Jean-François Guerry
LE MONOTHEISME EST-IL UN PROGRES ?
V B
11-IV-6016
Année 391 de notre ère :
L'action se passe à Alexandrie, deuxième ville de l’Empire Romain ; La bibliothèque d’Alexandrie, qui conserve l'héritage philosophique de la Grèce depuis les Ptolémées, est le phare de la pensée antique. Elle est une université au rayonnement universel à l’apogée de l’Empire, au deuxième siècle de notre ère, sous Hadrien et jusqu’à Marc Aurèle.
A cette époque la paix règne dans le plus vaste Empire que le Monde ait jamais connu. Rome, ville de plus d’un million d’habitants, fournit à chacun d’eux deux mètres cube d’eau par jour. Son système de canalisations ne se retrouvera à une même échelle qu’à la fin du 19eme siècle. « La civilisation c’est l’eau » dira l’historien de Rome, Pierre Grimal.
Dans leur célèbre parodie : la vie de Brian, Les Monty Pyton résument bien ce que fut l'Empire dans une scène de leur film :
Des conspirateurs juifs se réunissent pour concevoir un plan pour enlever Ponce Pilate le procurateur de Judée.
Le chef exhorte sa petite troupe. Il pose une question : « Les romains nous ont saigné à blanc, ils nous ont tout pris. Que nous ont-ils donné en retour ? » Et dans le fond de la pièce un petit conspirateur ose timidement une réponse : « l’aqueduc ? » puis un autre : « le système sanitaire ? »
Oui d’accord dit le chef agacé.
Un autre encore : « et les routes ».
« Bon, l’aqueduc, le système sanitaire et les routes, mais c’est tout. »
Un quatrième intervient : « si, l’irrigation et la médecine » ; un cinquième : « l’éducation » ; un autre encore : « le vin » (et tous conviennent que ça, c'est sûr, il faudra le garder)
Ils poursuivent : « la sécurité dans les rues le soir… l’ordre ». Hors de lui le chef de la bande récapitule : « Bon d’accord, mais à part l’aqueduc, le système sanitaire, les routes, l'irrigation, la médecine, l’éducation, la sécurité, qu’est-ce que les Romains ont fait pour nous ? » Et le plus minable des conspirateurs de conclure à la fin : « euh…la paix »
C’était cela l’empire Romain. Globalement tout ce dont nous disposons aujourd'hui. La justice, le commerce, l'industrie, la banque, les transports, le courrier, les arts : tout ce qui fait la vie des hommes en société civilisée.
Puis commence le déclin, la déliquescence de Rome. L'Empire n’est pas menacé par des puissances rivales qui voudraient son anéantissement. Non pas ! Il est menacé par tous ceux qui en dehors de ses frontières veulent à tout prix les traverser pour s’intégrer dans son Monde et jouir de la co-prospérité de tous les peuples qui le composent. On voit bien aujourd'hui que l’histoire pourrait se répéter.
Alors vint Constantin, sa Victoire du Pont Milvius sur un de ses adversaire et la promulgation de l'édit de Milan (313) :
Création de Constantinople / Division de l’empire à Orient et à l’Occident / mise à égalité du culte chrétien avec les autres cultes. Dorénavant les chrétiens ne seront plus victimes de discriminations, leur culte est autorisé et les biens qui leur ont été confisqués leur sont rendus. Rappelons que les persécutions contre les chrétiens n’eurent qu’une seule cause : leur fanatisme ; leur refus de cohabiter dans l’Empire avec les autres cultes alors que les Romains n’avaient cure des croyances de chacun pour peu qu’ils soient fidèles à Rome.
La progressive conversion de Constantin au christianisme s'accompagne d'une politique impériale favorable aux chrétiens ; mais le paganisme n'est pas encore persécuté car, pour l'empereur, l'unité de l'empire prime sur toute autre considération. La bibliothèque d’Alexandrie subsiste. Mais les tensions croissantes entre le pouvoir impérial romain et l'influence religieuse et politique grandissante des chrétiens suscitent des affrontements qui se sont traduits, par exemple, par l'Édit de l’Evêque Théodose, sorte de fatwa ordonnant, entre autres, la destruction des temples païens.
Le temps passe encore. Alexandrie abrite une population multiconfessionnelle ; la cohabitation s'avère de plus en plus difficile. Face aux Juifs et aux païens "Hellènes" : les partisans de Jésus, manœuvrés par l'évêque Cyrille, qui comptent bien se rendre maîtres de la place.
Nous sommes en 391. Un historien de cette époque raconte : « Il y avait dans Alexandrie une femme nommée Hypatie, fille du Philosophe Théon, directeur la Bibliothèque. Elle avait fait un si grand progrès dans les sciences qu'elle surpassait tous les Philosophes de son temps, et enseignait dans l'école d’Epictète, un nombre presque infini de personnes, qui accouraient en foule pour l'écouter. La réputation que sa capacité lui avait acquise, lui donnait la liberté de paraître souvent devant les Magistrats de la Cité, ce qu'elle faisait toujours, sans perdre la pudeur, ni la modestie, qui lui attiraient le respect de tout le monde. Sa vertu, toute élevée qu'elle était, ne se trouva pas au-dessus de l'envie »
Hypatie enseigne la philosophie, elle a le verbe haut mais la grâce l'habite ; tous les témoignages convergent lorsqu'il s'agit d'évoquer sa grande beauté. On a coutume de la représenter au milieu d'un cénacle, le cercle de ses fidèles qui, avec elle, refusent de voir les dieux s'exiler pour céder la place aux religions de l'intolérance.
La pensée et l’enseignement d’Hypatie, je l’évoquerai plus tard ; Mais il vous faut connaitre son intuition dans le domaine de l’astronomie pour comprendre ce que fut cette femme :
Elle enseignait les travaux de l'astronome et mathématicien Aristarque de Samos qui avait évalué le diamètre du soleil. Celui-ci émet au IIIe siècle av. J.-C. l'hypothèse que, puisque le diamètre du soleil est beaucoup plus important que celui de la Terre, c'est autour de lui que normalement doivent tourner les astres. Mais sa théorie héliocentrique se heurte à l’observation des saisons et de la durée des jours qui ne permettent pas de déduire que la terre puisse tourner autour du soleil si sa course est en cercle, comme on le présumait. Hypatie est la première, par ses mesures mathématiques, à avoir imaginé que l’ellipse fut la forme de la course de la Terre autour du Soleil. Il faudra attendre Copernic et Galilée pour le comprendre, mille ans plus tard.
L’historien poursuit : « Mais parce qu'elle avait amitié particulière avec Oreste, Préfet d’Egypte, elle fut accusée d'empêcher qu'il ne se réconciliât avec l’Evêque Cyrille »
En cette année 391, Hypatie est assassinée par les hommes de mains de Cyrille, les Parabalani, membres d'une confrérie chrétienne ayant fonction de fossoyeurs d'Alexandrie. Des Talibans en somme.
Suite du récit : « l'ayant tirée de sa chaise, ils la menèrent sur l’hôtel de leur église, la mirent à nue et la tuèrent à coups de tessons. Après cela ils hachèrent son corps en pièces, les exhibèrent dans les rues et les brûlèrent dans un lieu appelé Cinaron. » On dirait Daesh !
Après quoi la horde sauvage et la foule de gueux déchainée détruisirent la bibliothèque, brisèrent ses statues et brulèrent les œuvres littéraires, trésors philosophiques, qu’elle contenait.
Sénèque l’avait dit en son temps : «La preuve du pire : c’est la foule.»
Saint Cyrille est le Abou Bakr al-Baghdadi de l’époque. Patriarche d'Alexandrie, Cyrille s'attache à éradiquer le paganisme, le judaïsme et ce qu'il considère comme des hérésies chrétiennes : il fait fermer les synagogues. Ces mesures brutales l'opposent à Oreste, préfet d'Égypte (chrétien lui aussi), et sont l'occasion de pogroms et autres scènes sanglantes. Il anéantit ainsi la communauté juive et s'en prend de la même manière aux autres communautés chrétiennes qualifiées d'hérétiques. Ainsi, Cyrille attaque les positions de Nestorius, un autre évêque de grande renommée, et l’accuse « d’adoptianisme », doctrine vers laquelle la chrétienté aurait pu s’orienter qui conçoit Jésus-Christ comme un homme que Dieu aurait adopté.
Pour Saint Cyrille, au contraire Jésus-Christ, Fils unique de Dieu a été engendré du Père avant tous les temps pour ce qui concerne la divinité, et, pour ce qui concerne son humanité, il est né d’une Vierge à la fin des temps pour nous et notre salut ; Cyrille est Docteur de l’Eglise. Il est vénéré par les catholiques et les orthodoxes.
Pour comprendre tout cela vous devez voir Agora, Film espagnol à grand spectacle d’Alejandro Amenábar sorti en 2009 avec l’acteur Michael Lonsdale dans le rôle de Théon, père d’Hypatie. Vous pouvez lire aussi Michel Onfray qui décrit la mort d'Hypatie comme l'acte de décès symbolique de la culture classique de l'antiquité.
Les sciences, les moeurs, les arts vont rapidement régresser dans l'Empire qui bientôt disparaîtra sous les poussées barbares qui en voulant s'y agglomérer le feront imploser. Les acqueducs à Romme bientôt ne seront plus entretenus. La ville d’un million d’âmes n’en comptera bientôt plus de vingt mille.
La mort d'Hypatie met en perspective tout ce qu'il nous en a coûté à nous autres européens de devenir monothéistes : c'est à dire mille ans de terrorisme théocratique : du V EME au XV EME siècle.
L'épisode de la mort d'Hypatie est un révélateur de toutes les tendances contenues dans le monothéisme des religions du Livre, celle d'Abraham, de Jésus et de Mahomet. Vous y voyez la violence, l'intolérance, la haine de la femme et de la sexualité.
Le monothéisme est violent et intolérant
Le monothéisme est prosélyte par nature - si Dieu est unique, il convient d'en imposer la croyance à tous les hommes - les monothéismes sont naturellement portés aux guerres de religion, à la conversion forcée.
On voyait mal en Grèce que les partisans d'Athéna fassent la guerre aux partisans de Mercure, ou encore qu'aux Indes les fidèles de Ganesh dieu a tête l'éléphant massacrent les zélateurs de Vishnou, déesse aux bras multiples.
Mais quand dieu est unique il se bat avec tout le Monde.
Les juifs persécutent les disciples de Jésus qui en retour les massacrent entre deux pogroms de cathares ou d’autres hérétiques orthodoxes ou protestants. Mais tous conviennent à la fin de liquider les juifs.
Dans son inénarrable « Théologie portative » le philosophe d'Holbach pouvait écrire au siècle des lumières à propos des croisades :
« Expéditions saintes, ordonnées par les papes, pour débarrasser l’Europe d’une foule de vauriens dévots, qui pour obtenir du ciel la rémission des crimes qu’ils avaient commis chez eux, s’en allaient bravement commettre de nouveaux chez les autres »
Aujourd'hui c'est pour l'islam qu'on tue.
Holbach disait ceci :
« Mahométisme : Religion sanguinaire dont l’odieux fondateur voulut que sa loi fût établie par le fer et par le feu ; on sent la différence de cette religion de sang et de celle du Christ qui ne prêcha que la douceur, et dont en conséquence le clergé établit ses saints dogmes par le fer et par le feu. »
Le monothéisme hait la femme
On a connu de fortes personnalités de femmes sous l'Antiquité Romaine. Qui peut dire que Livie, femme d'Auguste, Mélusine qui faisait des concours de débauche, les deux Agrippines ou les impératrices régentes Julia Domna ou Julia Maesa ne furent pas des femmes d'autorité qui dominèrent leur siècle. La matrone Romaine ne s'en laisse pas compter. Elle domine le ménage et il faut filer doux.
C'est que chez les Grec et les Romains les divinités se partagent entre les deux sexes. Aphrodite, Artémise, Athéna, Déméter, Gaïa ou Perséphone, pour ne citer que les plus connues, s'affrontent aux dieux mâles qui souvent cèdent le pas face à elles.
Les monothéistes au contraire, ceux des trois religions, la femme, ils la veulent brisée, à terre, plus bas que terre quand ce n'est pas brûlée vive lorsqu'elle relève la tête.
Dans l'ancien Testament des Juifs on leur attribue le premier péché (Genèse) Elles font partie des meubles : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son esclave, ni son bœuf, ni son âne, ni rien qui lui appartienne » Ce sont des séductrices qu'il convient d'éviter ! « Et j'ai trouvé plus amère que la mort : la femme dont le cœur est un piège et un filet, et dont les mains sont des liens ; celui qui est agréable à Dieu lui échappe, mais le pécheur est pris par elle. » On se demande bien pourquoi, tant il est vrai que jusqu’au 6ème siècle, elle n’a officiellement pas d’âme.
Dans le Nouveau Testament des chrétiens : « Je veux cependant que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l'homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef de Christ. » La femme est l'objet honteux du désir.
Quant au Coran, mieux vaut se taire.
Le monothéisme hait le sexe et au-delà déteste le plaisir. Là où les religions polythéistes se réjouissent des fruits de ce monde et appellent à en user avec modération, les monothéismes sont tentés par une forme particulière de nihilisme qui consiste à tout miser sur le pari risqué de la survie, dans un au-delà, de ce qu'ils appellent l'âme.
On pourrait le croire vertueux mais... Le monothéisme n'a pas aboli l'esclavage
Ce sont les Lumières qui l'ont aboli. La très sainte Russie sera la dernière à le pratiquer, après les pieux évangélistes américains.
« Jésus Christ fut le dernier chrétien » disait Nietzsche
Le monothéisme n'a pas aboli la superstition
Ceux qui connaissent bien l'Italie la savent païenne au fond. On comprend vite qu’en Italie la religion sert avant tout à conjurer les mauvais sorts du destin. Les saints ont remplacé les Dieux. Ils sont même spécialisés On les appelle les saints auxiliateurs :
Si vous êtes vierge et cherchez un époux : priez Sainte Barbe.
Si vous avez des maux de gorge : priez Saint Blaise
Pour vos voyages, voyez Saint Christophe
Pour régler les discordes, consultez Saint Eustache
Pour votre grossesse, voyez Sainte Marguerite
Et si vous êtes épileptique, dansez avec Saint Guy.
Le monothéisme est un rétrécissement de la pensée.
Flaubert a dit ceci de l'Empire Romain des deux premiers siècles de notre ère :
« Les Dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été. »
Avant qu’il ne soit établit (par le fer et par le feu de l’inquisition ou de Daesh) que l’homme est fait à l’image de Dieu qui nous aime même si parfois il nous éprouve pour mieux nous accueillir dans son froid paradis, avant cette fable que la science des hommes ne peut plus accepter, on raisonnait à Rome ou à Alexandrie.
Ce qu’Hypatie enseignât là-bas, est la philosophie d’Epicure (340 avant JC) et celle d’Epictète (stoïcien 50 après JC)
Pas celle de Socrate, Platon, ou Aristote, ces philosophes presque maudits par leurs contemporains que seule la chrétienté rendit à postériori célèbres parce qu’ils n’étaient pas incompatibles à son dogme.
Non les philosophes matérialistes, épicuriens, hédonistes ou stoïcs , qui eux seuls sont l’âme de la philosophie grecque. Et pour bien comprendre celle-ci mieux vaut lire les philosophes latins dont le style est moins archaïque.
Voici ce qu’enseignait Hypatie :
MARC AURELE
Philosophe / Empereur de Rome (la carte de visite est sublime !)
(121-180) Pensées pour moi-même.
« Forte natus sumus in mundo qui non curat. Nous sommes nés par hasard dans un monde qui s’en moque.
Qui a vu ce qui est dans le présent a tout vu, et tout ce qui a été de toute éternité et tout ce qui sera dans l'infini du temps.
Tu as subsisté comme partie du Tout. Tu disparaîtras dans ce qui t'a produit, ou plutôt, tu seras repris, par transformation, dans sa raison génératrice.
La mort est la cessation des représentations qui nous viennent des sens, des impulsions qui nous meuvent comme avec des cordons, du mouvement de la pensée et du service de la chair.
Tout est éphémère, et le fait de se souvenir, et l'objet dont on se souvient.
Tout ce qui arrive est aussi habituel et prévu que la rose au printemps et les fruits en été; il en est ainsi de la maladie, de la mort, de la calomnie, des embûches et de tout ce qui réjouit ou afflige les sots.
Celui qui craint la mort, craint de n'avoir plus aucun sentiment, ou d'éprouver d'autres sentiments. Mais, s'il n'y a plus aucun sentiment, tu ne sentiras aucun mal. Et si tu acquiers d'autres sentiments, tu seras un être différent, et tu n'auras pas cessé de vivre.
Bientôt tu auras tout oublié, bientôt tous t'auront oublié. »
SENEQUE
Philosophe / Administrateur de l’Empire
(4 avant JC - 65 après JC) Lettres à Lucilius
« Personne n’a jamais su qu’il était mort.
L'heure qui vous a donné la vie l'a déjà diminuée
Le plus grand obstacle à la vie est l'attente, qui espère demain et néglige aujourd'hui.
Ma patrie est le monde.
Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. »
Albert Camus prolongera cette pensée :
« A cet instant subtil où l'homme se retourne sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple cette suite d'actions sans lien qui devient son destin, créé par lui, uni sous le regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa mort. Ainsi, persuadé de l'origine tout humaine de tout ce qui est humain, aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n'a pas de fin, il est toujours en marche. Le rocher roule encore. Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni fertile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux » Le Mythe de Sisyphe, Gallimard, 1942.
Pour finir écoutons le Marquis de Sade dans sa Philosophie dans le boudoir :
« Cessons de croire que la religion puisse être utile à l'homme. Ayons de bonnes lois, et nous saurons nous passer de religion. Mais il en faut une au peuple, assure-t-on ; elle l'amuse, elle le contient. À la bonne heure !
Donnez-nous donc, en ce cas, celle qui convient à des hommes libres. Rendez nous les dieux du paganisme. Nous adorerons volontiers Jupiter, Hercule ou Pallas ; mais nous ne voulons plus du fabuleux auteur d'un univers qui se meut lui-même ; nous ne voulons plus d'un dieu sans étendue et qui pourtant remplit tout de son immensité, d'un dieu tout-puissant et qui n'exécute jamais ce qu'il désire, d'un être souverainement bon et qui ne fait que des mécontents, d'un être ami de l'ordre et dans le gouvernement duquel tout est en désordre.
Non, nous ne voulons plus d'un dieu qui dérange la nature, qui est le père de la confusion, qui meut l'homme au moment où l'homme se livre à des horreurs ; un tel dieu nous fait frémir d'indignation, et nous le reléguons pour jamais dans l'oubli, d'où l'infâme Robespierre a voulu le sortir. »