LE SOUFFLE DU BAISER
L’accolade fraternelle est le point d’orgue, de la plupart des cérémonies initiatiques en franc-maçonnerie. Elle n’est en rien comparable avec le vulgaire baiser à connotation sexuelle.
Le baiser donné par le président de la cérémonie, est le souffle de l’âme, la transmission de la lumière intérieure. Les âmes se mêlent et se confondent.
Ainsi chacun entre en contact avec la partie supérieure de l’autre, c’est un double mouvement du souffle qui va de l’intérieur vers l’extérieur et aussi de l’extérieur vers l’intérieur.
Il y a comme absorption de la connaissance qui passe de l’un à l’autre, le baiser transmet le mystère. Le président est le transmetteur au nom du groupe, il ouvre le cœur du nouvel initié, chacun ensuite donnera son accolade fraternelle, à celui qui a demandé la lumière. Le baiser fraternel est donc le messager de cette lumière. « C’est lumière sur lumière. »
JF.
SALOMON ET LA REINE DE SABA
LE CANTIQUE DES CANTIQUES DE SALOMON
La BIEN-AIMEE.
Qu’il me baise des baisers de sa bouche.
Tes amours sont plus délicieuses que le vin ;
L’arôme de tes parfums est exquis ;
LE SYMBOLISME CHEZ BECKETT
Un étudiante en lettre Marion DELILLE, propose une étude de la symbolique du décor dans la pièce fin de partie de S BECKETT. Une source d'inspiration pour tous ceux qui cherchent a donner un sens à leur vie.
JF
La symbolique du décor dans Fin de partie de Samuel Beckett
Comment la scénographie induit une dimension symbolique forte, relative notamment à l’existence humaine ?
I - Un univers gris et immobile
A ) Une teinte dominante
B ) Des corps invalides
II - Peut-on échapper à la banalité ?
A ) méditation clownesque sur l’âge et la dégradation physique
B ) quête inaccomplie : trouver un échappatoire
III - Etude comparative de mises en scène
A ) Choix d’un comédien noir dans le rôle de Clov
B ) Une étonnante abondance de blanc
C ) Travestissement et image du cercueil
Sources
émission de France culture
les nouveaux chemins de la connaissance
- Deleuze et la littérature : Beckett et la figure de l’épuisé
- L’absurde, Samuel Beckett
bibliographie
Le pictural dans l'œuvre de Beckett: approche poïétique de la choseté
Par Lassaad Jamoussi
INTRODUCTION
La Scénographie
Patrice Pavis dans son dictionnaire du théâtre donne 4 sens au mot scénographie à savoir notamment une compétence plastique. Il décline cette compétence en 4 axes, l’art de dessiner un édifice en perspective, l’art de peindre la scène théâtrale, les décorations et la science de la scène et de l’espace théâtral ( scène et salle ). Ce sera cette composante plastique et picturale de l’art théâtral qui va ici nous intéresser. Tout notre travail va s’articuler autour de la problématique suivante : Comment la scénographie induit une dimension symbolique forte, relative notamment à l’existence humaine ?
Axes de réflexion
Parabole dérisoire, transposition sarcastique du quotidien, méditation clownesque sur l’âge et la dégradation physique, combat archaïque du maître et de l’esclave, pantomime fragile, confrontation vertigineuse du Père et du Fils …
I - Un univers gris et immobile
A ) Une teinte dominante
La didascalie initiale nous propose un « Intérieur sans meubles. Aux murs de droite et de gauche vers le fond, deux petites fenêtres haut perchées, rideaux fermés. Porte à l'avant–scène à droite. ». Telles sont les indications de Beckett concernant le décor de Fin de partie.Une pièce vide donc, avec trois trous. Comme l'intérieur d'un crâne avec la fenêtre rappelant un œil et la porte comme orifice pour la bouche.
De plus, nous avons un oxymore saisissant « noir clair », qui met en scène cette thèse du gris. Beckett travaille autour d’une théorie plus philosophique que littéraire (idée que ce n’est pas la figure de style qui importe mais bien l’image renvoyée). Cette présence du gris monochrome traine tout le long de la pièce. Le gris constitue la couleur dominante de l’esthétique cubiste analytique ( cf. Braque et Picasso ). Cette monochromie accentue la valeur picturale cubiste comme par exemple dans l’évocation de la cuisine : second espace dramatique extra-scénique décrit comme parfaitement cubique, idée de géométrie ( table + mur ).
D’un point de vue symbolique, le gris n'est pas au sens strict du terme une couleur. À mi-chemin entre le blanc et le noir, le gris est une teinte plutôt fade, associée à la tristesse et à la solitude. Il est vrai qu'il est difficile pour le gris d'être pimpant quand on sait que dans la nature, il est représenté par les souris ou la poussière. En trop grande quantité, le gris ramène à un univers fade, triste et mélancolique.
Dans Fin de partie, l’espace scénique n’est pas conçu comme un simple contenant de l’action mais comme un actant qui participe de l’action elle-même . On peut d’ailleurs lire une référence à Duchamp, lorsque Hamm demande à Clov d’aller lui chercher deux roues de bicyclette (Cf. Ready-Mades). Les images des personnages sont amenées à se croiser et même à se superposer dans l’espace et dans le temps comme dans une composition cubiste, l’esthétique cubiste dynamise l’espace par l’introduction du temps. En plus de cette dimension cubique claire, on peut assimiler l’ensemble des personnages en tant que corps invalides (idée d’objet plastique mutilé) .Ceci confirme la dimension cubiste du mode d’organisation de l’espace gestuel (lignes statiques).
B ) Des corps invalides
Toute l’oeuvre de Beckett s’articule autour de la figure de l’épuisé qui s’exprime le plus souvent à travers un moyen plastique, celui de la fixation du personnage dans une posture qui l’emprisonne et dont il ne peut plus s’échapper. Les personnages à travers leur présence picturale cubiste dans un espace gestuel géométrique échappent au principe de représentation. L’épuisé est immobile, pour Deleuze le personnage de Beckett par excellence. Deleuze s’est intéressé à Beckett et a écrit l’épuisé en 1992. L’épuisé est beaucoup plus que le fatigué (ce n’est pas de la simple fatigue), c’est beaucoup plus fort. Le fatigué ne dispose plus d’aucune possibilité subjective. L’épuisé épuise tout le possible, l’épuisé ne peut plus possibiliser : plus de possible. Il s’épuise en épuisant le possible, il en fini avec le possible au delà de toute fatigue. Dieu c’est l’ensemble de toute possibilité, le possible ne se réalise que dans le dérivé et la fatigue.
Deleuze écrit donc son texte en 1992, texte qui s’inscrit dans le sillage d’un travail antérieur. Le texte ouvre certaines perspectives sur la littérature tout en portant la question de l’image autour du cinéma. L’épuisé c’est celui-ci qui est fixé à la chaise on pourrait comparer Beckett à Hitchcok par exemple. Dans le film Fenêtre sur cour, Jeff est fixé sur une chaise (chambre) et va se mettre à convoquer les possibles jusqu’à les épuiser. C’est cette image de l’insomniaque à la fenêtre qui inspecte avec l’oeil de l’esprit ce qui advient au dehors. Les éléments s’inscrivent autour du discours de Jeff. La différence c’est que le personnage de Jeff peut explorer les possibles, il est seulement immobile à cause de sa jambe dans le plâtre
Beckett c’est un espace où finalement rien ne peut advenir. C’est l’idée d’une immobilité générale et plus simplement physique, les personnages sont déconnectés de l’espace et du temps : ils n’avancent pas. On retient l’idée d’une attente entre 4 murs : surgissent des manières de voir, des perceptions…Une sorte d’ensemble de mots pour voir. Beckett met en place un protocole pour indiquer par les mots : un texte qui sert à mettre en image. On comprend que l’épuisé n’est pas seulement cette signification physiologique (cf. Jeff). Il s’agit de passer d’un épuisement physique à un épuisement logique. Epuisé c’est cette combinaison, combiner selon toutes les possibilités en vue d’un agencement. C’est la langue elle-même qui s’épuise, Cf. Jules Verne 20000 lieux sous les mer : liste de noms de poissons, in fine les noms eux-mêmes se chargent de couleurs et d’images. Les mots s’entrechoquent et la combinatoire dessine. Dans Beckett on a cette même préoccupation, la formation d’une rythmique. L’insomniaque entend ses battements de cœur et son murmure, il est submergé par les sons. Il est dans l’idée, la création de quelque chose que d’autres auteurs avant Beckett avaient envisagé. On pense notamment à Valéry qui travaille autour d’une réflexion sur la belle au bois dormant : que peut-il se passer au bout de 100 ans pour la belle au bois dormant ? A quoi pourrait-elle rêver au bout d’un temps donné ? : Silence absolu ? Valéry continuera cette idée dans Monsieur Teste (homme quasiment Beckettien, existence, renoncé à tout) : insomniaque pour écrire ses cahiers, atmosphère, sanctuaire Beckettien, le personnage est pris dans cette pensée qui surgit quand le corps ne peut plus.
Chez Deleuze ce qui est intéressant c’est lorsque le corps n’est plus dans un schéma sensori-moteur, le mouvement devient impossible quand le corps est épuisé ou encore rétamé. On peut dire que l’esprit se met en place et surgit. Beckett va lui, prendre en charge un épuisement, ses personnages sont tellement épuisés qu’ils perçoivent leurs corps s’épuiser. C’est l’idée suprême de la déchéance physique (cf. Beckett, Malone meurt « mon corps ne peut plus rien », « quelque part dans cette confusion, la pensée s’acharne », « je meurs à l’insu de ma chair stupide », « j’en ai assez », « je serai tranquille »).
C’est à dire que, les personnages de Beckett sont incapables de bouger: mais chacun peut-il vraiment bouger ? Ne sommes pas tous bloqués dans une certaine partie du monde ?
En conclusion, l’épuisé n’est pas une loque, ce n’est pas l’idée d’une fin du monde, du suicide. C’est plutôt le sentiment qu’avec Beckett on rentre dans une autre géo-philosophie, on est happé de la joie Spinoziste et par la passion obscure . C’est la question du clair et distinct, question de la propriété. Les passions obscures de Beckettapportent une chute qui permet de revoir les choses. Le personnage de Beckett ne renonce pas, il attend, ça continue. D’une certaine manière nous sommes seul pour choisir l’issue (Cf. l’innommable, Beckett => personnage incapable de bouger, de parler). L’univers de Beckett est certes tragique mais aussi l’on arrive à rire pour prendre conscience du caractère tragique de l’existence (ex: envie de chanter). On est dans quelque chose de créateur où l’épuisé ne s’effondre pas mais au contraire gagne le rire, est toujours secoué par le rire. On pense notamment à la chanson de Minnie dans les beaux jours : le corps part mais la mélodie reste ( titre : heure exquise )
II - Peut-on échapper à la banalité ?
A ) méditation clownesque sur l’âge et la dégradation physique
On a le sentiment chez Beckett que le temps ne passe pas et pourtant on peut lire à travers cette pièce une méditation sur la dégradation physique. On retrouve différents objets scéniques : Un tableau retourné, Un vieux drap ( idée d’usure ), personnage recouvert = oublié ?, Un fauteuil à roulettes, Un escabeau ( élévation ? ), Un sifflet, Un chien en peluche, Deux poubelles côte-à-côte, une lunette . Tous ces objets sont, de façon dominante, des prothèses qui incarnent une banalité totale. Le tableau retourné est la négation de l'art comme échappatoire par l'absence totale d'échappée par l’imaginaire.Cet univers est déconcertant car Beckett rompt avec les codes de la mimésis aristotélicienne.
Il y a peu de différences entre les personnages et les objets, ce qui amène à une confusion et à une continuité de l'un à l'autre. C'est une métaphore de la déchéance, de la cécité, de la désagrégation, un simulacre de vie où c'est la mort qui prédomine. Même l'escabeau qui est un élément comique (car il renvoie à la pantomime) amène à une tentative de s'élever qui n'aboutit jamais et donc à un nouvel échec. Le chien en peluche est un élément dérisoire. Il lui manque une patte, ce qui fait écho aux infirmités des personnages. La poubelle de Nagg symbolise l’aliment (réclame sa bouillie et ses biscuits) et celle de Nell est marquée par l’excrément. Ne pourrait-on pas lire dans cette interprétation, une représentation de l’action humaine : Profiter puis détruire.
B ) quête inaccomplie : trouver un échappatoire
D’un point de vue symbolique, la pièce est bercée par la recherche continue par les personnages de la lumière sans jamais l’obtenir (sont dans la grisaille). On notera la présence intrigante d’un tableau retourné , tableau qui signifie la perte de toute justification ornementale ou artistique (symbole d’une perte de sens et donc une forme d’absurde.)Le décor est sinistre, c’est un lieu clos (enfermement) : l’extérieur apparaît difficilement accessible «deux petites fenêtres haut perchées». Ce symbole de l’échelle peut signifier vers Dieu. Ce qui ne serait pas sans rappeler la pièceEn attendant Godotpossiblement « en attendant Dieu ».
On peut donc dire que Fin de partie est étroitement liée à Godot. Fin de Partie reprend un certain nombre de choses mais prend un virage décisif : passage de l’extérieur (route avec arbre chez En attendant Godot) à l’intérieur ( intérieur gris ), c’est un décor entièrement intérieur (cf.idée de l’intériorité et thèse du crâne ). On retrouve cette routine dans en attendant Godot, tout se répète et pourtant quelque chose suit son cours (même scène mais les feuilles poussent). Finalement, Fin de partie c’est un « Intérieur sans meubles » (vide, idée esprit vide ?) avec une « Lumière grisâtre » (flou, peu visible, idée de mystère) et une alternance droite/gauche qui peut traduire une incertitude. A travers cette incertitude on peut penser à une quête du chemin, une démarche liée à l’errance.Dans une approche symbolique, la droite et la gauche marquent souvent une opposition : masculin/féminin, conscient/inconscient (…)
III - Etude comparative de mises en scène
A ) Choix d’un comédien noir dans le rôle de Clov
En premier lieu, nous allons nous pencher sur la mise en scène de Jean Claude Fall. Le point qu’il semble important de souligner est le choix d’un comédien noir dans le rôle de Clov : Babacar M’Baye Fall. La question soulevée semble être : peut-on y voir la représentation d’un combat archaïque entre un maître et un esclave ? La notion d’esclavagisme associée à Clov se voit ici vivement soulignée par le choix d’un homme noir comme comédien, il renvoi au serviteur noir. Cependant, on peut voir dans ce choix l’application d’une tout autre théorie : celle qui confère à l’homme noir l’incarnation de la figure du rêve. Il symbolise la part obscure de notre personnalité. Puis, au niveau du décor, à travers de translucides murs s’ouvre un monde en cendres : un espace dévasté par un accident majeur. Seuls quelques squelettes subsistent : vélo, landeau, lit…
B ) Une étonnante abondance de blanc
Puis, intéressons-nous à la mise en scène d’André Sanfratello et de Sandrine Bauer qui tient sa particularité de l’abondance de la couleur blanche dans le décor. On note, dans cette mise en scène, que le lieu de l’intrigue correspond à un lieu clos, au bord de la mer. Ce lieu en question est illuminé par deux hublots inaccessibles sauf à l’aide d’une échelle. Cette mise en scène relève d’une tension permanente en accord avec cet espace d’enfermement physique et mental. Ensuite, le choix d’un univers absolument blanc se doit d’être noté. Seuls quelques objets viennent rompre ce blanc : il y a en effet une peluche noire, un réveil noir, ainsi qu’un pantalon gris et des taches sur le peignoir. On relève également la présence d’une lumière blanche presque glaciale avec quelques rayons bleus : une certaine ambiance de bloc opératoire s’installe. Cette ambiance de bloc opératoire souligne l’idée que les personnages de la pièce sont aliénés par leurs habitudes et la routine d’un quotidien précaire, ils manifestent les excès de comportement de créatures semblables à des cobayes de laboratoire (peur panique, joie délirante, tentation suicidaire, tendresse désarmante, autoritarisme violent…)
C ) Travestissement et image du cercueil
Enfin, la mise en scène de Krystian Lupa : cette mise en scène semble intéressante de par le choix d’une femme dans le rôle de Clov : la comédienne Susi Sanchez. De plus, les poubelles se voient ici remplacés par des sortes de coffres, ils s’apparentent à des cercueils. Puis, le décor minimaliste fané et moisi du lieu donne le ton : les murs sont délabrés et délavés. La couleur verdâtre des murs s’apparente à de la moisissure sur laquelle viennent s’ajouter des coulées de rouilles symbolisant l’usure du temps. L’éclairage gris-blanc tend parfois vers le jaunâtre soulignant l’impatience de Hamm à voir le soir arriver. Au niveau des objets, il semble important de souligner que Hamm est ici en fauteuil roulant : son infériorité physique est vivement soulignée. Enfin, dans cette mise en scène, Hamm a enfermé son père et sa mère dans des coffres qui sont plus de l’ordre du cercueil que de la poubelle. Les deux personnages dans les coffres se voient vêtus tous deux d’une ample chemise blanche : ils sont étendus dans les coffres et une paroi laisse entrevoir leur corps par transparence. Ils apparaissent sales. La figure de la mort est mise en avant : comme si les deux êtres avaient déjà rendez-vous avec la fatalité. La mort semble ici déjà programmée et attendue.
Conclusion
Pour conclure, on peut se reporter à la conférence de 1987« qu’est-ce qu’un acte de création ? » par Deleuze. Au cours de cette conférence, Deleuze fait la distinction entre la création artistique et la création littéraire. Cela amenant à mettre en lumière cette idée de présenter l’absurde de l’existence.
Ainsi, il est intéressant de considérer le travail de Beckett d’une certaine manière et de se demander si Beckett ne serait pas un palliatif à l’utopie ? Le combat du travail de Beckett est certainement survivre. Les débats existentiels des personnages sont des débats tournés en dérision, ils ne sont pas à prendre au premier degré. Il s’agit en fait de se débarrasser en littérature de la question du sens, ce qui ramène bien à l’extrait de la p47 : « ne serait-on pas en train de signifier quelque chose ? »,« Qu’est ce qui se passe ? », « Quelque chose suit son cours ». Peut-on finalement lire Fin de partie comme une leçon pour l’humanité ?
Marion DELILLE