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la Franc Maçonnerie au Coeur

la Franc Maçonnerie au Coeur

Un blog d'information, de conversations sur le thème de la Franc Maçonnerie, des textes en rapport avec la Franc Maçonnerie, comptes rendus et conseils de lectures.

Publié le par Jean-François Guerry
Chers Tous
Je reviens vers vous, j'étais absent au travail sur d'autres chantiers.

 

Bonne lecture

 

L'ÊTRE MODERNE - LA MODERNITÉ

L’ÊTRE MODERNE

 

 

À

 un moment où toutes les religions traditionnelles, toutes les traditions en général sont bousculées contestées, apparaissent comme obsolètes où le vieil homme semble disparaître avec ses pensées morales assimilées à de la moraline par les hommes nouveaux portant leur individualisme et leur autonomie au pinacle. L’homme moderne semble être « le produit » de la sécularisation de la société. L’homme moderne est-il le résultat d’une histoire nécessaire, est-il le résultat d’un processus transcendant, devenant unique ?

A vouloir trop classer, caractériser dans une société des techniques et de la spécialisation, nous assimilons la modernité à une unité homogène. Mais avons-nous définitivement renoncé aux religions aux traditions comme éléments de formation de l’homme ? Avons-nous accédé pleinement à cette autonomie de la raison mis au jour par les Lumières ? Ne sommes-nous plus reliés à la nature aux traditions, voir aliénés par les traditions religieuses ? Nous serions totalement seul, autonome, libre, satisfait sans inquiétude morale d’aucune sorte ? C’est renoncer de voir le besoin de sacré, de spirituel de l’homme, même moderne. Il suffit de constater l’engouement récent quasi universel vécu par la reconstruction de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, symbole chrétien, mais aussi Temple de l’esprit.

La situation morale de l’homme moderne est donc complexe, elle est plus hétérogène qu’homogène. Cette situation est comparable avec celle de notre monde complexe, différencié et souvent contradictoire.

Nous pouvons donc dire sans crainte, que nous sommes le produit, je n’entends pas par produit un objet, mais un sujet imprégné de sources et de valeurs morales multiples. Nous sommes le résultat de l’existence d’une vie d’obligations universelles et intemporelles.

On constate aisément, que les vertus et les valeurs morales ne vieillissent pas, les grecs aspiraient comme nous à la Justice à la mesure à l’Amour sous toutes ses formes, comme nous-mêmes. Ils avaient les mêmes inquiétudes, les mêmes incertitudes des choses, il en est de même pour tous les adeptes des religions du Livre.

Il apparaît dès lors difficile d’établir entre toutes nos sources normatives, une échelle de grandeur une hiérarchie immuable. Nous en sommes le résultat complexe et mouvant, toujours en marche, en transformation et soumis en permanence aux influences de ces sources morales. Nous sommes le résultat de cette complexité, de cette hétérogénéité.

On ne peut donc par être puriste et revendiquer une modernité en faisant abstraction des traditions.

Cette intranquillité morale, cette inquiétude morale n’est pas négative, elle est mise à l’épreuve, elle est un moteur pour avancer. Le Franc-maçon en général et celui du Rite Écossais Ancien et Accepté en particulier est en permanence un homme moderne, il est dans la cité. Il a en lui la mémoire profonde des traditions qui rassemble en un Tradition primordiale (CF René Guénon). Il s’efforce de tendre vers son unité, son harmonie intérieure, pour rendre le monde plus harmonieux. Ce rassemblement n’est pas pensée unique dogmatique, mais tension commune vers le bien, le bon, le juste, le vrai, la connaissance qui est Amour et donc vers la Liberté.

Certains se construisent et construisent la société grâce à leur Amour des hommes, d’autres font de même en pratiquant l’Amour de Dieu de leur Dieu. Le Franc-maçon lui fait appel aux deux montants de l’échelle pour pouvoir monter avec la force et la pratique des vertus, ces deux montants sont Amour de Dieu[1] et Amour des hommes.

Nous sommes sans doute des fragments de ces deux Amours, comme deux parties d’un même symbole qui assemblés forme un tout, une pensée, une idée.

Rien ne semble définitivement sûr, que sommes-nous vraiment ? Le produit d’une contingence de l’histoire humaine avec ses croyances morales qui ancrées en nous perdurent, mais de manière assez irrégulière et suivant chacun d’entre-nous. Privilégier une quelconque influence c’est renoncer à un examen profond de ce que nous sommes réellement, le sujet de toutes ces influences. Un doute subsiste toujours, mais c’est un doute constructif qui nous active, une inquiétude morale qui nous oblige à la persévérance sur le chemin de la Connaissance et de la Vérité.

 

                                            Jean-François Guerry.

 

 

Pour conclure cette brève réflexion sur l’homme moderne et la réalité moderne, voici un texte de Monique Canto-Sperber.[2] :

 

La réalité moderne est faite tout ensemble d’exaltation démocratique et de glorification de talents ou de personnalités placées de manière aléatoire en situation d’exception, de rationalité tatillonne et de superstition, d’émancipation et de dépendance. Déclarer que la « sécularisation » ou l’émancipation de l’autorité sont en tant que tels les critères permettant de mesurer la distance de la pensée à la vérité est un vœu que seule une vision très partielle de la réalité rend crédible. Surtout, une telle façon de considérer notre présent nous induit en erreur parce qu’elle nous fait accroire que nous sommes parvenus à la modernité, alors que le processus, si processus il y a, est loin d’être achevé, qu’il peut se maintenir tel quel et ne plus évoluer, conduire à l’auto-annulation de lui-même, ou prendre des formes soit dépassées soit inouïes, puisque son sens n’est pas encore accessible.

 

[1] Dieu étant le G A D L U c’est-à dire un principe unique créateur au sens déiste ou Dieu au sens théiste.

[2] Monique Canto-Sperber. L’inquiétude morale et la vie humaine. Chapitre le mythe de la modernité Pages 67 et 68. Éditions PUF 2001.

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Publié le par Jean-François Guerry
COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

 

 

Le commentaire pertinent d’un lecteur du blog sur la brièveté, le manque de profondeur de ma réflexion sur la spiritualité, m’amène à rédiger un complément à cet article dont le but essentiel était de susciter votre réflexion. Je précise donc à travers les extraits de deux ouvrages : le premier celui de Robert de Rosa Laïcité, Tolérance & Franc-maçonnerieparu aux Éditions Numerilivre et en second celui Monique Canto-Sperber L’inquiétude morale et la vie humaine paru aux Édtions PUF, j’en profites pour vous signaler que Monique Canto-Sperber a dirigé la rédaction du Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale (2 tomes).

Sous la plume de Robert de Rosa l’on peut lire :

Il évoque ceux qui sont gênés par le matérialisme radical et qui évoquent une « spiritualité laïque ». Ils associent deux termes qui n’ont rien à faire l’un avec l’autre. Accoler un adjectif à « spiritualité », c’est en réduire la portée universelle. La propension à s’interroger sur le sens de sa présence dans au monde, à penser l’infini, l’éternité, dépasse et englobe les religions. Elle ne reste pas emprisonnée dans un domaine d’où on chasserait les croyances comme celui des Fois particulières. Est véritablement spiritualiste celui peut engager le dialogue avec toutes les âmes éprises d’absolu. La spiritualité n’a besoin d’aucun qualificatif. La présenter comme opposée aux religions, (en la qualifiant de laïque) c’est ne pas avoir son ampleur et la réduire à une autre forme de croyances, ce comportement que l’on prétend condamner. À l’appui de son raisonnement Robert de Rosa rappelle ce qu’est la laïcité, ce qui n’en n’obère ni les qualités, ni même les vertus, mais l’on n’est pas sur le même plan, c’est là, la différence entre l’horizontalité consubstantielle à notre devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité et la spiritualité plus verticale, plus transcendantale. L’amorce de cette transcendance commence si j’ose dire en Franc-maçonnerie avec le grade de Maître 3ème degré de l’initiation, le Maître réapparait plus radieux que jamais. On remarquera aussi que ce sont des outils matériels, non sans quelques qualités qui ont servi à l’assassinat du Maître Architecte. Dans un autre plan, un autre cycle le Maître va s’élever les hautes sphères de la Connaissance spirituelle. Ainsi Robert de Rosa précise : la laïcité ne situe pas sur ce plan. C’est une disposition législative qui doit préserver l’exercice de toutes les formes de spiritualité.

Il est factuel d’observer et de dire que l’objectif des créateurs de la laïcité, les initiateurs de la Loi de 1905 qui la fonde, n’avaient pas pour intention la création d’une spiritualité laïque. Robert de Rosa avec justesse et pertinence souligne la vertu ou pour le moins la qualité essentielle de la laïcité c’est qu’elle crée un centre d’union dans notre république. Il s’agit surtout d’un sentiment d’unité nationale, le seul à dépasser les communautarismes de toutes origines. [1] En ce sens elle offre chez nous, un cadre propice à la vie spirituelle, au respect des croyances de chacun à la condition que celles-ci n’interfèrent pas dans l’espace public, ce qui serait contraire à l’esprit de la Loi de 1905. Les Francs-maçons qui veulent que leur institution soit une centre d’union de tous les hommes ont bannis de leurs travaux de loge toutes les discussions politiques ou religieuses, leurs travaux sont des exercices spirituels propices à leur amélioration personnelle à la conversion de leur regard sur le monde pour qu’il soit un vaste espace de fraternité universelle.

Regardons maintenant dans l’ouvrage de Monique Canto-Sperber, elle évoque dans un sous chapitre : l’éthique, le sens, le sacré, les réconforts impossibles du chapitre principal consacré à l’éthique et les défis de la philosophie morale ; la démarche de Luc Ferry énoncée dans son livre L’homme-Dieu ou le sens de la vie. Luc Ferry trace un portrait de l’homme moderne athée ou agnostique averti, privé des mythes, affranchi des superstitions, mais confronté à un désarroi une crise de sens structurelle. L’univers laïc et démocratique abolit la religiosité traditionnelle.[2]  1996.

Luc Ferry constate le retour à la morale. Il y a un profond sérieux, dit-il, dans ce souci éthique, qui suffit à réfuter le crépuscule du devoir. Il rajoute que la morale moderne a perdu son caractère sacré : elle est maintenant fondée sur l’homme (…) marquée par l’idéologie des droits de l’homme. Il nous faut autre chose, mais quoi ? L’espoir sous-jacent est qu’une spiritualité laïque, une certaine idée du sacré, conçue entièrement à partir de l’homme, viendra se loger dans l’espace défini comme étant celui de la religion. (…) Il reste besoin de transcendance « par-delà le bien et le mal » Il revient à la spiritualité laïque « enracinée dans l’homme » (…) double mouvement humanisation du divin et de divinisation de l’humain. Monique Canto-Sperber critique l’argument « d’humanisation de la transcendance ». Elle écrit : une transcendance humanisée ne peut plus être une transcendance par rapport à l’humain, à moins de donner à la transcendance un sens si minime qu’on ne voit plus ce qu’il apporte de spécifique.

Luc Ferry précise qu’une telle transcendance consiste en l’extériorité « des autres hommes par rapport à moi » donc autrui est distinct et différent de moi c’est tout simplement l’altérité ! Si autrui est l’autre du moi, une projection du moi, il est toujours en moi donc où est la transcendance ? Si la conception d’autrui comme « Autre en général » est ce qui définit la transcendance horizontale, une telle transcendance ne sera qu’une hypothèse philosophique parmi d’autres.

Monique Canto-Sperber s’oppose à la thèse de Luc Ferry qui dit : l’humanité divinisée, nous dit-on, a pris la place du sujet absolu.[3] Elle répond : l’idée que les hommes devenus des dieux feront régner le bien, la raison et la loi est un vœu pieux ou une folie. La Rochefoucauld, Rousseau et Nietzsche étaient plus perspicaces ; si les hommes deviennent des dieux, ils s’envieront et n’auront de cesse de se détruire.

Le mythe de cette modernité de la morale et de l’éthique qui seraient une transcendance absolue paraît dangereuse mise entre les mains exclusive des hommes, c’est du moins mon avis et vous qu’en pensez-vous ?

 

                                            Jean-François Guerry.  

 

[1] Robert de Rosa- Laïcité, Tolérance, & Franc-Maçonnerie. Pages de 36 à 39. Ed des Bords de Seine Numerilivre.

[2] Luc Ferry – L’homme-Dieu.  Page 19.

[3] Luc Ferry L’homme-Dieu Page 180

COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

RÉSUMÉ

Le concept de laïcité est aujourd’hui l’objet de nombreuses confusions. Détourné de sa fonction, survalorisé ou amoindri, il est souvent instrumentalisé pour servir des choix politiques qui en réduisent la portée. L’auteur offre dans cet ouvrage un témoignage et un regard, élaborés par une longue pratique de l’enseignement et tout aussi longue de la franc-maçonnerie. En retraçant l’évolution de la société française, de l’enseignement public, laïc et gratuit (1881) à la séparation de l’Église et de l’État (1905), il restitue le climat des loges maçonniques et met en évidence les deux courants qui s’y confrontent. Pour l’auteur, si la laïcité n’est pas une valeur mais un principe législatif, elle doit cependant son efficacité à la pratique de valeurs, au premier rang desquelles la liberté de conscience (et de croyance), inséparable de la tolérance. Deux valeurs qui méritent d’être précisées pour sortir de la confusion actuelle. Robert de Rosa termine son essai critiquant les thèses actuelles qui voient germer la laïcité dans le christianisme. Sans polémique mais avec une argumentation solide, il montre que les pouvoirs temporel et spirituel ont pu être distingués mais sans être séparés… Et que le second a toujours voulu conserver une suprématie.
COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

RÉSUMÉ

Luc Ferry réfléchit, dans ce livre, aux conditions dans lesquelles s'organise un nouvel ordre éthique dans des sociétés qui ont accompli leur "révolution religieuse". A distance des interprétations trop étroites de la morale laïque, il montre comment le long processus par lequel le divin se retire de notre univers social et politique s'avère être, en fin de compte, un processus de sacralisation de l'homme lui-même qui conduit vers de nouvelles formes de spiritualité. On peut repérer ce mouvement dans bien des domaines. Le développement de l'action humanitaire témoigne par exemple, de l'émergence d'une aspiration nouvelle qui ne se confond pas avec les formes traditionnelles de la charité, mais qui revient pourtant à reformuler la problématique du don de soi. La tendance à la "sacralisation du corps humain" conduit, de son côté, à poser dans des termes neufs toute une série de problèmes que tente actuellement d'explorer la bioéthique. Le "désenchantement du monde" tend ainsi à une nouvelle formulation de la question de la transcendance dans les sociétés modernes.

COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

Voici un ouvrage à retenir pour tous ceux, spécialistes ou non, qu’intéressent l’éthique et la philosophie morale, car il développe une réflexion personnelle et rigoureuse en ce domaine tout en démontant avec profit certains des obstacles persistants qui l’encombre. L’auteure est bien placée pour accomplir ce double travail : on la connaît en effet pour son remarquable travail de direction de la collection « Philosophie morale » aux PUF et du Dictionnaire d’éthique et de philosophie moralechez le même éditeur (3 édition 2001), mais peut-être un peu moins comme spécialiste de la philosophie grecque (Éthiques grecques, PUF, 2001). Le présent ouvrage, dont le beau titre rappellera sans doute à certains celui de Jacques Lavigne (L’inquiétude humaine, Aubier, 1953, d’une tout autre facture toutefois), est un ensemble composite dont l’unité thématique est certaine mais le fil argumentatif moins facile à suivre. Une première partie, « L’inquiétude morale », qui occupe le deux-tiers du livre, regroupe trois études (dont l’une déjà publiée sous une autre forme dans Esprit) se donnant pour mission de défendre la spécificité, l’autonomie et les exigences de la philosophie morale dans un contexte encombré par la mode éthique en France ; une seconde partie, « La vie humaine », plus courte, présente la contribution propre de Canto-Sperber à ce sujet, contribution qui veut montrer que la philosophie peut et doit prendre au sérieux la question de la « justification existentielle » en éthique, rejoignant en cela certains travaux de Bernard Williams, à qui le volume est d’ailleurs dédié. 

L’enjeu de la première partie est fixé dès les premières lignes : « montrer que sans philosophie morale il n’y a pas de réflexion éthique et que sans réflexion éthique il n’y a pas d’éthique qui vaille » (p. 3). La philosophie morale en question est ici une forme de rationalisme ou d’intellectualisme (« le travail de la pensée est au fondement de l’éthique », « pour bien agir il faut d’abord bien penser », p. 109 et 107) qui permet de définir la réflexion éthique comme un travail d’analyse normative, une « recherche des meilleures raisons (…) selon des méthodes et avec des arguments bien éprouvés » (p. 109). Une telle conception des tâches de la philosophie morale se trouve à l’aise aussi bien avec les éthiques antiques, le rationalisme français classique que la philosophie analytique contemporaine car, soutient Canto-Sperber, « la substance de l’éthique est toujours la même » (p. 131), et le travail de la philosophie en ce domaine « recouvre l’ensemble des questions qui lui sont spécifiques depuis 2002 ans ». Voilà de quoi relativiser la rhétorique de la « renaissance » ou du « renouveau » éthique actuel, mais qui risque de négliger la spécificité du phénomène des « éthiques appliquées ». Cette conception fournit d’ailleurs à l’auteure un ensemble de critères lui permettant un diagnostic sévère de l’omniprésence de l’éthique. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, dit-elle, la philosophie morale n’est pas florissante, car les conditions intellectuelles et institutionnelles indispensables ne sont pas réunies (dédain pour la réflexion sérieuse au profit de la conviction, absence de véritables débats d’idées et d’un réel pluralisme, peu de place reconnue à l’enseignement de la discipline). Ce diagnostic ne vaut sans doute pas exclusivement pour la France, mais il est clair qu’il s’applique surtout à la situation de ce pays. Canto-Sperber se livre à cet égard à quelques règlements de compte typiquement hexagonaux (surtout envers Alain Badiou p. 15-25, mais également vis-à-vis Luc Ferry et Gilles Lipovetski) mais aussi, plus utilement pour le lecteur outre atlantique, à l’analyse des obstacles pouvant freiner les ambitions de la réflexion éthique (le volontarisme du bien, le fétichisme des normes particulières, la méconnaissance de la spécificité de la réflexion éthique, p. 136) et des idées freinant la consolidation de la philosophie morale (celle soutenant que derrière cette réflexion se cache toujours un rapport de forces, ou celle voulant que l’éthique n’ait plus rien à voir avec la religion, ou que la modernité et le kantisme représentent des ruptures décisives, p. 36). Monique Canto-Sperber discute également ce faisant une large variété de questions (la responsabilité, l’avortement, la notion de personne, le clonage), mais brièvement et rarement pour elles-mêmes. Nous avons là une défense vigoureuse, parfois dispersée sur plusieurs fronts, de l’importance de la recherche des raisons en éthique ; et si on a déjà vu des plaidoyers de ce genre pour un « retour de l’éthique » qui ne soit pas complaisant, la valeur de celui-ci teint à l’équilibre entre la partialité reconnue des thèses philosophiques et son souci constant de rigueur.

C’est ce même souci qui traverse le dernier essai de la première partie, « Les passés malheureux de la philosophie morale en France » (on remarquera le pluriel). Les tentatives de faire l’histoire contemporaine de la philosophie morale sont rares, et on se réjouira que Canto-Sperber s’y risque en ce qui concerne la France. À la fin du 19e siècle et au début du 20e, soutient-elle documents à l’appui, se forme une communauté philosophique de recherche et de discussion à l’échelle internationale, marquée par un renouveau rationaliste, un esprit oecuménique et le rejet du positivisme et du mysticisme (p. 149-156). L’apparition de l’existentialisme et des morales de l’engagement marque en France un certain recul de la philosophie morale, cela jusqu’aux années soixante, où elle perd son autonomie et s’efface presque (un « presque » que nuance Ricoeur dans son compte rendu de cet ouvrage, Esprit, octobre 2001). Pourquoi cela ? L’antihumanisme et le marxisme des années 1960-1980, répond l’auteure, ne suffisent pas à l’expliquer ; davantage que des thèses philosophiques propres à cette époque, c’est le fait que « ces thèses ont été énoncées comme des vérités de fait »(p. 178) qui rend compte de ce passé malheureux. Mais si un dispositif idéologique marquant l’affaiblissement de l’esprit critique (et autocritique) prévalait alors, pourquoi son apparition et son succès durant ces années seulement, et des effets destructeurs principalement sur la philosophie morale ? L’hypothèse paraît trop générale pour la spécificité du phénomène, et finalement redécrit en d’autres termes ce qu’on cherche à expliquer. C’est à une sociologie de la politique et de la rhétorique de la « posture de l’intellectuel français » qu’il faudrait sans doute faire appel ici, entreprise à peine esquissée par l’auteure, ce qui laisse son intéressant bilan historique en attente de complément. 

Dans la seconde partie de son ouvrage, Canto-Sperber entend démontrer que la « philosophie a beaucoup à dire sur ce qu’est la vie humaine, sur la condition humaine d’existence, tâche fort peu explorée par nos contemporains » (p. 193). Elle s’attache à l’analyse de nos demandes de sens et tente de montrer « que la réflexion sur la vie humaine est soumise à des contraintes qui ont trait, pour une part, aux traits généraux de l’existence et, pour une autre part, aux biens et aux valeurs auxquels se rapportent nos raisons d’agir » (p. 195). Cette analyse recourt à la philosophie antique et à la littérature moderne (principalement le roman), mais aussi à la philosophie analytique, dont la question du sens de la vie, on s’en étonnera peut-être, est un des thèmes récurrents depuis Russell. La ressource principale réside dans l’idée de « justification existentielle » et l’examen de ses particularités : elle entretient un rapport particulier au sujet, ne s’épuise pas dans la prise de décision, est intimement liée au temps et possède une dimension pratique (elle modifie le moi qui s’y livre) ; elle n’en est pas moins une entreprise rationnelle et objective, soutient Canto-Sperber. C’est en intégrant ce type de justification que la moralité revêt son sens le plus complet (p. 277), la moralité au sens strict se contentant d’un type de justification plus impersonnelle (comme celle des devoirs). La justification existentielle devient pressante lorsque nous sommes dans une « condition cognitive particulière » (p. 215), celle du constat de l’absurde. Celle-ci n’est pas l’apanage de la littérature et de la philosophie de l’existence, mais relève plutôt d’un de ces invariants que l’analyse philosophique peut révéler : il s’agit d’un des « effets naturels du travail de la pensée » (p. 221), résultant de la rencontre d’un point de vue interne et d’un point de vue externe sur sa propre vie (p. 232). L’auteure dégage de ces réflexions un certain nombre de critères généraux et formels susceptibles de permettre l’évaluation et la comparaison des vies humaines : la capacité d’être le sujet de sa vie et de l’inventer, la fidélité à ses engagements et l’habileté à répondre aux coups du sort, le caractère révisable de nos raisons, et l’appréciation de ce qui constitue une décision grave (p. 234). L’examen de quelques cas typiques tirés de la littérature et amplement discutés en philosophie anglo-saxonne récente (le dilemme du capitaine Vere, un personnage de Herman Melville traité par Peter Winch, celui du Gauguin imaginaire examiné par B. Williams, par exemple) illustre l’explicitation de ces invariants en même temps qu’il reprend une thèse défendue naguère par Ricoeur, celle de l’importance des récits pour donner cohérence à la trame temporelle d’une vie humaine.

L’entreprise de justification existentielle et la découverte des invariants de la vie humaine ne semble pas encore nous engager dans l’entreprise de la philosophie  morale telle que défendue dans la première partie du livre, ce que Canto-Sperber concède volontiers : l’évaluation d’une vie répond à des « critères intellectuels, formulés à partir d’une exigence de rationalité et de cohérence » (p. 234). Mais à moins de confondre de façon platonicienne rationalité morale et raison tout court, il faut que cette analyse puisse intégrer la dimension proprement morale, celle du bien et du juste, pour revêtir la validité et la pertinence revendiquée. C’est ce qu’entreprend le dernier chapitre, « Le bien dans la vie humaine », en distinguant d’abord les aspects subjectifs (la satisfaction) et objectifs (ce dont nous sommes heureux) des biens humains, puis en soutenant que l’objectivité des biens peut être prudentielle ou intrinsèque, « répondant à des nécessités de notre pensée » (p. 284), affirmation qui mériterait une investigation métaéthique, que l’auteure signale seulement pour passer à ce qui l’intéresse, la forme de bien humain qu’est la « vie bonne ». Canto-Sperber termine son ouvrage en défendant la thèse d’un bien formel et d’un ordre des biens (p. 290), afin de répondre à l’exigence normative, à la contrainte de cohérence et à l’objection pluraliste dans le contexte contemporain. La philosophie, conclut-elle, est « une forme à imprimer dans la vie », ce qui requiert une « élaboration individuelle » (p. 292) On retrouve ainsi le projet socratique : réfléchir plus pour vivre mieux ; il s’agit toutefois d’une conception formelle et générale du rôle du bien dans une vie humaine, qui ne se confond donc pas avec la prétention de dicter comment vivre. 

On peut souhaiter que ce travail en inspirera d’autres qui feront progresser ce type d’entreprise. Car tout ne va pas de soi dans la conception rationaliste de l’auteure : est-il si évident que les pensées et les croyances peuvent modifier la conduite du moi ? L’autonomie de la philosophie morale ne peut signifier isolement, et la psychologie morale peut être ici une aussi bonne alliée que la littérature. Par ailleurs, quelles conceptions des « biens publics » et des questions politiques découleraient de ces invariants de la vie humaine ? Canto-Sperber se demande comment rendre vivante la réflexion éthique au sein de la société civile (p. 135) ; cela irait-il jusqu’à défendre l’idée d’une « social-démocratie aristotélicienne » comme l’a fait récemment Martha Nussbaum ? Malgré ces quelques lacunes, il reste que cet ouvrage contribue dès maintenant à l’échange d’idées en philosophie morale, aussi bien en France qu’ailleurs.

COMPLÉMENT À LA RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

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Publié le par Jean-François Guerry
L'homme Dieu, transhumain ?

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COURTE RÉFLEXION SUR LA SPIRITUALITÉ

 

Il constant de dire que nous avons abandonné dans notre société le sacré et aussi la spiritualité. Pourtant le désir de l’un et de l’autre sont consubstantiels à la vie de l’homme Saint-Exupéry l’a exprimé dans sa formule : on ne peut pas vivre que frigidaires, de mots croisés…. Il y a donc chez l’homme une inquiétude morale permanente, un besoin vital de Sacré et de Spiritualité pour s’élever et donner du sens à sa vie. Devant la chute des religions traditionnelles, certains se réfugient dans des extrémismes radicaux persuadés de retrouver une forme de pureté leur permettant de se relier à une unité, une transcendance qui les sauvera. D’autres athées ou agnostiques aspirent à une spiritualité hors de la religion, une spiritualité sans Dieu ou dieux. Cette spiritualité nouvelle selon certains auteurs serait le résultat d’une fécondation de la pensée morale dont l’expression pratique serait l’éthique. Luc Ferry ou encore André Comte Sponville constatant un crépuscule du devoir associé à la morale, craignant peut-être les ténèbres à venir militent pour une spiritualité laïque fondée sur l’homme, Luc Ferry parle de l’humanisation du divin[1]Cette spiritualité nouvelle, moderne, laïque serait à l’échelle humaine et issue des droits de l’homme. C’est sans doute un peu court, un peu bas en matière d’élévation spirituelle. La Spiritualité sans adjectif suppose un dépassement de l’homme, la recherche de quelque chose qui soit au-delà de l’homme. La spiritualité laïque peut-elle résoudre l’aporie d’une spiritualité sans transcendance, au-delà du bien et du mal ? Luc Ferry pense que cette spiritualité prendrait racine dans l’homme, dès lors où se situe la transcendance ? Cette spiritualité à forme humaine résulte de l’unique extériorité elle est horizontale, donc par nature opposée voir contraire à une verticalité liée à la transcendance. L’explication est que cette extériorité serait celle des autres hommes par rapport à moi. Cela ressemble étrangement à de l’altérité. Cette altérité décrite par Emmanuel Levinas dans son essai sur l’extériorité Totalité et infini. Altérité élevée certes à une responsabilité morale totale unique vis-à-vis d’autrui. Je reste donc interrogatif sur cette spiritualité laïque, qui pour moi est fondée sur la laïcité qui est un ensemble législatif régissant les rapports entre les hommes dans la société française en particulier depuis la Loi de 1905 et permet quand elle est appliquée une vie apaisée, une harmonie entre les citoyens mais qui, reste spécifique de la république française donc par nature pas universelle. Ce qui n’enlève rien aux qualités de la laïcité mais n’en font pas une spiritualité. Les défenseurs de la laïcité sont à louer et encourager, mais en dépassant son caractère propre l’on en fait un dogme, une croyance donc une forme de religion. Qu’en pensez-vous ? Le transhumanisme annonciateur de l'homme-Dieu ?

 

                                            Jean-François Guerry.

 

Bases de réflexion :

Monique Canto-Sperber : L’inquiétude morale et la vie humaine. Éditions PUF.Paris 2001.

Robert de Rosa : Laïcité, Tolérance & Franc-Maçonnerie. Éditions Numérilivre Paris 2020

Emmanuel Levinas : Totalité et infini essai sur l’extériorité. Biblio essais 1ère Édition en 1971.

Luc Ferry L’homme Dieu où le sens de la vie. Éditions Biblio essais Paris 1997.

 

[1] Luc Ferry- L’homme dieu.

Courte réflexion sur la spiritualité

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Publié le
COMMUNIQUÉ CONFÉRENCE À RENNES LE SAMEDI 1ER FÉVRIER
L'Atelier Régional de Recherche de l'Alliance. 
En collaboration avec

 

Le Centre de Réflexion et Recherche de Bretagne

 

Vous proposent
Le samedi 1er février 2025 à Rennes 35000
Salle de la Pizzeria au Comptoir d'Italie centre commercial Les Longs champs.
 De 10 h 00 à 12h 30.
Entrée gratuite sur réservation nombre de places limité. Repas possible sur place menu à 15€ boissons en sus.
Contact inscription par mail :
          c2rbzh@gmail.com                 
Une Conférence débat sur le thème

 

 

 Exercices spirituels antiques et Franc-maçonnerie
Conférencier
Jean-François Guerry. Écrivain, Franc-maçon auteur du Livre : Exercices spirituels antiques et Franc-maçonnerie. Co-édité par les Éditions UBIK et l'Académie Maçonnique de Marseille.
Contact possible uniquement par SMS au :

 

06 23 75 58 00
COMMUNIQUÉ CONFÉRENCE À RENNES LE SAMEDI 1ER FÉVRIER
COMMUNIQUÉ CONFÉRENCE À RENNES LE SAMEDI 1ER FÉVRIER

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Publié le par Yann
Bonjour ! Nous sommes loin de la Clé d'Ivoire et de la Clé d'Or ! Il s'agit ici d'un article de Polis c'est-à-dire concernant l'expression de la conscience collective suivant les grecs.
Bonne lecture.

Jean-François Guerry.

Insultes, invectives, empoignades à l'Assemblée Nationale. Étiquette Journal La Nouvelle République.

Insultes, invectives, empoignades à l'Assemblée Nationale. Étiquette Journal La Nouvelle République.

Où sont donc passées les clés de la République ? 

Serions-nous dans un vaudeville à la Feydeau ? Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée le 9 juin dernier, la scène politique française s’apparente à L’Hôtel du Libre-Échange : les portes claquent, les noms d’oiseaux fusent, les mensonges font florès. On gesticule dans tous les sens et on crie à la trahison. Les projecteurs s’affolent : chacun veut être sous les feux de la rampe. "Le pouvoir, c’est moi !" hurle un homme en grimpant sur une chaise. "Non, c’est moi", rétorque un autre depuis les coulisses. "Non, non, c’est moi", assure un troisième caché dans un placard. Une femme jaillit d’une boîte à ressort et s’époumone : "Ah ! Non, c’est moi, moi, moi." Les poings se lèvent, les torchons volent, les vases s’écrasent en mille morceaux : c’est à celui ou celle qui fera le plus de dégâts et le plus de bruit. Au milieu du chaos s’élève une voix : "Où sont donc passées les clés de la République ?" Les empoignades cessent. Personne ne sait. On se toise, on se soupçonne et les accusations reprennent de plus belle : "Voleurs, canailles, scélérats." Du grand-guignol ! 

Les arlequins et les polichinelles ne sont pas l’apanage de la France. Souvenez-vous d’un Boris Johnson aussi imprévisible et échevelé que sa mèche. Monsieur Brexit fut au cœur de plusieurs scandales … Mais si les tempêtes n’épargnent pas l’Angleterre, l’île britannique a Shakespeare (cf. La Tempête) : un Prospero apparaît toujours pour rétablir l’harmonie et la concorde en plaçant les hommes devant leurs responsabilités. La sagesse reprend alors ses droits et les folles passions disparaissent. Il faut, en France, trouver notre Prospero. 

A Paris l’Assemblée est là, sans majorité. Les extrêmes sont présents et entendent bien le faire savoir. Si le système démocratique nous protège des décisions insensées et désolantes, il n’arrête pas ce lent poison populiste qui se diffuse et envenime les esprits. Quelque chose s’est abîmé depuis les dernières élections. Le collègue, le voisin, l’ami d’hier est suspecté d’avoir "mal" voté. On s’observe avec méfiance, on évite les échanges sur la politique, sujet tabou. Au temps du soupçon évoqué par Raymond Aron, s’ajoute te temps du mépris. La décence et la retenue ont fait place à la violence physique et verbale. 

Rien ne semble pouvoir s’opérer chez nous dans la sérénité et le dialogue. Tout n’est qu’affrontement et rupture, confrontation et éclat : on se plaint, on dénonce, on affirme. Le Français grogne par nature, il n’est pas content. Est-ce le pouvoir excessivement vertical qui provoque de telles attitudes ? La culture révolutionnaire irrigue-t-elle à ce point notre pays ? 

"Une véritable histoire de France devrait raconter la destinée de la nation française ; son héros serait la nation tout entière" écrivait Augustin Thierry. Raconter la destinée de la nation française au début du 21ème siècle, c’est évaluer son rang, la resituer dans son expérience, évoquer enfin les valeurs qu'elle incarne. La France de 1900 vivait à l’heure de la Belle Époque, sous le double signe de la puissance et de la stabilité. La France de 2025 partage le statut de grande puissance déclassée avec l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Elle superpose aux traits communs à une Europe qui décroche une crise nationale qui lui est propre, sans parvenir pour l’heure à se libérer de la spirale déclinante des "Trente Piteuses" : une mondialisation qui clôt le cycle de domination sans partage de l’Occident sur l’économie, la liberté politique et la modernité. 

Par bien des aspects de cette nouvelle donne, la France a choisi de se retrancher derrière une pseudo-exception pour refuser le monde du 21ème siècle. D’où le divorce français d’avec la modernité en quatre actes : 1981 et le refus de la sortie de l’ère keynésienne ; 1989 et l’opposition vaine à la nouvelle donne européenne et mondiale issue de l’effondrement du soviétisme ; 2001 et l’ignorance volontaire devant le retour au premier plan de la violence inspirée par la religion ; 2005 et le dos tourné à l’intégration européenne lors du référendum sur le projet de Constitution. D’où le paradoxe d’une nation qui se déchire et stérilise son énergie pour maintenir les concepts et les structures du passé au lieu de s’adapter au monde moderne. Avec à la clé une crise multiforme qui touche : le système politique placé sous la menace permanente des extrémistes et des populistes ; les institutions, peu libérales et faiblement démocratiques ; l’économie happée par une décroissance endogène (croissance, richesse par habitant, gain de pouvoir d’achat et de productivité, chômage et déficit du commerce extérieur qui atteint 56 milliards d’euros en 2023 contre 218 milliards d’excédents pour l’Allemagne). Crise qui touche aussi la nation, minée par l’implosion du modèle social et l’influence diplomatique du pays. 

De cette histoire singulière est née une schizophrénie permanente qui fait de la France une nation brillante et dangereuse, écartelée entre des identités contradictoires qui rendent très difficiles la conduite du changement et son gouvernement en temps de crise ; comme l’illustre la lente et interminable descente en vrille du post-gaullisme. 

La France a-t-elle définitivement manqué son rendez-vous avec le 21ème siècle ? Pas forcément. La France dispose d’atouts majeurs : une démographie encore dynamique  (1,68 enfants par femme en 2023 contre 1,5 pour l’Union européenne), des talents et des cerveaux, une main d’œuvre productive, du capital (taux d’épargne de ménage 17% du revenu disponible), des pôles d’excellence isolés mais présents dans tous les secteurs d’activité, des infrastructures exceptionnelles, un climat, un patrimoine et un art de vivre. 

A quelques jours de son suicide, Stefan Zweig achevait ainsi ses Souvenirs d’un Européen :  "Mais toute ombre, en dernier lieu, est aussi fille de la lumière, et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence, a vraiment vécu." À cette aune, la France a assurément beaucoup et vraiment vécu. Elle n’est certes pas éternelle : aucune nation ne peut y prétendre. Mais elle peut se réformer pour faire vivre les idéaux qu’elle incarne. Rien ne lui est dû, ne lui est acquis ou ne lui sera donné, au moment où les peuples et les superpuissances du Sud reprennent leur place au premier rang du monde. Mais elle dispose de la capacité à parler à tous les hommes, voire pour tous les hommes, si (et seulement si) elle parvient à entrer enfin dans le 21ème siècle. La France se présente ainsi de nos jours comme une idée à réinventer, sous la forme d’une nation à moderniser. 

Yann.

LE BLOG DE YANN : L'impertinent pertinent !
COMMUNIQUÉ CONFÉRENCES ACADÉMIE MAÇONNIQUE PROVENCE.
 


Samedi 1er mars 2025
Château Saint-Antoine
Marseille
10 heures - 17 heures



XIIIes Rencontres

Académie Maçonnique Provence





De l'Orient à l'Occident,


poursuivons notre chemin...


 
 
Ma Très Chère Sœur,
Mon Très Cher Frère,


Avant toutes choses, l'ensemble de l'équipe de l'Académie Maçonnique Provence se joint à moi pour te souhaiter une très belle année 2025 en espérant que nous aurons l'occasion de vivre encore de beaux moments ensemble.

Nous avons le plaisir de t'inviter aux  XIIIes Rencontres de l'Académie Maçonnique Provence qui se dérouleront le samedi 1er mars 2025 au Château Saint-Antoine à Marseille, pour la suite des conférences sur la thématique

 
De l'Orient à l'Occident,

poursuivons notre chemin...

 
Nous avons, en effet, décidé d'approfondir les échanges nourriciers entre l'Orient et l'Occident, et inversement.
 

Nous accueillerons, trois conférenciers afin de leur donner plus de temps d'expression et d'échanges avec les participants.
Je vous rappelle que la nouvelle formule avec trois conférenciers nous permet d'avoir également un temps de rencontres directes lors des dédicaces des auteurs qui ont lieu dans la salle humide avec boissons et "petit goûter de départ ".

Le programme de la journée est donc le suivant :

- 9h00: Accueil des participants ;
- 10h00 : Mot d'accueil et de présentation de la journée ;
- 10h15 : 1ʳᵉ conférence et échanges avec les participants ;
- 11h30 : 2ᵉ conférence et échanges avec les participants ;
- 13h00 : Agapes fraternelles
- 14h30 : 3e conférence et échanges avec les participants ;
- 15h45 : Conclusions et Chaîne d'Union ;
- 16h00 : Rencontre et dédicaces avec les auteurs et pot de départ.



À l'occasion de ces XIIIes Rencontres, nous aurons l'honneur d'accueillir

 
Michel LECOUR
GLDF
lecteur, éditeur, libraire
, auteur

Ulysse, meurs et deviens !

Quelles voies tracées pour le Maître-Maçon ?





Colette POGGI
Philosophe indianiste, sanskritiste



Les philosophies orientales,

sources d'inspiration pour vivre et agir

dans un monde en crise ?





Florence QUENTIN
Égyptologue, auteure



La Maât,

philosophie de l'Égypte ancienne



 

L'abonnement annuel est inchangé (35€) et te donnera accès gratuitement (hors repas) aux deux rencontres de l'année 2025 ainsi qu'aux manifestations organisées par les Académies de Lyon, Lille, Dijon,Toulouse et Paris.

Nous comptons sur ton soutien qui nous aide grandement à organiser en toute sécurité ces Rencontres réservées aux Frères et Sœurs Maîtres de toutes les obédiences.


La participation aux frais pour la journée et de 25€ pour les non-abonnés auxquels s'ajoutent, le cas échéant, les frais de restauration (25€) comprenant le café d'accueil, le repas (entrée, plat, fromage, dessert, boissons, café) ainsi que le pot de départ.

À l’issue des conférences, nous vous enverrons les textes des conférenciers de même que l'enregistrement intégral des conférences et des échanges qui suivront.




 
Merci de diffuser cette invitation à tous
les Frères et Sœurs Maîtres de ton entourage.

 
Nous te souhaitons, encore une fois, une très belle année 2025 et te prions de croire à nos sentiments les plus fraternels.
 

Alain Boccard
Président



PS: Les ouvrages coédités par les Éditions Ubik et l'Académie Maçonnique Provence
sont toujours disponibles en cliquant ICI:


Toujours disponibles :
Christophe Richard : Initiations, tantriques, initiations bouddhiques
David Taillades : Aperçus sur les origines médiévales de la Franc-maçonnerie
Alain-Noël Dubart: La Franc-maçonnerie entre passé et avenir
Marc Halévy, Après la Modernité, quelle Franc-maçonnerie ?

Marc Halévy, Kabbale et Franc Maçonnerie.
Louis Trébuchet, Le désir des collines éternelles
Louis Trébuchet, Appel aux racines spirituelles du REAA
Michel Fromaget, Corps, Âme, Esprit: Liberté, Vérité, Beauté
Solange Sudarskis, Il était une fois un mythe, Hiram

Jean-François Guerry, Exercices spirituels antiques et Franc-maçonnerie
Claire Reggio: Temple et lumière, une question d'orientation ?
 
 
 
 
 
 

Contact : academie.maconnique.provence@gmail.com
Téléphone: 06 ​42 26 75 95
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Publié le par Thierry Didier
QUE L'HARMONIE RÈGNE ....
Photo de dcbelanger sur Unsplash
Chères lectrices,Chers lecteurs, Chères abonnées et abonnés, je vous présente mes meilleurs voeux pour la nouvelle année, les contributeurs du Blog : Thierry Didier, Rémy Le Tallec, Yann et son Blog, Thierry Neuville (contributeur de la première heure en 2015) s'associent à moi pour ces voeux fraternels. Souhaitons-nous que la Paix règne sur la Terre, que la Joie soit dans nos cœurs. Que le pain partagé nous maintiennent en bonne santé, que le vin de la connaissance irrigue notre esprit.
Fraternellement bonne année à tous. Thierry ne pouvait mieux faire en ce début d'année en nous parlant d'harmonie. Il sera question de l'intérêt du manque de l'invisible, du besoin d'embrasser la totalité de l'univers, d'être un soldat de l'universel qui ne peut prendre sa réalité que par la sublime vertu de l'Amour.

 

Jean-François Guerry.

L'Harmonie triomphant de la discorde sculpture Grand Palais côté Seine.

L'Harmonie triomphant de la discorde sculpture Grand Palais côté Seine.

De l’Harmonie cachée

 

 

Il existe en astronomie un postulat qui prétend que l’Univers serait constitué non seulement de ce que nous observons à travers le télescope, mais également de ce qu’on appelle, faute de mieux, la matière noire, et ce qui en découlerait, l’énergie sombre. Sa présence n'est détectée qu’indirectement, sur le papier, d’où les qualificatifs qui lui sont attribués et qui dénote de l’herméticité de ce concept. Ce postulat a été émis parce qu’il corrobore certaines théories actuelles de l’astrophysique, et qu’il rend compte de la nécessité de la présence massive de cette matière hypothétique (environ 33% de l’Univers visible) pour corroborer diverses hypothèses sur la structure du tissu interstellaire tel que nous le supputons aujourd’hui. Cette théorie de la matière noire, comme tout postulat, est combattue par d’autres scientifiques, ce qui est là le propre de la science, le caractère « évasif », imprécis au moins de son appellation témoignant à la fois de nos carences actuelles et d’un certain aveu de faiblesse de la part des sachants.

Ce qui est très formateur pour les scientifiques, et ils n’en ont pas forcément conscience, est qu’en travaillant sur ce « manque » de matière, ils questionnent en sous-main le manque, dans toute son ampleur philosophique, symbolique et psychologique. Cet aveu de faiblesse est aussi ce qui fait la grandeur de celui qui sait s’accommoder desdits manques : nous retrouvons là l’esprit Écossais, qui permet de ne rien s’interdire, et qui y voit l’occasion de sans cesse se remettre en question pour continuer à avancer. Et cela colle très bien, avec ce que nous, maçons, percevons de l’Univers, que ce soit sur le plan symbolique, métaphysique ou existentiel, et qui nous amènera, nous y reviendrons, aux concepts, pour le philosophe, de l’Harmonie cachée, et pour le franc-maçon, de la Parole Perdue. Car ce qui manque de visible à l’Univers finit aussi par nous manquer à nous-même.

Il s’agira alors d’observer une véritable herméneutique du manque, et d’y voir l’occasion non pas nécessairement d’accéder à ce manque, mais simplement en avoir conscience, pour au moins en intégrer la dimension, et n’y voir qu’une complétude à éprouver. Les scientifiques élaborent en effet des concepts que la métaphysique leur avait « soufflé » précédemment, tout simplement parce que l’intuition humaine et la philosophie ne réclament pas les mêmes prérequis, les mêmes moyens et les mêmes preuves qu’on est en droit d’exiger, s’agissant de faits rationnels qui doivent être, eux, reproductibles à l’envi. Ainsi également la théorie du Tout, travaillée sur le plan scientifique par Stephen Hawking, consiste à embrasser la totalité de l’univers par l’unification des 4 grandes forces cosmiques connues aujourd’hui, que sont la gravitation, les interactions faible et forte, et l’électromagnétisme. Souvent un organisme, quel qu’il soit, se reconnait au travers de ses actions : c’est sans doute le cheminement que tenta d’éprouver Hawking, en partant d’une fin supposée, ces 4 forces manifestées, pour en remonter le fil jusqu’à sa source, une forme de « tout », comparable, dans l’esprit, à l’Univers complet dont l’intelligibilité sanctionne le 30ème degré du REAA. Cette totalité-là fut déjà pensée quelques siècles plus tôt par les alchimistes, avec l’appui, cette fois, des 4 éléments, globalisés au sein de l’Ether, sorte de bain symbolico-métaphysique qui constituait à la fois l’union de ces 4 éléments en une seule valeur, mais également le domaine d’expression concomitante desdits éléments. Une hypothèse voisine consistera à assimiler la centralité résultant de ces 4 éléments à l’Amour, entendu dans le sens qui intéresse le 18ème degré du REAA, c’est-à-dire une onde unificatrice qui se propagerait de proche en proche et définirait la Charité et le partage. Cette vision-là, plus confessionnelle que celle, métaphysique, de l’Ether, aura pour vertu d’introduire une coloration morale, donc plus incarnée, mais aussi pour inconvénient de limiter à sa propagation son influence générale, là où l’Ether considérait la totalité de l’espace disponible.

L’harmonie est un concept qui attire, certes, les artistes et les philosophes, mais aussi les francs-maçons, hommes de construction spirituelle, qui y voient, à travers son étymologie, emprunté au grec harmonia, une cheville, un joint, un assemblage ou bien encore un accord, dont la finalité sera l’obtention d’un tissu, qu’il soit de nature biologique, cosmologique ou existentiel. L’harmonie est officiante en franc-maçonnerie au travers de sa déclinaison la plus épurée, à savoir la Beauté. Ce qui structure toute chose est au centre de cette chose : la Kabbale hébraïque nous renvoie ainsi à la Sephirah Tipheret, dénommée Beauté, et placée au cœur même de l’arbre séphirotique. Il n’en demeure pas moins que l’harmonie ne saurait se départir de cette binarité qui sied à tout initié désireux d’exploiter au mieux ce qui se présente à lui, par ce biais dual que constituent les voies exotérique et ésotérique. On pourrait penser que, compte tenu de sa nature et de son action, l’harmonie est une et indivisible : il n’en est rien car celle-ci s’attache autant à la forme des choses, qu’à la « forme » de l’observateur concerné, entendu dans son sens aristotélicien, c’est-à-dire son âme et son esprit.

L’harmonie visible est donc le point de jonction entre 2 occurrences, ainsi qu’un arrangement cohérent et une façon, pour l’initié, de valider cette cohérence. Il n’en demeure pas moins que cette harmonie n’apparaît pas spontanément, car elle n’est équilibre que dans le monde manifesté. A cet égard, l’harmonie visible est le fruit d’un long travail d’identification et d’assimilation, par l’initié, de ce qui l’entoure. Nous pourrions utiliser ici l’exemple de la longue chaine des degrés du REAA, dont le contenu intrinsèque voue ceux qui s’y penchent, à travailler encore et encore les liens sémantiques, symboliques et philosophiques qui les unissent, et qui sont le seul moyen d’approcher cette totalité qu’on appelle la Vérité. C’est pourquoi existerait, à côté d’une harmonie visible, une harmonie cachée qui permettrait, nous allons le voir, non seulement d’avoir une approche plus complète, mais qui, par ses extensions (la théodicée, ou jugement de Dieu, par exemple) nous révèle certains choix confessionnels ou philosophiques pour lesquels ont opté nombre de penseurs.

On peut se permettre d’affirmer que l’harmonie possède cette double face, par le simple fait que, comme dans la Bible, ce qui est nommé existe. Mais ce qui existe sépare. Selon les philosophes partisans de la théodicée de l'harmonie cachée, le mal que nous constatons dans l’humanité ne serait apparence de mal qu'à nos yeux alors qu'il est en réalité un bien. Cette vision très dualiste permet, en utilisant le biais du manichéisme, de ne rien s’interdire quant à une dualité invitant à la nuance, à l’équilibre et finalement à la poursuite raisonnée de la réflexion. Ca n’est pourtant pas ce que semble nous signifier Héraclite, qui affirme : « l’harmonie cachée vaut mieux que l’harmonie visible ». Cette orientation radicale assène un choix de valeurs à partir de 2 réalités préséantes : cela peut surprendre dans la bouche d’un philosophe réputé, mais la philosophie générale n’est ni la vie, ni l’initiatique. Cette citation fait donc la part belle à ce qui apparaît dans la vie comme caché, donc mystérieux ou énigmatique, et qui relèverait donc d’un « bénéfice du doute existentiel », recélant des trésors possibles, qui brillent néanmoins par leur absence ou leur invisibilité.

Car le caché peut aussi véhiculer une forme d’ésotérisme fumeux, laissant libre court, parce qu’occulté, aux imaginations débridées. Mais en même temps, l’inconnu attire, le mystère séduit. Lui est communément opposé le tangible, le rationnel, le concret qui, soit, conforte le vécu, mais porte fréquemment un déficit d’image, un biais d’estime, parce que ce qui est structuré et rationnel est par essence fini, aboutissant toujours à la dégradation, et portant par là même l’image de la mort, ou pire, de la décomposition : on appelle cela l’entropie. On pourrait penser que cette extrémité-là, la mort, soit assimilée, pour le croyant, à un retour vers ce chaos indifférencié que constitue l’Eden. Il pensera y trouver une forme de félicité confuse, à rapprocher donc de ce paradis édénique, défini ontologiquement comme une potentialité totale. Ces 2 milieux, celui de l’Éden, et celui du monde sensible sont donc quelque part reliés, d’une part par la Chute adamique, et son corollaire fonctionnel le péché, et d’autre part, en sens inverse, si je puis dire, par la mort physique, et son corollaire spirituel, l’élévation de l’âme.

Cette finitude n’est pourtant pas si évidente que cela, si ce n’est celle liée à la mort, basculement ontologique accouplé en permanence à la sensation d’exister. Cette peur de la mort est sous-jacente à toute pensée humaine, et le visible devient alors, même si certains s’en défendent, une forme d’agonie existentielle, promise à la disparition. L’harmonie visible n’échappe pas à ce diktat en ce sens que sa structure même est soumise à l’entropie, c’est-à-dire à une irrémédiable dégradation. L’harmonie a beau témoigner d‘une forme d’accomplissement structurel, il n’en demeure pas moins qu’elle est soumise à la finitude. Quel que soit notre confession, le bruit de fond de la chute adamique résonne et se propage chez tout judéo-chrétien, fut-il croyant, agnostique ou athée comme une sorte de pénitence existentielle, une forme de fardeau qui nous alourdirait, justifiant une « inculpation originelle » dont nous ne pourrions pas nous défaire. On peut rétorquer qu’Héraclite est un philosophe présocratique, et que donc ses propos ont précédé l’écriture de la Genèse.

Ce serait oublier que tout mythe embrasse une perception qui le dépasse et que de grands schémas philosophiques, tels la chute, l’avènement, le voyage, etc… jalonnent l’histoire humaine depuis un temps immémorial. Le caché est donc souvent plus flatteur que le déclaré parce qu’il laisse ouvert tout le champ des possibles, là où le déclaré peut finir par frustrer, décevoir ou décourager parce qu’il est toujours l’expression d’un choix, d’une volonté, c’est-à-dire d’une liberté fatalement discriminante. Alors bien sûr, l’harmonie évoque l’équilibre, la juste mesure, la bonne circulation de la matière et des idées bien qu’elle possède une parèdre, l’harmonie cachée, sorte d’empreinte, de négatif, au sens photographique du terme, qui porterait en elle tous les petits arrangements picrocholins qui accouchent, à un moment donné de cette forme épurée qu’on appelle l’harmonie visible. La Parole Perdue appartient à cette harmonie cachée. Son appellation même appuie sur cette ambiguïté à la façon d’un oxymore, d’une aporie signifiante qui nous invite à ne pas choisir entre le Verbe, déclaratif, incisif, lumineux, et la Parole Perdue, par nature tapie, sous-jacente, sombre.

A cet égard, la Parole Perdue n’est en aucune façon un pré carré réservé à quelques élus, qui seuls en possèderaient la clé. La Parole Perdue est plus qu’un simple pendant, qu’un exutoire ou qu’une forme dévoyée d’une réalité qui se voudrait toute puissante : elle est le témoin permanent d’un choix qui lui est consubstantiel, elle est l’« anti-Logos », entendu dans son sens étymologique de « anta », signifiant « en face de, en échange » , mais aussi « contre, et son dérivé ambigu , « tout contre ». La théologie négative, par laquelle on met en avant ce que Dieu n’est pas, nous apprend ainsi qu’un penseur baigné dans une civilisation structurée, comme peuvent l’être les mondes antique ou judéo-chrétien, ne peut pas en faire l’impasse, s’il désire se référer à une théodicée, c’est-à-dire une « justice de Dieu ». La théologie négative répond en franc-maçonnerie à l’outil symbolique qu’est le niveau, dont l’action se fait par une « contre-action » à l’autre extrémité de son corps, comme si sa nature profonde était, à chaque action induite, de générer un reflux, fut-il mécanique, symbolique ou philosophique.

Selon les philosophes partisans de la théodicée ontologique, la création d'un univers complexe et infiniment diversifié ne peut se faire sans défauts. Sans ces défauts, l'univers serait Dieu lui-même. Malgré, et sans doute grâce à l’existence et l’exploitation du mal, de l’absence et du non-dit, la majorité des phénomènes de l'univers deviennent optimaux, et mettent en avant une forme d’optimisation des contraires, que nous pouvons appeler l ’« Univers complet », comme le décrit le 30ème du REAA , et qui est l’apothéose de notre existence dans le meilleur des mondes possibles. L’apothéose doit être entendue suivant sa signification étymologique : apo-théose, qui relève, qui s'apparente à Dieu, ou à un contexte divin. Mais le préfixe apo-, signifiant à la fois « loin de », et « relatif à » qualifie parfaitement l’ambiguïté du terme de « séparé » appliqué au Chevalier Kadosch, terme au combien important, qui distingue tout en le reliant l’initié à l’ensemble de l’Univers.

 

Ce réarrangement est nécessairement une optimisation puisqu’il conduit à ne conserver de visible que ce qui est viable. Ce que le rituel nous précise à demi-mots : « Nous n’avons plus d’autre enseignement à vous donner […] Nous n’avons pas de mot d’ordre à vous donner […] Vous êtes désormais le soldat de l’Universel et de l’Eternel ». Ainsi l’« Univers complet » ne signifie pas que nous en percevons les limites, mais simplement que tout ce qu’on en connaît le définit comme une chose pleine et entière. Si une théodicée semble donc, à l’origine, formuler un discours théologique qui cherche à expliquer qu'une divinité permette l'existence du mal, nous venons de voir qu’il ne s’agit là aucunement d’un développement dogmatique, mais, comme le dit à sa façon Alain Finkielkraut, d’« un plan d'ensemble qui conduit l'humanité ». Ce plan-là est déjà, dans son expression géométrique, le croisement de 2 dimensions, portées ici en abscisse et en ordonnée par le Verbe et la Parole Perdue. Selon les philosophes partisans de la théodicée de l'harmonie cachée, le mal que nous constatons ne serait apparence de mal qu'à nos yeux alors qu'il est en réalité un bien.

Selon la vision plus globale des philosophes partisans de la théodicée ontologique, tels Leibniz, la création d'un univers complexe et infiniment diversifié ne peut se faire sans défauts. Sans ces défauts, l'univers serait Dieu lui-même. Malgré l'existence obligatoire de ce mal, la majorité des phénomènes de l'univers sont optimaux et nous vivons ainsi dans le meilleur des mondes possibles. Il ne s’agit pas là d’un optimisme béat, comme le jette Voltaire un peu trop rapidement, raillant le « candide » Leibniz, mais d’une optimisation, terme bien différent tenant compte à tout moment de tenants et d’aboutissants opposés. Comme quoi la lumière n’est pas toujours là on où pense la trouver… Et la franc-maçonnerie dite « progressiste ou positiviste » n’échappe pas à ce biais. Par contre, son caractère initiatique, qui sous-tend la prise en compte d’une totalité pas facile, d’ailleurs, à déterminer, a pourtant intuitivement défini précisément ce que serait l’harmonie cachée pour un franc-maçon. Ce postulat passe par un tryptique : Verbe ou Logos, Vérité, et Parole Perdue : il est possible d’expliquer simplement l’harmonie visible et cachée à partir de ces 3 termes associés, dont certains initiés font, à tort, grand mystère.

Si nous partons de l’hypothèse de l’harmonie cachée, nous considérons donc que tout acte ostensible et déclaré ne représente qu’une portion d’une réalité plus générale, où tout ce qui a été mis de côté par l’acte déclaratif continue d’exister , en sous-plan :  ce postulat apparaît hautement envisageable, tout simplement parce que si l’on effectue une action, quelle qu’elle soit, dans notre univers, ladite action devrait déstabiliser ce fragile équilibre qu’on nomme cosmos: dans les faits, il n’en est rien : c’est donc bien que le cosmos se rééquilibre parallèlement à l’acte , en réorganisant le reste de l’univers. On me rétorquera peut être que l’effet papillon existe, mais celui-ci est inductif, et non séparatif : il n’est qu’un réarrangement horizontal des évènements. Cette réorganisation permanente, invisible pour une part à nos yeux constituera pour l’initié ce qu’on appelle la Parole Perdue. Pour un philosophe profane, cette théodicée, qui signifie littéralement « jugement de Dieu », se manifeste donc comme une optimisation de fait, dans laquelle la Vérité représente une totalité constituée pour partie par le logos, verbeux, déclaratif et solaire, et pour autre partie par la Parole Perdue. Ce terme de Vérité peut paraître excessif, il a cependant l’avantage de qualifier une globalité, une complémentarité qui la place en valeur absolue, au-dessus de la mêlée des querelles philosophiques inhérentes à sa qualification. Mis entre les mains des francs-maçons, la Vérité perd son caractère dogmatique, unilatéral ou doctrinaire. Dans ce contexte, elle devient suffisamment globale et fédératrice pour rassembler et non pour diviser.  On pourrait ainsi imaginer que la totalité de l’Univers tel que nous le vivons ne soit constitué, pour chacun d’entre nous, que de soi-même, et de l’ensemble exhaustif des « discours » que nous soyons capables de tenir avec chaque composante dudit Univers. Cette vision, bien que parfaitement nombriliste, a l’avantage de nous rapprocher de la notion de Logos, que je vois comme l’expression dynamique de l’Univers, adaptée à notre perception spatiotemporelle individuelle. Le Logos occupe par principe l’Univers visible, dont il est à la fois source, propagation et fin ultime, c'est-à-dire les trois fondamentaux que l’Homme est apte à reconnaître.

Le terme de Verbe est couramment substitué au terme Logos, ajoutant un aspect fécondant, incisif, lumineux, qui colle bien, dans l’esprit, à la vision judéo-chrétienne qui habite l’homme occidental. Le Logos est donc déjà à lui seul un support eschatologique. Ce simple fait suffit à nous faire prendre conscience que la perception de l’Univers passe nécessairement par le prisme de l’eschatologie : sans celui-ci, il est impossible d’avoir une vision intellectuellement viable de son immensité. Si l’Univers, pour paraphraser une sentence, est inaccessible à l’esprit humain, cette inaccessibilité n’en est pas moins un jalon, qu’il convient de ne pas négliger.  Comment, sinon, avoir un minimum de prise sur un système qui nous « échapperait » en permanence, aussi bien dans le temps que dans l’espace ? Alors, on pourrait cette fois me rétorquer, et ce n’est pas faux, qu’il existe déjà une harmonie visible, qui transparait dans l’usage ou le constat du nombre d’or : Le nombre d'or, également appelé section dorée, proportion dorée ou divine proportion, est un concept mathématique, un rapport de valeurs qui se retrouve absolument partout autour de nous.

Si l'on devait donner une définition du nombre d'or et l'expliquer simplement, on pourrait dire qu'il s'agit du ratio structurel de toute chose manifestée. Sa valeur numérique est d’environ 1,618. Toute la subtilité est dans le « environ », qui trahit, fort discrètement je l’avoue, là où se dissimule l’harmonie cachée, dans ce qui complète l’ « environ » pour en faire un univers complet. Le nombre d’Or est un nombre irrationnel, à la suite indéfinie de décimales : on pourrait donc considérer l’harmonie visible comme un « arrondissement », par l’intellect humain de la réalité. C’est donc cette incertitude, cette inexactitude structurelle de l’harmonie visible qui conduit à y trouver une complétude par le biais d’une harmonie cachée. Transposé dans notre Rite, le Logos est présent, en fait, dans tout acte ostensible que nous générons, paroles, objets, déambulations, supports variés, symboliques, légendaires ou autres : tout action que nous intentons fait passer dans le domaine de l’informulé ce que nous choisissons de ne pas garder.

Ce mécanisme est universel, et ne se limite pas à l’initiatique. Dans la vie profane, logos et Parole Perdue existent bien évidemment, ça n’est pas une spécificité de l’initiatique. La différence étant que dans notre vie quotidienne, nous avançons uniquement à partir de ce que nous avons créé : c’est tout à fait normal, et c’est l’essence de la vie progressive. La Parole Perdue existe, mais point n’est besoin d’en faire directement état. On parlera alors de libre arbitre et de déterminisme, c’est-à-dire qu’on définira des domaines inclusifs, corrélés à l’acte du logos lui-même. Dans l’initiatique, c’est différent, l’acte n’est que le sommet de l’iceberg existentiel, et le reste ayant pour vocation à réagir avec le déclaratif, c’est ce qui rend le parcours initiatique de chacun extrêmement variable, quant à la durée de l’apprentissage, et à la profondeur de cet apprentissage, car il est inféodé aussi bien au logos qu’à la Parole Perdue. La profondeur d’analyse de l’initié n’est pas indexée sur le volume de ses connaissances, mais sur sa capacité à « inviter » le caché, à convoquer l’indicible dans une réflexion sans cesse en mouvement.

C’est pourquoi Leibniz parle de continuum de la pensée ou des idées : il y a nécessairement continuum car chaque idée émise, chaque geste formulé, chaque évènement suscité fera possiblement basculer son complément dans l’ostensible. En franc-maçonnerie, tout est optimisé, car rien n’est fait inutilement : chaque propos, chaque geste, chaque attitude sont déjà en eux même des finalités, desquelles furent écartées tout ce qui pouvait apparaître comme inutile ou superflu ; c’est d’ailleurs à ce prix que le contenu d’une tenue perdurera dans le temps et l’espace calibrés des travaux. C’est aussi pourquoi il existe des rituels et des instructions, qui, pour les premiers, cantonnent à une fonctionnalité déjà épurée, et pour les secondes habillent de mots et de circonstances le vécu de l’initié. Le libre arbitre et le déterminisme, déjà cités, seront en fait les 2 mamelles du choix que nous effectuons à tout instant. Ce choix actera une initiative, quelle qu’elle soit, mais surtout fera passer le reste du champ des possibles dans un bain informulé qu’on appelle donc la Parole Perdue.

Ce bain est en contiguïté permanente avec ce qui est sorti de l’ombre, il colle à ce déclaratif, simplement en étant là, j’oserais dire « à disposition ». Ces notions de Parole Perdue, de logos, et d’une vérité qui en serait l’union, rend extrêmement difficile l’installation d’une pensée initiatique, qui se doit de prendre en compte une globalité des effets lorsqu’on la met en avant. C’est là où le symbolisme agit, il est une façon mimétique de se représenter ce que l’on qualifie à partir du symbole et du symbolum : ces 2 parties représentant mimétiquement ce qui est choisi et ce qui est mis de côté. En greffant sur ce modèle universel une pensée calibrée, c’est-à-dire, en fait, en travaillant spirituellement, le franc-maçon ne s’interdit rien, ne choisit rien, n’évacue rien, En résumé, la mécanique symbolique correspond à une « empreinte » de la vie, qui n’est pas la vie, mais une « copie ternaire » formulée par l’homme. Dans cette optique, nous voyons bien que la Parole Perdue existe, qu’elle est le pendant naturel, le complément invisible, le bruit de fond initiatique qui libérera dans le manifesté, , la parole solaire qui est le germe grâce auquel croitra et embellira l’initié.

La Parole Perdue est une forme de mise en abyme du verbe, qui va venir occuper, par son caractère itératif, la totalité de la pensée disponible La Vérité devient ainsi la somme parfaite de cette imbrication que constituent à eux deux Verbe et Parole Perdue. Parfaite car faite de compléments, où l’un compensera, équilibrera l’autre en permanence.

Thierry Didier.

QUE L'HARMONIE RÈGNE ....

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