RESPIRATION PASCALE
Je n’ai pas dit respirateur, pas faux espoir en ces temps incertains, où l’on scrute, le pic, la bosse, le plateau, et où l’on ne voit pour l’instant qu’asymptote, la chasse aux respirateurs reste ouverte, il nous faut même des machines pour respirer !
Il y a longtemps pourtant, que l’on nous dit qu’il faut reprendre notre respiration en douceur, lentement, cette respiration d’antan, du temps où je rêvais de partir en week-end avec mes parents, sur les bords de la Marne, de la Loire, pour une simple partie de pêche, parfois quand le temps commençait à manquer on allait à Moret au bord du Loing, insouciants.
Puis nos rêves se sont peuplés, de 4x4 de plus en plus grands, de trajets en avion de plus en plus loin, pour un week-end seulement, à Venise, submergée par les eaux, ou une ruée vers le péage, vers la côte, on étouffait dans ces villes monde.
Maintenant on étouffe dans des villes désertes en plein printemps, on étouffe dans des lotissements, sécurisés, des résidences pour séniors, des jardins entièrement clos, là vous serez à l’abri des voisins, sans vis-à-vis, on ne vous verra pas et vous ne verrez personne, le rêve !
L’on retient notre respiration, un pangolin vient de passer, comme sortit d’un bestiaire préhistorique, Madame de Sévigné s’inquiétait déjà, pour notre respiration :
« Quelle circonstance à notre séparation que la crainte bien fondée que j’ai pour votre santé, et cette bise qui vous ôte la respiration ! »
Mon Dieu oui, c’est la bise ! C’est ça, respirez un bon coup, ne vous étranglez pas cela va passer, vous manquer d’air !
Nous manquons tous d’air, nous sommes confinés, ce n’est pas la faute Rousseau il aimait tant la nature, ce n’est pas non plus la faute à Voltaire ce chantre de la liberté, la liberté, ce mot, ce nom que Paul Eluard a écrit partout, pour qu’il ne tombe pas dans l’oubli. La faute à qui alors, a un simple virus, un vulgaire virus, même pas moderne, même pas informatique, numérique, le vulgaire excrément d’une chauve-souris paraît-il !
Dommage on aurait pu appeler mister Microsoft, ou madame Apple, ils seraient sortis sur leurs chevaux blancs en Amazon de leur caverne d’Ali Baba, avec tous leurs trésors amassés depuis des années grâce à déesse de l’optimisation fiscale, tous ces trésors qui manquent, à nos soignants, nos hôpitaux, nos chercheurs.
La tête haute a grands renforts de spots publicitaires, ils viennent déposer leur aumône. Dire que depuis plus de 40 ans, l’on me dit que c’est un simple devoir, de payer mes impôts, que c’est normal puisque je bénéficie des services de l’État, de la santé, des routes etc..
Mieux depuis que j’ai reçu la lumière dans ma loge, mon devoir est de donner selon mes moyens sans ostentation, de manière, à ne pas humilier celui qui reçoit.
Finalement ce moment de confinement est peut-être un grand moment de respiration, avant un grand nettoyage d’été. Après la vie pourra reprendre direction, un sens, du sens. Les masques (quand nous en aurons) tomberont, un a un, avec nos certitudes et nos arrogances, nous prendrons un autre chemin, ce chemin du commencement qui compte plus que le but, que nous n’atteindrons surement pas.
Il va nous falloir éviter d’être des Zorros, des vengeurs masqués impitoyables avec les autres et cléments avec nous-mêmes. Nous avons mieux à faire pour nos enfants et nos petits-enfants.
J’ai une pensée, une respiration, pour ce repas, cette agape pascale que je n’ai pas pu partager avec mes frères, ces chevaliers de l’esprit, ces pauvres chevaliers, humbles chercheurs de la vérité, défenseurs de la justice, mendiants de l’amour fraternel.
« Ceux qui n’aiment pas la vérité prennent le prétexte de la contestation, et de la multitude de ceux qui la nient. Et ainsi leur erreur ne vient que de ce qu’ils n’aiment pas la vérité ou la charité. » (Pascal- Pensées)
Comme un paradoxe, ce confinement de Pâques, est peut-être un moment opportun, pour reprendre notre respiration, et réfléchir à cette Pâques, qui n’est pas seulement un dogme religieux, mais un moment de partage, du pain nourriture spirituelle, du vin de la connaissance, un symbole de la liberté pour les Juifs, de la résurrection pour les Chrétiens, de la régénération pour tous, de la respiration de cet homme intérieur qui tend vers la sacré, tant négligé, abandonné dans notre société, symbole de l’homme ‘sans masque’, de l’homme de l’unité du troisième jour, du plus humble de tous, celui qui délivra le message d’amour, qui dépasse toutes les querelles, qui passe au-dessus pesah en Hébreu.
C’est cette Pâques, de la libération, de l’alliance, de l’offrande, de notre amour, de ce que nous avons de meilleur en nous tout simplement, de ce souffle qui vient de l’intérieur.
Je vous souhaite, je nous souhaite une grande respiration pascale, pour tous ceux qui souffrent, qui travaillent, donnent, pour que nous puissions respirer.
Jean-François Guerry.