Il s’agit là d’un autre niveau d’analyse, plus catégoriel, et d’une certaine façon holistique, dans laquelle les fermions constituent la détermination d’une certaine « granularité » fondamentale de la réalité, d’une forme de matérialité. En effet, ces particules quantiques subissent comme les autres une forme d’incertitude sur leur position, mais bénéficient de ce qu’on appelle le principe d’exclusion, grâce auquel chaque électron ne peut pas occuper la place d’un autre, sans quoi ladite matière s’effondrerait sur elle-même. Pour filer la métaphore, le principe d’exclusion peut être expliqué par le jeu des chaises musicales : 6 chaises, 7 candidats, puis 5 chaises et 6 candidats, etc…. Á chaque tour, un candidat sera exclu afin que la « trame » de chaises, c’est-à-dire l’aspect solide de la matière demeure prépondérant sur le balai « labile » des candidats.
Ce principe permet une alternative à la non-localisation, créant la représentation mentale d’un solide, illustrant la répartition ontologique de ces éléments, qu’on peut symboliser, s’agissant de l’Arbre séphirotique, par l’image « arrêtée » des séphiroth, où chacune subit l’influence des autres, mais sans possibilité de s’y substituer. L’autre grande catégorie sera celle des bosons, particules ne bénéficiant pas du principe d’exclusion précédemment cité, et donc se constituant en « flux », en faisceau transmetteur de forces. Il est assez contre-intuitif d’imaginer ces « grains d’énergie » comme des forces, mais cela est rendu effectif par les collisions rendues possibles (car non exclues) entre lesdits bosons, ces derniers libérant à ce moment une partie de leur énergie en forces propagatrices, à l’image d’un liquide, dont les molécules « glissent » les unes sur les autres. Nous y verrons aussi les 22 sentiers de l’Arbre Séphirotique, de même substance que les 10 séphiroth, mais possiblement fluctuantes. En fait, plus que d’un gradient ou d’une échelle il s’agira, avec l’Arbre Séphirotique, d’une matrice, telle celles mises en avant par la pensée chinoise, où l’on puise çà et là des « causes » diverses, qui donneront alors des effets proprement « imprévisibles », car non linéaires. L’Arbre Séphirotique est en fait une image captée, et même « capturée » de ces quantifications appelées séphiroth, qui sont, selon l’explication commune, des « versants possibles » de la manifestation divine. Arithmosophiquement, il s’agit là d’une redondance, car le nombre « 10 » signifie l’unité réalisée, et donc les aspects divins qui en découlent, ce qui valide la situation des séphiroth.
Il en est de même pour les 22 sentiers, le nombre « 22 » symbolisant le nombre de lettres de l’alphabet hébraïque, mais aussi phénicien, éthiopien, hiératique égyptien, c’est-à-dire l’occurrence de lire, et donc de lier, en associant l’antagonisme des forces cosmiques (le « 20 »), à l’antagonisme des tendances individuelles (le « 2 »). Dit en termes moins fumeux, il s’agit de « rassembler tout ce qui est susceptible d’être épars ». Ces sentiers assurent non seulement leur liaison, mais également la possibilité de nuancer une valeur primitivement « entière » : c’est pourquoi chaque Séphirah est « nommée », ce qui permet de la qualifier, sur divers plans, moraux, philosophique, initiatique, épistémologique, mais aussi de la quantifier, c’est-à-dire d’en faire une « substance momentanément finie ».
Dans le domaine ésotérique, rien n’est négligeable, ni indépendant de ce qui l’entoure. Á cet égard, le milieu dans lequel « baignent » les séphiroth, qui leur permet donc d’exister et de se situer, connait son équivalent en physique quantique par le champ dit « de Higgs », qu’on peut définir comme une sorte de « viscosité de fond », qui va conférer aux particules quantiques, définies au départ comme une fonction d’ondes, une certaine masse (sauf chez le photon qui n’a pas de masse). Cette masse sera objectivée au niveau des séphiroth par une figure que certains qualifient trop vite de sphère ou de « boule ». Il s’agit plutôt ici de configurer ces limites selon des traits curvilignes fermés, en lien rotond avec le Divin.
On pourrait aussi comparer cet arbre à un tableau de loge, qui sera, au-delà des significations et des relations symboliques multiples qui s’établissent entre ces composants, un lieu d’équilibre entre lesdites entités, et d’autre part avec le « bain métaphysique » duquel elles émergent et dans lequel elles évoluent. Le tableau de loge est, dirions-nous aujourd’hui, un écosystème qui se suffit à lui-même, mais qui est constitué à la fois de symboles émergents, propres au grade : ce sont les images illustrant ledit tableau, et d’un « fonds diffus », d’un tissu nourricier invisible, d’un environnement ineffable constitué de tout ce qui n’est pas visuellement présent et qui constitue l’arrière-plan dudit tableau. Cet ineffable constitue aussi, nous l’avons déjà signalé, l’Ein Sof des kabbalistes, assimilable au vide quantique. Mais l’Arbre Séphirotique n’est pas seulement une interface, ou un juste milieu entre monde divin et monde tangible : il se suffit à lui-même, apparaissant comme un appareil auto-géré, auto-régi, le protégeant en fait de toute velléité excessive du dévot ou de l’impie.
Pour cela, sa fonction suprême, celle de la Connaissance, se devra d’être objectivée au sein même de son appareil. Da’ath, la 11ème Séphirah, dite « invisible », nichée dans le cœur battant de l’arbre kabbalistique des Séphiroth signifie en effet « Connaissance » : ce statut fait qu’elle n’est pas qualifiable en tant que telle, puisqu’elle est, déjà par elle-même, la qualification suprême, et la garantie à elle seule de toute la légitimité d’exister de l’Arbre Séphirotique. Da’ath est une forme de mise en abyme de cette Connaissance qui imprègne chaque Séphirah dans ses liaisons avec les autres Séphiroth. Nous pourrions dire que Da’ath est un « passeur » providentiel, dans son étymologie subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle pourvoie au lien entre 2 mondes. Par sa transcendance discrète, Da’ath renvoie les autres séphiroth à leur qualité d’avatar, elle permet d’ajouter à la compréhension du divin par l’articulation entre ces Séphiroth, une finitude qui fait qu’elle se suffit à elle-même.
Si cette séphiroth est « cachée », c’est d’abord parce qu’elle apparait en filigrane du plan d’expression de l’Arbre, qu’elle est un pont invisible entre ce que j’ai appelé plus tôt, s’agissant de la physique quantique, le « Champ de Higgs », fonds diffus et nourricier, profond, et les autres séphiroth, plus ostensibles et de ce fait plus limitées dans leur valeur significative. Da’ath n’est donc pas proprement dissimulée, elle opère simplement sur un plan intermédiaire, entre les autres séphiroth et l’Ein Sof. L’élusivité de Da’ath connait un équivalent en physique quantique, le boson de Higgs, très furtif, d’ailleurs découvert en dernier parmi les particules quantiques, et qui, comme elle, possède des caractéristiques qui le distingue des autres quanta, cedifférentiel constitutif permettant d’agir derechef sur ces derniers.
Le boson de Higgs pourrait, à l’instar de Da’ath, être dit « invisible ou caché », car ce qui caractérise les autres quanta est chez lui absent : sa présence donne de la « viscosité » aux autres quanta, c’est-à-dire une masse à ce qui n’était qu’une fonction d’ondes ; conséquence : la théorie ne lui prévoit pas de masse, puisqu’il ne peut pas être à la fois, à l’instar de Da’ath, une référence et un « référé ». De plus, le boson de Higgs n’a pas cette signature qu’on appelle le spin, qui est une sorte de « rotation intrinsèque » caractéristique des quanta, il interagit uniquement avec lui-même, et son existence est trop brève (de l'ordre de 10 puissance moins 22 secondes) pour qu'on le détecte directement.
Bref, ce qu’il faut retenir de Da’ath et du Boson de Higgs, c’est qu’ils échappent quelque part à la « ligne éditoriale » de leurs domaines respectifs, tout en y appartenant quand même : cette asymétrie est fondamentale, car elle permet de créer un point d’ancrage, extérieur par définition, apte à « densifier », à autonomiser peu ou prou ce système. L’Arbre Séphirotique, comme l’univers quantique, peuvent donc être qualifiés, excusez le caractère « désincarné » de cette approche, de « conurbations » de concepts définis sur le papier par des valeurs mathématiques, morales ou métaphysiques qu’il conviendra, pour l’initié, de « dépasser » en faisant usage d’un syncrétisme dont la portée dépendra du caractère, de la culture, de la conscience et de l’intelligence dudit initié. Si la réflexion est cohérente, rien ne sera jamais faux.
Simplement la réflexion se situera à des niveaux variables, elle demeurera plastique, et c’est ce formalisme de la plasticité qui permettra d’avancer dans « les voies de la Connaissance ». L’Arbre Séphirotique tout comme le modèle quantique ne sont donc pas à proprement parler, didactiques, d‘abord parce que leur fonction n’est pas celle-là , mais celle d’établir des ponts entre 2 autres milieux ; ensuite , et c’est une conséquence de la précédente, parce qu’ils offrent d’emblée toute leur structure à l’impétrant, afin que celui-ci puisse prendre la mesure de ce qui lui est soumis, et c’est là le « piège » : tout est exposé, mais rien n’est véritablement visible, chaque Séphirah, chaque quantum possédant une spécificité qui existe par la valeur qui lui est attribuée, mais aussi par sa position relative dans le schéma prescrit.
Cette aptitude est séduisante car elle décrit des phénomènes subtils, attractifs, quelquefois contre-intuitifs qui ne doivent pourtant pas « masquer » le caractère nécessairement subjectif de leur étude. Le modèle quantique, par exemple, ne se marie pas au modèle relativiste, et donc pas à ce modèle prégnant chez le franc-maçon, celui de la mesure.
Alors que le simple fait de tenter de mesurer un effet quantique se heurte à ce qu’on appelle la « décohérence », dans laquelle toute intrusion, ne serait-ce que visuelle, si infime soit-elle, provoque ce qu’on nomme un « effondrement quantique », où les lois régissant ce monde infiniment cessent immédiatement d’exister et basculent suivant les lois de la physique classique, relativiste. Ce terme de « décohérence » est péjoratif, car nous aurions tout aussi bien pu définir le passage du quantique à la physique classique comme une « recohérence relativiste » il porte en fait, par ce qualificatif, toute l’impuissance de la communauté scientifique à observer et maintenir en l’état cet effet.
L’effondrement quantique n’est pas un acte de révélation et d’émanation, mais, au contraire, un acte de restriction, d’où son épithète péjorative. On peut ainsi le rapprocher de la Chute adamique, depuis l’Eden, monde indifférencié vanté par la religion, où tout est potentialité, vers le monde discursif tel que nous le connaissons qui est, d’après la Bible, endroit de douleur et siège du Mal, en tant que pendant à l’inévitable Bien. Ce retrait existe aussi dans La Kabbale, sous le nom de Tsimtsoum. Cet acte de « retrait ontologique » qualifie au mieux le passage de l’Ein Sof à sa manifestation en séphiroth. Le retrait d’un milieu par rapport à un autre a cet avantage de ne laisser à aucun moment un « espace » neutre entre les 2 : ce qui est laissé est instantanément occupé par le milieu récepteur, en l’occurrence ici celui de l’Arbre Séphirotique, du monde tangible, et de l’espace-temps qui se crée.
Le Soleil-principe ne peut être, à l’origine, que principiel, puisqu’il se trouve en amont des anges, et non le simple luminaire placé au-dessus de l’Orateur, en loge symbolique. Il n’est perceptible, à l’instar des 3 modulations de l’Ein Sof, qu’au travers de 3 substrats successifs, aptes à moduler sa vigueur. Le 1er filtre sera celui du cercle pointé, le 2ème un triangle apposé sur le disque principiel : ce triangle va donner au Soleil-principe de l’étendue nuançant par essence une perception trop violente qui affecterait notre esprit. Le Soleil-principe ici ne signifierait rien s’il n’était lu par le prisme de ce triangle, qui lui confère la capacité à être un tant soit peu agissant, le triangle donnant au Soleil-principe un principe de dimension et de quantité à même d’en faciliter l’approche.
Enfin, les 3 S « postés » aux 3 sommets du triangle (Sagesse, Saint et Science) complètent ledit triangle, le renforcent, car il s’agit là de vertus proprement humaines.
La sentence LUX EX TENEBRIS, disposée entre Principe et matière, libère paradoxalement l’intelligence humaine, en tombant, par la Chute Adamique ou l’effondrement quantique, dans le manifesté. De façon presque naturelle, les Keroubim ou Chérubins, à la fois protecteurs et intercesseurs vont trouver leur place immédiatement à l’extérieur de cette sentence, pour border et rendre intelligible la liaison entre Principe et Nature. Ensuite le monde tangible va pouvoir se décliner en de nombreux archétypes tels que les 4 éléments alchimiques, les 3 états du feu, symbolisés par des bougies ; le Temple de Salomon flanqué des 2 colonnes ; l’Agneau ; le Caducée ; les 3 états de l’Être et la symbolique des nombres. Le caractère didactique, car fragmenté, compartimenté, des tableaux de loge précédents ne demande plus ici à être apprécié selon un ordre sérié, mais dans une mouvance qui n’en est une que pour les non-initiés…
Thierry Didier.