LA FRATERNITÉ QUESTIONNÉE.
Recension : Le N° 212 de La Revue Points de Vue Initiatiques- Fraternité et altérité.
La rédaction de la revue semble avoir le don de prémonition, je suppose que quand les articles de ce numéro ont été rédigés et expédiés à l’impression, la situation dans notre pays était beaucoup plus calme, sans être pour autant sereine. Quand le feu couve, il peut à tout moment quand on l’attise devenir immaitrisable. C’est alors qu’on appelle en urgence les pompiers ! On constate, quand on est sérieux et que l’on se compare, que nous ne manquons ni d’Égalité, ni de Liberté. Ce qui nous manque c’est le troisième pan de notre devise la Fraternité. Cette fraternité bien particulière, qui n’est pas un droit, mais un devoir. Cette fraternité ne peut pas se suffire de « moments » comme l’indiquait Régis Debraydans son livre essentiel, où il reliait la fraternité au sacré. Ce sacré qui manque cruellement à notre société et pourtant indispensable à la vie humaine.
La plupart des obédiences maçonniques ont adoptées la devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité, cette devise partage avec l’invocation au Grand Architecte de l’Univers principe créateur, le point d’acmé de l’ouverture des travaux en loge maçonnique c’est dire son importance.
Aujourd’hui, pas moins qu’hier, mais surement plus il nous faut mettre de la fraternité dans notre société, c’est le plus important pour faire du vivre ensemble, du vivre en intelligence. La fraternité est créatrice de sociabilité, elle seule peut faire tenir debout ensemble les femmes et les hommes de bonne volonté, faire des hommes des humains.
Olivier Balaine le directeur de la rédaction de la revue « Points de Vue Initiatiques » de la Grande Loge de France, dans élan salutaire affirme : Que la fraternité est une évidence, mais aussi un mystère. Le but de ce « Points de Vue Initiatiques », est de lever une partie du voile sur le mystère de la fraternité ‘qui peuple les constitutions comme les mythes’. L’on peut dire que la fraternité est un point de ralliement, quelle favorise la construction d’une chaîne d’or humaine, exigeante elle est souvent une épreuve. Les frères qui ne sont pas de sang, ne se reconnaissent pas naturellement comme tels, ils doivent regarder ensemble dans la même direction, sans renier leurs opinions et leurs différences, mais en plaçant au-dessus de tout le bien commun. Cette sagesse se tisse au fur et mesure dans le creuset des loges maçonniques c’est le sens donné dans son introduction des travaux de la revue par Thierry Zaveroni Grand Maître de la Grande Loge de France. La fraternité ainsi tissée constitue un cordon sanitaire contre les tyrannies, les dictatures, les despotismes de toutes sortes religieux ou politiques. C’est pourquoi les pays totalitaires hélas trop nombreux en ce moment ont en horreur la Franc-maçonnerie qui fait rencontrer tous les hommes qui se seraient ignorés sans elle. Les invectives, les outrances, les arrogances, font le lit des haines qui sont des souffrances et plongent les hommes dans les ténèbres de l’erreur. Nous ne le dirons jamais assez nos points communs sont bien plus nombreux et plus forts que nos différences, les luttes fratricides ne sont que des renoncements à nos responsabilités, ce n’est pas être naïf que dire cela !
Puisque l’on évoque « la loge maçonnique comme creuset des fraternités », c’est justement le titre de l’article de Jean Hanry qui préside aux destinées d’une loge de recherche de la Grande Loge de France. Il évoque la loge comme un lieu « de maturation », la loge est souvent comparée aussi en un athanor favorisant la transformation de l’être, ou un œuf cosmique. Cette maturation de l’homme, a été évoquée également par le philosophe des Lumières Emmanuel Kant, quand il expliqua ce qu’étaient « Les Lumières ». L’avènement de la capacité de l’homme à penser par lui-même, donc à murir. Jean Hanry, se plaît souvent à préciser auprès de ses frères, mais surtout auprès des profanes « que la Franc-maçonnerie n’est pas une école de pensée, mais une école à penser. » Elle ambitionne de former des hommes vrais en toutes circonstances. Avec bienveillance, mais sans faux-fuyants, sans hypocrisie, des hommes responsables devant leurs frères et le monde. Les hommes qui en conscience assument leurs responsabilités sans chercher un ou des bouc-émissaires. La transition est faite avec l’article de Jean-Hugues La Fay, qui met l’accent sur l’épreuve de la fraternité. L’homme face à sa conscience ne se dérobe pas, il s’oblige à être le gardien de son frère, de ses frères et de tous les hommes qu’ils soient proches ou lointains. Ainsi, la fraternité devient et est intemporelle, inconditionnelle, universelle par la magie spirituelle de l’initiation. C’est ce que démontre l’article de Régis Bernard et Stéphan Bousquet sous le titre : La Fraternité Universelle, une forme de contradiction apparente peut-être ? Avec l’entretien de Alexandre de Vitry que nous verrons ci-après et dont le titre est : La fraternité multiple. Ce serait oublié que l’unité et le multiple peuvent se rejoindre et que les différences, ne sont pas oppositions. Il est temps me semble t-il de proclamer haut et fort notre devise républicaine, pour imprégner les consciences en particulier celles de nos enfants, un moyen de combattre le communautarisme et de faire nation. Nos politiques conscients de la dégradation de notre sociabilité préconisent des cours d’empathie dans nos écoles, je suggère qu’avant chaque journée d’étude les élèves debout, proclament notre devise qui deviendra alors un mantra mettant à distance toutes les tentations confessionnelles. Cette devise devenant pour tous « un idéal » comme l’écrit dans son article Arnaud Delterre rajoutant : « alors la devise vivrait dans le cœur » de nos enfants. Si nous devons nous efforcer avec constance et persévérance de garder au sein de notre société les principes d’égalité et de liberté pour pouvoir vivre dans une société apaisée, cela n’est possible qu’avec le lien de la fraternité, nous devons faire le don de notre fraternité au service de l’égalité pour que la liberté soit réelle. Franck Subiela, nous parle avec justesse, de la sagesse du don comme d’une évidence. Dominique Losay pose la question : « Qui serais-je sans toi ? » Reliant fraternité et altérité, l’initié Franc-maçon a appris l’importance de l’autre, des autres dans son parcours initiatique, sa progression vers la Connaissance, la Vérité et la Lumière n’est possible qu’avec l’aide, le soutien, l’encouragement de ses frères. Seul, le maçon se trouve souvent démuni face aux problèmes existentiels qui lui sont posés, la spécificité de l’initiation maçonnique est : quelle est individuelle et réalisée dans le cadre d’un collectif. Elle n’existe que par la pratique en loge, où se mêlent la fraternité et l'altérité.
La fraternité est sans excès, elle est confiance, bienveillance et tolérance pour Pierre Pelle Le Croisa, « qui lit cette tolérance dans le regard ». Nous devons : « créer un lien altruiste, faire bouger notre vue sur les choses. » Les apprentis maçons, silencieux, ont la chance de pouvoir vivre la fraternité dans la simplicité du regard.
Alain Noël Dubart, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France nous rappelle les notions grecques de fraternité, d’amitié et d’amour, ainsi que celle de Jean de Patmos auteur du texte ésotérique de l’Apocalypse. Il insiste sur l’allégresse que provoque la fraternité entre les hommes, elle met « la joie dans les cœurs. »
Comme d’habitude Points de Vue Initiatiques donne la parole à des intervenants extérieurs. Alexandre de Vitry, maître de conférence en littérature française du XXème et XXIème siècle à la Faculté des lettres de Sorbonne Université est interrogé sur le thème de La Fraternité multiple en regard de son livre : « Le droit de choisir ses frères ? » une histoire de la fraternité aux Éditions Gallimard. C’est un mélange de littérature et d’histoire, où il est question des origines grecques et chrétiennes de la fraternité sont évoqués le mythe fondateur de Caïn et Abel, les douze tribus d’Israël et leurs fondateurs. Il fait aussi le constat : « que l’homme moderne, continue à chercher ses frères en étant de plus en plus seul ». Peut-on en déduire que la solitude est créatrice de fraternité ? Cette fraternité qui est absente des droits de l’homme de 1789 et qui n’apparaîtra qu’en 1848, elle plutôt un devoir qu’un droit. Il constate, que la fraternité chrétienne s’adresse plus particulièrement aux pauvres et aux faibles. Il pose la question du lien entre la fraternité et le sacré, l’universalisme, la laïcité et le spirituel. Régis Debray est convoqué dans cette discussion, il a largement développé sa vision du sacré dans son livre Le Moment fraternité. Pour ma part, je pense que l’initié qui tend vers la spiritualité tend inéluctablement vers la fraternité. Alexandre de Vitry, nous mets en garde à propos de la confusion que nous pourrions faire entre le communautarisme et la fraternité : « le communautarisme propose une solution à l’individualisme. » En réalité dit-il : « La fraternité communautariste ne produit que des groupes fermés et hostiles, il devient délétère. »
Personnellement je pense également que l’on ne doit pas greffer que l’arbre de la fraternité des scions religieux ou laïcs, les ajouts affaiblissent la pureté de l’arbre primordial, au risque de le parasiter et à terme de le remplacer. Il est indéniable que la fraternité est vecteur de sociabilité mais à mon sens, elle n’est pas que cela ou alors elle serait plutôt solidarité de groupe, ce qui serait contraire à son caractère universel. La fin de l’entretien avec Alexandre de Vitry porte sur les réseaux sociaux, et leurs faux amis leurs faux frères !
Le deuxième entretien est celui de Dominique Ginolhac-Jean, une philosophe, cadre supérieur infirmier. Elle a soutenu une thèse sur le thème : de la valeur éthique du détachement dans la relation soignant -soigné. Cette thèse a été primée par la GLDF et le SCDF. C’est une recherche sur l’empathie entre soignant et soigné, sur la morale spontanée et la morale réfléchie. « Sous le coup de nos émotions, notre empathie varie à l’image d’un balancier. » Les notions de détachement de renoncement sont évoquées, pour les étayer Dominique Ginolhac-Jean à tourné son regard vers la philosophie grecque en particulier vers le stoïcisme. La densité de ses recherches n’autorise pas un résumé de quelques lignes, je vous encourage à lire la totalité de son entretien.
Vous trouverez à la fin de ces articles, non pas un index bibliographique (les citations sont peu nombreuses dans les articles), mais si vous voulez aller plus loin dans votre réflexion sur la fraternité il y a une bibliographie abondante.
Tous les hommes initiés ou non, en quête d’un monde plus fraternel, un monde où la Lumière surpasse les ténèbres trouveront dans cette revue des sources d’inspiration pour un combat existentiel. Seule la fraternité peut permettre au monde de tenir debout dans la paix et l’harmonie.
La Grande Loge de France, a été bien inspirée en inscrivant dans le Chapitre premier de sa constitution : La Franc-maçonnerie est un ordre initiatique traditionnel et universel fondé sur la fraternité. Ce numéro de « Points de Vue Initiatiques » est un hommage à la fraternité, il doit figurer en bonne place dans votre bibliothèque à portée de votre main, pour les jours ou le doute s’installe sur l’avenir de notre monde en général et de notre société en particulier.
Jean-François Guerry.
La revue Points de Vue Initiatiques
Points de Vue Initiatiques (PVI) est la revue trimestrielle de la Grande Loge de France. Chaque numéro (de 120 pages environ, format 18 x 24 cm) est rédigé par des auteurs francs-maçons, à l’exception de quelques invités. Notre magazine a pour but de vous accompagner dans votre démarche d’initiation à la franc-maçonnerie de tradition, vous aider dans votre réflexion et vous éclairer dans vos travaux.
Le premier numéro de la revue Points de Vue Initiatiques a été publié en 1965. C’était alors la première édition par la GLDF qui s’adressait aussi bien aux francs-maçons qu’aux profanes. Mais l’histoire des revues publiées par notre obédience est encore plus ancienne, avec les Cahiers de la Grande Loge de France ou encore les bulletins intérieurs d’avant-guerre.
Les sujets d’études et de discussions
Aujourd’hui, la revue trimestrielle de la GLDF rassemble les meilleurs textes contemporains sur l’initiation, le symbolisme, la philosophie et l’histoire de la franc-maçonnerie.
Nos auteurs et frères maçons emploient un langage clair et à la portée de tous pour faire de PVI un véritable outil de travail, au centre des débats et des recherches des francs-maçons et des non-initiés souhaitant s’élever spirituellement, moralement et intellectuellement.
Les auteurs n’abordent pas uniquement les enjeux de la pratique maçonnique française et ne se concentrent pas sur l’initiation en Grande Loge de France.
Au contraire, Points de Vue Initiatiques permet de s’intéresser à la spiritualité, au développement et à la philosophie en abordant des sujets variés, comme l’histoire de la franc-maçonnerie à travers le monde, les civilisations anciennes, parfois même les philosophies orientales.
Les réflexions de la franc-maçonnerie en revue
Chaque exemplaire de notre revue s’organise autour d’un grand sujet, cela peut être :
- Des thématiques chères à la pratique de la franc-maçonnerie : l’initiation, le perfectionnement, les rapports entre franc-maçonnerie et les religions.
- D’importants sujets de sociétés : les nouvelles formes de spiritualités, la transmission aux générations suivantes…
Tous les numéros de Points de Vue Initiatiques débutent par un message du Grand Maître de la Grande Loge de France. Vous aurez ensuite l’occasion de découvrir de nombreux articles inédits autour de la thématique principale, abordée chaque trimestre.
Enfin, vous pourrez retrouver des rubriques récurrentes comme les Entretiens : des propos d’experts issus de secteurs variés, recueillis par nos frères des différentes loges maçonniques. Mais aussi des Portraits d’Initiés ou encore des rubriques comme l’Arrêt sur Image, l’Air du Temps, le Champ du Poète…
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