LA JUSTICE ET L’AMOUR, L’AMOUR DE LA JUSTICE
Je vous promettais un article sur l’amour et la justice, erreur je pense qu’il vaut mieux commencer par la justice et l’amour, et l’amour de la justice. Ce qui n’est ni simple, ni naturel au regard de notre égoïsme.
La Franc-Maçonnerie, ordre initiatique traditionnel et universel, est fondé sur la fraternité, notre rapport à l’autre, aux autres, à autrui, dans ces rapports la justice agit comme un régulateur et bien plus, un facteur d’harmonie, indispensable à la vie en société.
Sur le chemin initiatique les injonctions à la ‘pratique’ de la justice sont des jalons posés sur notre route, les barreaux d’une échelle image de notre ascension spirituelle et de notre humanisme.
Dans le préambule, la profession de foi de nombreux corps maçonnique la justice tient une place particulière. Le Franc-Maçon se déclare juste en excluant tous les extrémismes quels qu’ils soient qui heurtent les consciences. La Franc-Maçonnerie respecte tous les êtres humains et plus généralement tous les êtres vivants et la nature. Ce respect rend l’homme libre et de bonnes mœurs et aimant de ses semblables. Il tient ainsi sa juste place dans l’univers, prenez place mes sœurs et mes frères.
Les outils symboliques du Franc-Maçon d’emblée font référence à la justice : la règle de la loi, de la mesure, l’équerre de la rectitude, le niveau de la justesse, le fil à plomb de la verticalité, le maillet de l’autorité, l’épée qui tranche et défend les faibles et les opprimés, le compas dont l’ouverture rappelle l’éthique, et même le bandeau qui rend aveugle aux choses extérieures et oblige le postulant à regarder à l’intérieur de lui-même, à consulter sa conscience avant d’agir. Avant même de prêter serment, il est demandé au postulant à l’initiation : de s’engager à respecter les lois de son pays, de pratiquer la justice.
Quelques années plus tard, après la mort symbolique et sa régénération, avant de poursuivre sa quête spirituelle, il est demandé à l’homme fidèle, volontaire, persévérant et travailleur, de laisser tomber le voile, pour chercher la parole perdue, c’est-à-dire, la vérité et la Lumière, tout en sachant qu’il ne l’atteindra jamais, mais pourra s’en approcher en faisant son devoir, qui l’oblige à aimer, révérer, servir, et marcher dans la voie de justice de tout son cœur et de toute son âme.
En se perfectionnant il apprendra à dominer la vengeance, en faisant place à la justice, il sera reconnu éligible pour l’accomplissement du grand œuvre, qui ne sera plus la construction de temples matériels, ou d’idoles humaines, mais la construction de temples spirituels, sa construction même.
Après avoir découvert la parole éternelle d’amour qui brûle en lui, il lui faudra chevalier de Lumière, du soleil gravir jusqu’au sommet de l’échelle ou règne la justice et l’amour. Alors, libre, seul, il ira dans le monde, épée dans une main et l’autre main sur le cœur défendre la justice dans la cité et dans l’univers, chevalier de l’esprit, soldat de l’universel.
La justice est donc indissociable de l’amour, et l’amour de la justice est bien le devoir du Franc-Maçon. La justice et l’amour sont dues au prochain, à l’autre, à autrui en s’efforçant de ne pas mettre de distance entre ces trois mots.
Le prophète Jésus à peine initié, après être passé par l’épreuve de l’eau dans le Jourdain prodiguée par Jean le Baptiste, traverse Capharnaüm et va jusqu’au sommet de la montagne qui domine le lac de Tibériade en Galilée. C’est un endroit magnifique, magique où je me suis rendu avec quelques frères il y a maintenant 21 ans en l’an 2000 et qui reste toujours dans ma mémoire. C’est là selon Mathieu ? que Jésus prononça son sermon sur la montagne et l’enseignement des béatitudes.
Ce sermon peut être interprété comme un hymne à l’amour de la justice. S’aimer, se comprendre les uns et les autres pour vivre en paix et en harmonie, plus haut, plus loin que le vulgaire vivre ensemble, qui ressemble plus à se supporter ! C’est un peu juste !
Extrait du sermon :
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés. »
« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux leur appartient. »
« En effet, je vous le dis, si votre justice ne dépasse pas celle des spécialistes de la loi et des pharisiens, vous n’entrerez pas au royaume des cieux. »
Il faut s’être assis quelques instants dans l’herbe verte de la montagne, et avoir contemplé le lac de Tibériade ou le soleil qui se lève sur la mer, la campagne, au bout de votre rue pour avoir ce désir de justice et d’amour.
Pas de cette justice pointilleuse, cette justice de fonctionnaires, mais une justice inspirée par l’amour des autres. Cette justice qui punit, mais qui trouve sa grandeur dans le pardon après la punition, elle permet à l’homme de se surpasser, c’est-à-dire d’aimer jusqu’à son ennemi d’hier, de le reconnaître à nouveau comme son frère et l’accepter dans la chaîne d’union universelle de tous les hommes.
Vladimir Jankélévitch va plus loin dans cette réflexion justice amour.
Extraits :
« La justice est une thérapeutique….un traitement discontinu et qui doit se répéter indéfiniment là même où elle apparaît comme régulateur systématique de l’inégalité, elle réduit la haine et l’impuissance sans en tarir la source. La justice est continuation de l’ordre quelle reconduit d’abus en abus à travers ses éclipses et ses intermittences, mais l’amour est la continuité de la justice, l’amour est la volonté de justice. »
À un moment où le président du nouveau monde vient de partir, j’espère définitivement jouer au Golf avec les milliardaires de Palm Beach en Floride ; je ne puis m’empêcher de penser, qu’il a refusé sa grâce à quelques condamnés à mort, comme dans une dictature.
Nous-mêmes, il nous aura fallu attendre 1981 pour abolir la peine de mort.
Extraits du discours de Robert Badinter à l’assemblée
« Une certaine conception de l’homme et de la justice. »
« (citant Jaurès) La peine de mort est contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêve de plus noble.
Partout dans le monde, et sans aucune exception, où triomphent la dictature et le mépris des droits de l’homme, partout vous y trouverez inscrite, en caractère sanglants la peine de mort.
Et plus spécifiquement s’il y a un type de femme, ou d’homme que la menace de la mort ne saurait faire reculer c’est le terroriste.
Demain grâce à vous la justice française ne sera plus une justice qui tue. »
L’amour est pur et infini, il est volonté, là ou la justice n’est qu’intention, simple attention aussi à l’autre, la justice tranche, l’amour engage. Etre juste, ce n’est qu’être juste. L’expression ce n’est que pure justice, est à mon sens erronée. Cela sent la vengeance et non la justice. S’il y avait une pure justice, ce serait de l’amour.
La justice qui tranche aspire à ne plus rien devoir à personne, elle clôt les débats, arrête une décision définitive. Les travaux sont clos, la question est posée est-ce que les sœurs et les frères sont contents et satisfaits, la réponse est ils le paraissent (ils le paraissent seulement) sur l’une et l’autre colonne, tout est-il pour autant juste et parfait ?
L’amour lui n’arrête jamais ses travaux, il les suspend pour prendre du repos et pour travailler encore à faire régner la justice.
La justice c’est le juste assez, l’amour c’est le tout et le tout ne compte pas.
Jean-François Guerry.
À suivre : La justice et l’amour, l’amour de la justice Part- II- Autrui inspirateur de la justice ?