IDÉES : SURRÉALISME et FRANC-MAÇONNERIE
C’est surréaliste ! (Vulgate)
La première idée a germé après la rencontre d’un frère poète, écrivain, spécialiste de l’histoire maçonnique, et ses liens avec le mouvement des « Surréalistes », de surcroit membre de la Grande Loge de France où il a eu des offices importants, il fût Grand Chancelier et Directeur de la Revue de la Grande Loge de France Points de vue initiatiques. Il s’agit de Charles Bernard Jameux, qui a publié chez Dervy Franc-Maçonnerie, temps, mémoire, symboles et L’Art de la mémoire et la formation du symbolisme maçonnique.
Son engagement dans la mouvance d’André Breton, puis à 34 ans son entrée en Franc-Maçonnerie, ne sont pas des hasards. De nombreux francs-maçons ont suivi ce chemin de vie, il suffit de lire l’ouvrage de Patrick Lepetit Le surréalisme parcours souterrain.
La deuxième idée c’est l’évidence des correspondances entre le symbolisme et le Surréalisme maintes fois démontrée, et donc, naturellement la proximité avec la Franc-Maçonnerie et sa méthode initiatique le symbolisme de la construction.
J’ai donc, repris en main, le Manifeste du Surréalisme d’André Breton, pour poursuivre ma réflexion. Le manifeste est pluriel, ce pluriel s’arrête à deux, complété par les prolégomènes d’un troisième.
Il y a pour moi du moins, à l’évidence un lien, une sorte de communication entre les rêves des surréalistes et la méthode maçonnique d’exploration de l’homme intérieur, comme si les mots, voyageaient dans les rêves des surréalistes et venaient ouvrir les portes des symboles universels et maçonniques par leurs résonances.
Après tout peut-on enchaîner les mots, ils sont libres, comme l’air qui leur sert de véhicule, ils passent par le souffle.
André Breton écrivait à propos de son imagination : « Le seul mot Liberté est tout ce qui m’exalte encore… il faut bien reconnaître que la plus grande liberté d’esprit nous est laissée. »
Les surréalistes furent et sont encore considérés parfois comme atteints d’une sorte de folie, eu égard à leur imagination considérée comme débordante, n’est-ce pas le propre de l’imagination ? Ce sont les pseudo-réalistes ou les matérialistes qui tentent de les disqualifier.
En contrepoint l’on peut dire que les fous sont plus surement ceux qui veulent empêcher le vent de la liberté de souffler, c’est comme vouloir enfermer la pensée, et l’imagination sans laquelle par exemple Paul Eluard n’aurait pas écrit Liberté partout, sur les images dorées, sur les merveilles des nuits, sur chaque bouffée d'aurore, sur la mousse des nuages, sur la lampe qui s'allume, et par le pouvoir d'un mot....
André Breton écrit à propos de cette pseudo-folie :
« Il fallut que Colomb partît avec des fous pour découvrir l’Amérique. Et voyez comme cette folie à pris corps, et duré. »
On ne peut pas s’opposer à la liberté, à la recherche de la Vérité, les francs-maçons l’on comprit, ils ne s’imposent aucune limite, aucune borne à l’éveil et l’essor de leur esprit.
L’imagination amplifie les forces de l’esprit, la vie de l’imagination, la vraie vie, celle qui crée la joie.
La modernité et son cortège de nouvelles technologies, ne sauraient être des parangons de liberté et de vérité, satisfaire ses plaisirs, n’est pas réaliser ses désirs, son désir de la vie bonne. Les meilleures applications de nos smartphones ne peuvent remplacer l’imagination d’un enfant et son sourire.
« Sous couvert sous prétexte de progrès on est parvenu à bannir de l’esprit tout ce qui se peut taxer à tort ou à raison de superstition, de chimère ; à proscrire tout mode de recherche de la Vérité qui n’est pas conforme à l’usage. »
La ‘lutte’ des surréalistes et des Francs-Maçons est de ne plus tenir compte des réalités sommaires, des prêts à mâcher, des apparences, mais de faire appel à leur imagination, pour investir les contrées les plus lointaines de l’esprit, les terres spirituelles oubliées, ou celles qui ont été mis en jachères sous prétexte de non modernité, retrouver les sources grâce aux lumières du passé qui ont laissées des traces dans la profondeur de notre inconscient et faire le lien avec l’inconscient collectif. Un paradigme qui fait appel à l’art en général, à la poésie en particulier en ce qui concerne les surréalistes.
Redécouvrir en soi les forces de l’esprit par la grâce des rêves.
C’est surréaliste ! s’exclameront les profanes, qui ont délaissés les terres sacrées et divines.
A l’exemple célèbre de l’ami et poète d’André Breton, Saint-Pol Roux qui avait écrit sur la porte de son manoir de Camaret sur Mer, alors qu’il dormait : « Le poète travaille ». Il rêvait, mais aussi il travaillait. Il a reçu chez lui outre André Breton, Pierre Mac- Orlan, Max Jacob, Victor Segalen. Avec son alias teinté d’orgueil ‘Le Magnifique’, il avait aussi écrit : « J’ai découvert ici la beauté du monde. » Cela valait bien un rêve !
L’on peut rapprocher le Surréalisme et la Franc-Maçonnerie plus que par la simple méthode des analogies, par une métaphore ou une métonymie, le Surréalisme étant l’héritier du symbolisme. Dans les Nuits d’Young le poète Saint-Pol Roux est qualifié de 'Surréaliste dans le symbole', André Breton qui n’imposait aucune limite au Surréalisme, trouvant les particularismes réducteurs.
« Les manufactures anatomiques et les habitations à bon marché détruiront les villes les plus hautes. » (Philippe Soupault)
Ainsi dans la Franc-Maçonnerie s’entremêlent les légendes, les rêves, les Apocalypses qui enrichissent notre recherche spirituelle, lui donne de l’infini. Je pense bien sûr, à Moïse, au Roi Salomon, au prophète Jésus, aux visions d’Ezéchiel et de Jean de Patmos.
Je termine cette brève réflexion par la définition du Surréalisme par André Breton, définition en forme de paradoxe, puisque la jugeait comme finale.
« Surréalisme : Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute esthétique ou morale. »
Le Surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. » (Extrait de Manifestes du Surréalisme André Breton – Folio Essais)
Le Surréalisme rend le monde plus lumineux ou au moins le rend moins opaque, il fait jaillir des traits de lumière, il permet des associations, des correspondances infinies, il réduit la distance entre ce qui est en haut et ce qui est en bas, en toute humilité. Comme le souligne André Breton, René Guénon l'exprime, dans Les États multiples de l’être.
Il est absurde de croire « que l’état humain occupe un rang privilégié dans l’ensemble de l’Existence universelle, ou qu’il soit métaphysiquement distingué par rapport aux autres états, par la possession d’une prérogative quelconque. En réalité, cet état humain n’est qu’un état de manifestation comme tous les autres, et parmi une infinité d’autres ; il se situe, dans la hiérarchie des degrés de l’Existence, à la place qui lui est assignée par sa nature même, c’est-à-dire par le caractère limitatif des conditions qui le définissent, et cette place ne lui confère ni supériorité, ni infériorité absolue. »
Tout cela relève après tout d’un constat simple, que nous sommes à notre place, dans une position intermédiaire bien connue entre terre et ciel, « les pieds sur terre, la tête dans les étoiles », cette tête pleine de rêves, dont le plus beau d’entre eux reste la réalisation d’un monde uni dans une fraternité universelle, un empire à conquérir. Une folie Surréaliste vouloir réunir tout ce qui est épars.
Jean-François Guerry.
Bibliographie : Manifestes du Surréalisme André Breton.
Le Surréalisme parcours souterrain Patrick Lepetit
Au nom de la Liberté Poèmes de la Résistance.
Pour aller plus loin : Faire des recherches sur la Loge Thebah, le Martinisme, Isidore Ducasse Comte de Lautréamont, lire les travaux de Jacqueline Chenieux, (CNRS) spécialiste internationale du Surréalisme.
Note : André Breton fût proche de Pierre Mabile, Roger Van Ecke, Jean Palou, Robert Amadou.