie s’assigne la tâche avec sa méthode initiatique du symbole de la construction, d’améliorer l’homme, de le rendre plus humain. L’expression aujourd’hui un peu tombée en désuétude : faire ses humanités reprend alors force et vigueur.

Rémy Le TALLEC contributeur actif du Blog, en s’appuyant sur le Grand Dossier de la revue Sciences Humaines, nous propose une réflexion approfondie sur l’humanisme, il manipule ses mots avec la précision d’un orfèvre afin que les mots brillent de tout leur éclat et leur sens.

On découvrira ou redécouvrira les grandeurs et les faiblesses, voire les menaces qui pèsent actuellement sur l’humanisme. En quelque sorte les portraits de notre humanité d’hier, de celle d’aujourd’hui, les épreuves et les défis qui nous attendent.

 

Jean-François Guerry.

La grande histoire de l’humanisme

(Grands dossiers de la revue « Sciences Humaines », n° 61- (Novembre, décembre, janvier)

 

Editorial : « Comment ne pas être humaniste ?

 

« Où commence et où finit l’humaniste ? L’histoire du mot lui-même est celle d’un anachronisme : il s’invente à la fin du 18ème siècle pour nommer la vision commune à ces érudits qui, quatre siècles plus tôt, férus d’antiquités gréco-latines, ont réhabilité le pouvoir de la raison dans la connaissance du monde et la définition des buts de l’existence humaine.

Pétrarque, Boccace, Dante, et plus tard Léonard de Vinci, Erasme, Rabelais, incarnent parmi cent autres, cet espoir que, sans remettre en cause les fondements de la religion chrétienne, l’homme peut aussi réaliser son salut sur Terre et s’améliorer lui-même. Mais au moment même où le terme s’impose, une autre page a été tournée : celle des Lumières, du rejet du pouvoir souverain de l’Eglise et de la monarchie. L’humanisme moderne, laïc et républicain, s’incarne dans le droit et la politique en proclamant l’égalité des  citoyens, la tolérance et l’harmonie possible des nations.

L’humanisme est une vision idéaliste de l’histoire, dont la centralité de l’homme est et l’assurance de son progrès universel sont les valeurs motrices. Or cette même histoire n’a jamais manqué de mettre ces valeurs à l’épreuve de leurs prétentions. Michel de Montaigne doutait déjà de tout en 1580, Thomas Hobbes craignait que l’homme soit resté « un loup pour l’homme », et Jean-Jacques Rousseau, en 1755, se méfiait fort des dérives de la raison, des arts et des lettres. Le 19ème siècle ne rêve que de progrès, mais déshabille aussi l’humanisme : Charles Darwin bouscule l’exception humaine, Karl Marx dénonce une idéologie bourgeoise, Friedrich Nietzsche moque toute morale humaniste. Et le pire attend encore : comment, au 20ème siècle, croire à la raison humaine après l’hécatombe d’une, puis de deux guerres mondiales ? Comment croire au progrès lorsque la machine créée par l’homme menace de l’asservir et de détruire la planète ? En 1966, Michel Foucault écrit que l’homme, en tant que maître de son destin, n’a jamais été qu’un mirage, une illusion.

C’était aller trop vite en besogne. Même consternés par l’impuissance des humains à se gouverner, même face aux pires menaces, les penseurs du 21ème siècle ont à reconnaître sur l’homme est, plus que jamais, responsable de lui-même et de son environnement. Comment ne pas être humaniste ? »

 

Nicolas Journet

 

(Editorial reproduit avec l’aimable autorisation de la revue « Sciences humaines »et de l’auteur)

 

Tel est l’éditorial de ce Grand Dossier (n°61) de la Revue « Sciences Humaines », disponible en kiosques et Maisons de la presse.

 

 

 

 

La Grande histoire de l’humanisme

 

 

La notion d’humanisme est aujourd’hui tellement galvaudée par les bateleurs de télévision et « penseurs » médiatiques de tout ordre, qu’il est rassurant de pouvoir se recentrer sur le sens des mots, et sur l’histoire des grandes idées qui ont éclairé des moments de l’histoire humaine. Et ce numéro de Sciences Humaines en est une illustration magistrale. Bien sûr, pour le format d’une revue, il aura fallu effectuer des choix douloureux, tant le champ d’investigation est immense et la matière infinie, en matière humaine si l’on ose dire, c’est-à-dire en penseurs, en idées, en concepts, pour tenter d’embrasser le trésor et la diversité de ce qui fait « l’humanitude » de l’homme. Néanmoins l’entreprise est une magnifique réussite.

Giuseppe Arcimboldo (1527-1593) Le Bibliothécaire, château de Skoloster, Habo, Suède

 

Qu’est-ce que l’humanisme ?

 

Ce Grand dossier de la revue Sciences Humaines brosse donc à grands traits cette histoire mouvementée, avec ses racines anciennes, ses avancées, ses impasses, ses contradictions, et l’éternelle actualité de ses questions essentielles. Et c’est la moindre curiosité du franc-maçon que de se passionner pour la question de l’humanisme sous ses différents aspects et ses différentes acceptions historiques.

 

Question première : « Qu’est-ce que l’humanisme ? » : L’humanisme place l’homme au centre de ses valeurs. Mais quel homme ? Celui qu’il est ou celui qui travaille à se dépasser lui-même, au risque d’en oublier toute mesure et remettre en question sa place dans l’univers ? Le philosophe Abennour Bidar (par ailleurs auteur de « Histoire de l’humanisme en Occident » (Armand Colin, 2014), prolonge l’éditorial en relayant justement les interrogations contemporaines sur son postulat le plus central :

 

D’abord considéré comme « la merveille des merveilles », l’homme voit très tôt ce statut d’exception pondéré par l’usage désordonné qu’il peut faire de son immense pouvoir sur les choses. L’humanisme se complexifie et, à l’image des écoles philosophiques de l’Antiquité et de la culture biblique, adviendront les idées d’effort,  d’éducation (le « Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les dieux » de Socrate) et de dépassement de soi. La grandeur de l’homme sera inséparablement liée à l’impératif moral et spirituel de grandir en humanité et de s’élever à une dignité supérieure.

 

L’idée de transcendance s’évaporant à partir de la Renaissance, les tentations de la technoscience, et les méfaits d’un usage pervers de ses innovations, l’ère de l’individu et l’individualisme vont transformer l’humanisme ancien. L’humanisme moderne, tout en continuant à exalter la dignité de l’homme, en le rappelant à son  « principe responsabilité » va se consacrer au combat contre toutes les atteintes à l’humanité sur la liste interminable de toutes les violences et souffrances que des humains imposent à d’autres humains.

 

L'éducation  Antique

 

Une histoire complexe

 

Ce dossier sur l’histoire de l’humanisme est construit autour de six grands volets chronologiques qui représentent autant d’étapes de l’évolution de l’idée humaniste : Les racines anciennes, Autour de la Renaissance, Débats au temps des Lumières, Face au siècle du progrès, Désillusions et impasses, et Le renouveau de l’humanisme.

 

1 - Les racines anciennes

 

Humanistes, les grecs ?

 

On peut trouver des racines anciennes de notre humanisme chez les premiers philosophes grecs qui s’interrogeaient sur l’origine du monde et la place de l’homme dans cet univers inexploré. La grande diversité des racines grecques et latines montre bien que ce qu’on appelle la pensée antique est loin d’être univoque. Certes, l’homme est parfois très hiérarchisé (« hiérarchie naturelle ») en ordres, en castes, avec des droits sélectifs selon sa naissance (Platon). Mais par ailleurs, sa caractéristique propre qu’est la raison est unanimement reconnue.

Ces pensées antiques, grecques et latines, lucides sur les parts d’ombre et de lumière chez l’humain considèrent l’homme tantôt en jouet des dieux et de ses propres pulsions ; et tantôt elles louent sa singularité dans l’univers, sa capacité de penser, et sa disposition à se constituer en communauté sur la base de règles sociales.

Selon Aristote, la définition de l’homme comme être qui dispose de la raison et de langage conceptuel, est le signe de sa faculté à s’engager dans l’accomplissement individuel de l’homme et collectif de l’animal humain.

Cicéron s'élevant contre Catilina au Sénat

Cicéron emploie le mot « humanitas » pour exprimer une disposition de fraternité fondée sur un sentiment d’appartenance au même genre humain. Et la condition nécessaire à cette humanitas est la culture de l’esprit, la nécessité d’un travail intérieur incessant pour connaître et maîtriser ses passions, tout en développant les vertus amor, caritas, misericordia. « Sens de l’humain, sens de la culture, sens de la bienveillance exprimée dans les rapports sociaux, ce sont les trois conquêtes de l’humanisme cicéronien face à la violence et aux excès de la nature humaine ».

ERASME

ERASME

2 -Autour de la Renaissance, on nous propose quatre figures qui restent dans l’histoire :

 

Erasme, (« On ne naît pas homme, on le devient ») , surnommé « le prince des humanistes » voit dans « l’acquisition d’un savoir ouvert sur le monde la clé de l’accomplissement humain ». Il est parmi les premiers à plaider pour une éducation libérale des enfants.

Montaigne, le sceptique, tout penseur humaniste qu’il soit, émet de sérieux doutes aussi bien sur le magistère de la science que sur la capacité de l’homme à s’élever par la raison au-dessus de la Création. Il se désespère que l’on respecte les hommes savants au lieu d’admirer les hommes sages. Et, face aux ambitions démesurées de la raison, il oppose prudence et mesure, ce qu’il appelle sagesse.

Thomas Hobbes

Thomas Hobbes, le pessimiste, avec son maître-livre, Léviathan, témoigne d’un profond désenchantement : l’homme est par nature si asocial que seul un pouvoir fort peut l’amener à des comportements plus apaisés.

Son exact contraire, John Locke, le libéral, propose une vision beaucoup plus optimiste que celle de Hobbes : parce que doté d’une morale naturelle, il est possible à l’homme de s’améliorer lorsqu’il est libre de consentir aux contraintes de la vie sociale. « Le contrat social garantit une forme d’amélioration de la condition humaine : le consentement volontaire à la vie civile élève l’individu ».

Michel de Montaigne, John LockeMichel de Montaigne, John Locke

Michel de Montaigne, John Locke

À SUIVRE : PART - II-
      LE TEMPS DES LUMIÈRES

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Publié le par Jean-François GUERRY
RECENSION : KABBALE ET FRANC-MAÇONNERIE – L’INTÉGRALE de Marc HALÉVY

RECENSION : KABBALE ET FRANC-MAÇONNERIE – L’INTÉGRALE de Marc HALÉVY

 

 

L’Académie Maçonnique de Provence publie le livre de Marc Halévy Kabbale et Franc-Maçonnerie, son Président Alain Boccard, dans son propos liminaire, c’est-à-dire sur le seuil de l’ouverture de ce que l’on peut qualifier d’essai comparatif ; confesse dans un élan d’humilité avoir choisi le terme de liminaire plus que celui de préface ou même d’avant- propos.

Il ne s’agit pas de sa part de fausse modestie, non que la lecture de l’ouvrage soit ardue, bien au contraire il n’est pas besoin de se munir d’un dictionnaire pour comprendre la pensée de l’auteur. Il a le talent de la simplicité, sans être dans la vulgarisation. L’on peut à l’épreuve de la lecture, rappeler ce que disait Nicolas Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. » Il reste que pour l’humble lecteur que je suis, que la richesse de l’œuvre rend difficile la synthèse dans laquelle j’ai osé me lancer. Je comprends mieux au terme de ma lecture l’appréhension, qui a gagnée Alain Boccard.

 

J’ai dans un passé à la fois lointain et récent au cours de mon chemin initiatique été confronté à la Kabbale, le désir de comprendre m’a fait ouvrir quelques livres, j’en ai conçu souvent de l’amertume, étant resté soit dans l’incompréhension face à des mots d’une complexité rebutante souvent abscons, soit j’ai ressenti l’impression de n’avoir touché que la surface et l’apparence, ce qui en la matière est un paradoxe, la Kabbale touchant avant tout de l’intérieur, de l’ésotérisme, de l’herméneutique.

 

Heureusement, Marc Halévy possède le talent pour expliquer des phénomènes complexes, c’est sans doute dû à sa formation scientifique et philosophique à la fois, ainsi qu’à sa grande culture. Mais aussi à sa pratique, conjointe des deux méthodes celle de la Franc-Maçonnerie et celle de la Kabbale.

 

Moi-même éveillé, nourri et élevé en Franc-Maçonnerie, par le Rite Écossais Ancien et Accepté, j’ai pensé que je pouvais au moins frôler la compréhension de ce qu’était la Kabbale.

Pour avoir un peu, trop peu pratiqué le Rite Français, le Rite Émulation, j’ai mesuré la difficulté de mener en parallèle des voies différentes.

L’on parle d’universalité en Franc-Maçonnerie, pour ma part je conçois plutôt des symboles universels et des Traditions distinctes, qui ont leurs propres fondements, leurs références, leurs racines, dans l’espace et le temps. René Guénon parle d’ailleurs de Traditions distinctes et de Tradition Primordiale, pas Universelle. Dans toutes les Traditions se retrouvent des symboles universels, ainsi que des fragments d’autres traditions.

 

Constatant que le Rite Écossais Ancien et Accepté est le rite maçonnique le plus répandu, faut-il en conclure qu’il est universel au sens stricto sensu ? Je ne le pense pas, on le considère souvent comme une éponge ayant absorbé, le meilleur des valeurs, des vertus, des autres traditions, tout en conservant sa particularité en étant distinct, il assimile, c’est cette capacité qui fait sa vivacité et son développement constant. Il absorbe le suc, le nectar, l’essence, les plus hautes valeurs spirituelles des Traditions anciennes et même des plus récentes ; il en fait sa maïeutique. Il devient ainsi en capacité de proposer à ceux qui ont le désir de connaissance, une propédeutique basée sur des symboles universels, et en particulier sur le symbolisme de la construction, donnant du sens à la vie, à leur vie et in fine à l’humanité, il frôle encore ainsi l’Universel. En refusant le dogmatisme il s’enrichit des différences, rend l’homme plus humain c’est-à-dire plus fraternel avec les autres, et il le rapproche du sacré et du divin. C’est en ce sens qu’il est universel, le point d’orgue de cette tension vers l’universalisme, son apogée est la reconnaissance de d’un principe supérieur qu’il nomme à défaut de le définir totalement, donc de le réduire, Grand Architecte de l’Univers.

 

Vous pensez peut-être que je fais une digression, que je m’éloigne de la lecture de Kabbale et Franc-Maçonnerie, pas sûr, car le Rite Écossais Ancien Accepté, s’il est imprégné comme l’atteste son Rituel du 1er degré de l’Alchimie, cette ancêtre de la chimie moderne, dont la naissance fût constatée sur les bords du Nil, la al-kimeya arabe qui elle-même vient du grec ancien Khumeia ou Khêmia, cette méthode de transmutation des éléments, des métaux (voir Mircea Eliade Forgerons et Alchimistes), qui fit sa résurgence au moyen-âge, devenant le grand œuvre de la métamorphose de l’homme, méthode dont la Franc-Maçonnerie fit le rapt et qui inspire grandement le Rite Écossais Ancien Accepté.

 

Qui absorba également la Kabbale, qui est comme le dit Marc Halévy : « Le versant mystique et ésotérique du judaïsme » Les références à l’ancienne loi, à la Torah, à la construction du Temple de Jérusalem, font le corpus de la Franc-Maçonnerie Salomonienne. Jusqu’à la jonction avec la nouvelle loi, inspiratrice des grades Chevaleresques.

Les Kabbalistes ont inscrits dans le triangle lumineux les lettres mystérieuses, comme les Francs-Maçons, ils épèlent ce qu’ils ne peuvent nommer ou alors est-ce Ein sof , le tout, le grand tout, le tout absolu, l’infini, l’Ein sof or !  La lumière sans fin.

 

Cette recherche de la Lumière, de la Vérité, de la Parole perdue procède d’un désir de spiritualité commune aux deux traditions la Kabbale et la Franc-Maçonnerie de Tradition. Deux voies parallèles qui s’enrichissent, deux sources qui deviennent deux rivières, puis deux fleuves que se jettent dans un océan de spiritualité, d’où émerge le sacré et le divin. Comme les rayons d’un arc dans le ciel, ces traditions éveillent et élèvent l’homme, puis le ramène vers sa mère la terre, dans l’humus.

Comment s’étonner dès lors de la conjonction entre les valeurs, les émanations de la Kabbale et la méthode maçonnique. L’arbre de vie, l’arbre des sephirot est bien présent par exemple au 13ème du Rite Écossais Ancien et Accepté, Chevalier de Royal Arche, l’impétrant en descendant dans sa Voûte intérieure, dans la Voûte Sacré, prononcera peu à peu les noms des sephirot mettant de l’ordre dans le chaos.

 

C’est dès lors naturellement que Marc Halévy procède à la mise en lumière des analogies entre les deux méthodes Kabbale et Franc-Maçonnerie. Il propose au lecteur de suivre un fil conducteur ou plutôt un chemin spiralé, une ascension vers la connaissance de la méthode de la Kabbale.

 

Il faut des outils pour préparer une ascension, dans le prologue de son livre il fait la distinction entre Judaïsme et kabbalisme et tout et partie du tout.

Les citations du livre seront en caractères gras et italiques, elles sont censées lever à chaque fois une partie du voile, sur l’essentiel de chaque chapitre (selon moi). Une incitation à aller plus loin, plus haut comme les jacquets sur le camino.

 

  • PROLOGUE

« La Kabbale est le versant mystique et ésotérique du Judaïsme.. »

 

« La kabbale l’appela (Dieu) Eyn sof le sans fin… »

 

« Retenons que le Lévitisme où s’enracine le Kabbalisme, n’est pas un monothéisme. »

 

« La Kabbale n’est pas une doctrine, mais une méthode. Une méthode de lecture et d’interprétation du texte hébreu.. »

 

« Cette méthode herméneutique à des outils … La kabbale vise l’un..»

 

« La Kabbale est une réception… »

 

L’auteur parle de réception, indiquant qu’en hébreu translittéré Qabalah, du QBL qui signifie recevoir.

Daniel BERESNIAK dans son livre la Kabbale Vivante ne dit pas autre chose : « Kabbale est un substantif formé par la racine hébraïque trilitère : Kof, Beith, Lamed. Cette racine exprime l’idée de « recevoir ». Ainsi la Kabbale se traduit par réception. »

BERESNIAK ajoute de manière intéressante : « La réception est le fruit. Ce qui est porté par la transmission est le goût du fruit. Il est incommunicable, autrement que par l’expérience. »

 

Toute analogie avec le secret maçonnique et l’initiation est vivement conseillée.

 

Marc HALÉVY retrace ensuite le chemin historique de la Kabbale, exercice nécessaire, toujours savoir d’où l’on vient, pour pouvoir retrouver son chemin. La Kabbale s’intéresse au fond de la pensée.

 

« …. Le texte devient alors le révélateur de vérités transcendantales que l’on porte en soi sans le savoir. »

 

Il nous apprend qu’il n’y a pas de doctrine commune à tous les Kabbalistes, mais des chemins parallèles.

 

Vers la fin de ce prologue, il esquisse les rapports entre Kabbale et Franc-maçonnerie.

 

« La Kabbale et la Franc-Maçonnerie sont deux fleuves parallèles qui aboutissent au même Océan divin. »

 

À SUIVRE : Kabbale et Franc-maçonnerie -Part -II- de Marc Halévy.

 

Le livre : « L’intégrale – Kabbale et Franc-Maçonnerie.

Publié par L’Académie Maçonnique de Provence et les Éditions Ubik – format poche 209 pages Prix 14€

ISBN : 978-2-91-965639-4

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Publié le par Egidio LUZ FERREIRA, et Jean-Bernard LALANGE
LE TEMPS

INTRODUCTION : LE TEMPS – RÉUNIR CE QUI EST ÉPARS.

 

 

Relier le Temps présent et celui d’hier est une gageure, le Temps d’aujourd’hui, est celui d’un poème maçonnique sur « Le Temps » qui touche à l’Universel. C’est un lecteur du Blog VM de sa Loge Egidio LUZ FERREIRA qui nous propose cette ballade.

 

Le Temps d’hier, est aussi celui d’aujourd’hui, un autre lecteur du Blog Jean-Bernard LALANGE, nous propose la recension d’une biographie de Manoël PENICAUD, sur Louis MASSIGNON ; qui s’inscrit à mon sens dans le courant de pensée de René Guénon et Henri Corbin, ils forment ensemble un triangle, qui ambitionne de réunir ce qui est épars. Faire de l’œcuménisme religieux au-delà des paroles, faire un centre d’union fraternel entre les hommes.

 

Dépasser les dogmatismes, les radicalités, chercher les ponts, les passages communs, les lieux de rencontres.

 

Nous manquons cruellement à tous les niveaux de notre éducation de l’enseignement du fait religieux. L’ignorance est le terreau des radicalités, de toutes sortes. Les radicalités laïques qui se revendiquent des lumières, en oubliant parfois l’esprit. Les radicalités religieuses qui nourrissent la haine de l’autre.

 

L’islamo gauchiste remis en lumière démontre la pauvreté de nos réflexions, l’arbre cache la forêt.

 

Pourtant nous sommes tous issus de l’humus qui fait l’humanité, il n’y qu’un pas à franchir pour aimer son proche, quelques-uns de plus pour aimer l’autre, c’est passer de la souffrance à la joie.

 

Merci à ces deux contributeurs pour leur travail, il nous reste à en tirer profit.

Bonne lecture.

 

Jean-François Guerry.

Mes TCF en vos Grades et qualités, voici le Morceau d’Architecture que tout Maître doit à ses Frères, je l’ai bâti en pensant que sa formulation et sa structure rimée, pourrait vous aider et ainsi vous permettre d’ancrer en votre Cœur, cette méditation sur celui qui s’impose à nous…comme le défi qu’il faut Maîtriser pour accéder à l’Homme Libre, ami du pauvre et du riche s’ils sont vertueux.

 

Bien Fraternellement

 

 

Il est mes Bien Cher Frères
En vos Grades et Qualités
De bien étranges pensés
Dont l'on ne sait que faire
Mais qui en s'obstinant
En nos esprits perdurent
C'est la question du Temps
Que ce soir je "capture"
Et traiterai pour vous

Ce temps qui nous mesure  

Qui prend ou donne tout

Ainsi le Temps mes Frères
Revêt pour les Maçons
Diverses dimensions
Degrés et puis Mystères.
C'est donc en Apprenti
Que devant vous ce soir
Le Temps sur qui j'écris
Devient toute une Histoire.

Avant que pour nous s'ouvrent
Les Travaux qui nous unissent
Que la Loge se couvre
Et que le Tapis glisse

Règne un certain silence
Que les Maillets battant
Brisent en leur cadence
Aux mains des Gouvernants

Ainsi nous sommes nés
Venus dans l' Univers
Le silence brisé
Et une rouge Lumière

Ici le Temps est Toujours
Comme indéfinissable
Car Rien n'est encore jour
L' Esprit Insaisissable

Par la Lumière émane
D'une source inconnue
Une sublime flamme

Ardente de Vertu

Trois Chandelles d'abord
Un premier cercle esquissé
A l' Orient de consort
Simultanéité...

Temps qui devient synchrone
Pour que tout soit en place
Avant que sur le Trône
Salomon prenne place
Et  qu'advienne le Verbe

Que nous légua  Saint Jean
Sa Lumière est une gerbe
Sacré devient le Temps
Plus de bornes profanes
Plus d' heures ni de cadran

  En ce Temps rien ne fane

Les Travaux sont ouverts
  Alors qu'il est Midi...étrange
  Éclairez-moi mes Frères
Cet horaire me dérange
La source de ce Mystère
A une explication
En Asie Mineure naguère
Un pan de la Tradition
A émané d'un astre
Il Instruisait ses Apprentis
Se nommait Zoroastre
Entre Midi et Minuit
Leur laissant le sommeil
Comme vecteur de savoir
Au coeur du noir l'Éveil
Rassemblez ce qui est épars.
Quel Temps fait donc oeuvre ici
Est un Temps Imposé ?
Est-ce un temps choisi ?
Ou bien le Temps Sacré
Celui qui nous unit ?
En Loge dans la Tenue
Le Temps est Eternel
Dans la Vie profane qu'est-il ?
Un repère, une limite
Aux accents parfois cruels
Dont l'urgence nous invite
A la question existentielle.

Qui tous nous habite

Quand viendra l'échéance

Pour chacun de partir

Trop tard pour qu'on s'y penche

Sur notre devenir

En Loge notre histoire

Humaine devient Mythe

Et le Temps de ce Soir

S'est transcendé en Rite

Mais grand déchirement
La vie et ses obligations
Ne laissent que peu de temps
A ce genre de questions.
Ici un landmark s'esquisse
Vous devez prendre posture
La Vertu ou le Vice
Serment ou Forfaiture...
C'est par un doux Ternaire
Que vient la solution
A l'aide de mes F:.
Et par les Instructions
Je distille le murmure
Que la Lumière en moi
Produit sur la Pierre dure
Que ce Temps creuse pour Moi.
En effet le Temps de Loge est tel
Qu'il récompense en "salaire"
Ceux qui ont juré au Ciel
  De bien tailler leur Pierre.
Ainsi vous déduirez
Qu'une simple lecture
De votre sage Instruction


Taille la pierre dure
Rappelle l'Initiation !
Ainsi voyez mes F:.
Pas de fatalité
Vous avez la Lumière
Le Temps est votre allié

Que d'exemples en nos vies
Sur lesquels nous butons

Du temps trop raccourci
Pour vivre nos Passions
Le Temps est alors un trait
Qui va de gauche vers la droite
S'écoulant comme l'on sait
Vers une porte étroite
Ou bute notre destin
C'est la le Temps profane
Celui qu'égrennent les heures
Ou la bougie perd sa flamme
Et la fin crie Horreur
C'est le Temps du Vieil Homme
Que vous cesserez d'être
Si vous oeuvrez peut-être
Et qu' en vos coeurs résonnent
Les riches enseignements

Que vos Travaux vous donnent

La Loge allonge par terre

Et sur une règle inscrit

Ce Temps que nous mes Frères

Décomposons ainsi

Vingt Quatre divisions

Réparties en Trois tiers

Travail, prière et Don

De Soi et pour ses Frères

Ainsi cet autre Temps

Fait que jamais ne sonne

Le glas des enterrements

Qu'apporte le temps des hommes

Ce temps de l'Ignorance

Et des questions pratiques

Le temps des métaux rances

Et leurs effets tragiques

Ignorance, Ignorance, Ignorance

Condition chez l'Homme première
Sans cesse nous voile mes Frères

Les Lumières Maçonniques

  Bien que La Vigilance
Exercée sur nous-mêmes
Avec la Bienveillance
De ces Frères qui s'aiment
Éloigne de nous la souffrance

Et soude notre Chaîne

Ainsi ce Temps sacré
Oh concrète révélation
Est le plus négligé
Par nous mes Compagnons
C'est bien vers ce qui tue
L' éclat de nos mystères
Que notre temps vécu
Est employé á faire
Ce que Saint Jean dit triste
Ces travaux de l'orgueil et l'avoir
Que lui l' Évangéliste
Dénonce comme miroir
Aux Illusions desquelles
L' éclat de nos savoirs
Inscrits en ce Rituel
Nous convie au partage
Et la Célébration
Puisque nous avons l' Âge
Et toutes les conditions
Je vous invite avec moi
Au Temps du recueillement
Celui qui précède le Soi
La Chaîne et son Serment
Le Verbe ici s'efface
En mémoire de celui
A qui nous rendons Grâces
Pour ce bienfait : la VIE
Qu'aucune durée n'efface
Car ce Temps-là mes F:. amis
Ennemis et toi qui passes
Ce Temps sacré
Est l'Instant de ta vie.

Mes F:.je veux ce soir
Témoigner par ces vers
Qu'il n'est jamais trop tard

Pour s'évertuer à bien faire.


Comme vous le faites en Loge
Évitez que le Temps passe
A faire votre disgrâce
Drapez-vous d'une Toge
De vertu opiniâtre
Bâtissez votre Loge
Mettre des buches en l'âtre
La flamme ainsi nourrie
De votre effort personnel
Dissipera les brumes
De votre Rituel
Aimez Aimez vos F:.
Au-delà de la raison
Car c'est le temps symbole
Seul ou nous vivons

 

Egidio LUZ FERREIRA

LE TEMPS

Louis MASSIGNON « Le catholique musulman »

 

 

Cette récente biographie est importante à plusieurs titres. Elle permet, à une époque où le dialogue islamo-chrétien est souvent à la peine, de s’intéresser à nouveau à celui que Pie XI surnommait le « catholique musulman » et que Jacques Berque désignait comme le « cheikh admirable ». Louis Massignon est en effet un grand témoin et acteur du XXème siècle.

 

Très accessible, l’ouvrage offre un regard panoramique sur l’itinéraire de ce personnage complexe, grâce à l’apport de sources qui n’étaient pas disponibles jusqu’à présent. Ses huit chapitres approfondissent les multiples facettes du personnage (professeur au Collège de France, islamologue, historien, linguiste, sociologue, aventurier, diplomate, écrivain, homme engagé et grand chrétien) en s’attachant à faire émerger les influences, les tournants et les ruptures dans sa vie et à révéler la manière dont il a été « agi » par l’objet de ses recherches, notamment le persan soufi Mansur al -Hallaj.

La vie de Louis Massignon (1883-1962) offre une amplitude exceptionnelle et en fait l’un des plus fascinants savants et penseurs français du siècle dernier.

 

Il perd sa foi catholique en 1903 mais la retrouve à l’occasion d’une crise mystique en 1908, en Irak. Il dit s’être « refait chrétien » par la découverte de Hallaj, saint soufi et martyr, qui restera un phare, sa vie durant. Massignon a joué un rôle de premier plan en faveur d’une meilleure connaissance de l’islam, dans le monde académique comme dans la société civile. Il a vécu un monde (y compris musulman) dans sa première moitié du XXème siècle, aujourd’hui totalement bouleversé. Il n’aurait jamais pu imaginer le terrorisme islamique que nous connaissons. Pour lui, le jihad était une notion digne et vertueuse, qui signifie d’abord l’effort que l’on doit faire soi-même pour maîtriser ses désirs et s’engager dans la voie d’une purification spirituelle. Où qu’il soit, il doit aujourd’hui regarder notre monde avec beaucoup de tristesse….

Il a joué un rôle-clé pour faire connaître et valoriser les études académiques de l’islam et notamment du soufisme, branche mystique de l’islam très peu connue à son époque, et même encore aujourd’hui.

Nommé professeur au Collège de France où il occupera la chaire de sociologie et sociographie musulmane de 1926 à 1954, il entame une brillante carrière universitaire ; il fréquente les grands penseurs de son temps : Charles de Foucault, Claudel, Bernanos, Huysmans, Mauriac tout comme Malraux, Sartre ou Camus dans un autre registre.

Il découvre la notion d’hopitalité, dont il fait une vertu cardinale, et qui pour lui est la « concentration de toutes les œuvres de miséricorde du christianisme ». L’autre, quel qu’il soit, doit être accueilli, bien traité, considéré, nourri. Il s’appuie sur toute la geste d’Abraham, l’ancêtre fondateur, qui selon la bible et selon le Coran, aurait reçu trois étrangers qui passaient devant sa tente sous le chêne de Mambré. C’est une hospitalité fondatrice, car c’est à ce moment que ces trois personnages, que l’on dit être des anges, ont annoncé la naissance d’Isaac. Massignon est très fortement frappé par ce sens de l’hospitalité orientale, présente aussi dans le judaïsme et le christianisme oriental, et qui restera pour lui toute sa vie une valeur clé : « Pour comprendre l’autre, il ne faut pas se l’annexer mais devenir son hôte ».

 

Loin d’être un pur esprit, il applique ses recherches à sa vie pratique et quotidienne : créant par exemple un pèlerinage islamo-chrétien en Bretagne, dédié aux sept dormants d’Éphèse, des saints que l’on connaît aussi dans le Coran (voir plus bas). Alors qu’il était professeur au Collège de France, il allait enseigner le soir à des ouvriers immigrés dans les bistrots de la banlieue parisienne.

Il a entrepris ainsi nombre d’actions sociales, spirituelles voire politiques, en soutenant l’accueil des réfugiés palestiniens chassés par la création de l’État d’Israël, il fut aussi très actif aux côtés des grands acteurs du « tiers- mondisme »

Ce positionnement a fait sa force, mais aussi sa faiblesse. En effet, son orientation scientifique était pétrie de ses valeurs, de ses convictions politiques ou religieuses. Sa mystique a souvent gouverné ses actions politiques. Il est indéniable qu’il est un des pères fondateurs de l’islamologie française, mais en même-temps il appréhendait l’islam avec un prisme chrétien. Pie XI qui le soupçonnait de s’être converti à l’islam, le qualifiera lors d’une audience de « catholique musulman ». Beaucoup croient d’ailleurs encore à cette conversion, ce qui est faux. Entré dans le Tiers Ordre Franciscain (proche de l’oblature) il sera ordonné prêtre dans le rite grec-catholique (église melchite orientale) en 1950, par dérogation du pape car marié depuis 1935… mais ce rite admet le mariage des prêtres. Il était plutôt un « transversal, multiple, un homme de l’entre-deux, de l’interstice »… Au nom de sa mystique abrahamique de réunion, de réconciliation, il sut franchir les frontières religieuses, ce qui a été et peut être vu comme une ambiguïté.

 

Louis Massignon a sans doute à nous dire aujourd’hui au sujet de l’islam, en particulier qu’il ne faut surtout pas tomber dans le piège du réductionnisme, en regardant l’islam comme un bloc qui incarne la peur de l’altérité religieuse. Nous sommes matraqués par des événements tragiques et sordides, réels, mais qui risquent de créer de la confusion et d’assimiler la grande majorité des croyants musulmans à la mince proportion de fous de Dieu. L’islam est une constellation de couleurs, d’écoles et de différences culturelles immenses qu’on ne peut pas réduire à un seul mot.

 

Il a ainsi dédié sa vie de chercheur et de croyant à la compréhension de cette religion autre, déjà mal perçue à l’époque.

 

Théodore MONOD écrivait dans son épitaphe le 31.10.1962 : « Saint pour certains, prophète doté d’un charisme mystique incontournable et déroutant, il a marqué son temps, fait avancer les consciences envers l’altérité religieuse et marqué plusieurs générations via ses disciples dévoués » et Louis ARAGON « un des hommes qui signifie la France vient de disparaître ». Plus tard en 1983, l’écrivain Tahar BEN JELLOUN écrivait : « Louis Massignon a réussi incontestablement à changer la manière de comprendre l’islam. Il a su montrer la présence, dans cette religion, d’un mysticisme actif, nourri de souffrance, de poésie et compassion ».

 

Son islamophilie peut détonner en cette période où l’islam devient de plus en plus synonyme de menace, voire du fanatisme de « grand remplacement ». Sans tomber dans l’hagiographie ou la « prophétisation », la vie de MASSIGNON est un modèle, en tout cas un phare dans l’obscurantisme ambiant. Enrichie de nombreux documents visuels inédits, (issus pour la plupart de la collection de la famille Massignon), cette biographie redonne toute la modernité et l’importance qu’il mérite à cet extraordinaire « passeur interreligieux » dont le nom vient d’être attribué à une chaire consacrée à l’enseignement du fait religieux à Sciences-Po Paris.

 

Le Pèlerinage des 7 saints : Cette biographie tire sa source de travaux entrepris par Manoël PENICAUD dès 2000 sous la direction de Bruno ETIENNE, sur le pèlerinage qu’effectuent des confréries soufies Regraga, descendantes de sept saints chrétiens qui auraient rencontré de son vivant le prophète Mohamed à la Mecque. Elle aboutit en 2010 à une thèse de doctorat d’anthropologie « Le réveil des 7 dormants. Un pèlerinage islamo-chrétien en Bretagne ». En effet MASSIGNON découvre en 1951, l’existence du pardon des Sept Saints dans les Côtes d’Armor ; il est frappé par la résonance entre la gwerz (Ballade, complainte bretonne) et la sourate de la caverne, et projette alors d’organiser un rassemblement islamo-chrétien, qui se déroule pour la première fois le 25 juillet 1954 devant la crypte-dolmen de la chapelle du Vieux-Marché, proche de Lannion. L’objectif de ce pèlerinage de réconciliation est double : comportant une dimension politique visant à promouvoir une paix sereine en pleine guerre d’Algérie et une dimension spirituelle et eschatologique, visant à préparer la fin des temps.

 

Le pèlerinage se perpétue dans ce hameau breton chaque quatrième week-end de juillet depuis bientôt 70 ans, au-delà de la disparition de Louis MASSIGNON en 1962 (il est enterré dans le cimetière de Pordic, où son père avait fait construire une maison) ; le dernier rassemblement ayant eu lieu le 25 juillet 2019.

 

Jean-Bernard LALANGE.

 

 

Manoël Pénicaud est anthropologue, chargé de recherche au CNRS et spécialiste des relations interreligieuses. Il a publié plusieurs ouvrages, dont Lieux saints partagés (Collectif, Actes Sud -Mucem, 2015), Le réveil des Sept Dormants. Un pèlerinage islamo-chrétien en Bretagne (Cerf, 2016), Coexistences (Collectif, Actes Sud-MNHI, 2017). Il est aussi l’un des commissaires de l’exposition Lieux saints partagés présentée à Marseille, Tunis, Paris, New-York, Istanbul…

 

Louis MASSIGNON « Le catholique musulman »- Manoël Pénicaud – 450 – Pages – 23,90 €- Éditions Bayard.

Pèlerinage des Sept Saints Dormants au Vieux-Marché 22

Pèlerinage des Sept Saints Dormants au Vieux-Marché 22

Manoël PENICAUD au Vieux-Marché (Photo Journal Le Télégramme)

Manoël PENICAUD au Vieux-Marché (Photo Journal Le Télégramme)

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Un lecteur du Blog  Christian  F me transmet cette chanson sur le Temps 

 

Le temps

Couplet 1

Mon cœur comme un oiseau                                 voltige dans les airs, désert

Le temps nous est compté                                     il se moque de nous, sur terre

L’horloge sonne le tempo                                      et chuchote « Souviens-toi, mon frère »

Les heures sont remontées                                    les dieux surfent enfin, la mer

 

Refrain :

Mon esprit divague

Mon esprit sauvage

Les minutes s’agacent

Mon esprit divague

Mon esprit sauvage

Les minutes s’effacent

Mon esprit divague

Mon esprit sauvage

 

Couplet 2

 

Mon âme comme un poisson                                sublime les eaux, de feu

Nos beaux jours se dispersent                               nos secondes s’envolent, mon vieux

Une clepsydre se déverse                                      mon discours se termine, si peu

Je remonte le carillon                                            nos pensées s’évaporent, adieu !

 

Refrain

Solo


 

Couplet 3

 

Bonheur au Nirvana                                                j’ai le souffle coupé, amis

Le sablier sur nos vies                                             je regarde l’enfance, merci

Avec le temps va tout s’en va                                  et moi je rêve, d’ici

Capturer ce temps par l’esprit                                 faire de cet instant, le paradis          

 

Refrain

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Publié le par Jean-François Guerry
TOURNER SON REGARD VERS L'ORIENT

TOURNER SON REGARD VERS L’ORIENT

 

 

Quand la loge est dûment couverte, quand le silence règne, que les ouvriers sont à leur place, quand les mots, les signes sont connus. Les regards se tournent vers la Lumière de l’Orient.

Alors le passage est ouvert, des ténèbres vers la Lumière, la tension se fait vers le sacré.

 

S’agit-il d’un rite de l’Égypte ancienne, un mystère de la Grèce antique, un rite cosmique, chaque tradition a ses rites propres, mais ils sont tous éclairés par la même Lumière, ils proposent au cherchant la Connaissance.

 

Chaque tradition transmet sa Connaissance initiatique, le soleil lumière et feu se lève chaque matin à l’aube, l’esprit s’éveille sous l’effet de sa chaleur, il brûle du désir de connaître.

 

Intrigué par l’article de Roger Dachez paru récemment dans le 8ème Cahier de l’Alliance la revue de la Grande Loge Maçonnique de l’Alliance Française, avec le titre de : « Sous le signe d’Harpocrate ». Harpocrate qui n’est en fait que la représentation grecque de l’enfant dieu Horus fils d’Isis et d’Osiris les personnages légendaires d’Égypte. Horus fait le signe du silence bien connu des Francs-Maçons.

Bien sûr ce n’est pas le doigt posé sur la bouche qui nous intéresse, mais le silence nécessaire au secret et au mystère du sacré. Le silence pont à franchir, exercice indispensable à la méditation spirituelle.

Le silence ouvre donc la porte vers le sacré, le sacré qui est partout et en tout et que pourtant nous ne voyons pas. Le sacré qui est relié au divin, est l’Ein sof des Kabbalistes, l’Or spirituel des alchimistes, et peut-être l’humus qui fait l’homme et l’humanité ?

Le sacré féconde l’homme intérieur, l’homme spirituel, j’en reviens naturellement à Horus l’enfant dieu, conçut sur les bords du Nil, du fleuve sacré des égyptiens, ou sur les bords du Gange, de l’Euphrate, de l’Amazone, du Jourdain, peu importe…

Isis a rassemblé les morceaux épars d’Osiris son mari et son frère à la fois, la chair avait quitté ses os, tout était désuni, il lui fallait retrouver l’unité, fût-ce avec des mots substitués, retrouver une forme de verticalité, Isis la veuve mythique voulu un enfant à l’image Osiris.

OSIRIS

Elle parvint grâce au rayon de lumière provenant des yeux d’Osiris et grâce à sa tendresse et la force de son amour, redonner à Osiris tout son éclat. Ce rayon de lumière en Z fit renaître la splendeur d’Osiris il réapparu plus radieux que jamais dans son fils Horus. Ainsi Horus fût l’enfant de la veuve, l’enfant de la Lumière.

 

Une autre légende raconte que Horus naquit sous la forme d’un faucon protégé et mis au secret sous les ailes déployées de sa mère, transformée en rapace, elle le protège dans les roseaux du fleuve.

 

L’enfant dieu Horus est alors représenté sous la forme d’un faucon et son œil son symbole emblématique. L’œil central devient ainsi la représentation du principe divin, l’œil du cœur. Cet œil différend des yeux liés à la lune et au soleil. Ce qui fit dire à Saint-Exupéry : « L’essentiel est invisible pour les yeux, les yeux sont aveugles il faut chercher avec le cœur. »

ISIS ET HORUS

L’œil divin, sacré d’Horus, l’œil du cœur qui permet de voir l’invisible. René Guénon le situe au centre du triangle maçonnique. Il est unique, immobile selon Platon, c’est l’œil de l’âme, l’œil de la Connaissance.

 

Les Égyptiens pratiquaient le culte du soleil, les francs-maçons se déplacent dans le sens solaire, le frère Goethe voyait aussi cet œil solaire, cet œil de la Lumière :

« Si l’œil n’était pas de nature solaire. Comment pourrais-tu apercevoir le soleil ? »

 

L’œil central du delta lumineux, est le principe réunificateur, il préside aux travaux qui se font à la Gloire du Grand Architecte, travaux qui visent à régénérer l’unité en nous, à réunir ce qui est épars.

C’est bien avec ce troisième œil, cet œil intérieur, que l’on passe du visible des apparences à l’invisible du réel. Jacques Rolland dans « Symbolisme Maçonnique de l’Ancienne Égypte » écrit :

« Ce troisième œil, permet alors de voir dans l’invisible, un peu à la manière du spectre de l’arc-en-ciel, où l’ultra- violet est absent, mais cependant présent. »

 

L’œil d’Horus permet de voir la réalité pure, débarrassée des impuretés profanes. Il devient l’œil de notre conscience, l’œil de la justice, cette justice qu’Isis que n’a cessé de réclamer Isis pour Osiris et Horus. Que nous demande la franc-maçonnerie si ce n’est de défendre la justice ..

 

Les rites de maquillage égyptiens et encore présents de nos jours sont-ils pratiqués pour attirer notre regard vers l’intérieur et ensuite répandre la beauté du cœur vers l’extérieur ?

L’œil au centre du delta lumineux maçonnique, inspire les travaux, incline à la pratique des exercices spirituels propres à faire jaillir la lumière intérieure, l’œil du delta, est-il comme l’œil divin d’Horus qui demandait aux scribes et aux Pharaons, de porter à l’extérieur du temple la lumière qu’ils avaient reçus à l’intérieur. De transmettre cette hiérophanie, cette manifestation du sacré, dans la société qui en avait besoin et qui en a encore besoin de nos jours. Je terminerais par cette remarque le signe du silence de Horus et son œil du cœur, peuvent-ils êtres comparés au silence de notre maître secret, notre maître intérieur et à cet œil descendu de l’orient et présent la bavette d’un certain tablier maçonnique.

 

Jean-François Guerry.  

TOURNER SON REGARD VERS L'ORIENT

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