Cambacérès : Maître d’œuvre de l’harmonie juridique
O E B
Septembre 6015
Je vous propose ici le portrait de Jean-Jacques-Régis Cambacérès, personnage éminemment important dans l’histoire de son époque et pourtant tellement méconnu, voire calomnié par ses détracteurs politiques, carrément inconnu même de certains puisque, lorsqu’en 1999 furent enfin publiés ses « Mémoires inédits », le Salon du Livre de Cabourg invita Jean-Jacques-Régis de Cambacérès à venir signer son dernier livre.
L’énumération de ses titres, tant civils que maçonniques, a de quoi donner le tournis.
Jugez-en :
Jurisconsulte, Conseiller à la cour des aides du Languedoc, Procureur-syndic du district de Montpellier, Président du tribunal criminel de l’Hérault, Député à la Convention, Président de cette assemblée puis du Conseil des Cinq-Cents, Président du Comité de législation puis du Comité de Salut Public, Ministre de la Justice, Second Consul, Archichancelier de l’Empire, assurant l’intérim lors des absences de Napoléon, Président du Conseil des Ministres, du Conseil d’Etat, du Sénat, du Conseil privé, du Conseil du Sceau des titres, membre de l’Institut dans la classe des Sciences morales et politiques, titulaire des plus hautes distinctions européennes et prince français, duc de Parme. Et aussi sociétaire de l’Académie Française, administrateur d’une vingtaine d’associations, sociétés, clubs dont la Société maternelle de l’Impératrice Marie-Louise. Voilà pour ses fonctions publiques.
A côté de cela, prieur de la confrérie des Pénitents Blancs de Montpellier, Grand Maître adjoint du Grand Orient de France, Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté, Grand Maître du Rite Ecossais Philosophique, Grand Maître des directoires écossais du Rite Ecossais Rectifié, Grand Maître du rite primitif de Narbonne, et Grand Maître du rite d’Heredom de Kilwinning.
La carrière publique de Jean-Régis Cambacérès débute en 1792, à l’âge de 35 ans pour s’achever en 1815 à l’âge de 58 ans.
Il ne connaîtra qu’une traversée du désert de 1797 à 1799.
La tradition historique n’a pourtant, jusqu’il y a peu, retenu de lui que ces caricatures et pamphlets parus en 1814, à la fin de l’Empire, l’alourdissant d’une morgue fastueuse et d’une homosexualité ridiculisée.
Ses frères eux-mêmes l’ont longtemps mal connu.
Le Grand Orateur du Grand Orient, à l’occasion d’une tenue funèbre commémorant le centenaire de son décès, n’hésitait pas à proclamer :
« Modéré par caractère, il eut le malheur d’être travaillé par une ambition d’autant moins pardonnable qu’elle s’accordait mal avec son défaut de courage et son goût pour les jouissances qui énervent l’âme et la privent de tout ressort ; sa soif du pouvoir et des richesses fit violence à ses inclinations naturellement douces. La peur, autant que ses vues ambitieuses, dictait presque toujours sa conviction. »
Dans le cadre de la collaboration qui me fut donnée à l’Anthologie, j’avais choisi Cambacérès car la période révolutionnaire m’a toujours fasciné.
Les travaux de recherche que j’ai effectué pour trouver le texte repris dans l’Anthologie me firent découvrir la centralité et la pérennité de Cambacérès dans la période révolutionnaire.
Notre homme naît à Montpellier le 18 octobre 1753, dixième enfant de Jean-Antoine et de Rose Vassal, dans une famille qui avait dû abjurer le protestantisme au siècle précédent.
A 19 ans, il s’installe comme avocat à Montpellier, mais ne plaide pas beaucoup. Il se consacre donc à l’étude des lois.
L’ascendance familiale explique sans doute que, dès avant l’âge de 20 ans, il est initié.
En 1772, on le trouve inscrit sur les tableaux de la loge anglaise Saint-Jean du Secret et de l’Harmonie à Montpellier, où il côtoie financiers, magistrats et entrepreneurs.
Son entrée rapide dans l’ordre ne s’explique pas seulement par ses antécédents familiaux.
En effet, en 1772, il est en opposition à la réforme judiciaire du Chancelier Maupéou et refuse d’intégrer la nouvelle magistrature proposée par le gouvernement. Il s’est agrégé à un groupe de magistrats réfractaires dont beaucoup sont maçons.
Par ailleurs, lui-même avait le désir d’échanger des opinions, de confronter des convictions, d’apprendre et de trouver des repères dans une société qui évolue.
Par ses contacts avec le médecin et chimiste Chaptal, il pouvait appréhender un monde scientifique qui remettait en cause tant de croyances.
Il reprend la charge de son père de Conseiller à la cour des aides du Languedoc.
Il voyage également beaucoup par tout le royaume, à Paris, Marseille, Bordeaux, où il fréquente de nombreuses connaissances tant familiales que maçonniques, nouant par sa participation aux activités maçonniques des relations avec un cercle étendu d’avocats et de financiers.
A Paris, il visite la loge des Neuf Sœurs et fait la connaissance de Condorcet. Il fréquente aussi la loge des Amis Réunis.
On discute beaucoup en ces milieux de la dernière affaire judiciaire, celle des trois roués pour laquelle le président du parlement de Bordeaux, soutenu par les membres des Neuf Sœurs, écrit un mémoire retentissant critiquant la législation criminelle et demandant la révision du procès. Cambacérès prend le parti des rénovateurs à la suite de Condorcet qui apprécie grandement ses compétences juridiques.
Mais bientôt survient 1789 et la suppression des privilèges et donc celle du statut des magistrats de la cour des comptes, aides et finances de Montpellier.
Dès l’année suivante, Monsieur de Cambacérès abandonne définitivement sa particule.
Jamais il ne la reprendra, même pas lorsque les plus grands honneurs seront les siens.
Jean Cambacérès est élu président du tribunal criminel de l’Hérault siégeant à Montpellier ; il est installé dans ses fonctions le 1 janvier 1792.
S’il ne se prononce pas publiquement sur l’abolition de la peine de mort, il l’évitera toujours lorsque cela sera en son pouvoir et ne la fera appliquer – mais alors sans hésitation – que si l’ordre public est troublé.
Cette présidence du tribunal criminel le marquera très profondément.
Le pouvoir de vie ou de mort qu’il détient l’oblige à une perpétuelle remise en cause.
Il écrira :
« Quand on juge les hommes, il ne faut jamais les séparer des événements »
Et aussi
« L’âme d’un fameux coupable ne diffère souvent de celle d’un grand homme que par l’objet vers lequel la fatalité l’a déterminé ».
Le spectre de Voltaire le hantera pendant toute cette année, aiguillonnant sa quête de vérité.
Bientôt élu député à la Convention, il arrive le 18 août 1792 à Paris.
Jean-Jacques-Régis Cambacérès doit se rendre à l’évidence : la passion partisane déborde même les convictions spirituelles.
Il devient cependant Président du Comité de Législation, et le jugement de Louis XVI occupe bientôt tous les esprits. Cambacérès essaiera plusieurs fois d’infléchir la procédure en faveur de l’accusé, en vain.
Appelé à voter, il se prononcera pour la mort avec sursis, fondant son propos sur l’absence d’intérêt politique :
« La mort de Louis ne nous présenterait aucun de ces avantages ; la prolongation de son existence peut au contraire nous servir. Il y aurait de l’imprudence à se dessaisir d’un otage qui doit contenir les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur.
A la confirmation du vote, il redira que le sien est contre la mort.
Par la suite, il votera pour le sursis puis, lorsque les jeux seront faits, il reprendra la parole à la tribune.
Tout étant consommé, il y proclamera la nécessité d’apporter des secours humains et spirituels au condamné.
Après thermidor, à partir de l’automne 1794, Cambacérès est au gouvernement de la France ; il se fait investir de la présidence du comité de Salut Public.
Ses qualités, comme ses qualifications, en font un incontournable de la direction du pays.
En charge de la politique extérieure de la France, il présente ainsi le traité de paix signé avec la Toscane :
« S’il existait en Europe, proclame-t-il, un droit des nations, des principes reconnus d’indépendance, de liberté de commerce et de navigation, s’il existait un plan contre l’ambition des puissances usurpatrices et une garantie pour la sûreté des états faibles, alors les conditions de la paix seraient facilement dictées et acceptées ; alors, nous n’aurions pas de guerre à soutenir. »
Dans ce même esprit d’éduquer l’opinion, il pousse la Convention à mettre sur pied un ensemble d’écoles spécialisées, que sont l’Ecole Normale, l’Ecole des Langues Orientales, l’Ecole Polytechnique, les Ecoles de Santé et les Ecoles Centrales, futurs lycées napoléoniens.
Avec son ami et frère d’Aigrefeuille, il assiste le 22 juin 1799 à la cérémonie marquant l’union entre le Grand Orient et la Grande Loge de France.
A cette tenue solennelle assistaient 29 officiers des deux obédiences, 3 officiers honoraires, 29 vénérables ou leurs représentants et 28 frères visiteurs.
Le mois suivant, à l’initiative de Sieyès, il devient ministre de la Justice.
Le 12 décembre 1799, Cambacérès devient deuxième consul de la République, second personnage de l’Etat après Bonaparte.
Sous le consulat, Bonaparte fera aboutir le projet de Code Civil, si cher à Cambacérès.
Le Code Civil de 1804 est le résultat d’une volonté de codification exprimée dès avant même 1789, par de grands personnages comme Louis XI, Dumoulin, Loisel, Colbert, Maupéou.
La codification est un moyen d’assurer la sécurité dans la vie juridique par une connaissance claire et rapide des règles applicables ; elle peut aussi être un moyen d’assurer l’unité du droit. Plus encore, en France, la codification avait pour objet de créer l’union nationale entre un Nord coutumier et un Sud de droit romain.
Mais pour autant il y a, en fait, deux conceptions de la codification :
- La première est une simple mise à jour,
- La seconde est beaucoup plus ambitieuse et volontariste en utilisant la codification pour refondre le droit, créer un nouveau droit et en faire un levier pour faire évoluer la société.
C’est bien cette seconde voie que les révolutionnaires veulent emprunter.
Cambacérès en sera le guide.
En juillet 1793, la Convention charge Cambacérès et le comité de Législation de préparer, dans le délai d'un mois, un projet de Code Civil.
Le 9 août, Cambacérès, avec une légitime fierté, donne lecture de son projet.
Son Code Civil (695 articles) est conçu selon deux grandes divisions : les personnes et les biens.
Après un examen partiel, la Convention abandonne la discussion.
Le 9 thermidor (27 juillet 1794), c'est la chute de Robespierre et la fin de la Terreur.
Dès le 24 thermidor, il prononce à la Convention un grand discours sur la direction à donner désormais à la Révolution, dans lequel il s'efforce de faire prévaloir le principe: "Ni réactionnaires, ni terroristes".
Peu après les événements de thermidor, il présente à la Convention le 23 fructidor an II (9 septembre 1794), son deuxième projet de Code Civil, bref et succinct (287 articles), selon une division ternaire : les personnes, les biens, les obligations.
Après la discussion d'une dizaine d'articles, le projet est renvoyé devant une Commission, où il s'enlise, deuxième échec.
Un troisième projet sera demandé au Comité de Législation, que préside Cambacérès, mais il sera, une nouvelle fois, rejeté.
Après Marengo, Bonaparte dit à Cambacérès : "Vous avez fait plusieurs codes ; Ne pensez-vous pas qu'il serait utile de les refondre et de présenter au Corps Législatif un projet qui fût à la hauteur des idées du siècle et digne du gouvernement ?".
A la suite de cette conversation, Cambacérès communique au Premier Consul les trois projets qu'il avait présentés aux assemblées en août 1793, en l'an II (1794) et en l'an IV (1796).
Bonaparte, après les avoir lus, complimente Cambacérès : "Il y a là un esprit d'analyse dont j'ai été satisfait"
Et, au sujet de leur refonte, il lui dit : "Indiquez-moi des hommes qui soient en état de faire ce travail et rédigez un arrêté".
C'est dans ces conditions qu'une commission préparatoire est nommée par arrêté des Consuls du 24 thermidor an VIII (12 août 1800).
Elle comprenait quatre membres : Tronchet, Bigot de Préameneu, Portalis et Maleville.
Les travaux de cette commission seront présentés au Conseil d’Etat.
Entre le 17 juillet 1801 et le 21 mars 1804, il y eut 109 séances : 57 présidées par Bonaparte, 52 présidées par Cambacérès.
Bien entendu, Cambacérès organise tous ces travaux. En l'absence du Premier Consul, il préside, remarquablement, les séances du Conseil d'Etat.
Bonaparte disait : "Cambacérès fait l'avocat général : il parle tantôt pour, tantôt contre" (Thibaudeau, Mémoires sur le Consulat, p. 415)
Et c'est encore lui, Cambacérès, qui propose, lors de la séance du conseil d'Etat du 19 ventôse an XII, de réunir les trente six lois en "un seul corps de lois", sous le titre de "Code Civil des Français", ce que fit la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804).
Le Code Civil comprenait un titre préliminaire concernant la publication, les effets et l'application des lois en général et trois livres consacrés aux personnes, aux biens et aux différentes manières dont on acquiert la propriété. Il n'y avait qu'une seule numérotation, pour l'ensemble des articles, soit 2281 articles.
D'autre part, sur la proposition de Maleville, appuyée par Cambacérès, la loi du 30 ventôse an XII, en son article 7, abrogeait en bloc l'Ancien Droit : "A compter du jour où ces lois sont exécutoires, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales et locales, les statuts, les règlements cessent d'avoir force de loi générale ou particulière dans les matières qui sont l'objet desdites lois composant le présent Code".
Ainsi, l'œuvre d'unification législative, qui allait s'appliquer à tous les Français, était accomplie.
De la combinaison de ses deux textes, l’abolition de tous les textes précédents et l’approbation d’un nouvel ensemble structuré, la 2nde voie de la codification est atteinte.
« Créer un nouveau droit et en faire un levier pour faire évoluer la société »
Par ce code, Cambacérès a construit l’ordre sur le chaos, suivant la devise du nouveau rite écossais ancien et accepté, « Ordo ab chao », adoptée à peine trois ans auparavant à Charleston.
Ce Code Civil des Français qui devait, en 1807, prendre la dénomination de "Code Napoléon", était d'une grande unité, clair et précis.
Il maintenait les réformes essentielles de la Révolution (notamment le caractère absolu du droit de propriété et l'égalité dans les successions) et faisait un choix judicieux entre les solutions de l'Ancien Droit.
Cette conception était féconde.
Il suffit de rappeler, à cet égard, la remarquable construction jurisprudentielle élaborée à la fin du XIXème siècle et au début du XXèmesiècle pour la protection des victimes d'accidents provoqués par les machines et, en particulier, par les automobiles, sur la base d'une disposition de l'article 1384, al. 1er du Code Napoléon :
"On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait... des choses que l'on a sous sa garde".
En vérité, il représentait "une œuvre de transaction, de sagesse et d'équilibre".
Sa rédaction était particulièrement soignée.
On sait que Stendhal, dans une lettre à Balzac en date du 30 octobre 1840, observait :
"En composant la "Chartreuse", pour prendre le ton, je lisais chaque matin deux ou trois pages du Code Civil..."
Le Code Civil était une œuvre de praticiens.
Selon François PAPILLARD : "Ce fut un travail d'équipe gigantesque et la volonté d'aboutir fut, chez Cambacérès, exceptionnelle ; Il consacra le meilleur de son temps et de ses forces à cette œuvre immense qui fut sienne ; Il y apporta, corps et âme, toute son érudition, doublée d'une rare expérience du droit, des affaires et de la politique"
Dès les premières séances du conseil d'Etat, Cambacérès avait demandé que l'on écartât l'exposé de principes abstraits :
"Tout ce qui est doctrine appartient à l'enseignement du droit et aux livres des jurisconsultes".
Par ailleurs, comme Portalis, il voulait laisser à la jurisprudence son rôle traditionnel, qui est d'appliquer les règles de droit en fonction des nécessités mouvantes de la pratique et de la vie.
Napoléon était très fier de son Code Civil. Il dira à Sainte-Hélène :
"Ma vraie gloire, ce n'est pas d'avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires.
Ce que rien n'effacera, ce qui vivra éternellement, c'est mon Code Civil".
Au cours du XIXème siècle, le Code Civil de 1804 eut un très grand rayonnement et une influence profonde en Europe.
En Belgique et au Luxembourg, il est encore, en grande partie, en vigueur.
Le Code du Royaume des Deux-Siciles de 1819 s'en inspira, mais également le Code néerlandais de 1837, le Code Neuchâtelois de 1855, le Code roumain de 1864, le Code italien de 1865 ou encore les codes portugais (1867) et espagnol (1889).
L'État de Louisiane utilisa le Code Napoléon comme source de base de son propre code, le Digeste de la loi civile de 1808, de même que le Code civil haïtien de 1826 et le Code Civil du Bas-Canada de 1866.
Au XIXème siècle, tous les pays d'Amérique latine s'inspirèrent du Code Napoléon dans leurs codifications civiles, en particulier à travers l'œuvre d'Andrés Bello, auteur du Code civil du Chili (1855).
Le Code civil fut également utilisé dans les Grand-Duchés de Bade et de Berg ainsi qu'en Rhénanie, occupée par la France de 1800 à 1814, puis rattachée à la Prusse, jusqu'en 1900.
Ainsi le Code Civil avait aussi des influences sur le BGB (Code civil allemand).
Le grand-duché de Varsovie, créé par Napoléon pour redonner un État aux Polonais en 1807, conserva le Code civil jusqu'en 1946. La ville libre de Cracovie appliqua le Code civil jusqu’en 1946.
Le Code civil fut enfin introduit par la France dans la plupart des pays qui ont composé son empire colonial. Cela a contribué à lui donner un rayonnement dans toutes les parties du monde.
Ainsi, l’Afrique du Nord, l'Afrique noire française et certains pays d'Asie ont adopté le Code civil et l'utilisent encore.
Le Sénégal a réformé récemment le Code civil et le nouveau texte reprend pour la plus grande part le code français.
En 1803, Cambacérès poussera à la création du corps des auditeurs au Conseil d’Etat, officiellement chargés d’aider les ministres et directeurs auprès desquels ils seront placés, utilisant ce temps comme un apprentissage de la fonction publique.
Très profondément imprégné de culture maçonnique, qui met en avant la formation par la transmission de l’expérience du maître, il veut ainsi éduquer et préparer de jeunes hommes à la haute administration et au gouvernement.
Remarquons d’ailleurs que ces auditeurs, lorsqu’ils seront admis à assister aux réunions du Conseil devront, comme les apprentis en loge, garder le silence.
En 1804, lorsque l’Empire se dessine et que l’on discute de la création des dignités princières, le second consul dira : « je pars ».
Il fait preuve d’une froide fermeté, ne craignant pas, comme cinq ans auparavant, de rentrer dans la vie civile et d’y reprendre ses activitésau service des milieux d’affaires.
Bonaparte, craignant de perdre celui qui fut le maître d’œuvre de l’édifice de l’Etat, lui fera miroiter le rôle de conseiller sincère qu’ilpourra continuer à jouer près de lui, et le fait qu’il pourra encore servir son pays.
Bonaparte le nomme Archichancelier de l’Empire et lui adresse la lettre suivante :
"Citoyen consul, votre titre va changer ; Vos fonctions et ma confiance restent les mêmes. Dans la haute dignité d'archichancelier de l'Empire dont vous allez être revêtu, vous manifesterez, comme vous l'avez fait dans celle de consul, la sagesse de vos conseils et les talents distingués qui vous ont acquis une part aussi importante dans tout ce que je puis avoir fait de bien. Je n'ai donc à désirer de vous que la continuation des mêmes sentiments pour l'Etat et pour moi".
Lorsqu’il est en campagne à l’étranger, Napoléon laisse le soin à Cambacérès de gouverner la France.
Après le divorce de Joséphine, et sur le choix d'une nouvelle épouse pour Napoléon, Cambacérès se prononce pour une princesse russe.
Son argumentation, rapportée par Pasquier, est remarquablement perspicace:
"Je suis moralement certain qu'avant deux ans nous aurons la guerre avec celui des deux souverains dont l'Empereur n'aura pas épousé la fille. Or, la guerre avec l'Autriche ne me cause aucune inquiétude et je tremble d'une guerre avec la Russie ; Les conséquences en sont incalculables...".
Effectivement, après le mariage de Napoléon avec l'archiduchesse Marie-Louise, les 1er et 2 avril 1810, c'est la campagne de Russie de 1812, qui se termine par une désastreuse retraite. Dans les neiges et le froid de l'hiver russe, les grognards disaient avec tristesse : "Il ne fallait pas qu'il quittât sa vieille : elle lui portait bonheur et à nous aussi...".
En juin 1814, il fait savoir aux diverses obédiences maçonniques qu’il démissionne de toutes ses charges et dignités « pour des raisons de santé et de voyage » et souhaite ne plus être qu’un simple frère.
Le 1er juillet, une députation du Grand Orient essaiera, mais en vain, de le faire revenir sur sa décision.
Le 1er mars 1815, un coup de tonnerre : Napoléon débarque à Golfe-Juan et l'Aigle vole de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre Dame.
Cambacérès ne désire pas revenir aux affaires.
Le 8 mars, il déclare à Carnot: "Je tiens à être oublié ; Que Napoléon me laisse à l'écart. J'ai promis au Roi de ne pas bouger".
Qu'à cela ne tienne : l'Empereur le nomme à nouveau archichancelier de l'Empire et le charge provisoirement du portefeuille de la Justice.
La seconde Restauration se montre sévère pour Cambacérès :
Il perd ses dotations, doit s'exiler comme régicide (la mesure s'appliquait également à ceux qui, comme lui, avait voté conditionnellement la mort de Louis XVI) et il est exclu de l'Académie française.
Il se rend à Bruxelles, où il descend à l'hôtel Wellington, avec Lavollée et deux valets de chambre, puis à Amsterdam.
En 1818, il est autorisé à rentrer en France.
Le 28 mai 1818, le roi Louis XVIII lui confirme son titre de duc et, le 24 juin, sa dignité de grand-croix de la Légion d’Honneur.
Le Roi, ainsi, fait amende honorable et l’invite à rentrer en France.
Decazes, futur Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France n’y est pas étranger.
Pourtant Cambacérès ne regagnera Paris que le 4 décembre.
C’est là que, le 8 mars 1824, il passera à l’Orient Eternel.
Pour conclure, il me semble que Cambacérès mérite bien mieux que la place qu’il lui est faite dans nos mémoires.
Il a été le trait d’union entre les grands esprits du Siècle des Lumières et la réforme institutionnelle que permit la période révolutionnaire.
Le Code Civil dont il est la cheville ouvrière est un des piliers de l’esprit des Lumières au même titre que la Déclaration des Droits de l’Homme et des Devoirs du Citoyen.
Il a été le fédérateur de la maçonnerie française et européenne.
Enfin, pour finir, je vous renvoie à l’Anthologie maçonnique pour y découvrir ou y relire son discours prononcé à la Convention le 23 fructidor an II, pour présenter son 2ème projet de Code Civil dans lequel vous pourrez vous rendre compte de la clairvoyance et de profondeur d’esprit de cet homme dont le travail législatif est toujours d’actualité plus de deux siècles après l’avoir mis en œuvre.
J’ai dit.
Après le confinement vous reprendrez surement la route sur les routes et les chemins peut-être en Bretagne, il vous faudra un guide pourquoi pas un itinéraire vers la Lumière et la connaissance des vitraux, c’est ce que vous propose Bernard Rio.
Jean-François Guerry.
La Bretagne conserve un exceptionnel maillage d’églises et de chapelles. Ce patrimoine culturel et cultuel fait la part belle aux saints topiques lesquels sont honorés et associés à des rites spécifiques. Saints bretons et pardons figurent ainsi en bonne place dans les vitraux de la Bretagne historique. Ce serait néanmoins une erreur de réduire l’art du vitrail aux seules représentations de la foi chrétienne et de la religion populaire. Les sanctuaires renferment des trésors qui relèvent à la fois de l’art et de l’histoire.
Depuis le XIIIe siècle jusqu’à nos jours, les vitraux illustrent les heures de gloire et les drames de la société. Cet art qui joue avec les lumières et les couleurs reflètent un temps à la fois profane et sacré. Il met en scène à la fois le faste des princes et les merveilles accomplies par les saints magiciens, la quête du Graal et le mystère des Templiers, la Passion du Christ et les passions humaines, la liesse des mariages et la croyance dans l’au-delà. Ils célèbrent les faits d’armes accomplis pendant les guerres, celles de Cent Ans, de Sept Ans et de la Ligue, celles de 1870, de 1914-1918 et de 1939-1945, ou plus tôt encore lors des invasions vikings et des luttes incessantes des Bretons contre les Francs. Ils commémorent les massacres de la Révolution, les naufrages et les épidémies. Ils célèbrent les moissons, les pêches miraculeuses et les expéditions lointaines.
C’est toute l’histoire de la Bretagne qui est ainsi conservée dans les verrières qui se révèlent être des fenêtres lumineuses sur le passé et des invitations à la légende. L’Ankou à Plémet, le roi Arthur à Tréhorenteuc et la fée Mélusine à Fougères côtoient la duchessse Anne à Dinan, Jacques Cartier à Saint-Malo, les connétables Olivier de Clisson à Josselin et Bertrand Du Guesclin aux Iffs. Saint Ronan affronte la sorcière Keben à Locronan, le spectre de saint Aubin chasse les envahisseurs normands à Guérande tandis que des druides coupent le gui sous le regard des vestales à Penvenan… Bernard Rio nous ouvre les yeux sur un trésor inédit et un spectacle hors du commun. Il entraîne le lecteur à une immersion dans deux mille ans d’histoire bretonne.
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