Prenez et mangez, et donnez à manger à celui qui a faim… !
Cette injonction est extraite d’un rituel maçonnique, il faut la prendre dans son sens moral, il est question de nourritures spirituelles et de la Connaissance, mais pas seulement ! Le compagnon partage son pain et aussi le bien moral, c’est ainsi qu’il accomplit son devoir d’homme.
Coluche, celui qui voulait donner à manger et à boire à tous ceux qui ont faim et soif sans discrimination, est passé à l’Orient éternel le 19 juin 1986, il y a 36 ans. Il pensait que la 5ème puissance du monde serait capable de réaliser son rêve de justice. L’histoire prouva hélas que non, malgré des bénévoles de plus en plus nombreux se substituant à l’incurie des gouvernements successifs. Coluche succédait déjà à l’Abbé Pierre l’abbé des pauvres et des mal logés, qui lançait son appel pathétique le 1er février 1954 au cœur d’un hiver rigoureux, il y a 68 ans : « Mes amis au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à 3 heures, sur le trottoir du Boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, on l’avait expulsée… » (1)
La faim, le manque de logement sont toujours présents dans notre société.
La Franc-maçonnerie nous demande de pratiquer la justice et de combattre donc toutes les injustices, pour se faire elle a aussi ses œuvres de charité, mais le cœur de sa démarche est bien son combat contre les injustices, elle lutte pour que tous les hommes soient frères, elle lutte pour la dignité de l’homme. Faut-il choisir entre justice et charité, il ne peut y avoir de justice sans charité préalable sans amour de l’homme.
Faut-il que la charité soit ostentatoire ? La réponse est complexe, l’ostentation individuelle n’est pas souhaitable, elle ne fait que flatter l’orgueil, mais l’ostentation dans un cadre collectif est de nature à mettre les gouvernements devant leurs insuffisances et leurs responsabilités.
À propos du spectacle « Les enfoirés » le chanteur Bernard Lavilliers a déclaré récemment : « On ne défend pas une bonne cause avec de mauvaises chansons…. C’est une sorte de fiesta, et pourquoi pas finalement. Mais c’est toujours pareil, on fait la charité parce que l’on est incapable d’imposer la justice. » (2)
Pourtant Jean-Ferrat ne chantait pas pour passer le temps.
Les Francs-maçons ne maçonnent pas non plus pour passer le temps.
On ne peut pas opposer charité et justice, la charité ne peut pas non plus se substituer à la justice et il n’y a pas de justice sans charité. Cette charité qui commence par l’écoute de l’autre, la considération de l’autre, de sa dignité d’homme. On parle de conversion du regard en Franc-maçonnerie, l’importance du regard que nous portons sur nous-mêmes et sur l’autre est plus importante que la chose regardée, c’est dans ce mouvement du regard vers soi et vers les autres que naît la fraternité. Comprendre donne la force de faire, la capacité de faire, l’écoute de l’autre est le premier pas vers lui. « Tant de fois j’ai senti la nature réclamer de moi un geste, et je n’ai pas su lequel lui donner ». (3)
Nourritures terrestres et nourritures spirituelles ne s’opposent pas, sauf peut-être pour les anachorètes, les ermites solitaires. Ce que ne sont pas les Francs-maçons. Ils ont à cœur le partage, et la transmission de ce qu’ils ont reçus. Le grand mot, comme le grand projet est la fraternité. Mettre fin à la souffrance, la remplacer par la joie.
Le drame est sans doute que dans notre société l’on ne sait plus se parler d’homme à homme. Que l’on détourne trop souvent le regard on s’abrite, l’on s’achète une conscience individuelle et collective. Il n’y a plus assez de ciel et d’étoiles dans nos yeux comment pourrions-nous dès lors donner de l’espérance aux autres et formuler le vœu que ce qui est en bas soit semblable à ce qui est en haut ! On a remplacé la divinité des nombres, par la sécheresse spirituelle des chiffres et des pourcentages, en ne parlant plus que de chiffres, on ne parle plus l’homme, l’on ne parle plus aux hommes.
« La terre se couvre d’une nouvelle race d’hommes à la fois instruits et analphabètes, maîtrisant les ordinateurs et ne comprenant plus rien aux âmes, oubliant même ce qu’un tel mot a pu jadis désigner. Quand quelque chose de la vie les atteint malgré tout, un deuil ou une rupture, ces gens sont plus démunis que des nouveaux nés. Il leur faudrait alors parler une langue qui n’a plus cours, autrement plus fine que le patois informatique ».(4)
À force de ne parler qu’en chiffres on ne sait plus parler d’âme à âme, notre langage a perdu les mots de justes, les d’amour qui sont pourtant à la fois nourriture terrestre et spirituelle.
Jean-François Guerry.
- L’Abbé Pierre Extrait de son appel du 1er février 1954.
(2) Bernard Lavilliers Extrait d’interview lors de la sortie de son dernier disque.
(3) André Gide Les Nourritures Terrestres 1897.
(4) Christian Bobin Ressusciter. Page 51 Éditions Folio 2001.
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VIENT DE PARAITRE-
En quête du Mystère
par-delà impasses et fantasmes
Pourquoi cette obsession pour le mystère ?
Le mystère n’est pas une énigme à déchiffrer !
Commençons par affirmer qu’il n’y a pas de mystère et que ce sont nos illusions chimériques qui l’inventent.
Il s’agit alors seulement d’accepter la réalité telle qu’elle est. Toute la réalité, pas seulement celle des apparences.
Le seul problème, c’est que nous ne savons pas la voir.
Le mystère est donc cette réalité qui nous reste inconnue, réalité ultime que nos concepts sont impuissants à décrire.
Notre rapport au mystère tient dans notre incapacité à nous relier au réel et à accepter une réalité plus grande que nos perceptions.
Pour entrer dans le mystère, il faut en pénétrer toutes les dimensions, en ressentir l’épaisseur et accepter, tout simplement, de le vivre.
Au sommaire
Fred PICAVET, En quête du Mystère
Jean DUMONTEIL, Dans la simplicité et la générosité du mystère
Bertrand VERGELY, L’apophatisme, approche du Mystère
Gaston-Paul EFFA, Le nouvel Orphée ou la poésie pour entrer en Mystère
Jacques DI CONSTANZO, La Vérité, perpétuel mystère, est-elle inscrite dans nos
neurones ?
Richard BACIN, Les cultes dionysiaques
Pierre PELLE LE CROISA, Un petit « Rien » du « Tout » !
Jean-Michel MENCIA-HUERTA, Le cheminement du maçon…? Un vrai mystère !
« Cahiers de L’Alliance » n°10, En quête du Mystère, Ed Numérilivre,
Paris, octobre 2021, 120 pages, 18 €. – abonnement un an, 3 numéros, 48 €.
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Au rythme de 3 numéros par an, les Cahiers de L’Alliance sont édités par la Loge nationale de recherche de la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française.
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