Comme un cadeau je vous offre ce poème sur la Vie, l’auteur n’est pas un Franc-Maçon, mais ses paroles pourraient trouver leur place dans un Rituel d’apprenti à la vie véritable.
Le père Jean Debruynne en est l’auteur, il est né à Lillle en 1925 et décédé à Byblos au Liban en 2006, il a été prêtre de la mission de France, Aumônier général des Guides de France et des scouts de France pendant de longues années, il était connu pour ses talents de poète, très inspiré par la poésie de Jacques Prévert
Naître à la Vie
Je te souhaite de vivre autrement que les gens arrivés.
Je te souhaite de vivre la tête en bas et le cœur en l’air,
Les pieds dans tes rêves et les yeux pour l’entendre.
Je te souhaite de vivre sans te laisser acheter par l’argent.
Je te souhaite de vivre debout et habité. Je te souhaite de vivre le souffle en feu, brûlé et vif de tendresse.
Je te souhaite de vivre sans titre, sans étiquette, sans distinction, ne portant d’autre nom que l’humain.
Je te souhaite de vivre sans que tu aies rendu quelqu’un victime de toi même.
Je te souhaite de vivre sans suspecter ni condamner, même du bout des lèvres. Je te souhaite de vivre sans ironie, même contre toi-même.
Je te souhaite de vivre dans un monde sans exclu, sans rejeté, sans méprisé, sans humilié, ni montré du doigt, ni excommunié.
Je te souhaite de vivre dans un monde où chacun aura le droit de devenir ton frère et de se faire ton prochain. Un monde où personne ne sera rejeté du droit à la parole, du droit d’apprendre à lire et savoir écrire. Je te souhaite de vivre dans un monde sans croisade, ni chasse aux sorcières.
Je te souhaite de vivre libre, dans un monde libre, d’aller et de venir, d’entrer et de sortir, libre de parler librement dans toutes les églises, dans tous les partis, dans les journaux, à toutes les radios, à toutes les télévisions, à toutes les tribunes, à tous les congrès, à toutes les assemblées, dans toutes les usines, dans tous les bureaux, dans toutes les administrations.
Je te souhaite de parler non pour être écouté mais pour être compris.
Je te souhaite de vivre l’inespéré, c’est dire que je te souhaite de ne pas réussir ta vie. Amen.
Jean Debruynne.
Journal La Croix le 10 juillet 2006. Extrait.
Prêtre de la Mission de France, poète à l'affût de la fraternité, le P. Jean Debruynne s'est éteint samedi 8 juillet au Liban
Prêtre de la Mission de France, poète à l'affût de la fraternité dans l'ordinaire des jours, le P. Jean Debruynne s'est éteint samedi 8 juillet au Liban
Sa casquette de marin pêcheur lui donnait cet air de navigateur qu'il était, à sa manière, devenu. La canne qui, ces dernières années, soutenait parfois son pas, disait sa fatigue, due à un cancer, mais aussi son désir de poursuivre le voyage, d'escale en escale. « Quatre-vingts ans, confiait-il d'ailleurs en mai 2005, alors qu'il fêtait, entouré de nombreux amis, son anniversaire, ce n'est pas un sursis ni une prolongation, ni un crédit accordé en prime. Quatre-vingts ans, c'est une naissance. »
À 80 ans, ajoutait-il, « je suis libre d'aller bêcher, ratisser, semer, arroser le jardin de l'Évangile ». Jean Debruynne s'est éteint samedi 8 juillet au Liban, où il séjournait depuis trois semaines pour un spectacle qu'il avait écrit et qui devait être donné pour les 7 000 ans d'existence de Byblos. Sa santé s'étant dégradée la semaine dernière, il avait dû être hospitalisé à Beyrouth.
Prénommé en réalité Jean-Baptiste, il était né en 1925 à Lille. Son père était originaire de Stenwoorde, en bordure de la frontière belge. Sa mère était alsacienne. Des précisions utiles, car Jean Debruynne avait sans doute hérité d'eux son caractère «un peu frontalier (1)». Son enfance fut, comme on dit, «sans histoire». Certes, il n'aimait pas l'école. Quant à l'Église, elle lui apparaissait une autorité, un pouvoir, et les prêtres, dont certains étaient aussi ses professeurs, lui faisaient peur, ce qui a sans doute pesé dans ses rapports futurs avec l'institution. Ce qu'il aimait alors, c'étaient ces temps de solitude où il pouvait laisser aller son imagination, rêver de lointains.
C'est à l'adolescence que la vie de Jean Debruynne va basculer. Avec la guerre, la famille s'installe dans le Lot-et-Garonne. Il y fait l'expérience de la pauvreté et l'apprentissage de la différence. Il quitte en effet la ville pour la campagne, des églises pleines pour une église pratiquement vide. C'est pourtant là, sur ces terres où apparemment Dieu est absent, qu'il se sent appelé. « Ma vocation, dira-t-il plus tard, est née de l'absence, du désert où Dieu n'est pas. Le rien est devenu pour moi sacrement de la présence de Dieu. »
"Abattre le mur" qui sépare l'Église d'une partie de la société
Bien sûr, cette vocation va avoir besoin de temps pour mûrir. Un article paru dans une édition régionale de La Croix sur la Mission de France va servir de révélateur. « Tout de suite, je me suis dit : c'est ça que je cherche », confiera-t-il. Aussitôt, il écrit à cette Mission de France, créée en 1941 à l'initiative du cardinal Suhard pour « abattre le mur » qui sépare l'Église d'une partie de la société. En 1943, il entre au séminaire de Lisieux. « Ici, il n'y a pas de règlement, explique le supérieur. Par contre, il y a une règle, et cette règle, c'est l'obéissance au réel. »
Cette obéissance à l'événement, à l'inattendu, va commander sa vie. Après la Libération, il travaille comme cheminot. Lui qui a déjà, au contact de la spiritualité de Thérèse de Lisieux, fait le choix des « petits aux yeux du monde », découvre alors le monde ouvrier. Il sera ensuite tôlier formeur à la chaîne, valet de chambre. Au cours de ces stages, il apprend « la dépossession ». Adhérent à la FSGT, organisme culturel dépendant de la CGT, il découvre aussi le théâtre et les poètes, Prévert surtout. « C'est incontestablement à lui que je dois mon écriture », dira-t-il.
Revenu finir son séminaire à Lisieux, il est ordonné prêtre en 1950 par le cardinal Liénart, évêque responsable de la Mission de France. Son premier ministère le mène alors à la paroisse Saint-Hippolyte, dans le 13e arrondissement de Paris. Puis, en 1953, il devient secrétaire de la Mission de France, dans une période où celle-ci est remise en cause. Rome décide en effet la fermeture de son séminaire, puis interdit les prêtres-ouvriers.
Pour Jean Debruynne, le temps est venu d'un nouveau départ. Passionné par « le symbole et le langage », il reprend des études de philosophie à Lyon. Il suit aussi les cours de l'école du jeu dramatique de Jean-Louis Barrault. Et plus que jamais, il écrit : des poèmes, des chansons, des jeux scéniques.
"Son terrain de mission privilégié, c'était le monde des jeunes"
Les Scouts et les Guides de France font alors appel à lui. « Il ne s'est jamais arrêté d'être aux côtés du scoutisme, précise Claude Moraël, délégué général des Scouts et Guides de France. C'est lui qui a écrit le jeu scénique à l'occasion de la fusion. C'était un résistant de Dieu, quelqu'un qui donnait envie de suivre l'Évangile. » Le Centre national de la catéchèse le sollicite aussi. « Son terrain de mission privilégié, c'était le monde des jeunes, rappelle le P. Jacques Purpan, vicaire général de la Mission de France. Il avait la préoccupation de leur annoncer l'Évangile, non en les manipulant mais en étant à leur écoute. »
La rencontre de Jean Debruynne avec le monde de la police est plus inattendue. Elle intervient en pleine guerre d'Algérie, pendant la période noire des ratonnades organisées à Paris. Interpellé par un inspecteur de police qui lui demande de l'aider à réfléchir, il le prend au mot. C'est ainsi qu'est né Police et humanisme.
« Il disait "nous autres policiers", il s'identifiait à nous. Il nous a accompagnés pendant quarante ans », se souvient Hervé Deydier, président du mouvement, qui reste marqué par sa jovialité, sa disponibilité et son ouverture d'esprit. Jean Debruynne servira aussi d'autres mouvements, comme Partage et rencontre, le Secours catholique, le Mouvement des chrétiens retraités
"Toujours attentif à celui qui était exclu"
Sa rencontre avec ces derniers remonte à 1984, quand Yves Beccaria, alors directeur de Bayard Presse, lui demande de devenir rédacteur en chef de Vermeil. Il vient alors d'être licencié de la Caisse des dépôts qui l'avait embauché pour mener des enquêtes sociologiques sur la vie dans les « grands ensembles ». Il accepte.
Au fil de ses déplacements et de ses engagements, Jean Debruynne a ainsi vécu la mutation de l'Église. « Il aimait son Église, même si, avec sa manière polie de poète, il n'hésitait pas à dire ce qu'il pensait. Il était l'homme du plein vent, toujours attentif à celui qui était exclu », résume le P. Purpan, marqué par la grande bonté qui émanait de ses écrits
Ses écrits ? Ils étaient pour Jean Debruynne un appel « à vivre » et « à croire », surtout quand tout devenait trop dur. « Le jour où je ne pourrai plus écrire, ce sera vraiment la mort, confiait-il d'ailleurs. Jusqu'au bout de notre vie, nous devons devenir des créateurs. »
Martine DE SAUTO et Pierre SCHMIDT
Toute forme de vie est sacrée ! ( Musique Adiemus )
(...) Prêtez maintenant attention aux parfums frais que transporte l'air pur de ces grandes étendues boisées... Apprivoisez le silence et la tranquillité qui nous entourent... Sentez le vent ...