RECENSION : 14ème Cahier de l’Alliance – La Mort au présent, face à l’éternel Orient – Part IV- Fin ou commencement…
Je vais tenter l’impossible clôturer cette série de recensions du 14ème Cahier de l’Alliance décidemment si riche qu’il mérite plusieurs lectures, il est flamboyant, comme la lumière venue des ténèbres. Voyons d’abord l’article de Jacques Trescases membre de la Grande Loge de l’Alliance et Souverain Grand Inspecteur Général du R. E. A. A, qui est connu en tant qu’écrivain en particulier pour son livre l’étoile flamboyante édité à plus de 35 000 exemplaires. Jacques Trescases nous donne à lire un article en forme de témoignage au titre de : Réflexions d’un initié sur la mort. Il convoque à la fois la mythologie et la philosophie dans sa réflexion, preuve s’il en faut, que s’il est avéré que la Franc-maçonnerie n’est pas une philosophie au sens moderne de celle-ci, elle se réfère néanmoins à la philosophie antique et la mythologie grecque en particulier.
La mort interroge l’homme sur sa destinée jusqu’à parfois la refuser, ou nourrir l’espérance d’une autre vie. Je cite l’auteur : « De fait, les hommes, refusant la mort comme définitive, ils se sont inventés une survie qui serait éternelle. » La mort devient alors un simple changement d’état, un passage. Les religions qui promettent, un autre monde, une autre vie s’inscrivent dans cette perspective. Elles viennent au secours, de l’homme désemparé face à la mort, surtout quand elle est brutale. La compassion, l’altruisme, la fraternité adoucissent aussi ce passage difficile. J’ai malheureusement vécu et éprouvé cette expérience de la mort brutale, « Qui n’a pas souffert de la perte d’un être cher ne peut imaginer la puissance consolatrice d’une telle espérance. Les survivants ne peuvent admettre la disparition ce ceux ou celles qui constituent la meilleure part d’eux-mêmes et, souvent même leur véritable raison d’être. » On aspire alors pour eux et pour nous à la survie, à la vie éternelle.
L’auteur réfléchit ensuite sur « La symbolique de la mort ». Il parle d’une vision surconsciente de notre vérité. J’ai retenu l’idée que : « le ciel accueille ceux qui ont retrouvé la véritable connaissance, qui est amour, don de soi, oubli de soi, suprême vacuité. » Peu d’homme en réalité peuvent toucher à la possibilité d’avoir ce bonheur, de s’éveiller à la parole d’amour qui fait naître à la véritable vie, celle de l’esprit, ce sont les chevaliers de l’esprit.
Jacques Trescases nous rappelle ensuite que la mort est consubstantielle à la progression initiatique et ce depuis le seuil de l’initiation par la rédaction dans le cabinet de réflexion de notre testament philosophique qui nous interroge le sens donné à notre vie et le sens même de notre initiation la recherche de la Lumière. La mort nous sort des ténèbres et la Lumière nous est donnée dans la chaîne d’union fraternelle, preuve encore que la Lumière créatrice, est amour. Dans cette perspective l’auteur nous invite à réfléchir sur les enseignements de l’évangile de Saint-Jean et en particulier bien sûr son prologue qui nous ouvre la voie vers la Lumière et la vérité.
C’est naturellement comme il l’a précisé dans le titre de son article, qu’en initié il réfléchit sur la mort de l’architecte, sur ce choc initiatique, ce psychodrame ; qui met en scène la mort physique, celle du corps ‘corruptible’, pour aller vers ‘l’incorruptible’. Après le déchainement des viles passions et leur mort, l’architecte renaît en pleine lumière grâce à l’esprit, une fois que la chair a quitté les os. Jacques Trescases nous invite aussi à réfléchir sur la séparation de l’âme et du corps : « la raison borne et divise artificiellement ce qui est un et sans limite. »
Il conclu son article presque comme une fiction par ce paragraphe : « Devant l’éternel Orient ». Il voit l’initié arrivé à ce seuil, comme purifié devant la vision de l’éternel, de l’infini, citant Pierrette Micheloud une poétesse Suisse- extrait- « Ne regarde pas demain, mais le présent qui ce construit. Chaque jour, malgré son destin éphémère, devant apporter à la vie la part d’éternité qui lui revient. » et encore comme un surplus, un supplément il parle de nos âmes à l’existence souvent controversée. Nos âmes « qui s’agglutinent, subsistent et finalement contribuent à l’enrichissement de cette ‘âme du monde’. Je rajouterais minuscule et pourtant importante contribution au soutien du monde, afin qu’il ne disparaisse pas totalement dans la matérialité et conserve, préserve, enrichisse sa fraternité, c’est-à-dire l’amour entre les hommes.
Gaël de Kerret, professeur d’art lyrique, écrivain, ancien Vénérable Maître de la Loge de recherche Gérard de Nerval a publié : L’esprit musique et le R E A A.
« Du songe à la mort : une lecture des tenues funèbres. » Titres des chapitres : Que dit la dramaturgie du départ. Que faire de la mort.
C’est un message non pas de tristesse, mais un chant de triomphe et d’espoir que l’on entend lors des funérailles. Une prolongation du « tout est parfait » du Roi Salomon s’exclamant en constatant la préparation des funérailles d’Hiram le Maître Architecte. (5ème degré de Maître Parfait du R E A A, un clin d’œil à ceux qui s’étonnent souvent des titulatures des hauts-grades du Rite).
L’auteur, nous explique la signification du « signe du deuil » : « Brouillard de l’inconnaissance, qui mène au recueillement intérieur. L’auteur évoque les signes différents suivant les rites et explore leurs richesses symboliques. Ils ouvrent la porte des mystères au seuil de l’Orient éternel. Permettent la conversion du regard pour pouvoir aller au-delà de minuit. Heure sacrée de l’ouverture des travaux de deuil. Pour évoquer le temps cyclique il fait appel à Zozime « Bâtis un temple d’une seule pierre, n’ayant ni commencement ni fin dans sa construction. » (Il faut sans doute lire Zosime ?) puisque l’auteur se réfère à Marie-Louise Von Franz collaboratrice de Carl Gustave Jung qui évoque les visions de Zosime au chapitre IV dans son livre : Les Racines de la conscience. Jung qui disait : « Ce n’est pas en regardant la lumière que l’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. »
L’homme est une partie infime de l’univers, une poussière, mais qui ne disparaît pas, il est toujours présent dans la chaîne d’union qui relie tous les hommes entre eux et à l’univers. Gaël de Kerret s’interroge sur « La justice du cosmos ? et faut-il se payer de mots ? »
Dans son paragraphe : « La présence dans les évangiles après la résurrection… » il parcoure les occurrences relatant les apparitions post-mortem : apparition à Marie de Magdala, aux disciples d’Emmaüs, à Thomas : heureux ceux qui n’ont pas vu et cru. (L’invisible). J’ai particulièrement retenu la dernière occurrence concernant l’apparition au bord du lac de Tibériade dans Jean chapitre 21 : « venez déjeuner ». (L’Agape). Ayant, lors d’un voyage en Israël et d’une visite à Tibériade, vu ce que l’on ne voit pas et cela a marqué ma vie. C’est d’une manière poétique que Gaël de Kerret conclut son article avec un paragraphe nommé « le pontife » faisant appel une nouvelle fois à Marie Louise Von Franz : « Une femme au seuil de la mort se confie…elle ressent deux sortes de temps : hormis le temps quotidien, l’autre « est large et profond, comme si j’avais le pouvoir d’être partout en même temps. Je me sens comme si mon corps et moi étions fait d’air ou plutôt de lumière, comme s’il n’y avait aucune limite. » Au terme d’une spirale finale et universelle, balance aussi entre l’un et l’autre monde, est-ce que l’on se paye alors de mots ? Le pontife évoque bien sûr le pont entre deux mondes, un rappel peut-être des 15ème, 16ème et 19èmedegrés du R E A A, qui va de la liberté de passer, au symbolisme de l’arc en ciel qui forme un pont lumineux entre la terre et le ciel comme une révélation, le pontife du 19ème degré qui facilite la recherche de celui qui va vers la Jérusalem céleste. On comprend l’importance des rituels funèbres qui malheureusement dans notre société se dégradent, ou se réduisent considérablement en même temps qu’un déni de cette mort qui fait partie de la vie et que l’on refuse de voir. Le pontife, et les rites funèbres évoquent et conceptualisent le seuil, le passage entre la vie et la mort ou comme le dit l’auteur entre la vie physique et la vie spirituelle. La flamme ne s’éteint pas elle se ranime comme la vie de l’âme. Le chercheur de lumière, sait que la lumière naît des ténèbres. Non ! Alors non, on ne se paye pas de mots.
« Dans cette autre forme de l’être, notre naissance est une mort, notre mort une naissance. » C.G Jung.
Du Post- Scriptum au titre qui résonne comme une évidence au terme de ce pèlerinage entre vie et mort, et mort et vie. « La Franc-Maçonnerie ou l’Amour de la Mort. » En introduction il nous gratifie d’une belle citation de Christian Bobin poète de la spiritualité, incarnation de la simplicité et l’humilité passé récemment à l’Orient éternel. Celui qui voyait la lumière dans les Outrenoirs de son ami Pierre Soulages dont il disait : « Bach est plus que musicien, Rimbaud plus que musicien, Soulages plus que peintre… » (Christian Bobin- Pierre Éditions Gallimard 2019- Page 7). La citation de Christian Bobin reprise par Jean Dumonteil : « Ce qui ne m’aide pas à aimer ou à mourir, je ne m’en soucie pas. »
Jean Dumonteil fait aussi référence à Tolstoï et son roman Guerre et Paix, en relatant l’initiation du personnage Pierre, sommer de pratiquer les 7 vertus dont la 7ème est l’amour de la mort. L’amour de la mort est donc porteur de la croyance en une nouvelle vie. Jean Dumonteil cite aussi Henri Tort Nogués (L’ordre spirituel) :comprendre à travers de la légende d’Hiram, c’est que nous ne pouvons construire notre vie si nous ne prenons pas d’abord conscience de notre mort. » L’article de Jean Dumonteil est si riche, si dense que je vous engage à en faire une lecture intégrale et sans modération. Je me contenterais d’en citer les paragraphes : « Pour qui sonne le glas, La mort escamotée, Le rite comme voie spirituelle, La chair quitte les os, Tout est passage et symbole, Les enfants de la veuve et la mort du Frère, L’ultime épreuve que les profanes appellent la mort, Ne partez pas avant la fin. » Jean Dumonteil conclu son article et 14ème Cahier de l’Alliance Tant pis pour les hommes pressés qui n’écoutent pas jusqu’à cette dernière minute ! Car le mot mystère est peut-être le dernier mot… Surtout ne partez pas avant la fin.
On reste à la fin de la lecture de ce Cahier sur le thème de La Mort au présent avec nos questions, toutes nos questions et c’est bien ainsi. Mais l’on a le sentiment profond, mystérieux et magique d’avoir pris conscience de l’importance de la mort symbolique et initiatique dans la tradition maçonnique. À toutes les Sœurs et les tous les Frères je recommande la lecture de Cahier, ils comprendront un peu mieux les cycles de morts régénérations essentielles à la vie spirituelle, chocs initiatiques nécessaires à la naissance et l’essor de la spiritualité. Ce Cahier rempli son rôle de « Revue d’études et recherche maçonniques. »
Jean-François Guerry.
LIRE : Le 14ème Cahier de l’Alliance – La Mort au présent- face à l’éternel Orient.
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