FINIR EN BEAUTE
L’expression traduit bien le désir du beau, toutes les constructions ont besoin de la beauté, nous n’y échappons pas, tant que nous sommes sensibles au beau, nous vivons, c’est sans doute pourquoi au-delà de la vie nous voulons emporter avec nous, en nous ce que nous avons vu et vécu de plus beau.
Dans nos loges nous nous construisons nous-mêmes, en force, sagesse et beauté, la beauté orne et couronne cette construction. Dès l’entrée du temple l’imagination est frappée par l’imposante beauté des colonnes, les fleurs de lotus véritables matrices de cette beauté, ces fleurs nées dans les eaux les plus boueuses, resplendissent sous les chapiteaux des colonnes, elles sont surmontées par les fruits du grenadier aux mille pépins, d’où coule, le nectar boisson divine rougi par l’amour fraternel.
Les pas hésitants vers les colonnettes sculptées, par les mains des ouvriers, nous avançons dans les traces de nos sœurs et de nos frères, nous parcourons le labyrinthe qui va des ténèbres à la lumière, nous suivons la course du soleil, sur ce chemin mystérieux, vers nous-mêmes, vers l’intérieur de nous-mêmes. Nous nous soulageons de la pesanteur des ismes qui nous assaillent, empêchent le règne de l’harmonie de faire sa demeure chez nous.
Nous recherchons la beauté dans la simplicité universelle du cercle, là où est la demeure du maître entre la rigueur de l’équerre et l’ouverture du compas de l’esprit, là ou la beauté s’épanouit comme la rose au point du jour chargée de la rosée céleste.
Cette émotion me rappelle les vacances de mon enfance dans le Finistère au bout de la terre, chez mes grands-parents. Quand ma grand-mère man goz, me voyait sourire pour un rien et pour tout, elle disait comme un secret à ses amies avec fierté et son un accent chantant : « Voyez le petit, comme il est grand ! Il est bien là, il a du goût ! »
J’avais le goût de la beauté, de la campagne, de cette campagne morcelée par les talus remplis de fleurs et de bouvreuils, cette campagne des chemins creux humides tracés par les sabots, véritables voûtes mystérieuses. Puis à quatre heures, assis sur un banc, dans mes mains, sur les grandes tartines du pain de deux livres, s’étalait le beurre blond transpirant de sel, le beurre de la motte sculptée avec des fleurs de genêt, recouvert des fraises fraîches sucrées, cueillies dans le champ d’en face. Tout explosait de beauté, la lumière de l’été avait chassé les bruines venues de la rade, on voyait distinctement les arches du Pont Albert Louppe. J’étais War zouar ha war vor (Sur terre et sur mer) et peut-être au bout de cette terre, un peu a la porte du ciel, j’étais à Plougastel-Daoulas.
C’était un véritable festival, décidément oui, comme l’a dit le prince Mychkine, l’Idiot de Dostoïevski :
« La beauté sauvera le monde. »
Le beau, est comme une énergie qui nous fait tourner les yeux vers notre âme, puis vers les autres, vers l’infini, la beauté efface la violence.
Jean-François.