COMPILER ET ALORS !
Compiler, c’est mettre ensemble, c’est rechercher, c’est remonter jusqu’à la source. En informatique c’est même traduire le code source. Pour cela il faut remonter jusqu’au sommet de la montagne et réunir dans une même rivière les torrents des pensées, qui feront les vagues de l’océan. Au pêcheur ensuite de retrouver la source, de remonter jusqu’au sommet de la montagne, tel le saumon qui remonte la rivière jusqu’à l’endroit précis de sa naissance, sa mémoire, son imagination feront le travail.
En philosophie en appuyant légèrement pour grossir le trait, l’on peut reprendre ce qu’a dit Alfred North Whitehead :
« Toute l’histoire de la philosophie n’est qu’une suite de notes de bas de page aux dialogues de Platon. » À noter au passage que la philosophe Belge Isabelle Stengers est une spécialiste de Whitehead, et quelle s’intéresse particulièrement à la nature et l’écologie. Whitehead est l’initiateur de la philosophie du processus, de l’idée d’une certaine logique où tout coule de source.
L’idée selon laquelle Platon serait à l’origine de la philosophie est sans doute erronée, il fut plutôt un génial metteur en scène, et aussi un compilateur de traditions ancestrales.
En franc-maçonnerie René Guénon parle de Tradition Primordiale, première, fondatrice. Cette tradition voie pour la reconstruction du temple intérieur de l’homme. Il n’y aurait qu’une seule Vérité originelle, il paraît illusoire de pouvoir un jour l’atteindre, elle s’est dégradée avec le temps, ayant perdu son unité. Chacun a construit sa vérité à la mesure de son humanité. C’est un prolongement de la tradition primordiale, une interprétation modeste des pensées de ses prédécesseurs, pour créer sa propre pensée.
Les interventions dans les loges maçonniques par les conférenciers et les apports des sœurs et des frères, sont qualifiées d’enrichissements. La pierre se taille et se polit sans cesse.
Les citations, les références ne doivent pas être à mon sens critiquer. Sauf si elles constituent l’ensemble du travail, qui devient alors un copier-coller.
Elles doivent servir, comme des images, des symboles, à la création, l’imagination personnelle, dans le respect de leur origine.
C’est bien le but de la franc-maçonnerie de :
« Dispersa congregas, et congregata est » réunir ce qui est épars.
L’initiation maçonnique est imprégnée des textes sacrés de toutes les traditions, c’est son universalité. Mais elle est aussi occidentale, son socle est donc judéo-chrétien, ses rituels en sont les témoins, ils constituent la propédeutique de l’initiation.
Par le travail en loge, l’instruction qui suggère sans imposer, l’adepte est à la recherche des idées cachées sous les symboles, mais aussi dans les textes sacrés qui illustrent les légendes. Il concrétise ses recherches par la pratique des vertus qui lui ont été révélées par son travail.
L’ésotérisme de la religion chrétienne avec les textes de l’évangile de jean et l’ésotérisme de la religion juive avec la Cabbale et la science des nombres d’or de Pythagore, forme le squelette de l’accès à la Connaissance.
Il ne s’agit pas de dogmatisme religieux, mais de la pratique d’exercices spirituels, car rien définitif, le franc-maçon ne construit aujourd’hui des temples de pierre, mais il construit sa demeure intérieure sous la direction de son maître intérieur, il devient un temple capable d’accueillir l’esprit. Il sait que les temples matériels sont éphémères seules les forces de l’esprit demeures. Il sait aussi que cette construction est l’œuvre de sa vie. La Vérité est dans le chemin.
L’initiation maçonnique impose en quelque sorte la compilation des traditions, elle est une école des mystères de la vie. Mais pas une religion, ni une école mystique. René Guénon démontre dans ces quelques lignes quelle n’est pas une religion, cela peut servir de réponse aux jeunes sœurs ou frères embarrassés par cette question des profanes qui voient dans la franc-maçonnerie une forme de religion dans le sens commun.
« La religion permet spécialement la réunion de trois éléments d’ordre divers : un dogme, une morale, et un culte ; quand un de ces éléments manque, il ne s’agira plus d’une religion dans le sens propre de ce terme. Le premier élément forme la partie intellectuelle de la religion, le second forme sa partie sociale, et le troisième l’élément rituel, tient à la fois de l’un et l’autre. »
Il faut se défier néanmoins de la compilation elle peut faire prendre de mauvaises voies, qui n’ont que des rapports lointains avec l’initiation maçonnique. Certains voient dans l’emblématique Maître Hiram un Dieu Panthéiste, cette approche est présente dans la maçonnerie forestière, dite du bois, sans doute la proximité des forges. Le chercheur trouvera sans aucun doute des rapports étroits, des vertus communes. Il n’en reste pas moins que le Panthéisme, n’est pas pour moi la Maçonnerie forestière, mais plutôt une philosophie naturaliste, écologiste, voire hédoniste. Ses adeptes revendiquent rassembler en son sein les traditions métaphysiques d’orient et d’occident. René Guénon encore démontre simplement que le Panthéisme associe naturalisme et matérialisme, il est donc antimétaphysique. Je cite :
« Comme le signale un Rituel du R E A A : L’homme véritablement sage ne peut être panthéiste, parce qu’il distingue la cause de l’effet et appelle le G A D L U cause première, parce que de lui viennent les causes secondes. »
Il ne s’agit pas de critiquer les panthéistes au demeurant nombre d’entre eux déclarent voir dans la nature la présence du G A D L U, donc la cause. Nombre d’entre eux déclarent aussi ne croire en rien, si ce n’est en la nature mère et matière. Pour moi donc la maçonnerie du bois n’est pas Panthéiste, sauf si elle n’entend pas se référer au G A D L U.
Autre danger si j’ose dire de la compilation l’occultisme et le mysticisme. Il serait trop long de s’étendre sur ces sujets.
Compiler c’est donc chercher, travailler, on revient au V I T R I O L. Le dernier numéro de la revue de la Grande Loge de France Points de Vue Initiatiques, est paru sur le thème L’initiation en questions. Il trace un chemin de compréhension de l’initiation maçonnique, particulièrement à mon sens, si l’on relie trois articles.
Le premier : Cherchez et vous trouverez. Sous-titre : Oui, mais si je ne trouve pas ? Il pose une autre question est-il obligatoire de trouver ? Le deuxième article : « Trouver ce que l’on ne cherche pas » et le troisième : « Accompagner l’initié, c’est voyager avec lui. » Un petit regret dans la mise en page, il aurait été intéressant de ne pas séparer ces trois articles, une lecture à la suite aurait donné un supplément de cohérence à mon sens.
Cette lecture permet d’agir selon la devise ordo ab chao, post tenebra lux. Lecture qui souligne la spécificité de l’initiation maçonnique, recherche individuelle et cadre collectif de recherche dans l’œuf cosmique de la loge, la mère initiatrice. Actuellement éloignés de nos loges nous ressentant au plus profond de nous ce manque de pratique fraternelle.
Notre recherche individuelle devient plus active, nous permet de nous préparer à accueillir en nous, la spiritualité, sous la direction de notre maître intérieur, d’ouvrir encore plus notre œil du cœur, en restant serein dans notre cloisonnement méditatif, nous avons que le lien n’est pas rompu avec nos frères nous devons donc continuer : « Cherchez et vous serez trouvés ! » Musa Najib.
Ou encore pour conclure un proverbe chinois :
« La boussole indique la direction, mais ce sont nos jambes laborieuses qui font le chemin. »
Il nous faut donc travailler, lire, relire, méditer, prier sans doute, pour trouver, compiler non pas entasser. Car, avant nous aurons fait le vide, pour accueillir en nous, les pensées les plus sages, les plus fortes, les plus belles. (En Sagesse, Force et Beauté)
Jean-François Guerry.
Note : ma lecture du moment : « LE RETOUR D’HENOCH » de Fermin Vale Amesti. Éditions TÉLÈTES.