Jean-François Guerry.
SUITE de la Part II du 09/09/2024
Le nom augure provient du latin augere, qui signifie augmenter, c’est-à-dire qu’il amplifie une forme de vérité, sans toutefois la trahir ou l’abimer. Cette amplification passera chez le franc- maçon par la sacralisation d’un moment, d’un lieu ou d ’un acteur, facilitant du même coup sa prise en charge spirituelle. La spiritualité est en effet un élan et un appui qui visent, par leur amplitude, à sublimer le substrat qui en est l’objet. Certains moines et nonnes pratiquent également une forme de sacré, que je qualifierais d’alternatif, en produisant à l’intérieur de leur enceinte de vie et hors des temps de prière des éléments « usinés », alimentaires ou décoratifs, qui est une façon, bien sûr, d’être rétribués, mais également de créer des ponts avec le monde profane. Leur production, essentiellement manuelle, est symbolique, entendue dans son sens d’élaborée différemment, de constituée par des personnes qui ne voient pas le monde comme le voit un profane ou un païen : l’objet reste fondamentalement le même, mais ce qu’il porte en termes de message, voire d’aura rejaillira ensuite sur l’individu profane, qui est souvent demandeur d’un tel appel. Le sacré échappe donc au commun : ça n’est pas faire preuve d’hubris que de déclarer cela, et ça peut expliquer des regains soudains d’intérêt vis-à-vis d’éléments pourtant présents dans notre vie quotidienne, qu’on dérobe soudainement à notre regard et à notre intellect , créant alors un manque qu’on ne sait pas comment combler : je prendrai l’exemple de l’incendie de Notre Dame de Paris qui, en nous enlevant transitoirement un emblème spirituel de notre civilisation, provoqua un violent escamotage du réel, un vide matériel difficile à verbaliser, même pour le profane.
Plus globalement, cette carence à formaliser cet évènement généra une sensibilisation extraordinaire autour de la destruction, et partant, de la réfection de Notre Dame de Paris. Cette sensibilisation ne correspond pas, pour l’essentiel, à un sentiment confessionnel, mais va au contraire se substituer à ce dernier chez des esprits en mal de spiritualité : sauver la cathédrale de Paris va s’assimiler chez le commun à se sauver soi-même : de quoi, il ne le sait pas vraiment, mais ce sentiment diffus de noyade existentielle lui suffira pour s’émouvoir, et participer, par le don, ou même par une simple émotion, à restaurer sa légitimité de vivant… L’étymologie même de profane, qui signifie « devant le Temple » met en avant une forme de « promiscuité distinctive », d’approche différentielle dans laquelle le monde séculier n’est pas, et c’est heureux, l’antithèse du monde régulier, mais une forme de pendant nécessaire à la coexistence de ces 2 champs de l’existence. Ainsi, nous maçons avons coutume d’utiliser cette célèbre phrase à 2 temps : « Il faut laisser nos métaux à la porte du Temple…Pour ensuite les reprendre à l’issue de la tenue ». Ce qu’on appelle en franc-maçonnerie les métaux sont les failles et les travers affectant tout être humain, ontologiquement entaché du Péché originel. Ce qu’on appelle la tenue étant, elle, la formalisation du lieu sacré éphémère que le franc-maçon constitue symboliquement. La coloration exotérique classique nous porte à considérer ces métaux inhérents à l’humain sur le plan moral, comme une forme de concupiscence, de passions tristes, ce qui, effectivement en facilitent la visualisation mentale. Le caractère peccamineux des métaux, tels l’avarice, l’orgueil ou l’oisiveté sont bien identifiés chez l’humain d’après la Chute adamique.
Mais une autre lecture est possible, celle, ésotérique, de considérer que quiconque aborde un endroit sacré se voit peu ou prou transformé, ne serait-ce que parce que le milieu dans lequel il va pénétrer est par essence différent du milieu profane extérieur et qu’il devra, c’est une question de survie, s’adapter aux schémas particuliers en vigueur dans ledit « espace sacré ». Pour « exister » dans cet espace exigeant, il devra abandonner, au moins momentanément, ses « métaux » symboliques, c’est-à-dire certaines charges pénitentielles, certains fardeaux moraux, certaines lourdeurs métaphysiques portées par nos angoisses existentielles, visant par exemple la prise en compte de la mort, de l ’infini ou de l’intemporel. Un peu comme le Grand Prêtre de la religion hébraïque devait se laver à l’eau lustrale de la Mer d’Airain afin de pouvoir pénétrer dans le Saint des Saints du Temple de Salomon, l’initié devra se départir un temps de ce joug qu’est l’assignation aux limites de sa corporéité, morale, mentale et physique. C’est à cette condition qu’il sera en capacité à symboliser les objets du commun, c’est-à-dire les reformuler à sa main, en transcender la substance. Par exemple symboliser sur les 2 luminaires présents dans la loge, le Soleil et la Lune, amènera à une pensée nuancée, holistique, où la spécificité de chaque élément apportera une touche personnelle, chaque signification nouvelle apportant plus que la somme des symboles pris séparément. La structuration du sacré ne se formalise donc pas uniquement par rapport à l’extérieur, car l’espace sacré possède son équilibre propre, ce qui, nous l’avons déjà dit, ne préjuge pas, bien au contraire, des « luttes intestines » qui régissent justement cet équilibre ; ces luttes sont le résultat naturel de la confrontation ordinaire des idées et des circonstances. Même l’exercice de la symbolique va générer nécessairement des « parias » sémantiques et organisationnels, témoins d’une indispensable sélection des objets et des idées, sacrifiés sur l’autel du degré auquel on se situe. Cette part d’ombre, cette « Parole Perdue » est structurante, nous en reparlerons dans un prochain chapitre, portant sur l’harmonie cachée des choses. Néanmoins, rien avec le REAA n’est perdu ou définitivement écarté, et des éléments symboliques qui ne trouveraient pas leur place dans un degré déterminé se verraient naturellement « replacés » à un autre degré. Cette mise en place rituelle fut effectuée par les créateurs du REAA, qui ont fait en sorte que ledit rite constitue un continuum cohérent, mais aussi apte à inclure toutes digressions, pour peu qu’elles demeurent progressives et initiatiques (assassinat au 3ème degré, irruption violente au 6ème degré, désobéissance au 9ème degré, par exemple, mais aussi au 30ème degré, où est réévoquée la caverne d’Abiram). De ce constat découlera une indispensable gradation permettant de conserver toutes les idées, valeurs et principes en les plaçant à l’endroit qui leur sied le mieux. Un exemple : certains outils, supplétifs de la main de l’apprenti et du compagnon, aux 2 premiers degrés, deviendront une arme par destination au 3ème degré, puis un instrument de mesure au 12ème degré. Les grades et les degrés ne sont donc pas là pour fabriquer une hiérarchie stérile, mais pour poser à leur juste place des éléments déterminés. C’est pourquoi il existe des degrés maçonniques, qui permettent d’étager, d’échelonner les sens nouveaux sur différents grades, et donc de les protéger d’une éventuelle servitude que leur soumettrait une hiérarchie mal comprise. Je rappelle que hiérarchie signifie « gouvernance du sacré », et qu’à cet égard, son rôle est de mettre à la place qui lui est assignée chaque évènement symbolique, sans préjuger d’une quelconque prédominance ou prépondérance de tel élément par rapport à tel autre.
Thierry Didier.
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Initiations tantriques, initiations maçonniques de Christophe Richard. Collection l’intégrale. Coédition Académie maçonnique de Provence et Editions Ubik.
Ce livre propose une comparaison, très personnelle, entre initiations tantriques et initiations maçonniques. Précisons d’emblée qu’il n’est pas question ici des tantrismes non-dualistes de l’Inde et du Cachemire mais du tantrisme bouddhiste tibétain qui a absorbé avec plus ou moins de bonheur toutes les traditions qu’il a rencontrées.
L’intérêt principal de ce livre est de mettre en évidence comment le dialogue entre deux cultures traditionnelles, l’une orientale, l’autre occidentale, peut se nouer dans l’expérience d’un pratiquant. Chaque cas est unique certes mais ce n’est pas un hasard si de nombreux Francs-maçons vont chercher dans le bouddhisme, souvent tibétain, une pratique qu’il juge nécessaire à leur démarche.
Christophe Richard, après avoir réfléchi aux rapports entre nature et culture, interroge : Qu’est-ce qu’un rite initiatique ? Quels sont les principaux composants d’une initiation ? Qu’est-ce qu’une initiation tantrique ? Qu’est-ce qu’une initiation monastique ? Il dégage de ces questionnements une structure plus ou moins marquée dans les trois situations, maçonnique, bouddhiste tibétaine, monastique : mythe fondateur, rupture, modifications physiques ou vestimentaires, purification par les éléments, voyages réels ou symboliques, épreuves réelles ou symboliques, mort rituelle suivie d’une renaissance, serment. Repères intellectuels et historiques viennent ponctuer et soutenir le propos.
Au passage il traite des débats sur la nature de la Franc-maçonnerie : société initiatique ou pas ? tout en rappelant que certains historiens comme Charles Porset s’opposent à l’idée d’une Franc-maçonnerie initiatique, il met en évidence plusieurs points qui démontrent la dimension initiatique de l’Ordre maçonnique.
Dans un monde qui semble fasciné par son autodestruction, il en appelle au sursaut des institutions initiatiques pour rappeler l’être humain à la recherche de sa véritable nature.
« Un projet initiatique authentique, dit-il, a charge de provoquer un total bouleversement de notre façon d’appréhender l’existence. Il s’agit de passer des ténèbres à la lumière, pour le proférer à la façon des Francs-maçons, ou de reconnaître la claire lumière, pour le dire en termes bouddhiques.
Inutile d’appuyer sur le fait que semblable itinéraire ne peut être accompli qu’à la première personne. Le Franc-maçon est, certes, soutenu par les sœurs et/ou les frères de sa loge, tandis que le pratiquant du bouddhisme tantrique est guidé par son ami de bien, il n’en demeure pas moins que c’est à l’initié, et à lui seul, de cheminer vers la lumière. »
C'est un rameau fertile que Joseph. les bénédictions de ton père, surpassant en puissance celles de mes ancêtres, au-dessus-même des collines éternelles, s'accompliront sur la tête de Joseph. ! » L'appel à la transcendance « La religion chrétienne appelle l'Esprit Saint le Désiré des Collines éternelles. Ce désir d'infini au coeur de chaque être humain, je l'ai donc nommé désir des collines éternelles. Parce qu'il inspire à l'esprit humain un mouvement d'ouverture perpétuel qui, par-delà toute croyance arrêtée, se retrouve dans l'aspiration chrétienne à quitter la Chair pour l'Esprit, ou dans l'aspiration juive à remonter vers la Fontaine de Sagesse. Ainsi chaque être humain me semble être appelé à contribuer au long cheminement de l'humanité émergeant de son animalité. En développant en lui-même une vision spirituelle qui dépasse la vision matérielle consacrée au confort, au pouvoir, à l'image et peut-être même à une certaine forme de bonheur. Mais il s'agira d'une longue quête pour qu'en lui le spirituel se distingue du matériel, une quête qui exigera de lui l'élargissement de son champ de conscience intérieur pour se libérer de ses passions, et l'élargissement de son champ de conscience extérieur au-delà de l'apparente matérialité. »
IL ÉTAIT UNE FOIS UN MYTHE, HIRAM.
Les lumières du passé éclairent les ténèbres du labyrinthe de l’avenir. À chacun son guide, pour passer des ténèbres à la Lumière. Nous ne sommes pas égaux dans la vie, le poète chante la différence entre les trottoirs de Manille, et les beaux quartiers des villes lumières. Mais à la porte de l’Orient éternel, au moment de la pesée de l’âme, l’importance des métaux compte peu.
Chacun doit construire sa vie, se construire en même temps. Il est des moments d’échecs, ils sont sans doute faits pour prendre la mesure de notre capacité à revivre plus radieux que jamais, il est des moments de gloire, c’est là que l’on prend le pouls de notre capacité à rester humble.
Pour structurer son parcours de vie, son existence, s’accomplir c’est-à-dire être pleinement soi, il nous faut les scintillements d’un phare, qui indique le cap quand advient la nuit.
Les francs-maçons ont choisi pour l’accomplissement de leur vie, une méthode le symbolisme de la construction. La figure du sage, la figure du sage, emblématique et tutélaire de ce symbolisme est le Maître Architecte Hiram. Un Maître inspiré, transcendé par un principe innommable, ineffable plus grand que lui. Le mythe, la légende d’Hiram et de sa mort est au cœur de l’initiation maçonnique, Hiram est Osiris.
Hiram est peu présent dans les textes vétérotestamentaires qui constituent entre autres le substrat de la Franc-Maçonnerie spéculative. Cet homme venu d’ailleurs, de surcroit fils d’une veuve, orphelin de père allait avoir un destin fabuleux, c’est le lot des héros. Hiram est le soleil, la lumière, le feu de la forge de Tubalcaïn. L’abondance des mots pour décrire Hiram, n’est pas nécessaire, la contemplation de ses vertus, de son exemplarité suffit pour servir de guide, de clé pour ouvrir la porte du cœur des femmes, des hommes en général et des sœurs et des frères en particulier, de tous ceux qui sont capables de regarder avec l’œil de leur cœur.
Solange Sudarskis, signe un ouvrage sur le mythe d’Hiram. Il ne pourrait être qu’un ouvrage de plus, il apparaît cependant comme un manuel, une encyclopédie hiramique. Il répond brièvement aux questions, pour laisser plus grande, plus ouverte la ou les possibilités d’interprétation personnelle au lecteur, qui s’approprie le mythe, et les valeurs qu’il transporte pour en faire sa ligne de vie personnelle à son rythme, avec l’intensité qu’il choisit.
On trouve dans ce livre ouvert : l’explication des mots de la cérémonie d’élévation au sublime grade de Maître, une interprétation du mythe de la mort, une recherche de la Parole perdue, l’histoire légendaire du héros, une description des temples. Solange Sudarskis termine par une ouverture sur les semblables d’Hiram, un épilogue en forme de prologue à la recherche de notre semblable, Hiram est-il notre jumeau, notre ange ? Celui qui nous montre le chemin pour se rapprocher de nos semblables les chercheurs de vérité, pour se rapprocher d’eux par la pratique des vertus, et la plus grande d’entre elles la charité qui est l’amour fraternel. Hiram est mon semblable, mon frère, mon Maître.
Comme vous le voyez le mythe d’Hiram tel que proposé par Solange Sudarskis, répond à quelques questions, mais son plus grand mérite est de nous faire lever la tête et suscité bien plus de questions que les réponses qu’il apporte. C’est un rituel d’ouverture pour la pratique de nos travaux personnels, sur nous-mêmes. Il nous montre le chemin qui mène de la périphérie au centre du cercle entre l’équerre et le compas.
Jean-François Guerry.
Extraits du Livre :
« Au troisième degré, le psychodrame des cérémonies et des rituels offre le cadre et tous les processus nécessaires au développement psychique et à l’harmonisation entre les ténèbres et la lumière du franc-maçon. »
Les jeux de Rôle.
« Le jeu de rôle permet de créer un nouveau père, accessible émotionnellement, auquel il est possible de s’identifier. »
À SUIVRE : La recension va se poursuivre les travaux ne sont qu’ouverts.
À LIRE : « Il était une fois un mythe, Hiram. Par Solange Sudarskis.
183 pages 15 €- ISBN : 978-2-91-965640-0
Éditions : L’Académie Maçonnique de Provence et UBIK éditions.
Ubik-éditions.com
contact@ubik-lab-com
academie.maconnique.provence@gmail.com
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