RECENSION : Le Cahier de l’Alliance N°14 – La Mort au présent. Face à l’éternel Orient.
La Franc-Maçonnerie est une tradition vivante dans sa forme spéculative elle a plus de 300 ans. Sa méthode le symbolisme de la construction, permet à l’homme de se construire, de vivre un peu mieux cet espace-temps entre la naissance et la mort. Elle nous prépare à mieux accepter la mort. L’initiation maçonnique est une métamorphose intérieure, une succession de morts et de régénérations, car rien ne meurt tout se transforme. La mort physique est inéluctable et factuelle celle de l’esprit et de l’âme fait partie des mystères inaccessibles à la raison humaine, elle ouvre le champ des croyances et des doutes. Le Frère Goethe contemplant les Collines éternelles nous a légué cette injonction meurs et deviens dans les deux premières strophes de Chant et figure dans Le Divan Occidental et Oriental. Un appel à la métamorphose de l’être intérieur, dans les pas d’Hermès Trismégiste le dieu de l’alchimie ou encore du poète lyrique grec Pindare, adepte de l’Eunomie grec c’est-à-dire le bon ordre. Pindare qui finalise si j’ose dire l’injonction par son : Deviens ce que tu es… Ainsi la mort symbolique, fait partie de l’initiation qui permet de passer du monde des apparences au monde réel indestructible celui de l’esprit. Quand la chair quitte les os, l’homme renaît plus radieux que jamais. Notre société individualiste et matérialiste a oublié de vivre réellement, elle a oublié la vie de l’esprit. Nous sommes dans un déni de la mort physique, nous voulons prolonger sans fin la vie physique, jusqu’à réduire, oublier la célébration de nos morts, la peur de la mort nous angoisse.
La Franc-maçonnerie avec ses outils symboliques, ses mythes et légendes nous ouvre le passage du visible à l’invisible. Elle permet au myste de mieux comprendre sa vie et d’agir sue celle-ci jusqu’au seuil de l’Orient Éternel, vivre mieux, un peu mieux. Apprendre à recevoir la mort et s’y préparer dignement. Après avoir célébrer la mort de Dieu et placé l’homme au centre du monde, nous n'avons de cesse que célébrer le corps et les apparences oubliant l’esprit qui anime l’âme. Nous sommes atteints par la démesure l’hubris tant redoutée des grecs. Le Franc-maçon s’efforce de chercher la mesure de toutes choses. Il ne recherche pas l’éternité de son corps dans un transhumanisme salvateur, où le paraître domine toujours l’être, où l’avoir dominant l’être fini par le déshumaniser.
Dans une société où les religions sont gangrénées par leurs extrêmes, une société où le sacré fait figure de sacrilège. Une société qui ayant peur de ses morts, disperse leurs cendres, ou sont passés les funérailles d’antan, les cimetières marins qui recueillent le souffle infini et le sel de la mer, dans cette amnésie générale il reste quelques femmes et quelques hommes qui n’oublient pas leurs anciens, dont l’esprit est toujours vivant dans les chaînes unions fraternelles, ainsi l’espérance demeure.
Le 14ème Cahier de l’Alliance sur le thème de la Mort au présent, face à l’Éternel Orient est marqué de cette espérance. Il participe à l’effacement de la peur de la mort, à sa célébration et son acceptation dans une forme d’ataraxie.
Dans son Avant-Propos au titre de On ne badine pas avec la mort. Fred Picavet le Grand Maître de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française. Il souligne que nous faisons le constat de la mort biologique, mais qu’en est-il de l’esprit et de l’âme après ce passage ? Il pose un certain nombre de questions : « Comment peut-on être mort puisque l’on n’est plus ». La mort est-elle simplement un changement d’état comme un autre ? Nous changeons tous les jours, la mort serait l’ultime changement d’état, un changement radical, une fin ou un commencement, ou les deux ? Fred Picavet écrit : « Cette quête de morts en renaissances successives, vers l’ataraxie, nous amènera inéluctablement vers l’Orient Éternel ». Le désir de transmettre avant sa mort, donne du sens à notre vie.
Le premier article au sommaire de ce cahier est signé par Gaston Paul Effa professeur de philosophie et Franc-maçon membre de l’Alliance Maçonnique. Le titre de son article est : « Les morts ne sont pas morts. ». Une invitation à changer notre regard sur la mort. Cela, dans l’instant me fait penser à Épicure et sa lettre à Ménécée qui développe à propos de la mort sa pensée concluant que ce n’est pas de la mort dont nous avons peur mais de l’idée de la mort.
G P Effa distingue trois moments, trois tournants de la pensée occidentale.
1°) – Le vivant perçus à l’aune de la nature : « La mort fait partie de la nature. »
2°) – Le tourant judéo-chrétien : « L’homme accepte facilement de mourir pour retourner à Dieu et mériter le paradis. »
3°) – L’homme né « de la mort de Dieu. » Se place au centre de l’univers. Prédominance de l’immanence et enlisement de la pensée occidentale.
« L’humanité a donc perdu le contact avec la nature et Dieu. » - « L’homme en s’éloigne de Dieu et de lui-même. »
Selon G P Effa, l’animisme comme contre philosophie ouvre la possibilité de renouer avec ce qui a été perdu.
Il nous propose d’observer : « La mise en ordre ou la cosmétique du vivant ». Dans un autre paragraphe il nous propose de découvrir : « L’éveil » - « Entre la naissance et la mort. » : écouter ce que nous dit la nature et ce que Dieu nous dit à travers la nature. G P Effa illustre cet éveil avec un poème qui commence par : « Lève les yeux, regarde les étoiles. » poème qui se conclut par : « Si je m’absente, c’est pour te souffler que la joie à son double dans ton cœur ».
Dans la conclusion de son article je perçois l’espérance du rien ne meurt….
Le deuxième article de ce Cahier est un entretien entre Marie de Hennezel psychologue, clinicienne et psychanalyste adepte de Jung, praticienne et pionnière de l’accompagnement des personnes en fin de vie, et Jean Dumonteil écrivain, directeur de la rédaction des Cahiers de l’Alliance.
Il est question dans cet entretien entre autres : « Du moment de mourir, du mal de mourir, de la peur de mourir. » Accentué par la solitude de celui qui va mourir. (Cela me fait penser dans l’instant à la Convention sur la fin de vie ; et des éventuelles propositions pour accompagner celle-ci. Alors que l’on déplore que les dispositions de la loi dite Leonetti de 2005, ne sont pas mis correctement en application manque de moyens et de formations, non accompagnement pour la rédaction des directives anticipées. On constate notre propension à voter un nombre incalculable de lois et leurs non applications dans les faits !)
Marie Hennezel nous parle de son expérience et de ses constats lors de son accompagnement des personnes en fin de vie.
Elle relate l’énergie des personnes en fin de vie, « de leur appétence relationnelle ». Ce qui interroge notre responsabilité dans leur accompagnement. Plus loin elle nous dit : « Ce qui sort de la bouche des gens qui vont mourir et qui le savent, c’est l’amour. » J’imagine la charge émotionnelle de ceux qui sont à leur chevet, cela ne peut que nous inspirer l’attention et le respect.
On ne peut pas, non on ne peut pas priver les personnes en fin de vie de l’assistance et de l’accompagnement, c’est inhumain ! (Cela s’est quand produit lors de la pandémie de la Covid 19, il faudra réfléchir à cette question.) Notre fraternité nous oblige au regard vers l’autre, à l’accompagnement de l’autre.
Jean Dumonteil, met en exergue l’indispensable humilité que nous devons avoir si nous voulons aider l’autre dans la fin de sa vie. Le bénévole « est simplement un humain face à un humain. » souligne avec son expérience Marie de Hennezel. Cet entretien est bien sûr bien plus riche d’idées et d’émotions, vous y découvrirez l’importance de « l’art de mourir », des références « à la vie de l’esprit. »
Une lecture qui incite à lever les yeux, j’ai ressenti la force et la nécessité de la chaine d’union fraternelle entre le mourant et son accompagnant, ainsi que l’indispensable pensée dans la chaîne d’union fraternelle en loge vers nos anciens passés à l’Orient Éternel, cette chaine mémorielle qui doit toujours clore nos travaux, c’est une manière déjà de porter en dehors du temple ce que nous avons reçus, ces dons déposés dans nos esprits et nos cœurs par nos ancêtres. Cette chaîne au double aspect humain et spirituel.
Le 3ème article est signé de François-Xavier Tassel praticien de l’urbanisme, chercheur universitaire, Grand Orateur du Grand Chapitre Français de la Grande Loge de l’Alliance. C’est article fleuve de 17 pages dont le titre est : « La mort pour décrypter nos sociétés. » La mort comme support, lien entre les hommes ?
À SUIVRE…
Jean-François Guerry.
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