GARDIEN DE LA TOUR : SYMBOLISME – PART-I : La richesse des symboles.
« La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers une forêt de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent,
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté… »
Correspondances Charles Baudelaire.
Ici tout est symbole ma sœur, mon frère, c’est souvent avec cette formule que les postulants aux mystères, les récents initiés sont accueillis dans le temple maçonnique, leur yeux décillés peine à comprendre ce qui les entourent.
Dans les temps anciens, bien avant la découverte et l’expansion de l’imprimerie, les hommes traçaient à l’abri, à couvert dans leurs cavernes, des signes, des peintures rupestres dont la force, la puissance a traversé tous les temps, ce furent sans doute les premiers temples symboliques, les allées couvertes comme celle de Gavrinis en Bretagne avec ses signes, ses symboles gravés et burinés dans le granit sont encore des énigmes. Nombreux sont ceux qui cherchent les idées derrière les symboles.
L’on traçait sur les parois, dans la pierre, parfois sur la terre, dans les cendres des mandalas, comparables aux tableaux des loges maçonniques, qui rythmes avec les paroles et les gestes, les passages du monde profane au monde sacré.
Chaque civilisation a voulu transmettre sa tradition, d’abord dans la longue chaîne des initiés et puis dans le monde.
Les troubadours qui allaient de châteaux en châteaux sous couverts de leurs chants courtois, délivraient des messages universels, tout comme les oeuvriers des cathédrales.
L’oralité permettait la transmission des secrets, aujourd’hui on écrit. Le souffle alors se transmettait de Maître à élève, lettre après lettre, mot après mot, geste après geste, attouchements après attouchements. D’ailleurs la plupart ne savaient ni lire, ni écrire et pourtant ils recevaient la Lumière de la Connaissance, progressivement, afin de ne pas être aveuglé, il fallait être éclairé avant d’être illuminé, au risque si l’ordre n’était pas respecté d’une chute irrémédiable à l’instar d’Icare l’homme qui chuta, bascula dans l’orgueil, il voulait être Dieu.
Je reviens à la transmission des mystères petits et grands, les oeuvriers, les compagnons bâtisseurs, les maîtres architectes, furent dirigés longtemps par le clergé des religions. À l’instar de Salomon il fallait construire une demeure à la gloire de l’éternel, des temples de pierre capables d’accueillir l’ensemble des fidèles. Ce fût le temps des cathédrales, demeures religieuses sensées relier l’homme à son principe créateur, mais aussi demeures mystérieuses, demeures philosophales si bien décrites par Fulcanelli. La pierre sculptée, devint une image, une pierre vivante, un symbole. Le ciel, les vertus, les légendes, les épopées furent représentées.
Les oeuvriers de la construction, le maillet et le ciseau en main, construisaient, ils construisaient les temples de pierre, mais aussi guidé par une force supérieure, qui les transcendaient ils construisaient leur vie, ils se construisaient eux-mêmes. Conscients de la valeur de leur métier, de la force mystérieuse qui les guidaient, ils enfermaient leurs secrets dans les loges adossées aux cathédrales.
La lumière qui passe à travers les vitraux des édifices, n’éclaire pas que les pierres, elle éclaire les hommes. Dans chaque Loge maçonnique, l’on trouve des fenêtres vitrées symboliques. Elles sont occultées, car la lumière est à l’intérieur, dans l’espace sacré, cela me fait songer aux magnifiques vitraux noirs que Pierre Soulages dans l’Abbatiale de Conques. La lumière de l’intérieur jaillit à l’extérieur, quand les portes du temple s’ouvrent.
Force est de constater qu’il n’était pas facile à cette époque de diffuser la Connaissance, dans un monde dominé par le dogme de l’église. Le peuple devait se contenter des préceptes et des images estampillées par les clercs. L’ésotérisme étant réservé aux élites intellectuelles. Les imagiers du moyen âge soucieux de diffuser leurs savoirs, imaginèrent les arcanes du Tarot, ceux qui savaient voir, découvraient les modalités de l’être. Ainsi le jeu de Tarot fût une porte, un passage vers l’intériorité de l’homme, un accès pour la connaissance de l’homme véritable, de l’homme dans sa pureté avant qu’il ne compose avec les conditions de l’histoire.
Les symboles, les images ne se résument pas à un syncrétisme qui engendre la confusion, mais à un travail de recherche, une méthode. Les analogies éclairent et nous guident vers l’essence de la Connaissance. Ce travail ne consiste donc pas, à amasser, mais plutôt à dépouiller à retirer les écorces de l’apparence pour pénétrer le sens profond des choses, pour faire jaillir la Lumière.
Les symbolismes sont nombreux, le symbolisme de la nature avec les symboles végétaux, le bestiaire symbolique, il y a le symbolisme propre à chaque religion et même à chaque époque de chaque religion. Le symbolisme maçonnique est celui de la construction, le maçon construit des temples de pierre, mais surtout des temples à l’esprit, des temples spirituels, il construit son temple intérieur, et finit par devenir lui-même un temple capable d’accueillir la Lumière, la Vérité et l’amour. Il a pour y parvenir des outils symboliques et des outils spirituels que sont les vertus humaines.
En parlant de la franc-maçonnerie René Guénon parle de l’Art Royal, ou de Tradition Primordiale, ou encore de science sacrée, dont les symboles sont universels. Jean-Pierre Bayard de Symbolisme Traditionnel.
Difficile de s’y retrouver à travers toutes ces catégories de symbolismes, mais elles sont reliées par la Connaissance des symboles universels. Ces symboles universels ont une forte capacité psychologique, c’est sans doute pour cela que le Tarot et ses arcanes majeurs ont toujours autant de succès, les lames du Tarot mettent en valeur les vertus humaines.
Il nous faudra sans cesse nous défier, des symboles dégradés par le temps, ou ceux qui sont mis au service d’un dogme, d’une dictature. Pour ma part je m’attache toujours aux symboles universels les plus simples, se sont ceux qui produisent sur moi, une inspiration, un effet, une émotion.
Jean Chevalier et Alain Gheerbrant font référence avec leur dictionnaire des symboles. Dans l’introduction de leur dictionnaire l’on peut lire -2- Approche terminologique
« L’emploi du mot symbole révèle des variations de sens considérables.
Pour préciser la terminologie en usage, il importe de bien distinguer l’image symbolique de tous les autres avec lesquelles elle n’est que trop souvent confondue. Des confusions, résulte un affadissement du symbole qui se dégrade en rhétorique, en académisme ou en banalité.
Si les frontières ne sont pas toujours évidentes, en pratique les valeurs de ces images, c’est une raison supplémentaire pour les marquer avec force en théorie. »
L’on pressent l’originalité (au sens originel) du symbole dans cet avertissement et son immense et incomparable richesse psychologique.
Vous pensez peut-être que je me suis éloigné de ma Tour et de son Gardien, et du symbolisme des arcanes du Tarot ou peut être pas, car ces images tracées avec soin dans les moindres de détails sont « truffées » de symboles, c’est donc un délice pour la vue et l’esprit.
J’ai entrepris cette réflexion suite à une remarque judicieuse d’un lecteur du Blog qui s’étonnait à raison que j’ai attribué par erreur le nombre 17 à l’arcane dite de la Tour Foudroyée ou la Maison Dieu, dans la majorité des jeux de Tarot cette arcane porte le nombre 16.
Ce nombre 17 est cependant présent dans le Tarot Initiatique proposé par José Bonifacio et Garo Karageusian, cela mérite donc un approfondissement ….
Jean-François Guerry.
À SUIVRE : Le Gardien de la Tour – Part II- Symboles Terrestres et Célestes.