POROSITÉ
Le terme est souvent évoqué concernant le Rite Écossais Ancien et Accepté, comparé à une éponge réceptacle de diverses traditions. Le sujet que j’évoque ce jour est autre et le même à la fois.
La porosité est un ensemble de vides, des pores plus ou moins grands, remplis ou non. La porosité se mesure en pourcentage, elle aussi une capacité de rétention. Le pore est un espace vide dans un matériau, une matière.
L’intensité de notre porosité, révèle notre capacité à faire le vide en nous, première étape du chemin vers l’initiation. La capacité est le potentiel, encore faut-il le mettre en œuvre, être en état de recevoir. « On ne saurait faire boire un âne s’il n’a pas soif. »
Il faut attendre le fameux Kairos des Grecs, le dieu de l’opportunité, il faut être prêt à passer dans le sas entre le profane et le sacré, on ne vient pas à la porte du temple par simple curiosité.
La porosité est donc un état, mais aussi une volonté, un désir de liberté, une intention, un travail, une préparation de son soi, un vide qui précède l’initiation.
Suis-je prêt, est-il prêt, ce sont les questions que doivent se poser à la fois le postulant et son parrain, dans quel état de porosité suis-je ? Cela précède la question :
« Que demandez-vous pour lui ? » Réponse : « La Lumière. »
Est-il prêt, a-t-il subit les épreuves, peut-il supporter la Lumière intense du midi.
L’iconographie du dieu Kairos nous donne la réponse. Sa balance pèse le temps, le pour et le contre, l’état d’âme. L’homme est jeune, beau, souple, rapide, ses épaules et ses pieds sont ailés, il peut donc se libérer, prendre son essor, franchir la porte.
Ce principe du temps favorable des Grecs a été repris par de nombreuses traditions, l’image symbolique Kairos tente de définir ce concept du temps favorable, s’agissant du temps simple c’est déjà difficile, alors le temps favorable ! Comment le saisir, comme cette simple touffe de cheveux, sur le crâne du dieu, ou la main d’un ami qui deviendra un frère.
Mesurer la porosité d’un matériau avec le secours de la physique est possible, mais l’état de porosité d’un être humain est une gageure, on parle volontiers de l’expérience du parrain, qui sera un maître, et de la qualité des enquêtes et des enquêteurs, qui ne seront pas aveuglés par le statut social du postulant, mais soucieux de ses qualités d’homme et de son désir, du bien, du beau.
Combien de fois, j’ai entendu de la bouche du futur parrain :
« J’ai quelqu’un sous le coude, mais il n’est pas encore prêt. »
Je traduirais, par, il n’est pas encore dans un état suffisant de porosité pour recevoir la Lumière.
Et puis un jour arrive où le parrain propose le postulant à l’initiation, le jour où il dit presque comme Saint-Paul :
« C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut. »
Sauf que ce n’est pas la fin, mais le moment du commencement, de fait il est midi, l’heure où les travaux commencent, ou la lumière est au zénith, elle va pénétrer tous les pores vides du postulant, ces yeux vont voir la Lumière, celle qui éclaire tous les hommes.
Il a acquis une sensibilité au monde des symboles, il est dans le désir de les décrypter, d’aller vers la connaissance. Il sent. Il reçoit les messages extérieurs, mais surtout les messages intérieurs, il a compris que la porte est en dedans.
Dans le monde profane l’on dirait qu’il est apte, qu’il a les connaissances. Mais à cet instant, il a en lui une tension qui le pousse vers le sacré, vers sa complétude. Il a fait en lui le vide de ses encombrants, qui empêchaient son cœur de grandir. Il est dans un état de porosité tel qu’il peut se présenter à la porte du temple et entrer dans la loge, il va connaître l’initiation dans sa loge mère.
Jean-François Guerry.