D’où cette façon, aussi, de définir, au 12ème degré, ledit temple comme « le lieu où l’on veut », sentence forte de ce grade, qui nous indique en contrepoint combien le Grand Maître Architecte voit sa pensée en adéquation avec son action, dégagée maintenant de la « coercition structurante » des 3 Mauvais Compagnons. Il est en effet intéressant de constater que, alors que de nombreux objets symboliques voient leur essence invarier quel que soit le degré, leur substance, elle, se modifie au gré des regards particuliers que lui adresse un initié au décours de son cheminement : c’est ce qu’on appelle des avatars. C’est ainsi qu’au 7ème degré, Prévot et Juge, la clé d’ivoire évoluera vers un diptyque, une dyade formée de la clé d’or et du coffret d’ébène. Ces 3 objets sont justement des avatars, car leur vérité, bien qu’incontournable, est partielle et transitoire. L’avatar est la transcription d’un principe divin en un habillage matériel : il est donc par essence condamné à n’exister que dans un contexte spatiotemporelle déterminé : c’est sa faiblesse.
Au cours de ce remaniement, l’essence, qui est la trace du divin en l’homme, complétement masquée par la prépondérance de la substance va peu à peu émerger depuis la clé d’ivoire vers la clé d’or. Cette clé d’or, ontologiquement plus spirituelle, sera là, par ce biais, pour amorcer l’harmonisation des fonctions exécutives du Prévot et Juge, que représentent, dans le rituel, les ouvriers, en les étalonnant et en les référant au principe universel : une partie de la boucle sera bouclée. L’existence de l’or métal ne définit cependant pas directement le divin, mais la façon dont l’humain perçoit ce divin : ce principe, dès qu’il apparait, deviendra alors forcément discriminant, car il ramènera la matière à laquelle il était précédemment couplé à une place subsidiaire : c’est tout l’objet du coffret d’ébène, matériau précieux s’il en est, mais symbole secondaire, sombre et cantonné à sa constitution végétale. La nature mixte et peu différenciée de l’ivoire se verra alors, sous la scansion structuraliste de Civi et de Ki, déclinée en or et en ébène.
En effet, le 7ème degré est gouverné par une « doublette » aussi discrète que subtile, objectivée sous les termes de Civi et de Ky, dont les initiales sont présentes sur le tableau du grade. Ces 2 appellations forment aussi le début de la « Grande Parole », constituée de 7 mots, et qu’on ne rencontre qu’à ce grade de Prévot et Juge. Civi et Ky représentent ce qu’on appelle une métrique, c’est-à-dire une répétition régulière dans le temps, une grille de lecture binaire, destinée à discerner, différencier, décomposer un concept, un principe, l’ivoire en l’occurrence, en 2 composantes ontologiques, celle de l’essence, divine, symbolisée ici par la clé d’or, et celle de la substance résiduelle, de nature matérielle, symbolisée par le coffret d’ébène. L’interprétation littérale de Civi, « Agenouillez-vous » et Ky « levez-vous » ajoute à cette métrique une sémiologie, c’est-à-dire une interprétation des signes, en l’occurrence une « émancipation verticale » de par l’axe selon lequel s’étalonnent physiquement génuflexion et relèvement de l’initié.
De plus, le caractère abscons de la sémantique, c’est-à-dire de la signification proprement dite de ces 2 mots n’est pas gratuit : il est là pour éviter à la raison de s’y poser durablement, et donc de consommer inutilement du « temps de cerveau » qui serait préjudiciable à la symbolisation. En réalité, Civi et Ky qualifient parfaitement ce qu’est une scansion, c’est-à-dire une façon d’étalonner un principe, un sentiment, un objet, d’échelonner et d’égrener selon une cadence binaire un principe originellement unitaire, permettant, encore une fois, de passer de l’ivoire à l’or et à l’ébène. Grace à l’herméticité, au caractère obscur et abstrus de la signification de ses 2 tenants, la scansion Civi et Ky reposera donc sur un mode méditatif, selon lequel la pensée pourra librement circuler sans s’attacher à des significations culturelles certes intéressantes, mais qui ne sont ici qu’anicroches et butées préjudiciables à l’exercice initiatique.
Car si les avatars ont la vertu de poser la réflexion, de l’incarner, ils auront aussi pour travers de remplir tout l’espace de réflexion de l’initié sans laisser une place à ce qu’on appelle, au sens large, la Nature, c’est-à-dire à tout le reste de ce « créé » qui continue à exister autour desdits avatars. Tant que l’initié se contente de ces avatars, la Nature qui borde toute chose ne pourra donc pas se manifester. C’est pourquoi, lorsque l’analogie sera devenue, au 28ème degré, l’Unique clé, ce fonds diffus et existentiel qu’est la Nature deviendra immédiatement perceptible, car libéré des productions qui en occultaient l’occurrence. En effet, l’initié, bien que de bonne volonté, ne peut à un moment que constater les limites factuelles posées par les épithètes ivoire et or, dont la simple qualification, si elle paraît séduisante, restreint néanmoins le champ des possibles.
L’ivoire et l’or nous montrent ainsi que tout phénomène visible ne se départ jamais de l’intrication d’un sujet, l’observateur et son degré d’évolution, et d’un objet, en l’occurrence la clé. C’est cette intrication, pourtant forte utile dans les grades symboliques et de Perfection, qu’il conviendra maintenant de dépasser. L’évolution ultime de la clé sera alors notifiée par cet adage alchimique qui constitue la 7ème et dernière vérité énoncée au 28ème degré du REAA : « L’analogie est l’unique clé de la nature »: cet aphorisme rend au mieux compte de cette simplicité, confrontée à un minimum d’intervenants, soi-même et la chose en regard. L’ « unique clé » obéit parfaitement au principe de parcimonie : on l’introduit dans une serrure, laissant juste la place aux mouvements linéaire et rotatif de se dérouler. Cette septième vérité sonnera comme un ultimatum, on ne pourra pas échapper à sa clarté, à sa raison. La formulation même de cette sentence obligera l'initié à y trouver sa place, quelque part entre le mécanisme, l'analogie, et sa finalité, la Nature. La Nature est l’ensemble des choses qu’est susceptible de percevoir l’initié. Or, nous ne pouvons formaliser, imaginer, toucher que ce qui préexiste à la fois dans la chose perçue et en nous-même : c’est cela l’analogie. L’« Unique Clé » est la projection la plus fine dans le tangible du principe créateur, qu’on ne peut définir mieux que par sa singularité. Or l’analogie, si elle est une méthode universelle, possède également les travers de son exclusivité. On n’imagine pas connaître sans appliquer le principe d'analogie.
Cette seule pensée peut nous conduire à une noyade métaphysique, un peu comme digresser sur l'intemporel ou l'infini. Car cette phrase est dans l'esprit puissamment pessimiste, bien dans l'esprit du gnosticisme, elle nous rend seul, orphelin et sans espoir de descendance. Il y a quelque chose dans cette sentence d’effrayant, comme si cette unique clé nous enfermait définitivement dans une interprétation fatalement étroite, comme si cette clé était aussi une barrière à une compréhension plus universelle, en somme, comme si notre nature humaine était un frein à une vision plus générale. Tout ceci explique pourquoi l’unique clé ne peut être déterminée que dans les grades les plus élevés, pour que l’initié « n’explose pas en vol ».
L'analogie nous dit que nous ne pouvons percevoir, c'est à dire, formaliser, imaginer, toucher, que ce qui préexiste à la fois dans la chose perçue et en nous même : tout ce qui ne nous est pas consubstantiel, ne peut en l'état exister, car nous n'aurions alors pas la clé pour préciser cette relation. L'alchimie utilise à plein cette analogie : elle reconstitue, à chaque nouvelle expérience, un lien de similarité entre l'observateur, qui est partie prenante, et l'objet de son expérience, également partie prenante. L'analogie aussi pose deux jalons, soi-même et une chose en regard, permettant de définir l’unique clé », c'est à dire la prise de conscience d'un état médian. L’unique clé évoquée au 28ème degré transcendera alors ces disparités, parce qu’elle les précèdera et les englobera car, si l’unique clé n'a plus de texture particulière, c’est qu’elle répond à l’entièreté de l'Univers.
Que veut on nous dire en passant de l’ivoire, à l’or puis à l’Unique ? Eh bien le fait que l’homme n’est que l’acteur de sa propre existence. Comme la Nature a horreur du vide, l’« unique » devient alors le qualificatif universel, transcendant toutes les particularités générées par la variété, mais dépassant aussi les limites, les faiblesses que cette variété impose. Au fur et à mesure que l’initié progresse, la séparation entre objet et sujet va s’amenuiser, jusqu’à devenir l’« unique ». Cette analogie est parfois si rapide que l’on a l’illusion d’une pensée « multilogique » : 2 exemples : si l’on nous soumet l’image d’une plage de sable, que lèche l’océan, lui-même délimité au loin par le ciel, nous percevrons cette image ternaire sous forme d’une succession rapide d’analogies binaires : ciel et sable, sable et océan, ciel et océan ; ce sera aussi le principe mimétique des « 0 » et des « 1 » en informatique classique, dont seule la vitesse du passage de l’un à l’autre varie. Cette analogie est une séparation de fait, qui à la fois structure et différencie, au sein d’un même phénomène, ses 2 causes profondes. C’est notre esprit discursif qui va, comme toujours, se manifester afin de qualifier le monde dans lequel on vit. La nature n’est pas uniquement constituée des plantes et des petits oiseaux, elle est l’univers sensible à l’acuité de tous nos sens. A cet égard, la Nature est indépassable, elle est autant subjective qu’incontournable, et ce sera cette « tenaille ontologique », ce carcan intellectuel qui la rendront toute aussi relative que prégnante. Notre seule possibilité d’objectiver ce carcan sera alors de le décliner en une forme de pis-aller que les alchimistes qualifièrent, pour en faciliter la compréhension, « Nature naturante », renvoyant à la transcendance d’un principe créateur, et « Nature naturée », celle de la chlorophylle, et de la vie végétative en général.
En effet, le dessein de l’initiatique est de s’adresser à l’humain de chair, mais dans une visée progressive qui le rapproche sans cesse d’une spiritualité absolue, où tous les évènements circonstanciés, factuels et attestés par la matière se verraient progressivement « balayés, éludés », laissant comme cadre ultime et unique la « nature sauvage et cultivée » (sic instruction du 28ème degré). La nature est plus ici un mécanisme mis sans cesse à jour qu’une réalité figée ; les représentations de paysages, de montagnes et de forêts, décrites par le rituel du 28ème degré, ne sont pas fausses en soi, mais ne doivent pas nous égarer, car la difficulté de ce degré est de pouvoir considérer l’observation simple de la Nature comme le terme d’un processus qui nous aura emmené dans tous les méandres de l’humain.
Nous voyons bien en quoi clé et nature sont indissociables ; sans clé, nous ne pouvons formuler et voir que ce qui nous ressemble : plus la vision sera profonde, plus l’analogie atteindra-t-elle en profondeur notre nature. Le 1er sentiment qui ressortira à la vue du tableau du 28ème degré du REAA, Chevalier du Soleil, sera une forme de gaieté, de sérénité, de pureté et de transparence. Je parlerais même de félicité. L’instruction du grade qualifie d’ailleurs le lieu comme « le centre du vrai bonheur », qui n’est pourtant ni la joie, ni même le bonheur incarné du 18e degré. Autant les clés-avatars des 4ème et 7ème degrés seront-elles présentes physiquement sur le tableau respectif de leur grade, autant l’analogie dissimulera-t-elle la clé du 28ème degré dans la symétrie prégnante et descendante dudit tableau.
Le tableau de loge sera, au-delà des significations et des relations symboliques multiples qui s’établissent entre ces composants, un lieu d’équilibre entre lesdites entités, et d’autre part avec le « bain métaphysique » duquel elles émergent et dans lequel elles évoluent. L’unique clé permettra l’objectiver ce lieu d’équilibre. Le tableau de loge est, dirions-nous aujourd’hui, un écosystème qui se suffit à lui-même, mais qui est constitué à la fois de symboles émergents, propres au grade : ce sont les images illustrant ledit tableau, et d’un « fonds diffus », d’un tissu nourricier invisible, d’un environnement ineffable constitué de tout ce qui n’est pas visuellement présent et qui constitue l’arrière-plan dudit tableau. L’unique clé, quelle qu’elle soit, sera le moyen de passer de l’un à l’autre.
Ainsi un tableau de loge « pauvre » en éléments visibles imposera-t-il un fonds invisible particulièrement riche en potentialités. Et un tableau d’une richesse incroyable tranchera sur un fonds où ne subsistera, et c’est déjà beaucoup, que la Nature dans son plus simple appareil. C’est pourquoi Il ne faut donc pas se méprendre sur le caractère hyalin des illustrations du tableau du 28ème degré : il ne reflète pas une quelconque appréciation esthétique mais qualifie plus sûrement le caractère archétypal de l’ensemble, transcendant morale et culture. Cette « unique clé », pensée intuitivement par les gnostiques et les alchimistes, et reprise par les géniaux concepteurs du rite, se retrouve au 21ème siècle dans le concept un peu barbare de solipsisme convivial (du latin solus, « seul » et ipse, « soi-même »), théorie philosophique et métaphysique selon laquelle la seule chose dont l'existence est certaine est le sujet pensant.
Par ce biais nous créerions notre propre réalité, l’« unique », mais sans être jamais en désaccord avec l’expérience vécue par l’autre. Il ne s’agit pas de relativisme mais de perspectivisme, où nous voyons la même chose qu’un autre, mais sous une autre perspective (je vous renvoie aux 3 perspectives du 24ème degré, Prince du Tabernacle). Le solipsisme convivial de l’unique s’oppose alors au « formalisme éclairé » de l’avatar d’or ou d’ivoire, ou bien en est-il plutôt l’aboutissement. Cette « convivialité » structurelle constitue le fondement même de la fraternité, débarrassée de la moraline qui en réduit la portée. La fraternité sera plus concrètement produite par l’expérience vécue par l’autre, et par le point de fuite de toutes les trajectoires personnelles.
Nous voyons bien en quoi le mot « unique » peut se trouver discrédité, déprécié à l’aune d’une vision polémique et partisane : l’initiatique est justement le contraire de ça : il accorde sa chance à chaque mot, à chaque concept, pourvu qu’on puisse avec recul et honnêteté le replacer dans un contexte dénué de considérations trop partiales ou trop lapidaires. Le mot « unique » est difficile à justifier pour un profane, qui n’y verra pas forcément une forme d’aboutissement moral et spirituel. En effet, cette épithète est fréquemment dévalorisée dans un monde grégaire où le collectif, l’empathie, la solidarité, l’allocentrisme ou l’absence de sélectivité se posent en parangons d’une bienséance souvent lénifiante, d’une morale qui n’est que le bruit de fond d’une époque. L’unique, au sens large, est souvent supposé porteur, chez le vulgus, d’individualisme, d’égocentrisme, d’une suffisance et d’une déréliction que lui imposeraient les canons de la psychologie et de la sociologie.
En pratique initiatique, l’unique clé ne sera pas une finalité, mais une voie ouverte à ce que les alchimistes nommèrent le Rebis, c’est-à-dire étymologiquement la « chose double », conjonction entre le sujet, l’initié et l’objet en regard. Car il existe en fait une 4ème clé, « cachée », un peu comme Da’ath, la Séphirah invisible, nichée dans le cœur battant de l’arbre kabbalistique des Séphiroth. La signification de Da’aath est en effet « Connaissance » : ce statut fait qu’elle n’est pas qualifiable en tant que telle, puisqu’elle est, par elle-même, la qualification suprême. Da’ath est une forme de mise en abyme de cette Connaissance qui imprègne chaque Séphirah dans ses liaisons avec les autres Séphiroth. Par se transcendance discrète, Da’ath renvoie les autres séphiroth à leur qualité d’avatar, elle permet d’ajouter à la compréhension du divin par l’articulation entre ces Séphiroth, une finitude qui fait qu’elle se suffit à elle-même. Il en va de même pour la 4ème clé : Cette clé cachée, tout comme la Séphirah cachée, n’est pas placée au sommet de l’exercice initiatique, mais en son sein, au 13ème degré du REAA. En fait, l’objectif du 13ème degré est de prendre conscience que chaque « unique » est une branche légitime d’une réalité transcendante, où chaque observateur a sa place. C’est ce qu’intime la vision métonymique de la clé du 13ème degré. Dit autrement, chaque observateur « sera » la clé parce qu’il aura la vision légitime d’être porteur d’une réalité qui, soit, ne lui appartient pas exclusivement, mais dont la totalité des états possibles le positionnera comme le « premier parmi ses égaux », phrase hermétique rencontrée dans le rite, enfin explicitée. Tout simplement parce qu’il s’agit d’un mécanisme, et non d’une finalité. Cette 4ème clé est occulte, ce qui signifie qu’elle est dissimulée au Grand Élu, ou au Chevalier Rose+Croix, et qu’elle devient patente lorsque l’initié a dépassé le 28ème degré, puis est retourné sur les terres du Chevalier de Royal Arche.
C’est la force de ladite clé, dont j’ai signifié en début de texte le caractère « vertical, transcendant, métempirique, diagonal… » Car contrairement à ce que l’on pourrait penser, le fait, pour le Chevalier de Royal -Arche de pouvoir ne serait-ce qu’épeler le Nom ineffable, constitue un stade avancé de l’évolution initiatique, rendue possible par la prise de conscience que nous sommes la clé ; la phrase d’ordre du grade : « Je suis ce que je suis… » symbolise cette prise de conscience, et nous explique pourquoi le 13ème degré est le seul à ne pas posséder de mot de passe. Il n’en a pas car l’initié à ce grade, par Guibulum, héros du grade et finalement variable d’ajustement formera, et à l’aide de ses 2 compères Stolkin et Johaben, deviendra une expression métonymique de ladite clé.
Il est intéressant de signaler que l’acte premier des 3 personnages du 13ème degré consiste en l’accrochage d’une pioche à un gros anneau de fer : il s’agit de l’illustration, à taille humaine, de la signification originelle du mot « clé », synonyme de clavus, le clou, car la serrure primitive consistait en un clou passé dans un anneau. L’affairement des 2 compères, sous forme d’une agitation, d’une effervescence en surface, correspond à cet effet-levier prodigué par l’appui rotatif sur la tête d’une clé ; effet- levier objectivé par le refus de Stolkin et Johaben à la demande faite par Guibulum de leur succéder, le « condamnant » alors à s’enfoncer plus avant. Le nom ineffable, pouvant être épelé correspond à cette finalité d’une clé ouvrant à des mystères préalablement forclos.
Ce principe de parcimonie est extrêmement exigeant, parce qu’il oblige à chercher avec le minimum de supports possibles. A bien y regarder, l’apprentissage maçonnique est à l’aune de ce principe : les gestes sont codifiés, simples et mesurés, la déambulation faite de lignes et d’angles, la symbolique est une construction en miroir, où sujet et objet ne tolèrent aucune ingérence qui en polluerait le message, le rituel ne se fend pas de mots inutiles, les sentences sont frappées au coin du « bon sens », même si ce qualificatif est sujet à caution. En franc-maçonnerie, en loge symbolique, le principe de parcimonie est en permanence utilisé, au travers donc de l’usage d’outils symboliques : ceux-ci sont des supplétifs de la main et de l’intellect humain, car seul le mouvement, physique ou mental qu’on leur applique sera porteur de réflexion et d’action. Ces mouvements de la pensée ou de l’outil sont toujours émis suivant leur stricte nécessité. Obéissant au principe de parcimonie de Leibniz, la clé agit sans qu’il y ait le moindre « jeu » entre elle-même et une potentielle serrure. Le jeu est étroitement lié étymologiquement à la parole (gallois ieith, « langue », et allemand jehan,« prononcer une formule »). D’où ce rapprochement langagier entre clé et mot de passe. Dans cette optique, la Nature sera cantonnée à sa plus simple expression, contenue dans cette simple évocation, au 28ème degré Q- :« Comment avez-vous pu en sortir ? (Du centre des ténèbres) » ; R- : « Par la réflexion et l’étude de la Nature ». Par « une conjonction étymologique heureuse », la réflexion, issue du bas latin reflexio, « action de tourner en arrière » (14ème siècle), que reflet, méditation, connaissance de soi (13ème siècle) signifie tout autant l’« action de retourner » (4ème siècle) reproduisant par là le mouvement général de la clé.
Le jeu, dès les 1ers textes, définit une activité ordonnancée par un système de règles définissant succès et échec, ou bien gain et perte. Cet « effet-levier » généré par l’alternance d’options opposées, mimera cette rotation symbolique du balai en surface des 2 compères. L’initié se verra séparé entre d’une part, Johaben et Stolkin restés en surface, assurant une nécessaire base arrière, et entérinant alors les découvertes de Guibulum « l’électron libre », tige symbolique de cette clé. Stolkin et Johaben ne seront pas moins honorables que Guibulum, car ils furent engagés plus tôt dans un processus dont ils furent, à l’époque les acteurs incontournables (Stolkin, découvreur du corps d’Hiram Abif, et Johaben, « catalyseur » du narratif des 6ème et 9ème degrés »).
Thierry Didier.