LE JOUR D’APRÈS, LE JOUR D’AVANT…
On parle en ce moment que du « jour d’après », avec un certain fonds de gourmandise, comme si le jour d’avant été déjà oublié et que le jour présent était définitivement passé. Les experts comptables, les vrais, pas les experts en comptabilité, vous diront que pour faire un plan, un projet sérieux, il faut faire un bilan et qu’un bilan sans inventaire n’est pas un bilan sincère et véritable.
Le jour présent comme un paradoxe au regard de la situation, remet en lumière ce que nous avions oublié ou ne voulions pas voir, que nos soignants, nos aides « à la personne », nos pompiers, nos policiers, nos caissières, nos chauffeurs routiers, toutes les personnes qui s’occupent de nos parents et de nos grands-parents dont nous ne voulons plus chez nous, ne sont pas biens mobiliers, mais des êtres vivants indispensables, bien plus, je m’excuse que nos traders, nos banquiers, tous nos technos.
Forts de ce constat, nous commençons à tirer sur les ambulances, l’indignation, puis l’intolérance, puis la violence, se font jour, évitons si possible d’en arriver à préférer la vengeance à la justice.
Reconnaissons aussi avec humilité, notre propre turpitude, notre part de responsabilité, suis-je descendu dans la rue pour manifester avec les soignants qui réclamaient plus de moyens, ai-je soutenu les pompiers qui se faisaient insulter dans nos banlieues, ai-je pris en compte la souffrance des policiers qui se suicident, comme nos agriculteurs et nos éleveurs chaque jour etc…
Il ne s’agit pas de s’autoflageller, mais pas non plus, de désigner des boucs émissaires, ce n’est pas moi, c’est l’autre, mais l’autre c’est aussi moi.
Il ne s’agit pas non plus de tomber dans une forme de tolérance totale, qui générerait une impunité récurrente. Mais comment ignorer que nous avons chacun une part de responsabilité, avec notre je n’ai rien dit, ou j’ai laissé faire, ce n’était pas mon problème. Je me suis fabriqué à bon compte une bonne conscience. Mon intérêt individuel à chaque fois a été plus fort, que l’intérêt collectif, l’intérêt national, l’intérêt européen.
Nous avons confondu l’universel et le mondialisme, les valeurs, les vertus et les marchandises. Marc Halévy fait ce constat :
« Nous vivons, en notre époque troublée et déboussolée, un refus de toutes les généalogies : rien n’est hérité, tout pourrait s’inventer à sa guise ; Il n’y aurait plus, dit-on, ni races, ni sexes, ni genres, ni langues, ni croyances, ni cultures… Chacun revendiquerait le droit absolu de se choisir intégralement. Et prétendre le contraire serait immédiatement assimilé à du racisme, de l’homophobie, de l’islamophobie, du sexisme … Quel triste délire ! »
Il ne faudrait pas parler de nation, de patrimoine national, de traditions, de racines, de culture particulière, cela n’aurait aucun sens, nous sommes européens, citoyens du monde, soldats du monde et non de l’universel. Il y aurait une contradiction entre nos cultures régionales, nationales et notre universalité ? Autant de barbes, de logorrhées, pour justifier notre inaction, notre manque volonté, pour servir la loi du marché.
Alors étant tous concernés, dans ce « jour d’après », il nous faudra avoir la force d’être plus tolérants avec les autres, moins d’arrogance, de fausses écoutes, de débats stériles, plus d’honneur et de joie dans nos actions collectives, sans faiblesse. Il nous faudra surtout être un peu moins tolérant avec nous-mêmes.
Jean-François Guerry.
Réflexion sur la tolérance :
La tolérance est une vertu maçonnique, elle est liée à la fraternité. Elle est un beau sujet souvent proposé aux bacheliers sous diverses formes :
« Juger qu’il y a de l’intolérable, est-ce toujours faire preuve d’intolérance ? »
Ou encore :
« Etre tolérant, est-ce tout tolérer. »
Vous avez quatre heures. L’on peut dire que la tolérance à défaut d’être classée dans les grandes vertus est une douce vertu, elle est apaisante, elle permet de faire vivre le collectif. Elle impose néanmoins une autre vertu plus volontaire la vigilance, qui fait appel à notre liberté de penser.
La tolérance nous évite de retomber dans la barbarie, dont nous sommes affranchis en pratiquant la justice, elle est une porte ouverte vers l’amour fraternel.
Je vous propose la relecture du traité sur la tolérance de Voltaire.
Traité sur la Tolérance
« Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps, s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité et imperceptibles au reste de l’Univers, d’oser te demander quelque chose à Toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature. Que ces erreurs ne fassent point nos calamités.
Tu ne nous as pas donné un cœur pour nous haïr et des mains pour nous égorger. Fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère.
Que les petites différences
entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps,
entre tous nos langages insuffisants,
entre tous nos usages ridicules,
entre toutes nos lois imparfaites,
entre toutes nos opinions insensées,
entre toutes nos conditions si disproportionnées, à nos yeux et si égales devant Toi, fais que toutes ces petites nuances qui distinguent ces atomes appelés « hommes » ne soient pas des signaux de haine et persécution.
Que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière du soleil.
Que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire.
Qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue ou dans un jargon plus nouveau.
Puissent se souvenir tous les hommes qu’ils sont frères, qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les faibles.
Si les guerres sont inévitables, du moins fais que ne nous déchirions pas les uns les autres au nom de la Paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également, en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, Ta bonté qui nous a donné cet instant !
Voltaire
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Jean-François.
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