Bonne lecture
Jean-François Guerry.
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’ambiguïté sera ici à son comble, et le narratif biblique jouera à plein cette ambivalence, selon que l’on se place dans la trahison, voie exotérique, ou dans la transmission, voie ésotérique. Les 2 testaments mêlent la signification des 2 mondes, profane d’un côté, abordable par une lecture textuelle, et sacré de l’autre côté, abordable par une lecture symbolique : ces 2 mondes sont donc accessibles dans des lectures différenciées, mais ne sont pas tranchés une fois pour toutes. Ils définissent, pour le lecteur avisé, l’existence d’un curseur de compréhension placé, suivant l’individu, entre un aspect purement littéral, où les textes sont la Parole directe de Dieu, et un aspect moins convenu, symbolique et abscons, bâti sur une Parole plus hermétique, plus cachée. En plus de la lecture possible des testaments, l’Ancien Testament épousera dans ses textes l’idée générale d’une transcendance de la déité et du sacrificiel qui en découlera, là où le Nouveau Testament exposera une immanence de cette même déité, et du miséricordieux qui en découlera.
C’est ce pourquoi l’histoire de ces 2 judas diffère et en même temps se ressemble, suivant la perspective humaniste et philosophique que l’on adoptera. Rarement un nom propre aura suscité dans la langue une appréciation à la fois si unanime et si spontanée à l’entendement et au jugement humain. Un Juda est ce qu’on appelle en linguistique une antonomase. Ce nom barbare qualifie une caractéristique forte de l’esprit, déclinée sous la forme d’un nom propre, bien caractérisé dans la culture humaine, qui en porte de façon directe et rapide la qualité. Quelques antonomases bien connues : un Cassandre, pour déterminer un prophète de mauvais augure ; un Harpagon, pour désigner un avare ; un Tartuffe, pour signifier un hypocrite, un Torquemada, pour caractériser un inquisiteur ou un apparatchik, et donc un Juda, pour qualifier un traître. Ces antonomases ont pour vertu d’accélérer l’appréhension d’une qualité particulière, en en liant le sens à un personnage haut en couleurs. Vous remarquerez aussi que ces formules de style vont souvent dans un sens que la morale et la bienséance réprouvent. En un mot, ce sont des failles ou des défauts qui sont ainsi mis en évidence, sans doute parce que la compréhension d’un concept ou d’une spécificité bien humaine est plus rapide, dans notre esprit, qu’une qualité, qu’il convient, avant de l’accepter, de passer au tamis intellectuel de l’orthodoxie, de la morale ou de la bienpensance. Nous pourrions ainsi dire, que, cognitivement, il est plus rapide, et sans doute plus marquant, d’utiliser la voie morale du mal, très directe et sans ambages, que celle du bien, qui réclame donc le passage par ces différents pare-feux que sont convenance, doxa ou bienséance.
Cela dit, le nom Juda ne se limite pas à cette connotation profondément négative qui en est le lieu commun, et où les sentiments qu’il provoque sont parmi les plus vilipendés. Car être fourbe, déloyal, félon ou insidieux peut être considéré comme le Nec Plus Ultra de la vilénie. Cette dernière posture, nous le savons, existe dans le monde profane, contribuant à placer la victime du traître en position vulnérable, soumise à tous les vents de la perfidie. Mais ce comportement permettra aussi à ladite victime de rebondir, sans doute parce qu’il conduit la victime de ces exactions à être démunie dans son essence même, à être nue et donc fatalement offerte à ce comportement délétère. Une fois débarrassé de sa coloration morale, ce dénuement, lorsqu’il devient symbolique, sera fréquemment le protocole d’action destiné, en franc-maçonnerie, à exposer le candidat à des circonstances codifiées, afin de le faire évoluer dans un sens didactique diligenté par le rite et le rituel. Les épreuves initiatiques seront ainsi là pour évaluer, mordancer, récoler un récipiendaire qui aura été, au préalable, mis dans une position favorisant cette exposition transitoire.
Le nom de Juda est répandu dans la Bible, mais 2 plus particulièrement attirent l’attention, par leur capacité à transporter le myste ou l’initié d’un monde vers un autre monde, selon un flux qu’on appelle pour nous, initiés, la spiritualité. La faculté à se projeter nécessitera un indispensable différentiel de valeurs et de nature entre ces 2 mondes, communément appelés monde exotérique, ou ouvert, et monde ésotérique, ou caché. Ces épithètes auront l’avantage à la fois de bien les distinguer, mais aussi, de bien les caractériser l’un par rapport à l’autre, car ce qui est caché l’est à l’œil du visible, et ce qui visible l’est comme ombre du caché. Cette spiritualité est assez difficile à définir : nous retiendrons qu’elle est d’abord, de par sa dynamique un élan, un momentum entre 2 milieux, 2 histoires, 2 attitudes. Il ne s’agira pas ici de créer un diktat symbolique, mais simplement de produire les conditions d’une « différence de potentiel » entre ces 2 modes d’existence.
Thierry Didier.
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