Cela sonne comme une cloche, résonne en moi, est-ce un cri, un chant qui vient de l’intérieur, « Ce sont les vigoureuses injonctions des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle qui nous invitent à l’aventure spirituelle et à la réflexion métaphysique ». Ce pourrait être debout, debout, levez vous, une aventure vous attend, là tout près, en vous, au coin de votre cœur aux confins de votre âme, là ou l’esprit chasse la matière, avancez d’un pas vous y êtes presque. C’est le premier des trois pas hésitants en équerre, le « demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez, et l’on vous ouvrira. » Il est midi le soleil est à son zénith, c’est le moment favorable, le « Kairos » des Grecs, l’instant ou prêt l’on regarde une dernière fois en arrière, l’on vérifie le viatique dans le bissac, avant prendre le chemin, son chemin d’aventure spirituelle, vers l’harmonie, la joie fraternelle à la rencontre des autres jacquets. Dépassant nos peurs de l’autre, nous sommes sur les traces de tous ceux qui nous ont précédés, là une coquille, là un signe et puis soudain un cri Ultreïa ! Ultreïa !
Ultreïa, est aussi une belle revue, qui m’a été indiquée par un lecteur du Blog. Elle parle à nos cœurs et nos âmes de Spiritualité, Métaphysique, Philosophie, Ethnologie, Symbolisme, venus au monde nous avons un chemin à faire, nous pouvons trouver là des sources propices à notre méditation. Cette revue invite à la réflexion, c’est une porte ouverte vers des mondes et des mystères inconnus, des pensées inédites, des possibilités de refondations, d’abandon des préjugés du vulgaire. Les articles sont comme une pluie de fleurs multicolores tombées dans notre jardin, qui bientôt donneront des graines puis des fruits, bonne cueillette !
JF
Ultreïa c’est un numéro par saison dans le numéro 11 celui du printemps :
Édito par Florence QUENTIN
« Il n’existe rien de constant si ce n’est le changement. »
Bouddha
Proclamer que l’humanité est aujourd’hui confrontée à des défis d’envergure inédits dans son histoire sonne comme un truisme ! Changement climatique, menaces écologiques, crise économique, conflits, replis identitaires et déréliction sociétale et spirituelle, tel est le pesant héritage qui échoit à notre temps, chancelant sous l’impact de ce tir groupé. Dans ce contexte incertain, chaque expert se fait prophète et y va de son analyse qui alimente l’anxiété générale, nourrit l’inquiétude (fondée) des peuples et sidère les consciences.
Signes des temps ? Fin d’un monde ? Sans doute. Mais alors, comment “négocier” ce virage à 180°, dominé par les clameurs des trompettes de l’Apocalypse ?
Si l’engagement total – corps et âme – de chacun est exigé face à cette “chronique d’une mort annoncée”, il l’est plus que jamais en matière spirituelle. Quelle que soit l’idée directrice – prise de conscience, mutation, “retournement” aux allures de metanoïa ou encore, comme l’écrivait le dramaturge August Strindberg : “s’envelopper dans le cocon de son âme, se faire chrysalide et attendre la métamorphose, car elle arrive toujours” – elle renvoie à un changement radical d’état d’esprit, d’état d’être, pour éviter l’effondrement. Attitude qui n’exclut pas l’action citoyenne, mais qui la soutient de l’intérieur.
Sur ce thème d’une brûlante actualité, notre dossier convoque spécialistes des religions, philosophe, économiste, théologien et chercheurs en écologie qui analysent, commentent, alertent mais ouvrent également des pistes de réflexion… et d’action. L’économiste et philosophe Patrick Viveret, dans un long entretien, nous livre les siennes ; ainsi, une “nouvelle manière d’être au monde”. Le quatorzième dalaï-lama, maître bouddhiste et chef d’un peuple en exil, ne dit rien d’autre : “Si personne ne tente d’apporter la paix, les conflits empirent, mais un seul être paisible et sans passion peut beaucoup.”
À travers sa tradition prônant compassion et interconnectivité, Tenzin Gyatso, à qui nous consacrons un portrait nourri, rejoint l’admirable foi “incarnée” d’un Christian de Chergé, qui, avec les moines de Tibhirine, établit inlassablement et jusqu’au sacrifice de sa vie, des ponts avec ses frères d’islam. Des témoignages inédits viennent ici corroborer cet engagement qui irradie tout son Testament : “L’Algérie et l’islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme.” Tolérance et altérité que le photographe Reza a sublimées à travers son reportage au Kurdistan, où le peuple, majoritairement sunnite, offre un espace à celui qui est “différent”, aux multiples confessions religieuses. Salvatrice leçon pour l’Occident…
Nous poussons aussi les portes de la mythique Samarkand, cité prospère de la route de la soie où les grands conquérants vinrent trouver repos dans l’azur éblouissant de ses palais et mosquées. Et marchons à la suite de Dante, “poète de la divine lumière”, dans les contrées fascinantes de l’inframonde, Enfer, Purgatoire et Paradis, à la recherche de “notre” Béatrice intérieure, cet Éternel Féminin, initiateur de l’âme, au cœur vibrant d’un chef-d’œuvre intemporel, la Divine Comédie.
Au fil de ce numéro retrouvez nos chroniques :
Mosaïque du Ciel par Olivier GERMAIN-THOMAS – … de petites âmes humaines.
Méditer en chemin par Fabrice MIDAL – Simplicité de la poésie
Le fil de l’émerveillement par Bertrand VERGELY – Science et mystique
Ubiquité de la prière par Christiane RANCÉ – Un pas vers l’horizon
L’instant soufi par Éric GEOFFROY – Des vertus de la mort
Il n’y a qu’une seule religion par Patrick LAUDE – Illusions postreligieuses
La couronne du royaume par Frank LALOU – L’hébreu, langue du paradoxe
Le buffle et la tortue par Cyrille J.D.JAVARY – La double orientation de la confiance
Symbolique universelle d’un signe, d’une gestuelle, d’un rite ou d’un mythe… 4 pages illustrées par Stéphanie LEDOUX.
Phares
POÈTE DE LA DIVINE LUMIÈRE
Éric VINSON
Phares
VOYAGE AU BOUT DE DIEU
Christiane RANCÉ
Dans les pas des pèlerins de l'absolu
"OCÉAN DE SAGESSE" ET ARTISAN DE PAIX
Laurent DESHAYES
L'esprit des lieux
"SAMARKAND, LA PLUS BELLE FACE QUE LA TERRE AIT JAMAIS TOURNÉE VERS LE SOLEIL"
Frédérique BEAUPERTUIS-BRESSAND
A la croisée des chemins
"POUR AFFRONTER LA FIN DES TEMPS MODERNES, IL NOUS FAUT RÉINTÉGRER LE MEILLEUR DE LA TRADITION ET DE LA MODERNITÉ POUR EN ÉCARTER LE PIRE."
Patrick VIVERET
Nœuds et Labyrinthes - Dossier
EFFONDREMENT, DETTE, BARBARIE, CRISE SPIRITUELLE...
Éric GEOFFROY, Laurent DESHAYES, Vincent AUCANTE, Pablo SERVIGNE et Raphaël STEVENS, Renaud DUTERME, Bertrand VERGELY, Bernard CHEVILLIAT, Florence QUENTIN
Nobles voyageurs - PORTFOLIO
REZA
Figures libres
QUAND S’INCARNENT L’ESPÉRANCE ET LE DIALOGUE
Nicolas BALLET
Les Cahiers Métaphysiques
Françoise BONARDEL, Michel CLERMONT
Le chant de la terre
“VERS LA SOBRIÉTÉ HEUREUSE”
Éric TARIANT
Aux quatre angles du monde
SUR LA ROUTE DES TSERKVAS
Nicolas CORNET
Penser à l'air libre
Fr. François CASSINGENA-TRÉVEDY
Bivouac
Thierry BÉGUELIN
Billet vagabond
Marion MULLER-COLARD
LE DOSSIER
Les signes des temps
Effondrement, dette, barbarie, crise spirituelle...
Éric GEOFFROY, Laurent DESHAYES, Vincent AUCANTE, Pablo SERVIGNE et Raphaël STEVENS, Renaud DUTERME, Bertrand VERGELY, Bernard CHEVILLIAT, Florence QUENTIN
DOSSIER:
Vers la métamorphose – Florence Quentin
Vivons-nous “le dernier tiers de la nuit” ? – Eric Geoffroy
Perspective traditionnelle et signes des temps – Bernard Chevilliat
“Traverser l’océan, imperturbable en soi-même” – Laurent Deshayes
Aux sources de la barbarie – Vincent Aucante
Comment tout peut s’effondrer – Pablo Servigne – Raphaël Stevens
Quand une dette en cache une autre – Renaud Duterme
Le nihilisme, face cachée du transhumanisme – Bertrand Vergely
INTRODUCTION
Notre civilisation est-elle menacée de désintégration si nous ne traitons pas au plus vite les problèmes qui conduisent la planète au désastre ? La “Fin des Temps” annoncée par les Écritures se profile-t-elle ? Ou s’agit-il plutôt d’une ère nouvelle en germe dans le vieux monde ? Ère qui convierait l’humanité à une métamorphose inédite et plus encore à une metanoïa, qui exige un autre rapport au monde et au divin et un retournement radical de l’être ?
Telle une hydre, nous dit l’islamologue Éric Geoffroy, la crise du sens se répand en prenant pour monture la mondialisation sauvage et abrupte que subit l’humanité contemporaine. Ces menaces ne font pourtant qu’interpeller le spirituel, en l’occurrence le soufi, lequel a pour devise d’être “le fils de l’Instant”, ou de son époque. Il sait, en effet, que la vie spirituelle se fonde sur le paradoxe, et que “Dieu surprend toujours”.
Crise spirituelle, relativisation des valeurs et des vertus, persistant sentiment d’insécurité, inéquité croissante, démesure généralisée et omniprésent “règne de la quantité” dénoncé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par René Guénon, résonnent comme autant de signes annonciateurs d’un inéluctable changement de paradigme, pour les uns, ou d’une fin de cycle, pour les autres. Le recours à une posture exigeante apparaît comme une attitude de recentrement et un effort d’ordre spirituel permettant d’affirmer la dimension métaphysique de l’homme, et d’initier une autre fraternité pour affronter les aléas d’un univers de plus en plus confus, en proie au syndrome duno futur.
Le bouddhisme propose quant à lui une lecture de l’histoire de l’univers selon un système infini de cycles durant lesquels il émerge, évolue et se détruit, rappelle le tibétologue Laurent Deshayes. Le passage d’une phase à l’autre se fait par glissement, les symptômes révélant cette mutation devenant de plus en plus évidents. Loin d’être fataliste, la réponse apportée à la question du positionnement de l’homme face à cette évolution extérieure est son positionnement intérieur.
Nous avons tous en partage un pli caché de barbarie intérieure : il se révèle dès que les conditions extérieures s’y prêtent. Il conduit alors à supprimer l’altérité : c’est le trait commun à toutes les barbaries de l’histoire, commente le philosophe Vincent Aucante. S’il est facile de stigmatiser les barbares qui sont ailleurs ou différents de nous, nous sommes réticents à reconnaître cette barbarie cachée qui, pourtant, nous concerne tous.
Les chercheurs indépendants Pablo Servigne et Raphaël Stevens nous mettent ici en garde : si nous décidons collectivement de ralentir la “mégamachine” pour éviter de déstabiliser davantage le système-Terre, nous provoquerons en retour un gigantesque et irréversible chaos financier, économique, politique et social. Mais si au contraire nous décidons de maintenir le cap, nous provoquerons aussi à terme des catastrophes en chaîne ( climat, biodiversité, etc. ) qui réduiront à néant notre civilisation et notre espèce. Comment trancher ce nœud gordien ?
Depuis des siècles, la question de la dette fragmente le monde et pèse sur son équilibre. L’écart entre pays du Nord et pays du Sud, réduits au rang de créanciers, s’accroît et le décalage au plan mondial entre individus très riches et très pauvres n’a jamais été aussi grand. L’économiste Renaud Dutermepointe l’existence d’une autre forme de dette, écologique celle-là, qui devrait contrebalancer l’autre.
Dans sa démesure, notre époque, qui connaît un progrès technologique sans précédent est confrontée à un courant idéologique nouveau, le transhumanisme. Si ce projet se réalise, en devenant un être “augmenté”, “l’homme sera-t-il encore un homme ?”, s’alarme le philosophe orthodoxe Bertrand Vergely. La religion à venir serait alors celle de l’homme-Dieu. Celle du nihilisme.