Oubli
Cher ami lecteur, si tu lis ceci c’est que justement je n’ai pas succombé à l’oubli qui aurait pu faire ressembler cette chronique à une page blanche. Angoisse de notre Rédacteur en chef bien-aimé, l’oubli (de texte, de chronique, d’article, de photo… d’abonnement) est le problème qu’il doit affronter en permanence sous peine de voir son Blog tomber aux oubliettes.
Curieux mot que cet oubli qui, à l’instar du silence, disparaît dès qu’on en parle. Car dire « j’ai oublié ceci, ou cela » c’est bien tout à coup s’en souvenir. Paradoxe de la mémoire et du vocabulaire qui ne s’accordent pas toujours, dans les méandres de nos neurones. L’oubli est en fait omniprésent et ses développements sont nombreux. Professionnel, il se fait lacune ou négligence ; psychique, il devient manque ; consensuel, il se sublime en amnésie collective ; et nous devons le confesser s’il s’agit d’un péché par omission. La racine latine nous prévient du domaine infini de son champ sémantique puisque l’oubli vient d’un mot qui signifiait tout autant pâlir que s’obscurcir. C’est bien la totalité du spectre de la lumière qui est ainsi concernée.
Voilà donc une origine bien intéressante qui nous indique que l’oubli fait partie intégrante de la lumière. Ce qui d’ailleurs est également prouvé par les recherches en neurosciences. Telle l’étude sur ce génie de la mémoire qui se souvenait absolument de tout ce qu’il lisait mais qui, strictement incapable d’oublier, ne savait pas trier les informations en fonction de leur importance, les réorganiser avec pertinence et donc s’en servir à bon escient.
Oublier est une fonction indispensable de notre mémoire, et chacun de nous se construit au moins autant avec ce qu’il apprend que par rapport à ce qu’il oublie. Oublier les souffrances, les douleurs ou du moins les cicatriser, c’est se permettre de réapprendre autre chose, de s’obliger à survivre sans se complaire dans le passé. Oublier ce que j’ai appris est une condition indispensable à mon évolution, ce qu’Edgar Morin démontra brillamment avec sa théorie des monômes.
Omettre, perdre, abandonner, laisser, quitter, se révèlent alors aussi importants que faire, construire, réaliser, apprendre, mais au bout du compte beaucoup plus difficiles tant nous avons peur de sombrer dans l’oubli.
Théodore Neville.
Merci à Théodore de ne pas m’avoir oublié !
JFG.
CITATIONS.
Il est possible de vivre presque sans souvenir et vivre heureux, comme le démontre l'animal, mais il est encore impossible de vivre sans oubli.
Nietzsche.
Tu sais, il y a une chose que j'ai apprise. Un chose injuste qui sépare le monde en deux: dans la vie, il y a ceux dont on se souvient et puis ceux qu'on oublie. Ceux qui laissent une empreinte où qu'ils aillent et ceux qui passent inaperçus,qui ne laissent aucune trace. Ils n'impriment pas la pellicule. Ca s'efface derrière eux.
D'après une Histoire vraie.
Delphine de Vigan.