LE « EN MÊME TEMPS DE LA VÉRITÉ »
Cette formule à la mode en même temps ne le serait pas. Si pour certains elle représente l’incapacité de décider, d’avoir un projet ferme, traduisant un état d’hésitation permanente, comme un déficit de force, ou pire une navigation à vue, ou encore un désir de plaire à tout le monde, au risque de ne plaire à terme à personne, et, générant le désordre dans une société qui manque d’ordre favorisant ainsi les plus forts d’entre nous et les plus extrémistes.
Pour d’autres cette formule symbolise la recherche d’une harmonie, peut-être improbable, mais l’essentiel n’est-il pas dans le chemin ?
Les francs-maçons veulent réaliser la complémentarité des contraires, l’utopie de réunir ce qui est épars. Ils constatent que malheureusement la misère, le mal sont inséparables de la condition humaine, mais connaisse la perfectibilité de l’homme. Ils veulent lutter en permanence pour que le soleil brille un peu plus sur terre pour tous les hommes de bonne volonté. Ces chevaliers du soleil, de l’esprit, aspirent à l’ordre et à la concorde.
Le en même temps, bien manié comme les métaux, ne serait donc pas une faiblesse, mais une force qui vise en conscience à la recherche de la justice ? Cette justice qui doit se substituer à la vengeance, cette justice qui avance avec le glaive et la balance en mains, les yeux clos par le bandeau, ce bandeau qui oblige à ne pas voir que les apparences trompeuses, et à regarder en conscience, en confiance, les choses qui parlent au cœur et à l’âme.
Le en même temps se doit d’être manié sans faiblesse pour défendre les plus faibles, ne pas les exclure, et faire comprendre aux plus aisés d’entre nous que selon l’adage populaire : « Quand les riches maigrissent, les plus pauvres sont déjà morts. »
Les Chevaliers du Soleil doivent se défier de l’aveuglement, de la puissance de ses rayons, ils doivent constamment se défier du mépris, de l’arrogance, de la parole, cette flèche qui blesse les cœurs purs. Se rappeler la nécessité de protéger l’indispensable mère nature, que le soleil fait vivre et humblement se souvenir, que chacun d’entre nous n’est qu’une poussière d’étoile qui passe rapidement dans l’univers. Le en même temps traduit la faiblesse et la grandeur de notre condition humaine.
Celui qui manie le glaive et la balance, est un alchimiste qui connaît les 7 planètes et les 7 métaux qui leur sont associés. Il est à la recherche de la pierre philosophale, du centre, là, où se trouve le principe de Vérité.
JF.
Ballade pour un homme libre
Comme un enfant errant dans la ville endormie
Enfant des rues, enfant de rien, fils de la nuit,
Comme ce vieux déchu que le vin a saoulé
Et qui pleure, et qui bois, sur l’asphalte, affalé,
Comme la fleur de bitume qui arpente nos rêves
Et nos pensées sordides, et qui attend la trêve,
Comme ce vent glacial qui cogne à nos fenêtres
Comme un sanglot, comme un regret qui nous pénètre,
Et installe en nos rêves un fugace remord.
Mais l’enfant n’erre plus, il s’est couché dehors
Le nez dans le ruisseau, cœur brisé, cœur en miettes,
Et le vieux assommé par l’alcool de la fête
A sombré dans l’oubli et dans le désespoir ;
La femme s’est couchée, épuisée de trottoir,
Elle a rejoint sa chambre par la fureur défaite.
Et toi ? Et moi ?, et nous ? Pour quelques heures encore
Bercés d’indifférence, nous feindrons d’ignorer
Ces drames ordinaires que la conscience endort ;
Pour quelques rêves encore, dans l’oubli, emmurés,
Les paupières de la honte demeureront baissées.
Mais ce monde factice où nous sommes réfugiés
Bientôt disparaîtra, aux premières lueurs,
Et l’indicible peur qui taraude nos cœurs
Reprendra le dessus, forgeant au fil des jours
Des cortèges de haine et des fardeaux très lourds.
Eux, ont hurlé leur peine, ils ont pleuré leur honte
Ils ont l’âme meurtrie et la colère qui monte
Les larmes se sont taries, ils n’attendent plus rien
Que la misère de l’autre, ils se sentent vauriens
Et la pierre ramassée cherche déjà sa cible
Elle ne polira pas ! C’est un constat terrible
Ultime affirmation d’une existence grise
Ils lanceront un jour à nos consciences sans crise
Ce matériau banal, symbole du désespoir
Qui corrode leurs cœurs; quel humiliant échec
Quelle triste sentence, affligeante hypothèque
D’universel amour, miroir mon beau miroir…
Quand le soir redescend à nos portes verrouillées
Comme les serments prêtés en nos temples refermés
Ils sont tous là ! Telle une infirmité, muets,
Témoins de nos tourments, frappés d’indignité.
Nourriront-ils un jour une fragile flamme
Pour que leurs sacrifices et leurs immondes drames
Ne demeurent pas vains ?
Car le chemin est long
Dans nos cités profanes, si long, et si banal
Que nous devons bâtir des routes et des ponts,
Pour découvrir enfin la misère abyssale,
De nos frères de l’ombre qui alimentent ces peurs,
Que l’on avait enfouies tout au fond de nos cœurs.
Notre dessein est là ! Réduire cette fracture
C’est un très bel ouvrage qu’il faut bâtir ensemble
Véritable chef d’œuvre, exaltation de l’âme
C’est une réparation pour cette déchirure,
Voilà me direz-vous un généreux projet
Mais quelle est la recette, et par où commencer ?
Je n’ai point la réponse, mais nous pouvons chercher
Nous sommes si nombreux, il y a tant de lumière
Qui resplendit partout, tout autour de la terre
Et il y a tant d’amour, tant de fraternité
Que nous finirons bien, parmi mille autres choses
D’éradiquer ce mal ;
Il se répand si vite
Qu’il en devient banal au point que l’on évite
Par de savants détours, d’emprunter certaines voies
Au point que l’on oublie d’écouter et de voir.
Au cinquième voyage, nous partîmes les mains libres
Etions-nous à ce point aguerris et sereins
Pour poursuivre notre quête d’un amour souverain ?
Avions-nous à cet âge la mémoire et la fibre
Pour franchir sans encombre une si grande étape ?
Notre pierre mal polie et des mains malhabiles
Nous révèle à propos que ce rêve est fragile.
A cet âge nous avons une vague idée du cap
A ce stade nous cherchons auprès de nos aînés
Un soutien, des conseils, pour faire taire nos doutes
Et avancer encore, à nos rêves, enchaînés;
La flamme est si ténue à nos âmes en déroute
Que nous distinguons mal à la porte du temple
Les oubliés de Dieu loin des marchands du temple.
A l’âge de déraison, comme les épis mûris
A la lumière blafarde d’une morne existence
Aurons-nous achevé de nos vœux la semence ?
Aurons-nous commencé la récolte et le tri ?
Ces mots que je vous pleure plutôt que ne les dit,
Ressortent du reproche que j’adresse à la vie.
N’y voyez point mes frères le moindre renoncement,
Je resterai fidèle à mes engagements,
Mais je forme le vœu, et caresse l’espoir,
De cimenter ma foi, en réchauffant la vie,
De baliser ma quête pour faire naître à l’envie,
Des vocations nouvelles sur lesquelles s’asseoir,
D’entreprendre, tous ensemble, un gigantesque ouvrage,
Un chef d’œuvre durable, témoin de l’idéal,
Témoin de l’humanisme et du sens du partage,
Qui éclaire notre route, et qui n’a pas de prix.
Les anciens bâtisseurs avaient des cathédrales
Pour immortaliser leur Foi et leur génie,
Leurs chefs-d’œuvre témoignaient de leur quête d’amour
Pour un grand architecte qu’ils imitaient toujours.
Or que nous reste il au-delà de nos rites,
De ces chantiers d’antan que la splendeur habite ?
Par la spéculation sommes-nous méritoires ?
Très chère introversion cache misère sur la vie.
Il nous faut transformer nos visages ravis
Et puis nous replonger aux sources de l’histoire.
Nous avons abattus des dogmes et des lois,
Car ils constituaient des entraves sévères
A nos trois règles d’or ; car ils étaient contraires
Au bon sens humaniste qui domine notre foi.
Je pose la question, sans passion ni recette,
Mais l’Afrique que j’aime suivra cette requête,
Nous y mettrons le temps, la raison et le cœur,
Et puis, les jours viendront où sur terre le bonheur
Pourra se partager, où le mot « liberté »,
Deviendra synonyme de cette vérité
Que nous cherchons toujours, où nos comportements,
Deviendront exemplaires, pour accueillir l’instant
Où le monde profane nous fournira la preuve,
Que nous sommes bien libres et d’excellentes mœurs.
Ce poème (trop long) traduit mes interrogations sur l’inadéquation que j’observe entre mes vœux, les serments prêtés, et la dramatique réalité qui sévit partout dans nos cités profanes ; j’ai la ferme conviction que, Nous qui avons choisi librement la quête de lumière , nous qui prônons la PAIX , l’Amour entre les hommes, sans distinction de race , couleur, religion , ou orientation politique , Nous POUVONS mettre en chantier une réforme profonde et durable de cette société ; Nous pouvons réfléchir sur les voies et moyens pour gagner la guerre contre la misère et l’exclusion ; tous ensemble (et Dieu sait si nous sommes nombreux et « temporellement puissants ») Nous pouvons mettre cette question à l’étude des loges . Et si la LUMIERE venait de notre continent et fasse taire les critiques et les quolibets ? .........
Philippe Jouvert.
Avec l’aimable autorisation de l’auteur.