LA PERSÉVÉRANCE
Il y a une forme de risque, de paradoxe dans la persévérance, cette qualité qui n’est pas reconnue comme une vertu, mais qui renforce les vertus de fidélité et de courage. Avec une dose de tempérance associée au travail, elle ne peut pas devenir de l’obstination.
L’injonction faite à l’apprenti franc-maçon travailler persévérer. Est un rappel à ses serments de fidélité, fidèle à lui-même, à l’ordre, à la mémoire des anciens, à la mémoire des traditions. La persévérance est donc un choix, elle devient notre compagne sur le chemin. C’est cette persévérance à faire le bien, à faire bien, qui permet de construire sa vie, de lui donner un sens, une direction.
Bien sûr il est des moments de désespérance, ce sont les moments ou le maniement de l’équerre est indispensable, pour pouvoir persévérer, se stabiliser dans la direction choisie, lentement pour ne pas succomber à l’orgueil, il faut refaire sans cesse le chemin, sinon pourquoi le symbole du labyrinthe. Les chemins étroits, les portes basses, les ponts difficiles à franchir ont besoin de notre persévérance.
Il faut parfois prendre des chemins différents de ceux des autres, se laisser guider par son intuition et sa conscience, au risque d’être incompris. Les braves gens n’aiment pas que - L’on suive une autre route qu’eux. (Georges Brassens)
L’observation de la nature, son éternel recommencement, donne du courage, de la force à notre persévérance. Le parfum des fleurs, le chant des oiseaux étouffé dans nos villes par le vacarme, le désordre de notre vie moderne, ces jours-ci reviennent. L’on se surprend alors à crier : Ah, seigneur mon Dieu ! J’avais oublié. Comme nous avions oublié trop souvent le bonheur, la joie de la fraternité, nous nous rendons compte combien nous manquent nos étreintes, nos accolades fraternelles.
C’est bien une période où nous devons persévérer, garder à l’esprit que l’on n’arrête pas le fleuve de lumière qui coule toujours. Notre chaîne d’union ne peut-être brisée par le temps, nos sœurs et nos frères sont toujours présents.
Cela me rappelle un discours sur la Persévérance du 16 septembre 1993 prononcé lors d’une réunion par A. D, discours où se mêlent les traditions mythiques et la nature. Vingt-sept ans après il reprend une certaine acuité.
« Mon frère, la nature ne te connaît pas ou elle ne te connaît plus. Elle est veuve de toi. C’est peut-être la Grande Veuve à cause de cela. Déméter au nom d’aïeule, Cybèle au nom d’été, Astarté au nom de lune, Isis au nom d’Égypte, ou Aphrodite au nom d’amour, elle t’a perdu toi le grain noirâtre au fond d’un trou d’humus, mais à l’intérieur nanti de toutes tes capacités ; c’est par le travail que tu vas acquérir ta véritable identité pour fleurir de nouveau à la Lumière.
Puisque nous citons la mythologie et quelle est si tenace et persistante dans nos rêves et nos méditations et si persévérante dans la Tradition, laissons-nous aller à l’évocation magique du berceau de Zeus, suspendu entre ciel et terre, dans les branches d’un peuplier par la nymphe Héliké, devant la caverne initiatique du mont Ida crétois. Soyons aussi des Dieux, comme Zeus, attentifs et éternels, et citons encore ces vers d’Homère, pour déjouer malicieusement cette autre image de la persévérance qu’est la tapisserie que tisse inlassablement Pénélope et pour ne pas nous attarder à cette fidélité certes touchantes mais soumise, ainsi le mâle Ulysse décrit la façon dont il avait construit son lit :
« Dans l’enceinte de la cor avait poussé une tige d’olivier. Avec ses feuilles étroites, il était dru et verdoyant, et son tronc avait la largeur d’une colonne. Tout autour je traçai la chambre et la bâtis en blocs étroitement joints. Je la couvris d’un bon toit. Je lui fis des huisseries de bois massif que j’ajustai fortement. Ensuit, je coupai la frondaison de l’olivier aux strictes feuilles. Taillant le tronc depuis la souche, je mis tout mon soin à le bien équarrir en suivant le fil à plomb et j’en façonnai l’unique pied d’un lit. Puis avec une tarière je le perçai de toutes parts. Sur ce support je montai la menuiserie du lit, que je décorai d’appliques d’or, d’argent et d’ivoire. Je tendis enfin une sangle de cuir, toute brillante de pourpre. »
Bel exemple de persévérance, qui peut nous inspirer pour la construction de nos temples intérieurs. Cette persévérance en ces moments difficiles doit nous permettre de combattre la mort.
En cette période où nous ne pouvons pas joindre nos mains, est propice pour nous rappeler, l’indispensable persévérance à participer humblement au grand œuvre, en répondant présent dans le monde, ou encore en loge dès que cela sera possible.
Nous rappelant qu’il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer. Mais que nous devons garder en nous l’espérance, pour que la joie soit toujours dans nos cœurs.
Jean-François Guerry.
La vie n'est facile pour aucun de nous. Mais quoi, il faut avoir de la persévérance, et surtout de la confiance en soi. Il faut croire que l'on est doué pour quelque chose, et que, cette chose, il faut l'atteindre coûte que coûte.
Marie Curie.
Ce que j'aime en toi, c'est que tu continues tes travaux avec persévérance et âpreté, choses rares à notre époque où petits et grands ne travaillent que par fragments, sans avoir les uns ni la vue, les autres ni le courage de l'ensemble.
Citation de Gustave Flaubert ; Lettre à Emmanuel Vasse, le 4 juin 1846.
Quand vous avez fait une bonne œuvre, ne sentez-vous pas au dedans de vous-même quelque chose qui vous remue délicieusement ? Que peuvent donc contre vous les dénégations sarcastiques de l'incrédulité ? Le sentiment n'est-il pas une évidence ? Vous avez fait du bien, vous en avez été payé par une joie intérieure, c'est là une récompense bien réelle. On vous en promet une plus grande encore si vous persévérez. Persévérez donc, votre première récompense vous garantit la dernière.
Citation de Alfred Auguste Pilavoine ; Les pensées, mélanges et poésies (1845)
Savoir clairement ce qu'on veut, ce qu'on peut, ce qu'on doit facilite beaucoup la vie et donne du goût à la bataille. Mais ce qui nuit autant que le défaut d'ordre, c'est le manque de persévérance et de continuité. Si tu ne sais pas additionner tes efforts, tes idées, tes élans, par conséquent ton travail s'émiette, ta pensée se disperse, ta volonté s'évapore.
Citation de Henri-Frédéric Amiel ; Journal intime, le 17 octobre 1873.
Les travailleurs de la mer - Victor Hugo