Pour Théodore
KITCHENETTE
Lorsque je suis arrivé à Paris, il y a bien longtemps, le premier appartement que j’ai occupé était équipé de cette curiosité, tant pratique que linguistique : une kitchenette. Curiosité pratique pour celui qui, habitué à la vaste cuisine familiale de sa jeunesse où se passait la majeure partie de la vie en commun, se retrouvait avec un demi-placard pauvrement équipé d’une petite plaque électrique et d’un micro-frigo. Curiosité linguistique aussi qui tentait de faire moderne en francisant un mot anglais qui n’en demandait sans doute pas tant. Rationalisation de l’espace, répondit le propriétaire qui, heureusement, n’avait pas encore appris le mot « optimisation ».
Car c’est bien d’espace dont il s’agit. Cet espace si rare que nous nous entêtons à vouloir sans cesse partager le même que nos congénères, donc à tous nous entasser au même endroit, ce qui bien entendu rétrécit l’espace dévolu à chacun. L’instinct grégaire est si fort que, malgré l’animosité naturelle et sincère que tout misanthrope respectable peut développer à bon escient à l’encontre de son prochain, il nous ramène inévitablement vers le groupe. Nous nous y sentons si bien.
Les mégalopoles qui agglutinent des millions d’âmes sont apparues il y a quelques dizaines d’années, une broutille à l’aune de l’humanité. Et notre mémoire individuelle, si courte, nous porte à imaginer que ces concentrations d’humains sont un effet pervers de la modernité. Cependant, la grotte de néanderthal abritait déjà la quasi totalité d’un clan donné et les premiers villages nés avec l’agriculture attiraient naturellement la populace des alentours immédiats. Aujourd’hui, les vacanciers fatigués de supporter leurs congénères urbains se ruent tous ensemble sur les mêmes pistes de skis, les mêmes plages, les mêmes villages typiques.
Rares sont les solitaires et c’est bien pour cela qu’ils sont seuls…
Et si deux solitaires ensemble ne forment pas nécessairement une meute, ça réduit quand même l’espace de chacun. Les jeunes couples savent bien que leur séparation (dans l’espace) commence au moment où ils se mettent à vivre ensemble. A toi la zapette, à moi la kitchenette ! Chacun chez soi, mais ensemble…
Pourquoi avons-nous peur de mourir seul ?
Théodore Neville. (Dictionnaire Inutile)
Pour se nourrir, les Japonais mangent du riz sans blanquette ! J'en ris encore.
Pierre Desproges.
La principale différence entre le boucher et le Banquier c'est qu'il y en a un des deux qui ne dira jamais: "Il y en a un peu plus, je vous le mets ?"
Phillipe Geluck.
Bon dimanche.
JFG