Ovide est né probablement en 43 Av JC en Italie dans les Abruzzes. Il a puisé dans les mythologies grecque et romaine pour écrire ses Métamorphoses en l’an I ou II, pas moins de quinze livres, douze mille vers, deux cent quarante six fables, qui parlent de la métamorphose des dieux et des héros, depuis le chaos originel jusqu’au règne de l’empereur Auguste.
Les francs-maçons ont une ambition, se : « Se métamorphoser, pour métamorphoser la société. »Faire régner l’ordre après le chaos, c’est en ce sens que l’on peut trouver des similitudes avec l’œuvre d’Ovide et ce quelques siècles plus tard.
Marie Cosnay (1)au terme de dix années de travail a traduit du latin en français cette œuvre poétique colossale, sa traduction donne une modernité à cette œuvre oubliée. En se replongeant dans sa lecture, l’on fait un véritable voyage de la création du monde à nos jours, les thèmes abordés intemporels restent bien présents dans notre société.
Pierre Judet de la Combe (2)en a écrit la préface, elle commence par ces mots : « Donc tout change. Les dieux, les bêtes, même les pierres, les plantes et, vite, les nymphes pour échapper à un dieu violent ou, pire, parce qu’elles n’ont pu s’échapper, et qu’une épouse se venge. Le ciel aussi change, la nature, les villes, les rois. »
L’humanité est donc un vaste chantier, le chantier de tous les possibles. Il faut des maîtres d’œuvre attentifs, précautionneux de la nature et pétris d’espérance, ces maîtres qui croient toujours en la perfectibilité de l’homme et y travaillent chaque jour de midi à minuit.
Ils savent qu’il faudra sans doute en passer encore par le déluge, ils sont quand même sans crainte, il paraît que Noë est l’un des leurs, peut-être même le premier d’entre eux, il ouvrira encore les portes de son arche, et tout renaîtra à nouveau dans un monde meilleur où régnera Thémisla déesse de la justice fille du ciel, d’Ouranos et de la terre de Gaïa. Là l’on retrouve encore dans cette construction, reconstruction le lien avec la franc-maçonnerie, le désir d’un monde plus juste.
Thémisqui selon Ovide conseille aux jeunes gens de jeter par-dessus leur épaule les vieilles pierres, ces os de la vieille mère, la vieille terre, ils deviendront alors des humains tous beaux, tous neufs !
C’est bien à cette transformation, cette mutation, que travaille le franc-maçon dans sa loge et dans le monde, jeter par-dessus son épaule sa main desséchée, et enjamber le cadavre, pour renaître plus radieux, meilleur.
Extrait du Livre I vers 383 : « Offre ton aide, très douce, aux choses immergées. La déesse est émue et rend cet oracle : Éloignez-vous du temple, couvrez-vous la tête, détachez vos ceintures et derrière votre dos jetez les os de la Grande Vieille Mère. »
Avec les métamorphoses d’Ovide, tout est en mouvement rien n’est jamais acquis, il faut sans cesse travailler à la transformation vers le bien, se purifier, pour opérer un juste retour à la nature, la nature des choses premières pures, Ovide fût fortement sans doute inspiré par Lucrèce.
Ces métamorphoses sont libres, elles mènent toutes à la recherche de l’âme. L’apprentissage de cette liberté, de ce détachement du corps, permet cette élévation spirituelle.
Extrait : « Ô race saisie par la terreur de la mort glacée, tu crains le Styx, les ténèbres ?(…) Le bûcher par la flamme ou le temps par la putréfaction, emporte les corps. Pense bien qu’ils ne savent plus souffrir. Pas de mort pour l’âme. »
La lecture des Métamorphoses traduites par Marie Cosnay relient le passé à l’avenir, permet de comprendre les transformations du monde, et avant tout, notre transformation, c’est comme une épopée improbable, mystérieuse, celle de notre vie.
Ces vers d’Ovide suscitent l’imagination, la vision d’images successives d’hommes tour à tour monstres et héros, en confrontation perpétuelle, c’est l’histoire d’un combat, de notre combat intérieur, mais aussi un récit de la joie, la plénitude de la contemplation de la beauté.
Ce récit épique n’est pas loin de celui que nous écrivons, que nous ressentons, à chaque tenue dans nos loges et tentons de reproduire au-delà des portes du temple.
JF.
Pierre Judet de la Combe Hélléniste français, Agrégé de Grammaire Directeur d'études à l'Ecole des hautes et Sciences Sociales.
Marie Cosnay Professeure de lettres classiques, traductrice de textes Antiques, Ecrivaine.
LES METAMORPHOSES D’OVIDE
Marie Cosnay : "Il s'agit d'un poème, et de ce qui vient au monde
"Je veux dire les formes changées en nouveaux corps". Au 1er siècle de notre ère, un poète chante les transformations des corps. De tous les corps : celui des hommes, celui des dieux, ceux de la nature. Ovide les rappelle tous. Il raconte le destin de Narcisse, d’Achille, d’Europe, d’Orphée, de Médée, de Bacchus, d’Actéon... Tous sont dans Les Métamorphoses, tous se métamorphosent. Ce sont des histoires que l’on connait, des histoires qui nous ont été transmises, par l’école, par des voies moins officielles, par les voies souterraines du mythe. Tous se retrouvent aujourd’hui dans un livre nouveau, traduit par Marie Cosnay, métamorphosé en un nouveau corps, en une langue nouvelle. Pour dire encore la création du monde, et la force des formes qui passent.