Quel drapeau pour la Bretagne, quel emblème de la Bretagne, Kroaz du ou Gwen ha du ?
Le sujet que nous nous proposons d’évoquer ce midi n’est pas seulement un rappel historique, mais, il nous implique, soit au travers de la simple éthique, soit au souvenir d’un de nos rituels qui nous dit que, je cite : « Les lumières du passé éclairent l’obscurité de l’avenir ».
Et les souvenirs, ce sont les reproches de mon père, lorsque adolescent, j’affichais le Gwen ha du sur les murs de ma chambre, je ne comprenais pas ses reproches, d’autant que je savais mon père parfaitement breton tout son entourage parlait breton, et était plutôt fière de son identité. Lorsque je partais pendant les vacances en faisant du stop sur les routes d’Europe en arborant justement ce drapeau. Il attirait la curiosité, il nous permettait de belles rencontres. Mais les reproches continuaient, il m’en aura fallu du temps pour comprendre, mais aujourd’hui, je sais pourquoi. Donc devant ces questions, je vais procéder comme un juge d’instruction, qui travaille à froid sur les « cold case ». Car il s’agit d’une vieille affaire. Je vais tout mettre sur la table, et on va regarder ensemble. Une très vieille pour le Kroaz du. Une toute récente pour le Gwen ha du.
Le KROAZ DU
La plupart des drapeaux, flammes des pays d’occident sont ornées d’une croix. On peut les citer, les pays scandinaves, Norvège, Suède, Danemark, Islande et Finlande, même le royaume uni, le pays de galle, l’écosse, la Georgie, etc. Voir d’autres régions du pays (la Savoie, le pays basque etc...même la Suisse a sa croix..). On pourra croire voir là l’influence du christianisme triomphant. Ce n’est pas si simple que cela. Le symbole du christianisme primitif n’était pas la croix, mais le poisson, signe de partage, comme un rappel de pâques. Peut-être également parce que les romains n’exécutaient pas sur les croix, mais sur des « Tau ». Le symbolisme de la croix est bien antérieur au Christianisme, et son appropriation par les sectes Chrétiennes est arrivée bien après les opérations du début de l’ère. Sans doute à l’époque de la rédaction des premiers évangiles vers le 1er et 2ème siècle, et reconnu plus tard à l’époque de l’Empereur Constantin au 4ème siècle, soit très loin après l’histoire. Le symbolisme qui nourrit cet espace reconnait au premier degré le symbolisme du fil à plomb que vous avez sous vos yeux, et qui nous amène dans sa verticalité à nous plonger vers nous-même et celui du second degré qui nous donne dans son horizontalité à parcourir le monde. Vertical et horizontal se croisant dans le signe évoqué.
Ceci dit, ceux qui l’ont adopté, au 12ème siècle savaient qu’il adossait ce choix au Christianisme qui forgeait la pensée dominante de l’époque. Donc ce drapeau, ce kroaz du, la croix noir sur fond blanc qui a parcouru les mers du globe est le drapeau breton historique le plus ancien, son origine remontrait à la troisième croisade (1188) selon certains auteurs, longtemps utilisé en tant que pavillon maritime au XVIe siècle, le Kroaz Du est encore de nos jours hissé dans de nombreuses villes côtières de Bretagne. Il serait porté par les chevaliers templiers bretons, cela voudrait dire qu’il aurait été jusqu’à Jérusalem.
Lors de la première croisade, Alexis Ier Comnène, l’empereur byzantin, fit tailler dans ses manteaux de pourpre des croix rouges qu'il fit distribuer aux pèlerins afin qu'ils puissent traverser l'empire byzantin sans encombre. Cette croix fut rapidement arborée par les Croisés. Suivant la tradition, en 1098, à la bataille d'Antioche, les chrétiens ont été aidés par des armées angéliques vêtues de blanc et chevauchant des chevaux blancs. Leurs bannières, que les Croisés ont reproduites, étaient blanches avec des croix rouges.
Lors de la troisième croisade, le 13 janvier 1188, une conférence à Gisors réunit le pape Clément III, le roi de France Philippe Auguste, le roi d'Angleterre Henri II Plantagenêt, auquel succédera six mois plus tard Richard Cœur de Lion, ainsi que le comte de Flandre Philippe d'Alsace. Ils décidèrent d'attribuer une couleur de croix par nationalité afin de distinguer les nations. Le royaume de France prit la croix apparue lors de la première croisade et mentionnée quelques années plus tard comme étant la croix de Saint Georges terrassant le dragon, rouge du sang du Christ sur un drapeau blanc, le drapeau des templiers ; les Anglais eurent l'inverse, la croix d'argent (blanche) sur fond rouge ; les Flamands, seuls représentants de l'Empire qui rallia la croisade la même année par une décision prise à la diète de Mayence, la croix verte sur un drapeau blanc. Par la suite, de même que les Italiens adoptèrent la croix d'or (jaune), les Bretons auraient pris la croix noire, peut-être à la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle, peut-être en 1236-1237 quand Pierre Mauclerc fut pressenti par le pape Grégoire IX comme chef de la future croisade. Cependant, il n'existe aucun texte, ni iconographie de l'époque permettant de l'affirmer.
Par-contre, l'usage de la croix noire est attesté au quinzième siècle, comme le montre une enluminure du manuscrit Compilations de Chroniques et des Bretons illustrant le combat des Trente. L'étendard à croix noire est également utilisé pour figurer la victoire des blésistes (partisans de Charles de Blois) lors de la prise de Vannes en 1342 (enluminure du XVe ou XVIe siècle). On retrouve la croix noire sur le drapeau de la ville de Nantes. Elle figurait aussi sur ceux de Brest (fond blanc et bande rouge) et de Saint-Malo (sur fond rouge, remplacé par le bleu-blanc-rouge, récent).
La croix noire est la marque des combattants bretons à Saint-Aubin-du-Cormier (récit de la bataille dans les chroniques). Elle est mentionnée comme emblème breton dans le récit versifié Le franc-archer de Bagnolet (XVe siècle). Il s'agit d'un signe populaire et d'un attribut d'Etat internationalement reconnu.
Le Kroaz du était également arboré par les navires bretons qui sillonnaient les mers. Les différentes cartes marines le figurant l'associent à des mouchetures d'hermine, symbole des ducs de Bretagne. Après 1532, des variantes de ce pavillon sont encore utilisées par la marine, en particulier par l'Amirauté de Bretagne. Il est modifié et on voit apparaître un filet noir (resarclé). L'Amirauté est abolie par Richelieu en 1626, puis rétablie par Louis XIV, puis abolie de nouveau à la Révolution française en 1789. Cependant, le drapeau continuera à flotter sur les navires de Bretagne, il était le signe de la vivacité de l’activité commerciale des marins bretons.
Il semble ainsi parfaitement légitime d’accepter cet emblème pour représenter la Bretagne, notamment à Lorient. Disons que lui, au moins, il est propre.
Le GWEN HA DU
Abordons maintenant l’autre emblème, le « Gwen ha du », qui semble s’imposer comme une évidence pour représenter la Bretagne. On va donc décortiquer cette affaire :
Lorsque j’avais 14-15 ans, à l’âge où commence notre nécessaire rébellion, je voyageai sur les routes d’Europe en stop. Nous mettions ce drapeau sur notre sac. Je me rappelle encore des remarques de mon père qui en voulait à ce drapeau, mais il ne me disait pas pourquoi, alors moi, par esprit de contradiction je refusais d’obtempérer. Ce drapeau à l’époque nous permit de faire de belles rencontres. L’histoire, je l’apprendrais plus tard.
Nous sommes à la veille du Festival Interceltique de Lorient et vous verrez fleurir pendant une dizaine de jours dans les rues, cet emblème arboré par des groupes ou des touristes de passage dont la plupart ignore l’histoire de la Bretagne et ignore plus que tout sur celui de ce drapeau. Si vous faîtes un micro-trottoir, vous serez surpris de constater l’ignorance abyssale des interlocuteurs sur le sujet. Alors, on va la raconter cette histoire.
L’histoire commence en 1923, des militants du groupe régionaliste « Breiz Atao » (Bretagne toujours) se rapprochent des réseaux pangermanistes dont ils adoptent l’idéologie, pour faire cours, la supériorité des « races » nordistes sur ceux du sud, les métèques et les rastacouères, il leur fallait un emblème pour le journal et leur mouvement.
« Ce drapeau, né de la plume de Morvan Marchal, premier directeur de Breiz Atao, a été pré- senté par un tour de passe-passe, à un public ignorant tout de la Bretagne, comme le drapeau breton traditionnel. »
C'est ce que déclare en 1975 Olivier Mordrelle, dit "Olier Mordrel", un des principaux organisateurs de Breiz Atao, l'organisation qu'a fondé Morvan Marchal, et pour laquelle ce dernier a créé le drapeau "Gwen-ha-du".
Il faut bien comprendre dans quelle ambiance vivaient les militants de l’époque. Nourris au biberon Maurassien, et de Drumont, théoricien de l’antisémitisme, Il importe, en premier lieu, de connaître la base politique de Breiz Atao et du Parti National Breton. En 1911, un premier Parti National Breton, est constitué avec ce type de fondateurs :
« Job Loyant, Ex-Président des " Camelots du Roy " de Nantes converti au Nationalisme Breton. »
Les « Camelots du Roy » étaient la milice de type fasciste de l’Action Français, le parti dirigé par Charles Maurras, un des principaux meneurs antisémites pendant l’Affaire Dreyfus.
La base de la politique de Maurras et de l’Action Française, le but de ce qu’ils définissent comme “nationalisme français“ est bien connu : la contre-révolution, liquider les acquis de la Révolution de 1789 : « impossible de rien améliorer d’important si nous gardons la République » déclare Maurras.
Le “nationalisme breton“, dès les origines, s’appuie sur Drumont, organisateur des infâmes campagnes antisémites lors de l'affaire Dreyfus et après. Dans cette voie, le journal Breiz Dishual entame très naturellement une « chronique » sur « Les métèques » en avril 1913, en citant « Ar Bobl du 18 janvier » 1913, le journal de Taldir Jaffrenou (on l’a vu, créateur du "Bro Goz ", "chant national breton"), dénonçant :
Breiz Dishual, n° 10, avril 1913, p.4 :
« Les Parisiens et autres nègres français qui n’ont plus ni traditions, ni langue, ni esprit racial. Ainsi, parce que la loi confère au Breton et au nègre martiniquais le même droit de vote, le nègre est un Breton, et le Breton est un nègre. Assurément, un Druide ne saurait comprendre ce syllogisme normand ou nègre et je veux espérer qu’un Breton ne le comprendra jamais. C’est grâce à la propagation de semblables syllogismes que tant de métèques s’implantent partout, moissonnent le blé et corrompent l’esprit des peuples assez simples pour les adopter.»
Le Parti National Breton de l’époque a donc des références claires.
Plus tard, Breiz Atao se ralliera avec enthousiasme à l’aventure de Mussolini en 1922 tout en flirtant avec l’idéologie Nazi dès 1930.
La genèse de l’inspiration du drapeau :
« (…) le drapeau semé d’hermines a été l’emblème officiel du duché de Bretagne (…). Pour- tant, les jeunes de Breiz Atao veulent l’abandonner, à cause de la confusion (…) avec les fleurs de lys des royalistes. Morvan Marchal trouve dans les armes de la ville de Rennes matière à inspiration : " (…) au coin gauche du drapeau, neuf bandes égales alternativement noires et blanches, couleurs traditionnelles, lesquelles bandes représentent les blanches, les pays bretonnants : Léon, Trégor, Cornouaille, Vannetais ; les noires, les pays gallos : Rennais, Nantais, Dolois, Malouin, Penthièvre. Ce drapeau, emblème moderne de la Bretagne, me paraît constituer une synthèse, parfaitement acceptable de la tradition du drapeau d'hermines pleines et d'une figuration de la diversité bretonne. " (…) pensé et conçu par Marchal en 1923 ». Un emblème moderne, pourquoi pas, à condition que l’inspiration soit propre. Cette explication artistique et culturelle, pour ignorants et touristes de passage fera les beaux jours de ce drapeau, une réussite marketing à méditer. Mais la vérité vient d’ailleurs.
Car dans le même article, qui reproduit ce qui est, en fait, une intervention de Marchal dans Ouest-Eclair en 1937, répercutée dans Breiz Atao, on lit :
« Ce nouveau drapeau, inspiré du drapeau américain ou grec, selon les témoignages, conçu par Marchal, dessiné par lui, devait être d’abord l’emblème des nationalistes bretons. »
Quelques mots sur l’idéologie du créateur, En 1924, un an avant l’adoption publique de la croix gammée par Breiz Atao, Marchal écrit un éditorial, qui marque l’orientation de Breiz Atao vers les “nordiques” à la croix gammée :
« (…) le génie latin brisa triomphalement, en un demi-siècle, l’œuvre de six cent ans de travail Nordique. Ce fut la Renaissance (…) la suppression brutale d’un progrès continu de six siècles (…) ; c’est la nuit pour l’Intelligence du Nord. (…) le flambeau latin (…) vacille et va s’éteindre, pour faire place à la torche revivifiée des Nordiques. Les Celtes, et particulièrement la Bretagne, ont leur place parmi les porteurs du Feu Nouveau. Ils furent autrefois, face à Rome, les premiers d’entre les Barbares. (…) nous avons le devoir, par notre passé et par notre tradition raciale de participer à la formidable partie ».
Olier Mordrel, un des principaux organisateurs de Breiz Atao, confirme le caractère de l’intégration dans un milieu où le nazisme se développe, dans son livre « Breiz Atao », publié en 1972. Il présente, en effet, Von Tevenar, l’agent de liaison avec les nazis, dans les années 1930 :
« Cet idéaliste nous parlait d’un Empire mystique du Nord, qui renouvellerait contre le monde latin et anglo-saxon la vieille fraternité barbare ».
Est ainsi clairement explicité ce qui vient du nazisme, mais qui vient en fait à l’origine du réseau pangermaniste des années 1920 que nous avons déjà évoqué.
C'est bien Morvan Marchal qui introduit publiquement le "nordisme", dans le même temps où il élabore le gwen-ha-du en 1923. Dans une lettre du 10 mai 1925, il revendique explicitement l'introduction du "nordisme" et du "fédéralisme" :
« Marchal écrit : (…) " J'ai également introduit, après ma rentrée à B.A. en janvier 24, (…) le point de vue nordiste. On vit encore sur cet acquis. Je conteste également à Mordrel la trou- vaille du fédéralisme international qui est autant au moins mon œuvre que la sienne " (…) 10 mai, signé : Morvan Marchal. ».
En janvier 1924, Morvan Marchal a donc introduit publiquement dans Breiz Atao le nordisme. Ce nordisme et le gwenn-ha-du étant adoptés et élaboré dans l’année 1923. Il a explicité ce qu’est le nordisme : la Barbarie contre la Renaissance. Voilà un programme qui sera appliqué dans les années 1930 et 1940. Voilà la substance donnée au gwen-ha-du.
Mais d’où viennent ces thèmes ?
Ces thèmes sont connus comme caractéristiques de l’idéologie pangermaniste. Est-ce exagéré ?
La croix gammée peut-elle être autre chose que la marque de l’intégration dans le réseau pangermaniste où le nazisme est en plein développement à l’époque ?
Une étude sur le nordisme et le pangermanisme résume les points suivants :
« Le Pangermanisme qui nait au 19ème siècle est, au cours de la longue histoire de la construction allemande et jusqu'en 1945, au cœur des principes de la politique étrangère des États germaniques. (…) Cet idéal n'est pas original dans l'Allemagne de cette époque. En effet, de nombreuses sociétés secrètes mêlent aussi ces idéaux ; c'est à dire l'occultisme avec l'extrémisme politique. (…) La plus puissante de ses sociétés secrètes du début du XXe siècle est la Thulé qui a été fondée en août 1919 à Munich. (…) Le créateur de cette société secrète qui était également le chef de la branche bavaroise de l'Ordre Germanique. Elle compte parmi ses disciples Dietrich Eckart, ancien comédien. C'est cet Eckart qui a initié Hitler sur l'idéal du groupe et qui sera pendant de nombreuses années le mentor de celui qui deviendra le Führer. Eckart décèdera en 1923 à Munich. Antisémite, raciste (…) On compte également dans cette mouvance des gens tels que Rudolf Hess, Alfred Rosenberg, Karl Haushofer (l'instigateur du Lebensraum), Max Axmann, Anton Drexler, Hans Frank. Bref, une bande de joyeux lurons qui se retrouveront sur les bancs de Nuremberg en 1945-46.
Marchal et ses complices restent subjugués par l’idéologie nazie naissante et qui promettait (peut-être) une indépendance à la Bretagne, phénomène que l’on rencontrera également en Irlande.
On peut tirer plusieurs conclusions pratiques de ces réflexions :
■ Le gwenn-ha-du est un drapeau créé par une organisation raciste admiratrice d’une idéologie qui opérait une jonction avec les pangermanistes et les nazis : qui peut le qualifier autrement que de drapeau fasciste, raison pour laquelle il fut interdit après la Libération de 1945 ? Et c’est enfin là que j’ai compris les réactions de mon père, quand j’ai appris qu’un de ses oncles avait été dénoncé par un membre de cette organisation, qui défilait en ville avec ce drapeau.
■ Cette admiration a été jusqu’à la collaboration entre ces personnes et les Nazis entre 39 et 45. Ceci est parfaitement documenté et peut faire l’œuvre d’une autre planche, La croix gammée (insigne de Breiz Atao) et le gwen-ha-du (drapeau de Breiz Atao) sont indissociables : ils ont été adoptés simultanément en 1923 et sont apparus simultanément en 1925, il faut noter que cette croix gammée s’est faite plus discrète pendant le conflit.
■ Qui peut prendre la responsabilité de laisser ce drapeau arboré sur des bâtiments publics, après l’interdiction qui l’a frappé à la Libération ? En toute connaissance de cause.
Et pour finir sur l’artiste créateur :
Enfin, pour ceux qui adorent les précisions, je vous dirais que le créateur du fameux gwen ha Morvan Marchal figure sur la liste des agents de la Gestapo en Bretagne sous le numéro SR 779 (cf. Françoise Morvan, Miliciens contre maquisards, p. 154). Il a été condamné à la Libération à quinze ans de dégradation et déchéance civique. Suite aux mésaventures des autonomistes Bretons dans ces combats et illusions perdus, ce drapeau sera banni après la libération dans l’espace public. Vous avez une plaque de commémoration sur le mur des hommages au nom de Raymond QUERO, il s’agit d’un de nos frères, initié dans cette Loge en 1936, il fera acte de résistance pendant le conflit et sera dénoncé par des membres de la brigade Perrot, milice collaborationniste qui défilait sous le drapeau Gwen ha Du.
En conclusion
On peut se poser la question aujourd’hui, pourquoi un tel succès de ce drapeau ? Les excès du centralisme jacobin à la française ont fait une bonne partie du travail. Les lois du siècle dernier interdisant de parler breton à l’école « Interdit de parler breton et de cracher parterre » le besoin du retour vers sa propre culture et les difficultés d’initiatives régionales favoriseront le développement d’une identité fondée avec ce qu’ils avaient sous la main. Rappelez-vous les évènements de Plogof dans les années 70, l’avènement de la culture celtique par des artistes engagés et le succès des retours aux sources, par ailleurs tout à fait légitimes. Et ce n’est pas là le problème. Et comme vous le savez, dans le monde profane, c’est souvent celui qui crie le plus fort qui emporte la décision. Le renouvellement des cultures régionales et le business culturel, l’identité facile, les confusions diverses (par exemple, on va un dimanche commémorer la résistance et les victimes des nazis, puis le dimanche suivant on va défiler en ville avec ce drapeau crée par les proto-nazis). Cette ignorance mettra en valeur les signes que peu auront réellement identifiés. Le succès du Gwen ha du n’est pas un succès d’adhésion, mais un succès de facilité, par défaut et par ignorance crasse, pour les ignares, et les gentils touristes, il a un goût de crêpes au beurre et de chouchen. Mais ils n’ont pas été voir les dessous de la dentelle. Car ce qui est tout de même étonnant, c’est que, en Bretagne, ces idées véhiculées par les créateurs de ce drapeau restent encore très minoritaires. Pourtant, cette image flotte aujourd’hui sur les mairies, adoubée par la région et certaines institutions (chambre de commerce) et étiquetée sur la plaque d’immatriculation de vos véhicules.
En conclusion, je pourrais paraphraser Lamartine lorsqu’il fallut choisir entre le drapeau rouge et le drapeau bleu blanc rouge devant l’hôtel de ville de Paris le 25 février 1848. « Le Kroaz du est ancien de plus de 1000 ans, il a peut-être fait le tour du monde sur des navires conduits par des bretons, il a même peut-être été jusqu’à Jérusalem. Ce qui devrait symboliquement nous parler. Enfin, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le signe n’est pas une inspirationchrétienne, mais un symbole universel, récupéré par le christianisme politique au IVème siècle, mais chacun peut y voir ce qu’il veut, on est dans le symbole. Le Gwen ha du lui, aura à peine une centaine d’années, il est tout jeune, mais il est le fruit d’une opération marketing involontaire particulièrement réussie et son inspiration est plus que douteuse. Ces heures de gloire se concentrent sur les heures sombres de notre histoire. Il aura quand même fait le tour du stade de France, parcouru le tour de France et des différents stades de Bretagne et est brandi partout par des gens qui ne connaissent pas grand-chose de l’histoire de la Bretagne et peut-être moins que rien sur celui de ce drapeau empreint de honte et de larmes ».
Le choix reste donc à faire entre un signe universel connu de tous et ce que l’on peut qualifier d’escroquerie morale et intellectuelle.
Le plus difficile pour nous, et je le reconnais, c’est de s’apercevoir et de reconnaître que nous aurions été nombreux à être floués dans notre reconnaissance de la terre de nos ancêtres. Cela m’est arrivé aussi, comme à d’autres. Mais ça, ça se soigne. J’ai enfin compris aujourd’hui ce que voulait me dire mon père, qui a eu également des amis à lui, en 1945, dénoncés par ces enfants perdus. Des amis qui disparaitront dans la nuit de l’histoire. C’est quelquefois dur de reconnaître que l’on s’est fait avoir très longtemps. On entend dire que le Gwen Ha du serait le plus connu et le plus populaire. C’est un peu le problème, car il est connu par des gens qui ne connaissent rien à son histoire, autrement, ils le mettraient peut-être en retrait et opterait pour un drapeau plus « propre » car l’alternative existe. Sauf à l’assumer cette histoire. Je pense qu’il y a du travail de mémoire et surtout d’avenir en décortiquant l’ivresse, l’accoutumance et l’addiction au Gwen ha du. Rien n’est définitif face aux passions tristes.
On se rappelle que ce drapeau était mal venu dans certaines rencontres sportives (Match France-Féroé à Guingamp en 2009. Ainsi qu’au stade de France en 2013, match de rugby all black.). Il était banni dans l’espace publique après la dernière guerre. Mais ce n’était pas une défiance envers la Bretagne et les Bretons, mais seulement envers les enfants perdus qui se laissèrent abuser par les mensonges des nazis et leurs promesses d’indépendance. Certains ont pu se demander pourquoi. il était banni. Nous avons là un début de commencement de réponse.
Cette documentation, cette planche elle est à disposition de ceux qui ont des relations avec les associations celtiques et bretonnes dont les yeux ne sont peut-être pas tous dessillés. Je vous la ferais suivre à votre demande, vous pourrez la diffuser, même sans indication de son origine.
Alors finalement, quel drapeau pour la Bretagne ? S’il nous reste à faire un choix. Lorient, et les ports bretons, cités qui doivent beaucoup à leur maritimité, leur création, comme à Lorient et leur développement économique, semblent tout à fait indiqués pour choisir le drapeau de l’amirauté bretonne, les associations dites bretonnes ont une réflexion à faire sur le sujet, en commençant par des rappels historiques. Ceux parmi nous qui possédons des bateaux, nous savons quoi faire. Car plus l’histoire du Gwen ha du se fait connaitre, plus les gens censés essayent de s’en éloigner au profit du Kroaz a Du de l’amirauté de Bretagne, surtout pour les cités à vocation maritime.
Rappelez-vous enfin la devise d’Anne de Bretagne concernant l’hermine, « Plutôt la mort que la souillure » avouez que la souillure, là, elle est de taille !
Et pour finir, un peu de symbolisme :
Dans une Loge Maçonnique, il est d’usage de présenter la verticale qui illustre les apprentis de l’atelier munis de leur fil à plomb, il indique le chemin qui vous guide vers notre intérieur, c’est le « connais-toi, toi-même » du temple de Delphes, puis l’horizontalité des compagnons et de leur niveau, c’est le « tu connaîtras l’univers et les dieux » pour parcourir le monde, et enfin aux quatre coins de ce monde, nous rencontrons les maîtres, avec leurs hermines au nombre de 7, soit sept ans et plus. Dans le monde profane, on se contentera d’expliquer l’histoire et d’aider à choisir un drapeau propre. Rappelez-vous mes Frères, ce que dit un rituel, je vous le rappelle « c’est grâce aux lumières du passé que l’on se dirige dans les ténèbres de l’avenir ! ».
On peut également dans certains cas, ajouter que : « c’est à cause des ténèbres du passé que l’on éclaire difficilement l’avenir ! ».
Par JB – le 3 août 2023 veille du Festival Interceltique de Lorient.