Le symbolisme peut être défini comme la façon d’identifier en soi des schémas particuliers, en prenant appui sur ce que l’on appelle des symboles, c’est à dire des sentences, objets ou attitudes qui vont être les déclencheurs d’une signification originale, que l’on pourra attribuer d’emblée auxdits symboles. Cette voie a d’originale qu’elle ne peut pas s’ouvrir spontanément, et quelle offre la béance de notre intimité, avec tous les blocages culturels, philosophiques ou psychologiques, dirimants s’il en est : cet amalgame contre-nature peut venir s’insérer dans la mécanique symbolique, Ce constat éclairé conduira à une vision éclairée, plus aboutie, plus complexe aussi, conduisant à une pensée pour le coup mieux circonscrite, plus détaillée, calquée sur le mécanisme subtil du symbolisme dans ce qu’il a de didactique et d’émancipateur. Cette dynamique générale est celle qui nous est représentée au 24ème degré, sous la forme d’une triple déambulation identique dans le numéral, 6+1 pas vers l’avant, centrifuge (approche symbolique), 6+1 pas vers l’arrière, centripète (le ressac, le retour de flamme) et 6+1 pas vers l’avant de nouveau, centrifuge (l’amalgame) faisant office de structuration nouvelle par l’assemblage collecté d’éléments environnementaux et de vécu personnel. La dynamique qui vient d’être décrite n’est autre que celle qui permet de comprendre en quoi le symbolisme façonne le franc-maçon. En effet, le symbolisme peut être défini comme la façon d’identifier en soi des schémas particuliers, en prenant appui sur ce que l’on appelle des symboles, c’est à dire des sentences, objets ou attitudes, qui vont être les déclencheurs d’une signification originale, que l’on pourra attribuer d’emblée auxdits symboles. Il s’agit là d’un lien centrifuge : on définit par exemple à partir de l’image d’une pierre brute sa propre pierre brute.
Le premier mouvement est celui donc de la projection symbolique, où nous jetons notre dévolu sur un support chargé de sens : c’est ce que le rituel appelle au 24ème degré la première perspective, éclairée et structurée, portant l’attrait de la nouveauté, mais qui est aussi un rappel aux fondements de notre ordre, colonnes et pavé mosaïque ; c’est aussi la phase solaire dans laquelle nous trouvons le Lucifer d’avant la Chute. Mais le travail ne s’arrête pas là, car, à la façon du ressac de la vague contre une falaise, l’exposition de l’initié à aller de l’avant le conduit à s’ouvrir : dit autrement, ce lien centrifuge ouvre concomitamment une voie centripète, qui est celle de la recherche en soi. Cette voie est celle de tous les dangers, car en même temps que ce transfert a lieu, il ouvre simultanément un canal à l’intérieur de nous-mêmes, à la façon d’un ressac où se mêlent notre orthodoxie de pensée, et la nouveauté née de l’interprétation des choses. Cette voie a d’originale qu’elle ne peut pas s’ouvrir spontanément, et quelle offre la béance de notre intimité, avec tous les blocages culturels, philosophiques ou psychologiques, dirimants s’il en est : cette voie est celle de la Chute, adamique et luciférienne. Ce reflux, symbolisé par la déambulation arrière de 6+1 pas, est nécessairement désagréable, parce qu’il est une façon d’actualiser ce qui transforme profondément, et qui est, par principe, difficile à admettre , illustré dans le rituel par « les enfants incestueux de la chimère et du délire , les autels renversés, la licence de Salomon », c'est-à-dire par les tréfonds de notre personnalité, et par les erreurs idolâtres de cette 2ème perspective, qui seront les produits visibles de cet amalgame compliqué. Cette déambulation rétrograde va préparer le Prince du Tabernacle à déceler, circonscrire et donc annihiler les faux prophètes, car on ne combat pas un ennemi sans le connaître vraiment et l’avoir pratiqué. Ces faux prophètes proviennent, c’est important, du même terreau que les éléments éclairés de la 1ère perspective : ils sont simplement, à l’image de Lucifer, transformé par sa chute : dans cette 2ème perspective, des idoles se sont glissées entre les colonnes, le pavé mosaïque est recouvert et non détruit, le chandelier est toujours là, simplement éteint. L’idole est d’autant plus dangereuse qu’elle se lie à l’ordinaire, au commun et à l’habituel pour y instiller le poison de son chaos. Elle se mêle à l’intellectualité, à l’instinctif pour produire des chimères. Ne nous y trompons pas, la production d’idole n’est pas l’apanage d’un mode de pensée déterminé, elle est le résultat du déplacement de sens de n’importe quelle valeur. Les idoles sont donc des entités ou des principes intemporels, car consubstantiels à la nature humaine : elles ne sont pas plus d’aujourd’hui que d’hier, car il s’agit de cheminements frelatés, remis en permanence au goût du jour, réactivées par nos travers. Les idoles sont donc la transformation dévoyée de valeurs universelles : c’est cette déchéance qui signe leur toxicité. Cette 2ème perspective préserve malgré tous les fondamentaux : elle en maintient les bases, se contentant de spolier leur expression. C’est dans ce moment-là que se forge l’esprit et le caractère de l’initié. Ce recul, même dans la violence et le malheur, ne ferme pas la porte à un réveil ultérieur, nous signifiant également que seule la vision de l’initié est responsable de ses affects, et que donc tout est toujours possible. Le 3ème lien, symbolisé par la 3ème déambulation, 6+1 pas de nouveau vers l’avant, relèvera de l’intégration réussie d’éléments a priori contradictoires : il procède de l’Unité retrouvée (Éden), qui, comme le souligne l’instruction, constituera le Paradis Terrestre, amalgame réussi entre l’unité principielle et la multiplicité de la vie quotidienne.
Ici par contre on ne masque pas, on n’intercale pas, on substitue aux idoles un jardin d’Eden, signe d’un renouvellement en profondeur. La foi seule sera donc insuffisante, car même si elle renforce, elle a besoin de la raison pour se structurer. Or les Moloch sont justement le support d’une foi déréglée, qui n’a pas pu prendre appui sur une raison structurante. On parle donc, je le répète, au sujet de la cérémonie d’initiation au 24ème degré, de 3 perspectives, entendues comme 3 volets dont la représentation particulière ne dépend donc que de la capacité du moment du récipiendaire (il est indiqué au candidat que ce qu’il cherche a toujours été visible : Q- « Comment êtes-vous devenu éclairé ? R- « En étudiant le Livre de la Loi, perpétuellement ouverts aux yeux de l’Univers »). Le terme de perspective procède à la fois de la vision qu’a l’individu, que de la chose vue, en conservant la relativité dudit regard. Un perspectif était à la Renaissance, un miroir, cette signification permettant d’appuyer une vision relative de l’observateur, par rapport à ce qu’il est censé voir. D’ailleurs, dès la Renaissance, la perspective est définie comme une différenciation entre la vision de la Nature, et sa représentation graphique moderne dans l’espace. Le Prince du Tabernacle, maçon du 24ème degré, est ainsi suffisamment « gouverné » pour ne pas se laisser aller sur des faux-semblants ou par des « trompe-l’œil » : c’est uniquement sur le plan didactique que l’on distingue ces 3 volets, car, dans la réalité, l’homme accompli est un savant mélange de ces 3 mouvements, un compromis, un système complexe qui interagit en permanence avec sa propre constitution et son environnement. D’ailleurs, dès la Renaissance, la perspective est définie comme une différenciation entre la vision de la Nature, et sa représentation graphique moderne dans l’espace. En conclusion, les chrétiens ont donné successivement trois sens au mot Lucifer : le premier comme adjectif, issu du sens latin « qui porte la lumière », et par certains chrétiens avec le sens figuré de « qui porte la vérité » ; le second comme nom commun, issu du sens « étoile du matin », a été utilisé dans la Vulgate pour traduire l'expression « astre brillant » .
Le troisième comme nom propre, sous la forme définitive de Lucifer, est devenu le nom d'un ange déchu pour s'être rebellé contre Dieu. Cette figure, définitive, sera développée jusqu'à nos jours dans les religions chrétiennes et les arts. Cette triple approche n’est pas numéralement anodine : elle fonde une dynamique alignée sur les 3 volets de la chute adamique : sa source, l’Eden, sa conclusion, le monde manifesté, et la liaison, la Chute proprement dite, nous rappelant au bon souvenir de la pensée ternaire, et plus précisément des 3 perspective du 24ème degré du REAA, Prince du Tabernacle.
Thierry Didier.
LUCIFER
Initiation signifie étymologiquement commencement, et la recherche initiatique comprend symboliquement un nombre indéfini de ces commencements : c’est ce qui rend cette recherche difficile, car il est toujours compliqué de débuter une tache, quelle qu’elle soit. Compliqué aussi car l’initié doit s’adapter à chaque fois à un nouveau contexte, à jamais réitéré. Certes, dans l’absolu, le déroulé d’un contexte particulier survient et évolue lentement, car, comme le dit Leibniz, « La Nature ne fait pas de sauts » et le brassage des évènements qui feront le futur ne sont que la fusion douce du passé et du présent. Il n’en demeure pas moins qu’il y aura chez l’initié autant de commencements que de directions potentielles et de chemins choisis, que ces décisions s’entendent sur un plan philosophique ou sur un plan purement pragmatique. A chacun de ces commencements s’ouvriront pour le franc-maçon 2 voies possibles, dont l’appréhension qualifie les 2 grands domaines de la pensée, celui de l’ésotérique et celui de l’exotérique. L’exotérisme regroupera tout ce qui est directement visible à notre entendement ; l’ésotérisme tout ce qui apparaît caché, au moins un temps : l’ésotérisme crée une marge, un sous-texte, où sera déposé tout ce qui semble occulté à notre compréhension. Il stockera cet impensé, en le relarguant dans la conscience ouverte au rythme permis par notre intellect et par les évènements. En fait, si une part de la réalité des choses nous est masquée, c’est parce que nous ne possédons pas la latitude à toutes les percevoir d’emblée : leur division artificielle en 2 versants, mimétique de notre fonctionnement binaire, s’avèrera alors utile et nécessaire.
L’instauration de cette double voie, exotérique et ésotérique, correspondra à cette partition sur laquelle s’appuyer pour créer, par des allers-retours incessants, des biais qu’on nommera du terme générique de « pensée ternaire ». Cette adaptation permanente permettra de recréer à partir d’une vision ou d’un raisonnement discursif une unité « tiers » ; c’est le classique : « 1+1=3 ». On parlera alors de tri-unité, voire de trinité, même si ce dernier terme est connoté. Cependant, cette pensée, même si elle améliore notre éventail spirituel et intellectuel, n’est pas la panacée, elle a les limites du biais, qui choisit et isole en permanence, mais à une vitesse qui n’autorise pas la prise en compte holistique des éléments. La pensée ternaire est un biais cognitif qui prélève, trie, et oriente, et qui a donc les travers liés à cette sélectivité. Car la pensée ternaire est un échafaudage de la pensée et de l’idée, elle est donc viatique et vecteur de cette pensée, mais son soutien reste fragile, l’échafaudage étant par principe une construction éphémère, annexe, parallèle, toujours plus fragile que la réalité déclarée sur laquelle il s’appuie. Conséquemment, la pensée ternaire peut être mise en porte-à-faux lorsqu’elle s’attachera à traiter des thèmes ou des personnages ambigus, qui vont aller puiser dans ces 2 mondes que nous avons définis, pouvant en brouiller le message : ce sera, nous le verrons, le cas pour Lucifer et pour ce qu’il nous dira du mécanisme de l’idolâtrie. Car, je le répète, l’humain ne perçoit les choses qu’à partir de son mode dual, profondément, et ontologiquement contenu en lui : notre cœur bat ou se repose, notre respiration est faite d’une succession d’inspirations et d’expirations, et nous nous situons toujours, dans un environnement physique comme intellectuel, par le biais de l’analogie, de la comparaison à autrui, de l’analyse par des ratios, des rapports, et par des perspectives, qu’elles soient mentales ou graphiques. Un adage alchimique ne nous dit-il pas : « l’analogie est l’unique clé de la Nature » ? Même la Bible, qui est le reflet culturel et légendaire de notre civilisation se plie à cette contrainte, en illustrant cette forme de ternaire théologique constitué du Paradis, sorte de potentialité indifférenciée, du monde sensible, et de ce qui lie ces 2 occurrences, à savoir la Chute adamique, qui est donc ici le tiers inclus :Gen.3,16 : « Il dit à la femme: J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur,[…] Il dit à l'homme: C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie ».Qu’on soit croyant ou pas, ce glissement ontologique va conditionner tout notre positionnement futur, il faudra faire avec. Ça ne posera pas de problèmes majeurs au croyant, qui entérinera ce glissement comme une variable incontournable de sa foi. Ça inquiétera encore moins l’athée, qui estimera vivre dans un monde tangible et unique, seule référence possible à l’existence. Seul quelque part le franc-maçon, et sans doute l’initié en général devront s’y adapter, car leur pondération naturelle les verra se colleter à des écueils d’autant plus importants que leur recherche sera plus exigeante. Ce cheminement de pensée est relativement simple à appliquer, s’il s’adresse à des concepts programmés comme tels, inclus dans ce programme didactique que constituent rite et rituel des 3 degrés symboliques. Cette dualité pourra alors être ou fonctionnelle, ou structurelle, ou bien les 2. Fonctionnelle avec l’outil, par exemple, qui est le supplétif de la main ou de l’intellect de l’homme, et qui ne connait que 2 états, actif ou passif. Structurelle également, lorsqu’elle s’attachera à des couples de signifiants bien identifiés : les 2 couleurs du Pavé Mosaïque, les 2 luminaires, les 2 grenades, les 2 colonnes, etc…
La combinaison de ces 2 fonctions, structurelle et fonctionnelle constituera ce que l’on appelle en loge symbolique la construction, opérative quand il s’agira de la main, et spéculative lorsqu’il s’agira de l’intellect.Nous serons là en terrain connu, pour apprendre et nous rendre aptes ensuite à nous confronter à des cas de figures où la frontière sera plus floue, nous le verrons avec le phénomène sectaire. Ce qu’il y a d’intéressant avec la pensée ternaire, c’est qu’elle est plastique : on peut l’appliquer à différents niveaux, le produit d’une pensée pouvant devenir le substrat du niveau suivant : ainsi, opération et spéculation, qui sont déjà la conséquence d’un travail premier, pourront à leur tour servir de base, et être intégrées dans une pensée ternaire plus élevée, qui nous conduise à nous « regarder nous-même » , comme une sorte de mise en abyme: « Je regarde la pierre brute, je suis la pierre brute » Il s’agira simplement d’accepter que nous puissions, en tant que tels, devenir un substrat : c’est tout le principe du mécanisme alchimique, difficile à appréhender , tant la religion chrétienne fait de nous le centre du monde connu. A partir du moment où nous nous constituons en tant qu’« objet », ne pourra plus agir sur nous que des éléments « dynamiques », relationnels, et cognitifs, car : « Si ton œil était plus aigu tu verrais tout en mouvement » nous dit Nietzsche. Comme le maître maçon a appris des 3 premiers degrés, il est maintenant capable d’établir des relations entre lui et son environnement, c’est ce qu’on appelle le « Temple intérieur », et les éventuels écueils qu’il trouvera sur sa route seront à l’aune de sa capacité à en prendre la mesure. Il conviendra alors de juger les choses pour ce qu’elles sont, et non pour ce qu’elles apparaissent éventuellement, car « on n’est atteint que par ce qui nous ressemble ». Je doublerai cette sentence par la Sourate 42, verset 30. « Tout malheur qui vous atteint est dû à ce que vos mains ont acquis ». A partir du moment où nous aurons compris et intégré ce turnover universel, nous pourrons l’appliquer à toutes sortes d’idées, de concepts et de modèles : ce sera l’objet des degrés dits « hauts-grades », et plus particulièrement du 4ème degré, qui sera tout naturellement amené à déterminer et à débusquer les dysfonctionnements, les dérives potentielles, une forme de « pathologie » de la relation tierce, qui ne manqueront pas de se manifester. En effet, l’homme est imparfait, voire pervers, et ses productions intellectuelles et symboliques pourront receler des « malfaçons », des défauts, des biais insidieux : c’est ce qu’on appelle au sens large des idoles, qui pourront « gripper » notre raisonnement symbolique, le mettre à l’épreuve. Il faut relativiser l’idée simpliste d’une idole matérialisée par un simple totem, une simple figure : bien souvent, cette matérialisation-là est déjà la conséquence d’un mécanisme pernicieux : ce ne seront plus alors de simples figures dont nous devrons nous méfier, mais des raisonnements fallacieux, des dynamiques faussées, altérées ou tendancieuses dont le pouvoir de nuisance s’exercera au sein même de la mécanique symbolique, comme un grain de sable dans un engrenage. Le mécanisme de l’idolâtrie est fondé sur cette dissension entre 2 mondes, il donne à voir une image déformée de la réalité au travers d’un prisme a priori honorable. Ce sera toute l’essence du mécanisme sectaire.
2 exemples : la Scientologie, qui met en avant la science pour mieux la détourner de son usage émancipateur, avec force appareils baroques et ouvrages nébuleux visant à rassurer le captif, trop fragile pour qu’il puisse y voir une manipulation de son mental. Le régime Nazi utilisa, lui, la trame du mysticisme allemand et de la mythologie nordique, ses runes et son aryanisme, afin de légitimer ses idées et de poser son combat. Car le propre de ces structures est de transformer l’idée en idole, alors que produire de l’idée, la guider, c’est normalement l’objet de la science, libératrice, ou du mysticisme, spiritualiste. L’idée est par essence liberté, car sa genèse ne provient pas d’un long processus formalisateur qui en détruirait une grande partie de la portée, mais d’une induction violente : l’idée est comme le photon, cette particule de lumière qui n’est censée exister que lorsqu’elle est en mouvement, le mouvement étant la vie, et la vie étant la liberté. L’idée est une étincelle, elle porte en elle toute la puissance de sa brièveté, de la violence de son émergence, et ne peut survivre au temps qui passe, si elle n’est pas déclinée immédiatement : l’idée est trop pure pour rester en l’état, et réclame une formalisation immédiate, afin de pouvoir être conservée et exploitée au mieux. La force du récit de Lucifer est qu’il passe du statut de l’idée est un concept fort, car elle porte en elle cette lumière initiale, primale, dont la puissance est consubstantielle à sa capacité d’induction, de création, et qu’on peut fort logiquement associer à Lucifer. Lucifer est le symbole même de l’idée devenu, par sa chute et au regard de certains, une idole. Car Lucifer n’apparaît pas nocif par lui-même, c’est sa chute qui conditionnera sa nuisibilité. La chute de Lucifer sera d’autant plus violente qu’il occupa jadis une place élevée au sein de la hiérarchie céleste, puisqu’il fut considéré comme le « premier né de Dieu », s'appelant alors Lucifer-Satanael. Cette préséance de Lucifer s’apparente au statut de l’idée, fondatrice et que rien ne précède. La chute morale de Lucifer, pour cause de rébellion supposée, va conditionner sa déchéance, et ouvrir selon la dimension chrétienne à son côté maléfique, diabolique, par mimétisme avec le monde tangible tel qu’il est décrit dans la religion chrétienne d’après le 7èmesiècle. Lucifer est une sorte de veau d’Or, « constitué en fondant les pendants d’oreille, les bracelets et les colliers en or qu’ils avaient emportés avec eux » (Ex. 32 :1-14) en ce sens que furent détournés les ornements portés par les hébreux. Tout comme Lucifer ne fut discrédité que par sa chute, ce ne sont pas en substance les bijoux des hébreux qui portent leur déchéance, mais leur fonte en une nouvelle forme idolâtre, le Veau d’Or : Une sentence du rituel du 4ème degré nous dit : « Ne prenez pas les mots pour des idées ». Tout comme Lucifer, le « porteur de lumière », l’or est le « matériau » de départ il est assimilable en tant que tel, au mot de la sentence. L’or, comme le mot, sont des objets « fusibles », « ductiles » , dont la substance originelle n’est pas remise en question, seule leur conformation finale portera les appendices de l’idolâtrie, et donc du malheur individuel et collectif des hébreux. Comme tout phare symbolique, Lucifer est un révélateur et un avatar, c’est-à-dire une figure qui porte une signification différente, selon la mentalité, la période ou la civilisation considérée. Lucifer est de ce tonneau, et nous dit quelque chose de la civilisation qui le porte. Même dans certains groupes gnostiques, malgré l'identification de Satan avec Lucifer par les docteurs de l'Église, Lucifer était considéré par ceux-ci comme une force divine et vénérée, comme un messager du Dieu réel et inimaginable.
Pour les Cathares, Lucifer était, avec Jésus, la première émanation du Dieu suprême. Un glissement, entre 4ème et 7ème siècle, accorde à Lucifer, en plus du sens de « porteur de lumière », celui de « qui produit la vérité ». Il est intéressant de constater que dans les religions polythéistes grecque et romaine, chez lesquelles la diversité ne se fonde pas sur une « inculpation originelle » de l’être humain mais sur un collège de déités, Lucifer sera perçu comme cet ange « porteur de lumière ». Si Bien et Mal existent dans ces civilisations antiques, ils apparaissent néanmoins « dilués », relativisés car partagés entre nombre de divinités, amenuisant par conséquent la puissance ontologique de chacune des facettes dudit divin, et évitant le phénomène massif de la « Chute » et de la confrontation violente entre un Dieu alors unique et les hommes. L’Eden n'est pas un monde parfait où tout serait merveilleux, c'est simplement le monde de la potentialité totale, il est à cet égard indéfini, injugeable et inexploitable en l'état : seule la Chute, provoquée par le péché originel permettra de le discerner. L’’Eden fut loué à l’excès par l’Eglise apostolique, ce qui, par une évidente transitivité, condamna à l’excès le monde manifesté, entrainant à suite cortège de malheurs, de péchés et de rédemption potentielle. Lorsque Adam croque la pomme, il chute donc depuis le monde des idées dans celui de la vie matérielle. Cette chute n'en est une que sur le plan religieux. On peut ainsi très bien imaginer qu'initiatiquement il s'agisse d’un progrès, car cette Connaissance nouvelle est en fait le moyen d'acquérir l'initiation, c'est à dire de reproduire ici-bas des principes qui n'existaient jusque-là que dans l’Éden, monde où tout est contenu, mais rien n'est exprimé. Cette chute est d'une violence incroyable, violence nécessaire qui représente l'énergie que dégage le passage d'un monde indifférencié, l’Eden, au monde tangible, structuré que nous connaissons, où s’exercent les forces unificatrices de l'Existence. Cette sorte d'explosion de la vie serait fatale si elle ne devait s'exercer que sur un seul individu : c’est peut-être pourquoi Lucifer n’a, d’une certaine façon, pas le choix : il sera le fusible, le paradigme, l’étendard voué à la disjonction, à assumer l’énergie déployée par un feu qualifié de satanique, eu égard à la violence de son unilatéralité. Contrairement à Seth, enfant d’Adam et Eve, à la suite duquel une chaîne de 9 patriarches, jusqu’à Noé, qui va être poursuivie durant des centaines d'années permettront de « refroidir », à la façon du Big Bang, l'énergie dégagée par la Chute originelle. Le polythéisme permit, lui, de se rapprocher de façon plus pondérée de la Nature et de ses multiples aspects, chaque déité gouvernant une partie de ladite Nature. Par effet miroir, ces peuples-là, non soumis à la « vindicte pénitentielle », ne verront en Lucifer qu’un élément cosmogonique, la planète Vénus, à savoir l’« astre » du matin. Ainsi, ce qui découle de cette idée de Nature, dans les civilisations grecque et romaine, ne conduira à voir de Lucifer que ce qu’il est, ontologiquement, c’est-à-dire un phare, une idée, un puissant rayon parmi d’autres divinités. Selon un hadith du Coran, Dieu aurait créé l'ange à partir de la lumière, appelée Éosphoros ou Phosphoros chez les grecs, et donc départi de son aspect nébuleux et maléfique.
Dans les civilisations polythéistes, l’étoile du matin Lucifer trouvera sa parèdre en Hespéros, l’Étoile du soir, tout aussi noble que son pendant : cette bilatéralité engendrera un équilibre, cosmologique cette fois, qui, par transitivité, bénéficiera à ses contemporains. Tout se passe comme-ci ce polythéisme initial protégeait, par sa multiplicité bienveillante, l’adepte des errements d’une pensée binaire bien trop clivante, et donc consécutivement de cette dérive de la déchéance. Le mécanisme spécieux de la chrétienté va irrésistiblement transformer en un fardeau pénitentiel les conséquences de cette chute, entrainant dans sa déchéance ce qui appartenait précédemment au Bien, j’ai nommé Lucifer. Nous percevons là les limites du monothéisme, perçu comme une forme sophistiquée de religion par rapport aux polythéismes grec et romain. Mais fondamentalement, Dieu est partout, et le monothéisme peut apparaitre en décalage par rapport au ressenti métaphysique de l’être. Alors autant le polythéisme permettra à l’humain, de par sa multiplicité, de « diluer » le caractère subordonné que porte comme un fardeau l’humain, autant le monothéisme introduira insidieusement un rapport de force direct, dur, froid et violent, finalement acceptable qu’à l’aune d’une certaine morale, qui fait ici fonction d’amortisseur. Cet abord rigoriste, dénué de chair et de bienveillance, contribuera à fragiliser aussi bien le dévot que l’être vulnérable. Pour supporter cette tension binaire, on fondera alors une pensée ternaire, dont le versant dynamique sera conscientisé en religion chrétienne par la chute adamique, et dont le versant statutaire empruntera à l’image de l’ange, intermédiaire, médiateur et régulateur entre Dieu et les hommes Il s’agira là de « personnaliser » le lien, de lui attribuer un anthropomorphisme facilitant son intelligibilité et son acceptation. A partir de là (5ème siècle), l’homme sera tout naturellement amené à hiérarchiser les officiants de ce lien entre Dieu et l’homme, afin de justifier la création d’une hiérarchie ecclésiale en miroir, au sein de l’Eglise. En regard de cette hiérarchie quelque peu séculière s’ouvrira pour l’initié une véritable initiation sacerdotale. L’initiation sacerdotale est la conséquence d’un subtil mélange entre l’ésotérisme décrit au 21e degré, source de création et voie possible du sacré, et la réalisation constructrice, source de structuration et d’aménagement, envisagé au 22e degré. L'initiation sacerdotale que nous offre le REAA commence en fait de façon embryonnaire dès le 4ème degré, créant un tissu de nature variable, suivant que l’on s’adresse à un monothéiste, un polythéiste ou même un athée. Ce tissu religieux, dans son étymologie religere, c’est à dire « relire attentivement », « revoir avec soin » aura pour but et fonction de structurer l'individu, pour qu'y circulent au mieux les sentiments, les idées, les positions : c’est cette bonne circulation que l'on appelle la Foi dans les monothéismes, et le syncrétisme dans les polythéismes. Ca n’est pas un hasard si l’initié est à ce degré un lévite, c’est-à-dire un servant liturgique, véritable intercesseur entre fidèles et prêtes, entre Saint et Saint des Saints, entre l’idée et le mot. Le mécanisme idolâtre peut apparaître dès qu’une discordance se glisse entre l’idée et le mot, et l’apparition de l’idole, correspondra, dans sa dynamique à l’image de Lucifer, triomphant en Eden et déchu dans le monde sensible. Le lévite va se glisser entre les 2 mondes, et éviter finalement qu’une chute ne s’y produise : c’est un cautère moral et symbolique, apte à absorber les soubresauts de ladite chute.
Le lévite se glissera entre l’idée et le mot, béance dans laquelle s’engagerait sinon l’idole, par défaut. Ces interrelations créent un maillage interne puissant, qui va progressivement se constituer un tissu de soutien, composant une véritable barrière aux anges déchus, tels que le pointe la phrase d’ordre du REAA au 23ème degré : « Je connais le nom qui fait trembler les anges déchus ». Qu’est -ce qu’un ange déchu, au-delà de son narratif religieux ? C’est une pensée dissonante, une attitude fallacieuse, un silence coupable, tout en fait ce qui contribue à dissocier, à démanteler. Ça n’est pas un hasard si la déchéance porte sur l’ange, dont on connaît le rôle d’articulation et d’intercesseur entre le principe créateur : c’est au mot que sera dévolu cette formalisation : aucun humain n’est un pur esprit, et ne peut à ce titre se permettre de côtoyer l’idée, sans la coiffer immédiatement d’un réceptacle qui en rendra le rayonnement pérenne et utile pour le collectif. Le concept même d’idée est suffisamment puissant, par ce qu’il colporte en principe de création, de violence dans l’apparition, d’antériorité à tout autre sentiment, pour qu’il puisse être assimilable à Lucifer, le « porteur de lumière ». L’ange déchu est l’antithèse du fidèle, au sens de possesseur de la Foi. Les faux prophètes et les anges déchus sont des entités intemporelles car consubstantielles à la nature humaine : elles ne sont pas plus d’aujourd’hui que d’hier, car il s’agit de cheminements dévoyés, remis en permanence au goût du jour, réactivés par les travers de l’humain. Ainsi les faux prophètes et les faux dieux ne sont-ils pas le mal incarné, auquel cas serait-il facile de les combattre. Ils sont au contraire la transformation maligne de valeurs universelles. C’est cette déchéance qui signe leur toxicité. Les faux prophètes et les faux dieux sont d’autant plus violents qu’ils se lient à l’ordinaire, au commun et à l’habituel pour y instiller le poison de leur chaos : à cet égard, l’exemple de Lucifer est un cas d’école. Il se mêle à l’intellectualité, à l’instinctif pour produire des chimères, sources de distension, de dissension et de destruction de la pensée et de l’action. C'est proprement le mécanisme sectaire. Psychologiquement, le pécher adamique et la Chute sont l’expression d’une névrose existentielle, qui est celle de l’homme par rapport à ce dont il provient. Ainsi sommes-nous tous névrosés, car nous ne sommes pas de purs esprits, et qu’à cet égard, un décalage existe toujours entre esprit et matière, entre dessein et réalisation, entre pensée et action : c’est dans cette béance que peuvent s’engouffrer les anges déchus et les faux prophètes. Si les faux prophètes et les faux dieux sont des trajectoires altérées, ils le sont toujours à partir d’une réalité dont le franc-maçon ne pourra pas faire l’économie. Cette attitude conduira, comme il est dit dans un rituel, au « renouveau de la vie religieuse », qui signera le renouvellement perpétuel du lien et du sens dudit lien : c’est pourquoi les sectes isolent l’adepte de ses proches extérieurs, elles veulent casser ce lien pour mieux embrigader les esprits fragiles. La fonction du mot n’est pas subalterne, car le mot est l’expression de la mise en forme d’une certaine réalité, réalité dont on part pour créer une relation symbolique, mais aussi où l’on retourne pour rematérialiser l’idée qui point sous le symbole. Le symbole est l’interprétation faite sienne de l’idée. Le symbole a cette vertu de ne pouvoir être, par principe, corrompu ou contaminé par une signification figée qui est celle du mot, lorsqu’il provient d’une tierce personne.
La mécanisme symbolique, de par son fonctionnement, nivèle les différences, régule les décalages : c’est cette voie du jugement, filaire et unique pour chacun, qui sera le meilleure antidote contre la voie idolâtre, suivie par définition, et par le fait même qu’elle n’est pas originale, par un plus grand nombre. L’image que véhicule Lucifer dans la religion catholique est par elle-même une dissension du sens, depuis la lumière indifférenciée vers les ténèbres matérialisées : cette approche duale oblige l’esprit et l’intellect à se distendre, et à ouvrir une béance où peut s’engouffrer l’Idole. Le mécanisme symbolique est à cet égard le meilleur rempart, le meilleur vaccin contre l’idolâtrie : pourquoi ? Nous avons coutume d’expliciter la relation symbolique à travers différentes interprétations qui se recoupent toujours ; on parle de signifiant et de signifié, de symbole et de symbolum, de tenon et mortaise… Bref de 2 parties nécessaires à l’établissement d’une relation symbolique. Le principe même de ce mécanisme ne laisse pas de place entre ces 2 parties : rien ne pourra s’y engouffrer, et donc pas l’idole. Le réceptacle qu’offre la relation symbolique à l’idée est celui d’une déclinaison immédiate de cette idée au travers de concepts, de principes, de schémas mentaux qui n’appartiennent qu’à soi : ainsi l’idée originale devient protégée par des systèmes mimétiques qui en reflètent toute la substance, qui en conservent la puissance et l’originalité, mais qui ne sont à la botte d’aucun mode de formalisation extérieure propre à dévoyer peu ou prou cette idée, qu’on appellerait l’idole.
Le symbolisme peut être défini comme la façon d’identifier en soi des schémas particuliers, en prenant appui sur ce que l’on appelle des symboles, c’est à dire des sentences, objets ou attitudes qui vont être les déclencheurs d’une signification originale, que l’on pourra attribuer d’emblée auxdits symboles. Cette voie a d’originale qu’elle ne peut pas s’ouvrir spontanément, et quelle offre la béance de notre intimité, avec tous les blocages culturels, philosophiques ou psychologiques, dirimants s’il en est : cet amalgame contre-nature peut venir s’insérer dans la mécanique symbolique, Ce constat éclairé conduira à une vision éclairée, plus aboutie, plus complexe aussi, conduisant à une pensée pour le coup mieux circonscrite, plus détaillée, calquée sur le mécanisme subtil du symbolisme dans ce qu’il a de didactique et d’émancipateur. Cette dynamique générale est celle qui nous est représentée au 24ème degré, sous la forme d’une triple déambulation identique dans le numéral, 6+1 pas vers l’avant, centrifuge (approche symbolique), 6+1 pas vers l’arrière, centripète (le ressac, le retour de flamme) et 6+1 pas vers l’avant de nouveau, centrifuge (l’amalgame) faisant office de structuration nouvelle par l’assemblage collecté d’éléments environnementaux et de vécu personnel. La dynamique qui vient d’être décrite n’est autre que celle qui permet de comprendre en quoi le symbolisme façonne le franc-maçon. En effet, le symbolisme peut être défini comme la façon d’identifier en soi des schémas particuliers, en prenant appui sur ce que l’on appelle des symboles, c’est à dire des sentences, objets ou attitudes, qui vont être les déclencheurs d’une signification originale, que l’on pourra attribuer d’emblée auxdits symboles. Il s’agit là d’un lien centrifuge : on définit par exemple à partir de l’image d’une pierre brute sa propre pierre brute.
Le premier mouvement est celui donc de la projection symbolique, où nous jetons notre dévolu sur un support chargé de sens : c’est ce que le rituel appelle au 24ème degré la première perspective, éclairée et structurée, portant l’attrait de la nouveauté, mais qui est aussi un rappel aux fondements de notre ordre, colonnes et pavé mosaïque ; c’est aussi la phase solaire dans laquelle nous trouvons le Lucifer d’avant la Chute. Mais le travail ne s’arrête pas là, car, à la façon du ressac de la vague contre une falaise, l’exposition de l’initié à aller de l’avant le conduit à s’ouvrir : dit autrement, ce lien centrifuge ouvre concomitamment une voie centripète, qui est celle de la recherche en soi. Cette voie est celle de tous les dangers, car en même temps que ce transfert a lieu, il ouvre simultanément un canal à l’intérieur de nous-mêmes, à la façon d’un ressac où se mêlent notre orthodoxie de pensée, et la nouveauté née de l’interprétation des choses. Cette voie a d’originale qu’elle ne peut pas s’ouvrir spontanément, et quelle offre la béance de notre intimité, avec tous les blocages culturels, philosophiques ou psychologiques, dirimants s’il en est : cette voie est celle de la Chute, adamique et luciférienne. Ce reflux, symbolisé par la déambulation arrière de 6+1 pas, est nécessairement désagréable, parce qu’il est une façon d’actualiser ce qui transforme profondément, et qui est, par principe, difficile à admettre , illustré dans le rituel par « les enfants incestueux de la chimère et du délire , les autels renversés, la licence de Salomon », c'est-à-dire par les tréfonds de notre personnalité, et par les erreurs idolâtres de cette 2ème perspective, qui seront les produits visibles de cet amalgame compliqué. Cette déambulation rétrograde va préparer le Prince du Tabernacle à déceler, circonscrire et donc annihiler les faux prophètes, car on ne combat pas un ennemi sans le connaître vraiment et l’avoir pratiqué. Ces faux prophètes proviennent, c’est important, du même terreau que les éléments éclairés de la 1ère perspective : ils sont simplement, à l’image de Lucifer, transformé par sa chute : dans cette 2ème perspective, des idoles se sont glissées entre les colonnes, le pavé mosaïque est recouvert et non détruit, le chandelier est toujours là, simplement éteint. L’idole est d’autant plus dangereuse qu’elle se lie à l’ordinaire, au commun et à l’habituel pour y instiller le poison de son chaos. Elle se mêle à l’intellectualité, à l’instinctif pour produire des chimères. Ne nous y trompons pas, la production d’idole n’est pas l’apanage d’un mode de pensée déterminé, elle est le résultat du déplacement de sens de n’importe quelle valeur. Les idoles sont donc des entités ou des principes intemporels, car consubstantiels à la nature humaine : elles ne sont pas plus d’aujourd’hui que d’hier, car il s’agit de cheminements frelatés, remis en permanence au goût du jour, réactivées par nos travers. Les idoles sont donc la transformation dévoyée de valeurs universelles : c’est cette déchéance qui signe leur toxicité. Cette 2ème perspective préserve malgré tous les fondamentaux : elle en maintient les bases, se contentant de spolier leur expression. C’est dans ce moment-là que se forge l’esprit et le caractère de l’initié. Ce recul, même dans la violence et le malheur, ne ferme pas la porte à un réveil ultérieur, nous signifiant également que seule la vision de l’initié est responsable de ses affects, et que donc tout est toujours possible. Le 3ème lien, symbolisé par la 3ème déambulation, 6+1 pas de nouveau vers l’avant, relèvera de l’intégration réussie d’éléments a priori contradictoires : il procède de l’Unité retrouvée (Éden), qui, comme le souligne l’instruction, constituera le Paradis Terrestre, amalgame réussi entre l’unité principielle et la multiplicité de la vie quotidienne.
Ici par contre on ne masque pas, on n’intercale pas, on substitue aux idoles un jardin d’Eden, signe d’un renouvellement en profondeur. La foi seule sera donc insuffisante, car même si elle renforce, elle a besoin de la raison pour se structurer. Or les Moloch sont justement le support d’une foi déréglée, qui n’a pas pu prendre appui sur une raison structurante. On parle donc, je le répète, au sujet de la cérémonie d’initiation au 24ème degré, de 3 perspectives, entendues comme 3 volets dont la représentation particulière ne dépend donc que de la capacité du moment du récipiendaire (il est indiqué au candidat que ce qu’il cherche a toujours été visible : Q- « Comment êtes-vous devenu éclairé ? R- « En étudiant le Livre de la Loi, perpétuellement ouverts aux yeux de l’Univers »). Le terme de perspective procède à la fois de la vision qu’a l’individu, que de la chose vue, en conservant la relativité dudit regard. Un perspectif était à la Renaissance, un miroir, cette signification permettant d’appuyer une vision relative de l’observateur, par rapport à ce qu’il est censé voir. D’ailleurs, dès la Renaissance, la perspective est définie comme une différenciation entre la vision de la Nature, et sa représentation graphique moderne dans l’espace. Le Prince du Tabernacle, maçon du 24ème degré, est ainsi suffisamment « gouverné » pour ne pas se laisser aller sur des faux-semblants ou par des « trompe-l’œil » : c’est uniquement sur le plan didactique que l’on distingue ces 3 volets, car, dans la réalité, l’homme accompli est un savant mélange de ces 3 mouvements, un compromis, un système complexe qui interagit en permanence avec sa propre constitution et son environnement. D’ailleurs, dès la Renaissance, la perspective est définie comme une différenciation entre la vision de la Nature, et sa représentation graphique moderne dans l’espace. En conclusion, les chrétiens ont donné successivement trois sens au mot Lucifer : le premier comme adjectif, issu du sens latin « qui porte la lumière », et par certains chrétiens avec le sens figuré de « qui porte la vérité » ; le second comme nom commun, issu du sens « étoile du matin », a été utilisé dans la Vulgate pour traduire l'expression « astre brillant » .
Le troisième comme nom propre, sous la forme définitive de Lucifer, est devenu le nom d'un ange déchu pour s'être rebellé contre Dieu. Cette figure, définitive, sera développée jusqu'à nos jours dans les religions chrétiennes et les arts. Cette triple approche n’est pas numéralement anodine : elle fonde une dynamique alignée sur les 3 volets de la chute adamique : sa source, l’Eden, sa conclusion, le monde manifesté, et la liaison, la Chute proprement dite, nous rappelant au bon souvenir de la pensée ternaire, et plus précisément des 3 perspective du 24ème degré du REAA, Prince du Tabernacle.
Thierry Didier.