NIETZSCHE – « Deviens ce que tu es. »
Quelle gageure de vouloir parler en quelques lignes de Nietzsche ! Pourquoi s’assigné un tel travail, se confronter à cette œuvre si complexe et controversée. Nietzsche un philosophe entre le 19ème et 20ème siècle, assurément plus dans le 20ème siècle que dans le 19ème, à un moment où les églises traditionnelles peinent à garder leurs fidèles.
J’ai rencontré Nietzsche à travers de multiples lectures, mais j’ai été attiré par les références à son œuvre dans le livre Les 33 Marches Maçonniques, une échelle de Jacob de Marc Halévy.
Quels rapports peut-il y avoir entre la philosophie de Nietzsche et l’initiation maçonnique ?
Pour le franc-maçon qui a la foi maçonnique rivée au cœur, celui qui croit en un principe créateur, au Grand Architecte de l’Univers qui est l’âme du chantier, ou celui qui croit au ciel, ou celui qui doute, qui soupçonne, enfin celui qui ne croit qu’en l’homme. La lecture du philosophe qui a proclamé :
« La Mort de Dieu.. »
Cette lecture sera différente, mais il se peut que déconfinés sortis de nos certitudes, l’esprit ouvert, nous puissions tous nous retrouver autour d’une table, en toute fraternité suivant la manière maçonnique pour partager quelques valeurs communes décryptées dans cette œuvre, qui fait la par belle à la recherche d’un sens a donner à sa vie et à la recherche du réel.
Nietzsche s’est rendu célèbre donc en proclamant la Mort de Dieu dans « Ainsi parlait Zarathoustra. » Je cite :
« Je vous en conjure, mes frères, restez fidèles à la terre et ne croyez pas ceux qui vous parlent d’espoirs supraterrestres ! Ce sont des empoisonneurs, qu’ils le sachent ou non. »
« Autrefois le blasphème envers Dieu était le plus grand des blasphèmes, mais Dieu est mort, et avec lui sont morts les blasphémateurs.
Ce qu’il y a de plus terrible maintenant, c’est de blasphémer la terre et d’estimer les entrailles de l’impénétrable plus que le sens de la terre ! »
C’est dit pour Nietzsche Dieu est bien mort, et avec lui les théories sotériologiques, d’un monde de l’au-delà. Les religions perdent une partie de leur attractivité si j’ose dire. Est-ce la tentation de remplacer Dieu par l’homme ? Michel Foucault dit à ce propos :
« (…) pour Nietzsche la mort de Dieu signifie la fin de la métaphysique, mais la place reste vide, et ce n’est absolument pas l’homme qui prend la place de Dieu. »
Je vois que beaucoup sont déçus, non malgré leur Ego parfois surdimensionné ils ne pourront pas faire illusion. Nietzsche propose de sortir de la dualité bien, mal, souffrance, joie. En passant sans doute au nombre harmonieux de trois, pour un retour à l’unité harmonieuse, par la puissance de la volonté.
Pourquoi sortir de la morale religieuse, qu’il qualifie de « moraline » Peut-être parce qu’il a foi en l’homme et son perfectionnement, c’est sa recherche de sagesse. Il parle ainsi de « Surhumain » dans Zarathoustra :
« J’aiment ceux qui ne cherchent pas, derrières les étoiles, une raison pour périr ou pour s’offrir en sacrifice ; mais ceux qui sacrifient à la terre, pour qu’un jour la terre appartienne au surhumain. »
Est-ce la fin des intégristes à la recherche d’un paradis rempli de vierges et de bienfaits, et l’avènement d’un trans humanisme égotique ? Ou plus simplement toujours sa recherche du réel, du faire aujourd’hui, à présent, maintenant.
Ce Nietzsche est spinoziste, pour lui le bien n’est pas une morale religieuse, un dogme révélé, mais une volonté, une puissance éthique, un comportement en harmonie avec la vie, la nature.
Nietzsche avec son Ainsi parlait Zarathoustra écrit une œuvre messianique en annonçant le crépuscule des idoles, des religions qu’il considère comme des créations humaines.
Sue le plan des idées Kant philosophe des lumières est en désaccord avec Nietzsche. Kant pose trois questions fondamentales :
- Que puis-je savoir ? Au regard de mes possibilités humaines. C’est la question de la Vérité.
- Que puis-je faire ? C’est la question de la liberté, du choix, du libre arbitre, de la morale, de la volonté, du désir.
- Que puis-je espérer ? C’est la question du sens de la vie, du salut, de la paix intérieure.
Nietzsche lui propose :
- Que puis-je aimer ? Il articule et développe ses réponses dans son Zarathoustra, sa grande réponse est la Vie ! La vie réelle, vivante, maintenant au présent. Son espérance est le Surhumain ; qui a été parfois mal interprété ou mal compris. Nietzsche ne fait pas l’apologie d’une race en particulier, d’un aryen blond aux yeux bleus, mais d’un homme intelligent, conscient. L’homme surhumain de Nietzsche, est celui qui essaye de se dépasser il pourrait dire :
« J’ai à me perfectionner »
En ce sens Nietzsche s’éloigne du bon sauvage de Jean-Jacques Rousseau, il croit à la perfectibilité de l’homme, donc à des stades, des degrés de ce perfectionnement. Nietzsche n’est pas pour l’égalitarisme, puisqu’il croit et met en avant la puissance de la volonté, en quelque sorte le devoir de faire. Il exhorte dans Zarathoustra :
« Pourquoi si mous ? Ô mes frères, je vous le demande : n’êtes-vous donc pas mes frères ?
Pourquoi si mous, si fléchissants, si mollissants ? Pourquoi y a-t-il tant de reniements, tant d’abnégations dans votre cœur ? Si peu de destinée dans votre regard ? »
Je vais terminer pour aujourd’hui avec quelques lignes sur son amor fati, l’innocence du devenir et la sagesse de l’éternel retour.
Après avoir détruit au marteau les idoles humaines. Il prépare une doctrine du salut sans Dieu, qui vient après la mort de Dieu. Sans doute suivant le principe de l’horreur du vide.
Ainsi débarrasser des tyrannies du passé et de l’avenir, l’homme peut vivre libre dans le présent, entreprendre une réconciliation avec ce qui est, avec qu’il est, avec le réel et vivre pleinement c’est son amor fati.
Tant pis si j’ose dire pour le Nirvana, ou plutôt le Nirvana c’est maintenant. C’est réalisable grâce à l’innocence du devenir, Nietzsche met définitivement de côté la nostalgie et l’espérance qu’il considère comme des leviers, des supports de notre souffrance.
« Cette nostalgie et cette espérance : ‘qui n’en finissent pas de nous empêcher de vivre.’ » Selon Sénèque.
Marc Halévy dans le prologue de son livre les 33 marches maçonniques portant le titre, de Qu’est-ce que l’initiation ? Écrit :
« Bien curieusement aucune école philosophique ne se détache vraiment pour avoir choisi un chemin symétrique : celui de la recherche et du développement systématique de la joie, que la philosophie nomme l’eudémonisme (à ne pas confondre avec l’hédonisme qui n’est que la course au plaisir). Il y eut Spinoza, bien sûr. Et après lui, Nietzsche. Bergson sans doute…»
« La quête de joie et l’espoir de moins de Souffrance semblent bien être les moteurs ultimes de toute l’aventure humaine en ce bas… »
Et qui sait au fond, si la quête de toute initiation, ne passe pas par la Force (la volonté), la Sagesse (l’amor fati), et la Joie (liberté) qui est dans les cœurs.
Jean-François Guerry.
Demain la suite… Avec Nietzsche le casseur des traditions marteau, et les trois principales visions de sa philosophie …
Mes Sources : Luc Ferry divers écrits et Nietzsche « La Mort de Dieu.
Marc Halévy « Les 33 Marches Maçonniques »
Georges Pascal « Les Grands Textes Philosophiques »